le fond de la mer. A une époque indéterminée, éloignée, quel sera le résultat de ce double travail en sens contraire ?
La flore sous-marine est à peine connue. On sait que la végétation évite les cavités trop profondes de la mer, de même qu’elle fuit sur la terre les cimes neigeuses des hau
tes montagnes. Toujours la même symétrie. On sait aussi que les régions équatoriales sont les plus riches en plantes marines. C’est dans ces régions que l’on rencontre de ces forêts à fleur d’eau, si vastes et si inextricablement serrées, que les marins sont forcés de mettre en panne, et d’atten
dre, pendant des mois entiers, une brise assez forte pour
rompre l’obstacle qui les cloue à un endroit déterminé de l’Océan. Parmi les plantes marines qui avoisinent les côtes, il en est beaucoup qui fournissent un aliment sain et agréable; d’autres servent d’engrais ou sont exploitées par l’in
dustrie. Dans chaque région, la végétation sous-marine a un caractère particulier.
Dans les profondeurs de la mer, où le silence du néant n’a point d’asile, où la lumière pénètre à travers un ciel vingt fois plus bleu que le nôtre, un nombre incalculable d’animaux de toule espèce vivent et combattent. D’énormes baleines y nagent avec une agilité semblable à celle des aigles, visitent les abîmes, et remontent se reposer sur les pics des montagnes. Devant le cachalot surtout, ce tyran de la mer, tous les autres animaux marins prennent la fuite. Derniers types des êtres gigantesques d’un monde primitif, les cétacés parcourent les latitudes les plus extrê
mes, engloutissent rien que par les remous des milliers de petits poissons, et dévorent, en un seul repas, des millions de harengs qu’ils poursuivent avec une avide persévérance.
Les poissons ont des formes variées, étranges, incroyables : les uns sont ailés comme des dragons et s’élancent hors de l’eau ; les autres ressemblent à des flèches, à des scies, à des licornes, à des porcs-épics, à des hippogriffes, à des chimères empruntées aux sculptures de nos églises. Quel
quefois, chez les animaux marins, le mécanisme de la vie est dissimulé, les Organes sont renversés, le monstre est incompréhensible ; quelquefois le monstre est abominable, hi
deux, effrayant : les poulpes, les ommaslrèphes, les phyllosômes, les crabes, les hydres, les méduses,- etc.
D’après Lacépède, les poissons les plus remarquables par la richesse de leurs vêtements habitent les océans équatoriaux. Comme les végétaux, ils subissent sans doute l’in
fluence de la chaleur et de la lumière. Sur les bords de l’océan Glacial, on rencontre les cétacés, les grands pho
ques, le lamentin de Steller. Depuis l’Obi jusqu’au Khatanga, ces animaux parviennent à d’énormes dimensions.
Dans toute la zone australe de l’Asie, la vie est exliubérante et variée; le gourami, le sillage, fournissent des mets délicieux. Dans les zones intertropicales, les squa
L’Afrique est riche en mollusques et en zoophites; on y trouve des hêteries, des murex à pourpre, des patelles, des doris, des aplysies, de brillantes actinies, des polypes de toutes formes, et des madrépores. Les raies, les bancs de harengs, les bancs de morues, se rencontrent principale
ment en Amérique. L’Océanie fournit le squale-phillips, la cétoine-oi phée, des huîtres d’une dimension lilliputienne,
Parlerons-nous des coquillages? Ils embellissent le fond de la mer de leurs formes gracieuses et de leurs couleurs variées. Sous quelques rapports, on pourrait les appeler les papillons de l Océan, témoin le nautile; mais ils forment tant de genres et d’espèces, que la vie d’un homme ne suf
firait pas a les classer. Par la même raison, il serait difficile d’en établir la distribution géographique.
Outre les commotions volcaniques, les tremblements de terre, les grands cataclysmes, qui changent souvent le fond de la mer, le travail des madrépores produit aussi, dans l’intérieur des eaux, des modifications remarquables. Absorbant continuellement les sels calcaires tenus en suspen
sion dans les eaux marines, Paslrée, la méandride et la 8a- ryophillie construisent des bancs qui ont quelquefois huit cents lieues d’étendue et qui sont d’une grande solidité. Une première génération de ces petits animaux édifie un pre
mier rang de cellules; un deuxième rang est superposé au premier par une deuxième génération... Ainsi de suite jus
qu’au niveau de la mer. Voilà déjà un écueil dont la vague ronge les bords : de ces débris s’augmentent les parties moyennes. Des algues, des varechs, des floridées, des branches et des troncs d’arbres, enfin tout ce qui flotte à la sur
face des eaux, s’embarrasse et s’arrête dans ce vaste réseau calcaire, s’y corrompt et y dépose une première couche de terre végétale.. Cette couche augmente d’année en année, de jour en jour. Les flots, les vents apportent quelques graines, et bientôt le sol se couvre de lichens, de mousses, de fougères et de graminées. Un peu plus tard fleurissent des bosquets d’arbres à fruits. Sur le mouvant désert des eaux, une fraîche et solide oasis est créée. L’oiseau accourt
y bâtir son nid, le phoque y va dormir au soleil : tout est prêt pour la présence de l’homme. Tout à coup un naviga
teur inconnu, égaré peut-être, aborde à l’île nouvelle, y plante le drapeau de son pays, y laisse un nom obscur et y gagne un nom immortel.
Adelphe Nouville.
