pratiquer une saignée ; l’état du prince ne donne aucune inquiétude.
— La grande affaire aux Etats-Unis est la candidature des aspirants à la présidence de la République. Voici le résumé des autres nouvelles :
« Le mouvement de Rebolledo au Mexique est formidable ; les insurgés marchaient contre Jalapa dans le but de couper à Orizaba ses relations avec Vera-Cruz. On parlait de troubles à Mazatlan et à Tampico.
« Il y a eu au sénat, le 13, des débats sérieux sur l’affaire des pêcheries. M. Soulé avait réclamé pour les Américains le droit de pêcher partout à trois milles des côtes, et avait dit qu’il fallait plutôt s’exposer à la guerre que de se soumettre. On espérait pourtant que tout s’arrangerait à l a miable.
« M. Webster a dénié au Pérou la souveraineté des îles Lobos, où se recueille le guano, et a envoyé un bâtiment de guerre sur les lieux.
Les nouvelles de l’Equateur vont jusqu’au 28 juillet : Florès avait été complètement défait par suite de la trahi
son du steamer Chili, qui avait passé à l’ennemi avec une partie de ses troupes. Il avait été obligé de se frayer un che
min à travers l’ennemi, et avait gagné, au milieu des plus grandes difficultés, le territoire péruvien.
— L’émigration anglaise pour l’Australie, les Etats-Unis, les Indes Orientales et Occidentales, s’accroît, d’après les do
cuments et les rapports officiels, dans des proportions telles, que, d’après toutes les probabilités, pendant l’aimée pré
sente 1852, près de 500,000 personnes auront quitté la Grande-Bretagne , l Irlande et les îles voisines comprises,
pour aller coloniser divers points du globe. Avant la fin du mois d’août, quatre cents vaisseaux de 500 à 2,000 ton
neaux partiront pour diverses provinces australiennes, des ports de Londres, de Liverpool et de Plymouth. En moyenne, il part û0,000 personnes par semaine des divers points du Royaume-Uni; l’Australie seule en absorbe 200,000 par année. Les découvertes de mines d’or n’ont pas continué ; mais une route de 338 milles anglais de longueur a été tra
cée et commence 0 être praticable entre le Port-Adélaïde et les régions de l’or, et celle circonstance a singulièrement augmenté le nombre des émigrants, ainsi que la valeur des mines.
— La question si contestée de la souveraineté des îles de la Société vient de se terminer enfin par la reconnaissance du fils aîné de la reine Pomaré comme roi de Raialea, de son second fils comme roi de Iluahiua, et de sa fille comme reine de Bolobolo. Une alliance matrimoniale était projetée entre cette dernière et le prince Kamehameha, des îles Sandwich. Paulin.
Courrier de Paris.
On s’était bien promis de n’y plus revenir; mais, en dépit d’un ciel nébuleux et de cette température contradictoire, l’été et ses agréments tiennent bon. Cette belle saison, qui
aura bien duré quinze jours, à supposer qu’elle soit tout à fait perdue, on la retrouverait aisément sur les affiches. La banlieue y promet monts et merveilles à ses visiteurs. Il en résulte que le plus grand bruit de cette semaine, c’est encore le train de plaisir qui emportait dimanche nos Parisiens de toutes les classes à Fontainebleau.
Il faut applaudir à cette nouvelle découverte, de la spéculation, car enfin Rambouillet, Saint-Cloud, Versailles et leurs divertissements hydrauliques, il y a trop longtemps que cela dure; c.’est une séduction qui est toujours la même séduction ; l’imagination de nos citadins n’a plus rien à y faire. On a tant de fois parcouru cette route, gravi cette colline, admiré ces boulingrins, et tant de fois mangé du melon à l’ombre de ces arbres sempiternels! Au contraire, à Fontainebleau, vous avez d’abord la forêt, une forêt vierge, ou peu s’en faut, pour les plus curieux ; vous avez surtout le château, vaste poème bâti de souvenirs merveilleux et de légendes mémorables. A ce rendez-vous de châ
teaux, comme l’appelait Canning, chacun des règnes de nos rois les plus magnifiques et les plus populaires a laissé sa trace radieuse. On y voit la chapelle de Louis le Jeune, commencée par Philippe-Auguste, â côté du pavillon construit par Louis IX, — ce que le saint roi appelait ses dé
du château, c’était celle de Louis XI ; son musée, c’est le musée de François 1“ et de Catherine de Médicis. Dans ces appartements splendides, Henri IV se trouvait plus commo
dément qu’au Louvre. Louis XIII y naquit, et Louis XIV y serait mort, s’il ne se fût avisé de bâtir à Versailles un autre Fontainebleau en raccourci. Rappelez-vous encore l’événe
