nous presse, nous passerons bien rapidement sur la partie historique, qui demande pourtant sa place dans ce recueil.
Du temps des Césars, Morlaix avait déjà son histoire, et elle était nommée Julia; depuis cette époque elle changea de nom, s’ap
pela Mons-Relaxus, et enfin Morlaix. Hoel
le Grand, roi de Bretagne, la donna pour dot à sa fille, et dès 1179 elle fut fortifiée pour la mettre à l’abri des descentes nom
breuses des Anglais et des bandes armées qui ravageaient le pays. La chronique pré
tend que Henri Π, roi d’Angleterre, n’y entra qu’après cinquante jours de siège, et en
core grâce aux intelligences qu’il avait dans la place. Morlaix reçut et chassa un grand nombre de fois les garnisons anglaises mi
ses dans ses murs. Jean IV jura de la renverser de fond en comble; ses menaces n’em
pêchèrent pas les habitants de secouer le joug étranger.
La bonne duchesse Anne de Bretagne fut contrainte d’appeler les secours étrangers pour préserver ses Etats entamés par les
armées françaises et les trahisons des grands vassaux ; mais, volée par ses alliées, elle dut se faire garde du patriotisme seul des habi
tants, elle les aida par des fortifications nouvelles, et put enfin vivre en reine idolâtrée au milieu de sa brave ville.
Elle laissa à la ville le magnifique navire la Cordiliière, monté par douze cents hommes ; ce fut le premier vaisseau remarquable de la marine française.
En 1522, un lâche nommé La Trigle la livra aux Anglais ; il profita d un jour où toute la population s’était portée à une foire voisine, et l’ennemi, déguisé, fondit sur la ville, défendue seulement par quelques femmes et quelques infirmes. Le chapelain
de Notre-Dame du Mur leva la lierse, monta dans la tour, et seul arquebusa bon nom
bre d’Anglais ; dans la Grand’-Rue, maison n° 18, une chambrière ouvrit une trappe


Costumes de Morlaix.


qui donnait sur le couloir de la maison, éclaira le plus possible la pièce en lace, et dans le désordre du pillage quatre-vingts Anglais vinrent se noyer dans une cave qu’elle avait remplie d’eau en ouvrant une vanne donnant sur la rivière. Gentilshom
mes et bourgeois rentrèrent, trouvèrent l’ennemi gorgé de vin et chargé d or, et sept cents d’entre eux périrent dans les bois de Styvel, à l’endroit nommé aujourd’hui la Fontaine des Anglais. Cest celle que 1 on voit à gauche, dans les arbres, lorsque l’on arrive du Havre par les steamers.
On reconstruisit alors, sous François Ier, e fameux château du Taureau en rade de Morlaix, afin de se mettre à l’abri de toutes ces attaques incessantes ; mais il s’écroula, et ce ne fut qu’en 1609 qu’il fut reconstruit tel qu’on le voit encore aujourd’hui,
t- En 1548, Marie Stuart vint à Morlaix, et un pont s’écroula au moment où elle allait le franchir. Les Ecossais crièrent trahison. C’est alors que le seigneur de Rohan reprit:
Jamais Breton ne fit trahison.
Vers cette époque, Morlaix fut fortifié de nouveau.
En 1595 cette ville fut soumise à Henri IV; elle se défendit si vaillamment qu’il ne resta pierre sur pierre des fortifications. Il iaut la pioche et la pelle pour découvrir de cette grandeur passée quelques fondations de bastions et de courtines. Autant que j’ai pu le voir, le château grand-ducal était bastionné avec flanquement ; je crois également qu’il dut y avoir des contre-gardes en avant des saillants.
Après ce court récit, bien long toutefois pour ceux qui ne connaissent pas la ville dont nous parlons, je crois avoir prouvé que les habitants de Morlaix peuvent porter haut la devise qui surmontait les armes qui étaient sur son ancienne mairie :
S’ils te mordent, mors-les.


La ville de Morlaix.


Ce que Morlaix a perdu en puissance guerrière, elle semble l’a­
voir gagné en puissance commer
ciale ; elle est centre d’affaires pour le pays, et chaque jour elle reçoit des embellissements qui font présumer qu’elle restera ce qu’elle a toujours été, une des plus jolies petites villes de la Bretagne.
J’ai donné plus haut une vue du port, prise du bas de la manufac
ture de tabac ; je donne aussi un type de costumes de femmes ; les hommes n’ont rien de bien parti
culier dans leur manière de se mettre. Enfin un troisième dessin représente les ruines d’une cha
pelle attenante au couvent des Cirmélites. Ce morceau d’archi
tecture remonte bien certainement au quatorzième siècle; la ville l’a fait réparer voici déjà quelques années, et les besoins du couvent,
qui existe encore, ont fait murer une des arcades; ce monument est en grande partie enterré sous
les décombres.La fontaine miraculeuse, à Morlaix.— Dessins de M. Puyo.
En suivant les’quais vous arrivez sur la Qrand’-Place où vous trouvez un hôtel de ville, assez bien compris, de construction ré
cente, qui fut bâti sur Remplacement de la vieille mairie qui da
tait d’Henri IV. De cette Grand’- Place partent deux grandes artè


res : à droite vous avez la vieille


ville, à gauche une partie presque neuve bâtie sur un des anciens faubourgs. Comme monuments et curiosités, je citerai seulement le clocher et les fonds baptismaux de Sainte-Mélanie ; la tour renaissance de Saint-Matthieu ; les mai
sons à lanternes delaGrand’-Rue. .et surtout celle de la rue du Mur, aujourd’hui abîmée sous un cré
pit blanc. De vieux couvents, vous en avez partout; de jolies prome


nades, de magnifiques campagnes,


partout également. Aussi j’espère que vous passerez sur la longueur de cet article en faveur de mon Morlaix, si privilégié de la nature et si riche en souvenirs.
Puyo.