anse formée par l’abaissement de la côle à droite et à gauche, adoptée par les bai
gneurs, qui, outre la beauté du pays et le voisinage des Needles, y trouven t une plage délicieuse et tout le confort de la vie cita
dine. Nos paquets déposés à Albion-Hôtel, notre fly nous conduisit à Alumbay, a tra
vers un pays inculte et à demi sauvage, ou ne poussentqu’une herbe rare etdesajoncs,
et où les lapins et les moutons, qui vivent là de compagnie, sont les seuls êtres animés que l’on rencontre. La Chine d’Alum
bay (on appelle ainsi toute déchirure profonde de la falaise qui permet de descen
dre au rivage) étonne et surprend, parce qu’elle est la première qui se présente : elle est loin cependant d’être la plus re
marquable de l’île. Ce qui est vraiment beau en cet endroit, c’est l’aspect de la côte à gauche, ce sont les nuances variées de ce sable fin qui descend en longues ra
vines jusqu’à la mer, ce sont ces falaises majestueuses et taillées à pic, c’est cette mer qui dessine à l’horizon une ligne du
plus beau vert émeraude. Si maintenant vous vous sentez le cœur solide, si vous ne craignez pas le ballottement d’un petit bateau pêcheur, prenez une barque au rivage, allez voir les Needles, ces aiguilles de pierre qui sortent du milieu de la mer, touchez en passant à Scratchell’s Bay, et revenez, toujours par eau, à Freshwater.
Dussiez-vous avoir le mal de mer, et ne voir tout cela que d’un œil, c’est-à-dire ne rien voir, c’est une nécessité fâcheuse, je l’avoue, mais il faut la subir; au retour, vous ne sauriez avouer que vous n’avez pas vu ces aiguilles, qui sont, en réalité, une des merveilles de l’île de Wigbt. Qui sait même si vous n’aurez pas gagné à cette promenade un appétit formidable? et je vous promets par avance que votre esto
mac, fût-il le plus délicat du monde, sera satisfait de la cuisine d’Albion-Hôtel. Puis, en sortant de table et pour fumer votre cigare, ce qu’il serait ahockiny de faire dans l’intérieur de l’hôtel, fût-ce même
dans votre chambre, allez revoir, de la terre ferme et une lorgnette à la main, les
Needles, que, du haut de la falaise, vous apercevrez à l’horizon à demi noyées dans la brume : vous pourrez ensuite gagner votre lit, car la journée du lendemain sera un peu rude, si vous tenez à soucherj^à Ventnor.
De Freshwater à Ventnor, la route tracée sur le haut même des Cliffs permet presque tout le temps d’apercevoir la mer, qui roule à vos pieds à une profondeur con
sidérable; vous laissez derrière vous et les deux grands rochers de la baie de Fresh
water et le monument funéraire de ce
Ile de Wight. — Cowes, point d’arrivée dans l’île.
jeune Anglais qui se tua, il y a quelques années, en tombant du haut de la falaise.
Le paysage est aride, sauvage ; il n’y a là d’autres habitants que les gardiens des Turn-Pickes, chargés de percevoir , au passage des voitures, cet impôt jadis exigé sur certains ponts de la capitale, et dont la révolution de I8/18 a délivré les Pari
siens. Votre cocher voudra sans doute
vous arrêter à Brixton pour faire reposer son cheval, qui, après l’espèce d’ascension qu’il vient d’opérer, doit en avoir réelle
ment besoin, insistez pour qu’il s’arrête plutôt à Mottestone, petit village situé un peu avant Brixton, et, pendant que bêtes et gens se rafraîchiront de compagnie, portez vos regards en arrière, dans la direc
tion de Freshwater : je vous promets alors un des plus grandioses et des plus saisissants panoramas que vous puissiez rêver.