ment le plus dramatique des temps modernes, les adieux de Fontainebleau, et convenez que la spéculation pouvait très-bien épargner à la curiosité publique ces autres ve
nez-y voir d’invention moderne : bal champêtre, concert, feu d’artifice, et le reste, il est douteux d’ailleurs qu’aucun de ces détails procure aux curiosités anciennes ou nouvelles de Fontainebleau plus de visiteurs que la fameuse carpe trois fois séculaire qui est censée barboter dans le principal
étang du parc, et dont la queue s’orne d’un anneau qu’y aurait attaché François Ie . Cette carpe du roi-chevalier, — ceci soit dit pour l’instruction des badauds, — ressemble beaucoup à celle que Bilboquet a vue au marché, car le cicérone mis en demeure de vous la faire voir, ne manque ja
mais de vous dire, moyennant rétribution : « Je vous la montrerai la semaine prochaine. »
Autre nouveauté de Pextra-muros : l’ouverture de la chasse. Depuis hier, ce grand tapage d’explosions innocen
tes, de Médors qui aboient et de volatiles effarouchés, c’est le chasseur qui en est l’auteur. Gare aux lièvres et aux per
ladroits qui tirent si juste!.. C’est pourquoi la police vient de leur signifier, par ordonnance, qu’ils eussent à ménager
leur poudre : passé deux kilos , il ne leur est plus permis d’en brûler. Au fait, pourquoi des chasseurs, quand il n’y a plus de chasse digne de ce nom ? Encore une fois, que sont devenues ces grandes fêtes de saint Hubert qui se cé
lébraient dans nos environs, et dont l’appareil seul faisait tableau ? Au lieu de la chasse splendide et giboyeuse, vous voyez maintenant nos Robins des Bois rentrer au logis les mains noircies et le carnier vide ; non-seulement leurs coups sont comptés, mais encore dans beaucoup de localités la peur de l’hydrophobie, qui galoppe les populations, obligé le chasseur à museler son compagnon de plai
sir. Comment d’ailleurs lancer Médor à la poursuite du gibier, avec la perspective de lui voir avaler quelque bou
lette? A propos de boulettes, des mathématiciens très forts ont calculé que cette dernière Saint-Barthélemy de la race canine avait coûté la vie à cinq cent mille de ses représen
tants; un calcul non moins intéressant évalue à plusieurs millions le nombre de ces bouches inutiles qui restent encore sur leurs pattes.
A Paris, où les démolitions continuent de plus belle,on reparle d’un procédé de mécanique déjà ancien, au moyen duquel les monuments de la capitale seraient transporta
bles à volonté. L’édilité parisienne songerait à en faire l’essai prochainement avec la tour Saint-Jacques la Boucherie, qui irait figurer dans la nouvelle rue de Rivoli. Devant ce changement à vue, ce qui doit crouler évidemment, c’est ce vieil axiome de la sagesse humaine : on ne remue pas les masses sans danger. La translation de, l’obélisque de l.tixor est alléguée comme précédent du succès qu’on espère, il est vrai que ces fantaisies d’ingénieur coûtent cher, mais on vous objecte l’utilité, et puis, ce monument une fois déra
ciné, viendra le tour des autres, si bien que nous allons voir des villes entières voyager comme leurs habitants, et, avec les chemins de fer, cela peut les mener bien loin.
Cependant, en l’absence de ses premiers rôles, de quoi s’occuperait le monde parisien, si ce n’est des étrangers qui lui arrivent? Au premier rang figure MUe Jenny Lind, qui n’est plus cantatrice que de nom, et semble avoir renoncé au théâtre, à ses pompes et à ses œuvres ; du moins paraît-il certain que les Parisiens n’enlendront pas la voix de la sirène : elle se refuse obstinément à les enchanter. Ne cher
chez pas les motifs de cette réserve, l’envie les a trouvés :
elle prétend que l’éminente artiste craint de compromettre à Paris cette brillante renommée conquise ailleurs, et qu’elle veut s’épargner le désagrément de s’entendre dire ce que le barbier disait du roi Midas : « L’Amérique a des oreilles d’âne... en musique. » Cette grande nation des Etats-Unis, que l’Europe tourne si volontiers en ridicule, faute de pouvoir l’imiter, sait du moins honorer ses bien
faiteurs jusque dans leur descendance la plus reculée. Ce que la France elle-même n’a pas fait pour la postérité de quelqu’un de ses grands hommes, ce peuple de marchands l’a accompli en faveur d’une dame italienne, la signora America Vespucci, dotée de territoires immenses sur ce continent qui porte le nom de son aïeul. Il va sans dire ce
pendant que la venue de Mn,e Vespucci à Paris sera moins remarquée que celle de M. le général autrichien Haynau.
Ce personnage est visible chaque soir, chez Tortoni, où sa présence, disent les journaux, avait causé dimanche un
commencement d’émotion, mais l’émotion n’a pas eu de suite, et il faut bien admirer ce respect du droit des gens à l’égard d’un homme qui l’a si brutalement foulé aux pieds.
Pendant que l’Amérique rend Jenny Lind à l’Europe, l’Europe lui donne l’Alboni. Nous avons lu déjà le récit de l’épouvantable catastrophe arrivée sur la rivière d’Hudson, à la suite d’une course à la vapeur entre les deux steamboats le Henry Clay et C Armonia. Eh bien, l’Alboni, ma
riée de la veille à un jeune Milanais, se trouvait à bord du Henry Clay. Heureusement pour elle, c’est C Armonia qui fut vaincu dans la lutte, et déplorablement incendié avec une centaine de passagers. La célèbre cantatrice est arrivée saine et sauve, à New-York, avec sa famille.
A propos de scandale, on a fort remarqué un article du Constitutionnel publié sous la rubrique : lin prince perdu, et dirigé contre une puissance assurément fort inoffensive,
celle du duc de Parme. Est-ce une distraction, est-ce une rancune du patriarche qui s’est senti assez compromis pour désavouer son incartade? Le journal de M. Véron prenant à partie une tête couronnée, passe encore ; mais tirer à boulets rouges sur un parvenu, quel oubli... de toutes les con
venances, ainsi que le disait le lendemain le docteur luimême. Il nous semble que cette biographie de sir Thomas Ward est assez piquante, c’est dommage qu’elle ne soit pas plus véridique. Le point de départ de M. Ward, aujour
d’hui comte, ministre et régent de l’état de Parme, ne fut pas seulement l’écurie, mais encore la médecine. Il était médecin-vétérinaire du souverain de Lucques. « Ce prince, ajoute le biographe du Constitutionnel, qui se flattait de gouverner admirablement ses sujets et ne pouvait maintenir un cheval, se prit à penser que Ward devait être supé
rieurement organisé pour le maniement des hommes, et il en fit son conseiller intime ; et comme le conseiller avait monté au duc des écuries sans rivales et qu’il avait trouvé le moyen d’en réduire la dépense de moitié, le duc en conclut qu’il avait sous la main le meilleur ministre des finances. Bref, lors de son abdication en 1849, le prince de Luc
ques légua sir Thomas comme le meilleur des conseillers à son fils, qui put ainsi approfondir, sous le même maître, l’art d’élever les chevaux et de gouverner les hommes. »
L’article entier, écrit sur ce ton, est charmant d’atticisme, d’adresse et même d’à-propos, car il faut savoir que le prince si finement raillé est un exilé volontaire qui habite Paris, où il devait se croire à l’abri des sarcasmes du Constitutionnel.
Puisque nous en sommes aux surprises de la semaine passée, je recommande à vos souvenirs l’homélie intitulée tiegrets, par M. Sainte-Beuve, celui que Balzac appelait si
plaisamment Sainte-Bévue. Le but de ce méchant factum, qui est un factum méchant sous sa forme douceureuse et compassée, on le chercherait encore si des citations com
plaisantes ne lui avaient pas donné son véritable sens.
M. Sainte-Beuve, qui se confiait en conversions, voudrait convertir les autres; c’pst un Philinte qui trouve décidément que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Convertir à quoi? voilà la question sur la
rement. Il semble çà et là que ce singulier Pierre l’Ermite hésite à prêcher la croisade jusqu’au bout; le plus souvent sa pensée ne sort du nuage qui l’enveloppe que par des ci
tations ; « Il est inutile de se fâcher con tre les choses, s’écriet-il en dénaturant M *· de Staël, car cela ne leur fait rien du tout. « Ailleurs, il parle du dépit, de toutes les passions la plus petite, en homme pleip de. son sujet, et c’est après avoir écrit la phrase suivante qu il déclare que, de toutes les dispositions d’esprit, l’ironje est la moins intelligente: «Les affections et les principes, je les conçois et je les respecte éga
lement. Si donc il est des hommes qui aient gardé le culte des purs sentiments libéraux et conservé le premier idéal de la nature humaine, je leur accorde tout, de tels modèles
sont beaux de temps en temps à contempler à distance dans l’histoire. Honneur aux Thraséas ! et si la France en possède deux ou trois, qu’elle en garde le buste en attendant la statue ! »