Si vous m’en croyez maintenant, allez droit, sans vous arrêter de nouveau, dîner à Saint-Roch-Hôtel. Je suppose que vous aurez quitté Freshwater après dejeuner, vous arriverez alors vers six heures; vous y coucherez ou gagnerez Ventnor te soir mê
me : c’est ce que nous avons fait, et je vous conseillerai de faire de même.
J’ai promis en commençant de vous mettre en garde contre les mystifications du
guide et de l’itinéraire, et de vous signaler ces merveilles suspectes dont la renommée est consacrée, j’en conviens, par le féti
chisme absurde des touristes en général, tandis qu’elle n’est au fond qu’une odieuse plaisanterie. La Black- Gang-Chine, située à quelque distance de Saint-Roch Hô
tel, est un de ces endroits néfastes. Figu
rez-vous un escalier inégal, taillé dans le roc, et qu’on met un quart d’heure à des
cendre. Arrivés en bas, votre guide vous dit de lever les yeux et d’admirer. « Ad
mirer quoi?» demandez-vous. Et l’on vous répond : « La cascade. » Or, en été, il n’y a là que de la poussière ; et, malgré toute ma bonne volonté, je ne pus y découvrir le plus mince filet u’eau. Vous vous ré
criez ; vous demandez s’il n’y a pas autre chose à voir ; l’on vous répond alors : « la Chine! » impossible de tirer une autre réponse de votre guide, qui, si vous n’ad
mirez ce qu’il fait admirer de bonne foi (je veux bien le croire) depuis qu il est au monde à tous les voyageurs qui ont passé par ses mains avant vous, sourira de pitié et lèvera les épaules, ce qui, dans toutes les langues du monde, signifie que vous n’êtes qu’un sot. Heureux encore si vous en étiez quitte pour cette ridicule décep
tion ; mais « ce n est pas tou^de boire, il faut sortir d ici, » et l’escalier a quatre cents marches : nouveau supplice, surtout
Osborne-House, résidence de la reine d’Angleterre dans l’île de Wight. — Dessins de Laroche, d’après M. Ad. Moreau.)
gneurs, qui, outre la beauté du pays et le voisinage des Needles, y trouven t une plage délicieuse et tout le confort de la vie cita
dine. Nos paquets déposés à Albion-Hôtel, notre fly nous conduisit à Alumbay, a tra
vers un pays inculte et à demi sauvage, ou ne poussentqu’une herbe rare etdesajoncs,
et où les lapins et les moutons, qui vivent là de compagnie, sont les seuls êtres animés que l’on rencontre. La Chine d’Alum
bay (on appelle ainsi toute déchirure profonde de la falaise qui permet de descen
dre au rivage) étonne et surprend, parce qu’elle est la première qui se présente : elle est loin cependant d’être la plus re
marquable de l’île. Ce qui est vraiment beau en cet endroit, c’est l’aspect de la côte à gauche, ce sont les nuances variées de ce sable fin qui descend en longues ra
vines jusqu’à la mer, ce sont ces falaises majestueuses et taillées à pic, c’est cette mer qui dessine à l’horizon une ligne du
plus beau vert émeraude. Si maintenant vous vous sentez le cœur solide, si vous ne craignez pas le ballottement d’un petit bateau pêcheur, prenez une barque au rivage, allez voir les Needles, ces aiguilles de pierre qui sortent du milieu de la mer, touchez en passant à Scratchell’s Bay, et revenez, toujours par eau, à Freshwater.