Les somnambules ont reparu... devant la justice. Ce n’est pas leur science, — puisque c’en est une, — qui se trouve incriminée, mais le profit illégal qu’ils en tirent. On sait que ces messieurs et ces dames se piquent de deviner les yeux fermés ce que le commun des hommes ne saurait devi
ner les yeux ouverts, et qu’ils font métier et marchandise de leur découverte ; c’est ce que le parquet ne saurait souf
frir, la profession de devin étant formellement interdite par l’article Û79 du Code pénal. Le célèbre Alexis n’avait pas deviné celui-là, lorsqu’il faisait retrouver à Mme la duchesse trois étoiles un bijou dérobé par n’importe qui, n’importe OÙ, et qu’il tambourinait son tour de force dans le journal la Patrie. Voilà tout le procès à propos duquel l’éloquent défenseur des prévenus, — M. Jules Favre, —raconte l’historiette que voici : « Dernièrement le commissaire de police de Montargis voulut se donner le passe-temps d’expé
riences magnétiques en présence d’un inspecteur général, et l’épreuve fut telle, qu’on en conclut qu’il faudrait attacher une somnambule à chaque bureau de police. »
Dans le monde politique, s’il nous est permis d’y fourrer le bec de la plume, on a parlé du changement de ministère en Orient, et de la convocation des chambres des îles Sandwich. Après quoi, pour le surplus de la chronique pari
sienne, on peut vous renvoyer à ce passage de Candide : « Ecoutez bien, mon enfant, dit le maître à l’ingénu : à Paris, on ne connaît que deux occupations capitales : la pre
mière, c’est de faire l’amour, et la seconde, de médire ; et
puis, figurez-vous une presse où tout le monde cherche le plaisir que chacun finit par ne pas trouver. »
Mais le théâtre ? peu de chose. U · Rachel est de retour, et achève la lune de miel de son congé sous les ombrages de Montmorency. La tragédie, qui avait l’oreille basse, re
lève fièrement la tête, Hennione est affichée et la location espère. Pour que MUe Rachel reparaisse, il faut qu’un cer
tain nombre de loges soit retenu à l’avance; l’usage a force de loi, sinon nous faisons relâche par indisposition : règle
générale, quand Mlie Rachel est Indisposée, c’est contre la recette. En attendant, le Théâtre-Français a repris Marie ou les trois époques, une comédie oubliée depuis quinze ans, et amusante comme une légende. Dieu nous préserve de toute narration qui vous mettrait en pénitence; mais en
fin, pour que vous le sachiez, cette Marie, on devrait dire Sainte-Marie, est une pauvre femme, mère et martyre, qui se sacrifie à son père, à son mari, à sa fille, à son amant, à tout le monde.
Sa vie est un combat dont la palme est aux deux.
Cette Marie, qui toujours pleure et toujours crie, parut touchante il y a seize ans, du temps de Mlle Mars; elle y mettait la passion, l’accent et les larmes, — ni trop de sen
sibilité, ni trop peu. — C’était l’élégie vivante dans une pièce morte, la poésie du sentiment et l’hymne du sacrifice.
Aujourd’hui Marie est Mlle Denain, qui ne pleure pas son rôle, mais qui le pleurniche. Les autres acteurs ont paru aussi maussades que la pièce ; ces messieurs et ces dames voulaient être mauvais, et ils y ont parfaitement réussi.
A la Montansier, après le Misanthrope, le Trou des lapins, comme on dit au bout du succès la culbute. Dans le vocabulaire de la Courlille, lapin est le synonyme de bambocbard. Deux de ces messieurs vivaient en paix; une gri
sette survint, et. voilà la guerre allumée. Sur cette donnée vieillotte s’échafaude tant bien que mal, et plutôt mal que bien, un tableau soi-disant populaire. Quoi! tous ces bra
ves gens n’ont pas d’autre métier que celui d’ivrogne, ils ne connaissent pas d’autre langage que l’argot des bagnes.
Allons, mes amis, dit le doyen de la corporation, nous avons des roues de derrière (écus de cent sous) pour fêter le rnagzingue (marchand devin), et ce sera un peu rupp, c’est à dire chouette. La pièce est froide malgré ses préten
tions bachiques, et la Montansier aurait pu s’en passer ;
mais, le vin tiré, il fallait le boire. Je doute que Téniers ou Goya aient jamais trouvé au bout de leur crayon un vi
Aujourd’hui la disette, et demain l’abondance. Al’Odéon la réouverture ; Roquelaure à l’Ambigu, et Richard III à la Porte Saint-Martin ; au Gymnase, le Démon du foyer, par Georges Sand ; au Vaudeville, la Femme du monde, pour faire suite à la Dame aux Camélias. Enfin, aux Va
riétés , les Etudiants de Paris, et ailleurs l’inconnu : quelle chance !
Philippe Busoni.
— La grande affaire aux Etats-Unis est la candidature des aspirants à la présidence de la République. Voici le résumé des autres nouvelles :
« Le mouvement de Rebolledo au Mexique est formidable ; les insurgés marchaient contre Jalapa dans le but de couper à Orizaba ses relations avec Vera-Cruz. On parlait de troubles à Mazatlan et à Tampico.
« Il y a eu au sénat, le 13, des débats sérieux sur l’affaire des pêcheries. M. Soulé avait réclamé pour les Américains le droit de pêcher partout à trois milles des côtes, et avait dit qu’il fallait plutôt s’exposer à la guerre que de se soumettre. On espérait pourtant que tout s’arrangerait à l a miable.
« M. Webster a dénié au Pérou la souveraineté des îles Lobos, où se recueille le guano, et a envoyé un bâtiment de guerre sur les lieux.
Les nouvelles de l’Equateur vont jusqu’au 28 juillet : Florès avait été complètement défait par suite de la trahi
son du steamer Chili, qui avait passé à l’ennemi avec une partie de ses troupes. Il avait été obligé de se frayer un che
min à travers l’ennemi, et avait gagné, au milieu des plus grandes difficultés, le territoire péruvien.
— L’émigration anglaise pour l’Australie, les Etats-Unis, les Indes Orientales et Occidentales, s’accroît, d’après les do
cuments et les rapports officiels, dans des proportions telles, que, d’après toutes les probabilités, pendant l’aimée pré
sente 1852, près de 500,000 personnes auront quitté la Grande-Bretagne , l Irlande et les îles voisines comprises,
pour aller coloniser divers points du globe. Avant la fin du mois d’août, quatre cents vaisseaux de 500 à 2,000 ton
neaux partiront pour diverses provinces australiennes, des ports de Londres, de Liverpool et de Plymouth. En moyenne, il part û0,000 personnes par semaine des divers points du Royaume-Uni; l’Australie seule en absorbe 200,000 par année. Les découvertes de mines d’or n’ont pas continué ; mais une route de 338 milles anglais de longueur a été tra
cée et commence 0 être praticable entre le Port-Adélaïde et les régions de l’or, et celle circonstance a singulièrement augmenté le nombre des émigrants, ainsi que la valeur des mines.
— La question si contestée de la souveraineté des îles de la Société vient de se terminer enfin par la reconnaissance du fils aîné de la reine Pomaré comme roi de Raialea, de son second fils comme roi de Iluahiua, et de sa fille comme reine de Bolobolo. Une alliance matrimoniale était projetée entre cette dernière et le prince Kamehameha, des îles Sandwich. Paulin.
Courrier de Paris.
On s’était bien promis de n’y plus revenir; mais, en dépit d’un ciel nébuleux et de cette température contradictoire, l’été et ses agréments tiennent bon. Cette belle saison, qui
aura bien duré quinze jours, à supposer qu’elle soit tout à fait perdue, on la retrouverait aisément sur les affiches. La banlieue y promet monts et merveilles à ses visiteurs. Il en résulte que le plus grand bruit de cette semaine, c’est encore le train de plaisir qui emportait dimanche nos Parisiens de toutes les classes à Fontainebleau.
Il faut applaudir à cette nouvelle découverte, de la spéculation, car enfin Rambouillet, Saint-Cloud, Versailles et leurs divertissements hydrauliques, il y a trop longtemps que cela dure; c.’est une séduction qui est toujours la même séduction ; l’imagination de nos citadins n’a plus rien à y faire. On a tant de fois parcouru cette route, gravi cette colline, admiré ces boulingrins, et tant de fois mangé du melon à l’ombre de ces arbres sempiternels! Au contraire, à Fontainebleau, vous avez d’abord la forêt, une forêt vierge, ou peu s’en faut, pour les plus curieux ; vous avez surtout le château, vaste poème bâti de souvenirs merveilleux et de légendes mémorables. A ce rendez-vous de châ
teaux, comme l’appelait Canning, chacun des règnes de nos rois les plus magnifiques et les plus populaires a laissé sa trace radieuse. On y voit la chapelle de Louis le Jeune, commencée par Philippe-Auguste, â côté du pavillon construit par Louis IX, — ce que le saint roi appelait ses dé
serts, — et retrouvé par Louis-Philippe. La bibliothèque
du château, c’était celle de Louis XI ; son musée, c’est le musée de François 1“ et de Catherine de Médicis. Dans ces appartements splendides, Henri IV se trouvait plus commo
dément qu’au Louvre. Louis XIII y naquit, et Louis XIV y serait mort, s’il ne se fût avisé de bâtir à Versailles un autre Fontainebleau en raccourci. Rappelez-vous encore l’événe