Dussiez-vous avoir le mal de mer, et ne voir tout cela que d’un œil, c’est-à-dire ne rien voir, c’est une nécessité fâcheuse, je l’avoue, mais il faut la subir; au retour, vous ne sauriez avouer que vous n’avez pas vu ces aiguilles, qui sont, en réalité, une des merveilles de l’île de Wigbt. Qui sait même si vous n’aurez pas gagné à cette promenade un appétit formidable? et je vous promets par avance que votre esto
mac, fût-il le plus délicat du monde, sera satisfait de la cuisine d’Albion-Hôtel. Puis, en sortant de table et pour fumer votre cigare, ce qu’il serait ahockiny de faire dans l’intérieur de l’hôtel, fût-ce même
dans votre chambre, allez revoir, de la terre ferme et une lorgnette à la main, les
Needles, que, du haut de la falaise, vous apercevrez à l’horizon à demi noyées dans la brume : vous pourrez ensuite gagner votre lit, car la journée du lendemain sera un peu rude, si vous tenez à soucherj^à Ventnor.
De Freshwater à Ventnor, la route tracée sur le haut même des Cliffs permet presque tout le temps d’apercevoir la mer, qui roule à vos pieds à une profondeur con
sidérable; vous laissez derrière vous et les deux grands rochers de la baie de Fresh
water et le monument funéraire de ce
Ile de Wight. — Cowes, point d’arrivée dans l’île.
jeune Anglais qui se tua, il y a quelques années, en tombant du haut de la falaise.
Le paysage est aride, sauvage ; il n’y a là d’autres habitants que les gardiens des Turn-Pickes, chargés de percevoir , au passage des voitures, cet impôt jadis exigé sur certains ponts de la capitale, et dont la révolution de I8/18 a délivré les Pari
siens. Votre cocher voudra sans doute
vous arrêter à Brixton pour faire reposer son cheval, qui, après l’espèce d’ascension qu’il vient d’opérer, doit en avoir réelle
ment besoin, insistez pour qu’il s’arrête plutôt à Mottestone, petit village situé un peu avant Brixton, et, pendant que bêtes et gens se rafraîchiront de compagnie, portez vos regards en arrière, dans la direc
tion de Freshwater : je vous promets alors un des plus grandioses et des plus saisissants panoramas que vous puissiez rêver.
Si vous m’en croyez maintenant, allez droit, sans vous arrêter de nouveau, dîner à Saint-Roch-Hôtel. Je suppose que vous aurez quitté Freshwater après dejeuner, vous arriverez alors vers six heures; vous y coucherez ou gagnerez Ventnor te soir mê
me : c’est ce que nous avons fait, et je vous conseillerai de faire de même.
J’ai promis en commençant de vous mettre en garde contre les mystifications du
guide et de l’itinéraire, et de vous signaler ces merveilles suspectes dont la renommée est consacrée, j’en conviens, par le féti
chisme absurde des touristes en général, tandis qu’elle n’est au fond qu’une odieuse plaisanterie. La Black- Gang-Chine, située à quelque distance de Saint-Roch Hô
tel, est un de ces endroits néfastes. Figu
rez-vous un escalier inégal, taillé dans le roc, et qu’on met un quart d’heure à des
cendre. Arrivés en bas, votre guide vous dit de lever les yeux et d’admirer. « Ad
mirer quoi?» demandez-vous. Et l’on vous répond : « La cascade. » Or, en été, il n’y a là que de la poussière ; et, malgré toute ma bonne volonté, je ne pus y découvrir le plus mince filet u’eau. Vous vous ré
criez ; vous demandez s’il n’y a pas autre chose à voir ; l’on vous répond alors : « la Chine! » impossible de tirer une autre réponse de votre guide, qui, si vous n’ad
mirez ce qu’il fait admirer de bonne foi (je veux bien le croire) depuis qu il est au monde à tous les voyageurs qui ont passé par ses mains avant vous, sourira de pitié et lèvera les épaules, ce qui, dans toutes les langues du monde, signifie que vous n’êtes qu’un sot. Heureux encore si vous en étiez quitte pour cette ridicule décep
tion ; mais « ce n est pas tou^de boire, il faut sortir d ici, » et l’escalier a quatre cents marches : nouveau supplice, surtout
Osborne-House, résidence de la reine d’Angleterre dans l’île de Wight. — Dessins de Laroche, d’après M. Ad. Moreau.)