ment le plus dramatique des temps modernes, les adieux de Fontainebleau, et convenez que la spéculation pouvait très-bien épargner à la curiosité publique ces autres ve
nez-y voir d’invention moderne : bal champêtre, concert, feu d’artifice, et le reste, il est douteux d’ailleurs qu’aucun de ces détails procure aux curiosités anciennes ou nouvelles de Fontainebleau plus de visiteurs que la fameuse carpe trois fois séculaire qui est censée barboter dans le principal
étang du parc, et dont la queue s’orne d’un anneau qu’y aurait attaché François Ie . Cette carpe du roi-chevalier, — ceci soit dit pour l’instruction des badauds, — ressemble beaucoup à celle que Bilboquet a vue au marché, car le cicérone mis en demeure de vous la faire voir, ne manque ja
mais de vous dire, moyennant rétribution : « Je vous la montrerai la semaine prochaine. »
Autre nouveauté de Pextra-muros : l’ouverture de la chasse. Depuis hier, ce grand tapage d’explosions innocen
tes, de Médors qui aboient et de volatiles effarouchés, c’est le chasseur qui en est l’auteur. Gare aux lièvres et aux per
drix, mais surtout gare aux promeneurs, il y a tant de ma
ladroits qui tirent si juste!.. C’est pourquoi la police vient de leur signifier, par ordonnance, qu’ils eussent à ménager
leur poudre : passé deux kilos , il ne leur est plus permis d’en brûler. Au fait, pourquoi des chasseurs, quand il n’y a plus de chasse digne de ce nom ? Encore une fois, que sont devenues ces grandes fêtes de saint Hubert qui se cé
lébraient dans nos environs, et dont l’appareil seul faisait tableau ? Au lieu de la chasse splendide et giboyeuse, vous voyez maintenant nos Robins des Bois rentrer au logis les mains noircies et le carnier vide ; non-seulement leurs coups sont comptés, mais encore dans beaucoup de localités la peur de l’hydrophobie, qui galoppe les populations, obligé le chasseur à museler son compagnon de plai
sir. Comment d’ailleurs lancer Médor à la poursuite du gibier, avec la perspective de lui voir avaler quelque bou
lette? A propos de boulettes, des mathématiciens très forts ont calculé que cette dernière Saint-Barthélemy de la race canine avait coûté la vie à cinq cent mille de ses représen
tants; un calcul non moins intéressant évalue à plusieurs millions le nombre de ces bouches inutiles qui restent encore sur leurs pattes.
A Paris, où les démolitions continuent de plus belle,on reparle d’un procédé de mécanique déjà ancien, au moyen duquel les monuments de la capitale seraient transporta
bles à volonté. L’édilité parisienne songerait à en faire l’essai prochainement avec la tour Saint-Jacques la Boucherie, qui irait figurer dans la nouvelle rue de Rivoli. Devant ce changement à vue, ce qui doit crouler évidemment, c’est ce vieil axiome de la sagesse humaine : on ne remue pas les masses sans danger. La translation de, l’obélisque de l.tixor est alléguée comme précédent du succès qu’on espère, il est vrai que ces fantaisies d’ingénieur coûtent cher, mais on vous objecte l’utilité, et puis, ce monument une fois déra
ciné, viendra le tour des autres, si bien que nous allons voir des villes entières voyager comme leurs habitants, et, avec les chemins de fer, cela peut les mener bien loin.
Cependant, en l’absence de ses premiers rôles, de quoi s’occuperait le monde parisien, si ce n’est des étrangers qui lui arrivent? Au premier rang figure MUe Jenny Lind, qui n’est plus cantatrice que de nom, et semble avoir renoncé au théâtre, à ses pompes et à ses œuvres ; du moins paraît-il certain que les Parisiens n’enlendront pas la voix de la sirène : elle se refuse obstinément à les enchanter. Ne cher
chez pas les motifs de cette réserve, l’envie les a trouvés :
elle prétend que l’éminente artiste craint de compromettre à Paris cette brillante renommée conquise ailleurs, et qu’elle veut s’épargner le désagrément de s’entendre dire ce que le barbier disait du roi Midas : « L’Amérique a des oreilles d’âne... en musique. » Cette grande nation des Etats-Unis, que l’Europe tourne si volontiers en ridicule, faute de pouvoir l’imiter, sait du moins honorer ses bien
faiteurs jusque dans leur descendance la plus reculée. Ce que la France elle-même n’a pas fait pour la postérité de quelqu’un de ses grands hommes, ce peuple de marchands l’a accompli en faveur d’une dame italienne, la signora America Vespucci, dotée de territoires immenses sur ce continent qui porte le nom de son aïeul. Il va sans dire ce
pendant que la venue de Mn,e Vespucci à Paris sera moins remarquée que celle de M. le général autrichien Haynau.
Ce personnage est visible chaque soir, chez Tortoni, où sa présence, disent les journaux, avait causé dimanche un
commencement d’émotion, mais l’émotion n’a pas eu de suite, et il faut bien admirer ce respect du droit des gens à l’égard d’un homme qui l’a si brutalement foulé aux pieds.
Pendant que l’Amérique rend Jenny Lind à l’Europe, l’Europe lui donne l’Alboni. Nous avons lu déjà le récit de l’épouvantable catastrophe arrivée sur la rivière d’Hudson, à la suite d’une course à la vapeur entre les deux steamboats le Henry Clay et C Armonia. Eh bien, l’Alboni, ma
riée de la veille à un jeune Milanais, se trouvait à bord du Henry Clay. Heureusement pour elle, c’est C Armonia qui fut vaincu dans la lutte, et déplorablement incendié avec une centaine de passagers. La célèbre cantatrice est arrivée saine et sauve, à New-York, avec sa famille.
A propos de scandale, on a fort remarqué un article du Constitutionnel publié sous la rubrique : lin prince perdu, et dirigé contre une puissance assurément fort inoffensive,
celle du duc de Parme. Est-ce une distraction, est-ce une rancune du patriarche qui s’est senti assez compromis pour désavouer son incartade? Le journal de M. Véron prenant à partie une tête couronnée, passe encore ; mais tirer à boulets rouges sur un parvenu, quel oubli... de toutes les con
venances, ainsi que le disait le lendemain le docteur luimême. Il nous semble que cette biographie de sir Thomas Ward est assez piquante, c’est dommage qu’elle ne soit pas plus véridique. Le point de départ de M. Ward, aujour
d’hui comte, ministre et régent de l’état de Parme, ne fut pas seulement l’écurie, mais encore la médecine. Il était médecin-vétérinaire du souverain de Lucques. « Ce prince, ajoute le biographe du Constitutionnel, qui se flattait de gouverner admirablement ses sujets et ne pouvait maintenir un cheval, se prit à penser que Ward devait être supé
rieurement organisé pour le maniement des hommes, et il en fit son conseiller intime ; et comme le conseiller avait monté au duc des écuries sans rivales et qu’il avait trouvé le moyen d’en réduire la dépense de moitié, le duc en conclut qu’il avait sous la main le meilleur ministre des finances. Bref, lors de son abdication en 1849, le prince de Luc
ques légua sir Thomas comme le meilleur des conseillers à son fils, qui put ainsi approfondir, sous le même maître, l’art d’élever les chevaux et de gouverner les hommes. »
L’article entier, écrit sur ce ton, est charmant d’atticisme, d’adresse et même d’à-propos, car il faut savoir que le prince si finement raillé est un exilé volontaire qui habite Paris, où il devait se croire à l’abri des sarcasmes du Constitutionnel.
Puisque nous en sommes aux surprises de la semaine passée, je recommande à vos souvenirs l’homélie intitulée tiegrets, par M. Sainte-Beuve, celui que Balzac appelait si
plaisamment Sainte-Bévue. Le but de ce méchant factum, qui est un factum méchant sous sa forme douceureuse et compassée, on le chercherait encore si des citations com
plaisantes ne lui avaient pas donné son véritable sens.
M. Sainte-Beuve, qui se confiait en conversions, voudrait convertir les autres; c’pst un Philinte qui trouve décidément que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Convertir à quoi? voilà la question sur la
quelle M. Sainte-Beuve ne s’explique pas encore très-clai
rement. Il semble çà et là que ce singulier Pierre l’Ermite hésite à prêcher la croisade jusqu’au bout; le plus souvent sa pensée ne sort du nuage qui l’enveloppe que par des ci
tations ; « Il est inutile de se fâcher con tre les choses, s’écriet-il en dénaturant M *· de Staël, car cela ne leur fait rien du tout. « Ailleurs, il parle du dépit, de toutes les passions la plus petite, en homme pleip de. son sujet, et c’est après avoir écrit la phrase suivante qu il déclare que, de toutes les dispositions d’esprit, l’ironje est la moins intelligente: «Les affections et les principes, je les conçois et je les respecte éga
lement. Si donc il est des hommes qui aient gardé le culte des purs sentiments libéraux et conservé le premier idéal de la nature humaine, je leur accorde tout, de tels modèles
sont beaux de temps en temps à contempler à distance dans l’histoire. Honneur aux Thraséas ! et si la France en possède deux ou trois, qu’elle en garde le buste en attendant la statue ! »
Les somnambules ont reparu... devant la justice. Ce n’est pas leur science, — puisque c’en est une, — qui se trouve incriminée, mais le profit illégal qu’ils en tirent. On sait que ces messieurs et ces dames se piquent de deviner les yeux fermés ce que le commun des hommes ne saurait devi
ner les yeux ouverts, et qu’ils font métier et marchandise de leur découverte ; c’est ce que le parquet ne saurait souf
frir, la profession de devin étant formellement interdite par l’article Û79 du Code pénal. Le célèbre Alexis n’avait pas deviné celui-là, lorsqu’il faisait retrouver à Mme la duchesse trois étoiles un bijou dérobé par n’importe qui, n’importe OÙ, et qu’il tambourinait son tour de force dans le journal la Patrie. Voilà tout le procès à propos duquel l’éloquent défenseur des prévenus, — M. Jules Favre, —raconte l’historiette que voici : « Dernièrement le commissaire de police de Montargis voulut se donner le passe-temps d’expé
riences magnétiques en présence d’un inspecteur général, et l’épreuve fut telle, qu’on en conclut qu’il faudrait attacher une somnambule à chaque bureau de police. »
Dans le monde politique, s’il nous est permis d’y fourrer le bec de la plume, on a parlé du changement de ministère en Orient, et de la convocation des chambres des îles Sandwich. Après quoi, pour le surplus de la chronique pari
sienne, on peut vous renvoyer à ce passage de Candide : « Ecoutez bien, mon enfant, dit le maître à l’ingénu : à Paris, on ne connaît que deux occupations capitales : la pre
mière, c’est de faire l’amour, et la seconde, de médire ; et
puis, figurez-vous une presse où tout le monde cherche le plaisir que chacun finit par ne pas trouver. »
Mais le théâtre ? peu de chose. U · Rachel est de retour, et achève la lune de miel de son congé sous les ombrages de Montmorency. La tragédie, qui avait l’oreille basse, re
lève fièrement la tête, Hennione est affichée et la location espère. Pour que MUe Rachel reparaisse, il faut qu’un cer
tain nombre de loges soit retenu à l’avance; l’usage a force de loi, sinon nous faisons relâche par indisposition : règle
générale, quand Mlie Rachel est Indisposée, c’est contre la recette. En attendant, le Théâtre-Français a repris Marie ou les trois époques, une comédie oubliée depuis quinze ans, et amusante comme une légende. Dieu nous préserve de toute narration qui vous mettrait en pénitence; mais en
fin, pour que vous le sachiez, cette Marie, on devrait dire Sainte-Marie, est une pauvre femme, mère et martyre, qui se sacrifie à son père, à son mari, à sa fille, à son amant, à tout le monde.
Sa vie est un combat dont la palme est aux deux.
Cette Marie, qui toujours pleure et toujours crie, parut touchante il y a seize ans, du temps de Mlle Mars; elle y mettait la passion, l’accent et les larmes, — ni trop de sen
sibilité, ni trop peu. — C’était l’élégie vivante dans une pièce morte, la poésie du sentiment et l’hymne du sacrifice.
Aujourd’hui Marie est Mlle Denain, qui ne pleure pas son rôle, mais qui le pleurniche. Les autres acteurs ont paru aussi maussades que la pièce ; ces messieurs et ces dames voulaient être mauvais, et ils y ont parfaitement réussi.
A la Montansier, après le Misanthrope, le Trou des lapins, comme on dit au bout du succès la culbute. Dans le vocabulaire de la Courlille, lapin est le synonyme de bambocbard. Deux de ces messieurs vivaient en paix; une gri
sette survint, et. voilà la guerre allumée. Sur cette donnée vieillotte s’échafaude tant bien que mal, et plutôt mal que bien, un tableau soi-disant populaire. Quoi! tous ces bra
ves gens n’ont pas d’autre métier que celui d’ivrogne, ils ne connaissent pas d’autre langage que l’argot des bagnes.
Allons, mes amis, dit le doyen de la corporation, nous avons des roues de derrière (écus de cent sous) pour fêter le rnagzingue (marchand devin), et ce sera un peu rupp, c’est à dire chouette. La pièce est froide malgré ses préten
tions bachiques, et la Montansier aurait pu s’en passer ;
mais, le vin tiré, il fallait le boire. Je doute que Téniers ou Goya aient jamais trouvé au bout de leur crayon un vi
deur de pots plus ventru et plus couperose que l’acteur Lhéritier.
Aujourd’hui la disette, et demain l’abondance. Al’Odéon la réouverture ; Roquelaure à l’Ambigu, et Richard III à la Porte Saint-Martin ; au Gymnase, le Démon du foyer, par Georges Sand ; au Vaudeville, la Femme du monde, pour faire suite à la Dame aux Camélias. Enfin, aux Va
riétés , les Etudiants de Paris, et ailleurs l’inconnu : quelle chance !
Philippe Busoni.