Ne soyons pas trop exigeants aujourd’hui, les temps sont peut-être difficiles pour la petite chronique : qui diable s’inquiéterait de Paris lorsque les Parisiens eux-mêmes sem
blent l’avoir si complètement oublié? fis ont l imaginative ailleurs, comme dit Mm* Jourdain; leur curiosilé fait son tour de France. Ces yeux qui s’écarquillent, ces oreilles qui
se dressent, c’est en l’honneur de la province et de ce qui s’y passé. L’intérêt, l imprévu, et surtout la nouveauté, tout est là. Les jours se suivent et se ressemblent comme les ovations et les bulletins, mais on attend toujours avec une nouvelle impatience l’écho retentissant et sonore de cette im
ble d’un chœur d’opéra. Etrange effet de ce grand nom qui a la toute-puissance d un mot d’ordre ; à 1 aspect de cet en
sorcellement quasi-universel, on songe à ce génie privilégié des contes fantastiques qui allait semant les féeries sur sa roule.
A côté de ce grand tapage départemental, si par hasard Paris fait encore un peu de bruit dans le inonde, c’est au moyen de ses démolitions. Encore quelques coups de pio
che, ét la rue de Rivoli sera ouverte au piéton dans toute l’étendue de son parcours. Que nos Vitruves se dépêchent, l’impatient Parisien ne respecte plus la fameuse consigne :
Le publie n’entre pas ici. Ne l’a-t-on pas vu franchir des ponts dont la première arche n’était pas faite? Vous ne l’empêcherez pas davantage de s’installer au milieu des plâ
tras; beaucoup de ces nouvelles habitations projetées onlleurs habitants définitifs. L’industrie a déjà planté son enseigne sur ces simulacres de maisons. Incessamment Γouverture, tel est l’avis au lecteur qui se multiplie sur toute la ligne ;
on voit même, au coin de la rue des Arcis, un débitant de liquides qui a continué son commerce au milieu des ruines ;
il a laissé son vin en cercle et descendu son cabaret à la cave. Impavidumferlent ruinæ.
Ce grand massacre d’habitations, quelques-unes illustres, mais la plupart obscures et infectes, touche à sa fin, et les antiquaires en gémissent, c’est leur passe-temps; le fait est que le commun des martyrs regrettera tout au plus dans ce nivellement la perte du Café de la Régence, riche en souvenirs pour ceux qui les aiment. Sur la carte de ce café, à peine centenaire, se trouvaient en effet bon nombre d’il
lustrations à divers titres : Voltaire et Jean-Jacques et Diderot, et à sa suite toute l’encyclopédie; la révolution tout en
tière a passé par là depuis soixante ans pour s’y rafraîchir ou s’y échauffer, et puis hier encore on pouvait y voir la petite table où le jeune Bonaparte endormait ses beaux rê
ves devant l’échiquier où le grand Philidor gagna de si belles parties. Mais quelle taverne n’a pas sa légende, et en est-il une seule qui n ait pu compter parmi ses consomma
teurs quelque grand homme ou quelque grand joueur? Si cette espèce d’inventaire n’était pas un peu usé, on le tenterait Volontiers au sujet du café Lemblin. Celui-là ne re
cule pas devant un alignement quelconque, il cède la place à une autre industrie, celle des vêtements confectionnés.
Il quitte la boutique pour le salon, le rez-de-chaussée pour le premier, agrandissant ainsi son local, peut-être aux dépens de ses destinées.
C’est au café Lemblin qu’au temps de la Restauration le libéralisme avait planté son étendard, par op
position à son voisin le café Valois, le rendez-vous des ultras, comme on disait alors, et dés lecteurs du Drapeau blanc. Tout en surveillant de très-près le café Lemblin
comme un atelier de politique hostile qu’il était, jamais le gouvernement de la Restauration, dans ses jours de ri
gueur, n’en autorisa la clôture,.Le café Lemblin n’était pas seulement une tribune aux harangues libérales, il servit plus d’une fois de buvette à des appétits en demi-solde, et ses demi-tasses et petits verres patriotiques ont réconforté plus d’une conviction chancelante ; il a fait crédit à tou
tes sortes d’ambitions sans le sou. On cite au nombre de celles qui l’ont récompensé de ses bienfaits avec usure un général devenu célèbre, et que la monarchie eut le tort de laisser vieillir dans les honneurs obscurs de quelque lé
jour. Le feu des discussions politiques s’y éteint dans des flots dé grog ou de bière ; on y lit peu, on y cause encore moins, on s’y rencontre toujours, mais on ne s’y voit plus...
à cause de la fumée. Le progrès de la civilisation en a fait autant d’estaminets.
Cette semaine encore, on a essayé de faire un peu de bruit dans tous les mondes en dehors de l’officiel, et je crains bien que tous ces mondes là n’en soient pour leurs frais.
Cependant, diront les amis des beaux-arts, s’il ÿ a quelque part un événement intéressant, saus contredit c’est la couronne que l Institut va décerner à ses lauréats de la peinture et de la musique, à quoi l’amateur lui même est ca
pable de répondre, comme la Vestale du pot-pourri, qu’il a une autre couronne en tête que celle des prix de Rome.
A son tour, le monde lettré 11e s’émeut pas davantage des expéditions de M. Sainte-Beuve in partibus iufidelmm. On
sait que, tous les lundis, sous prétexte de causerie, Fauteur de folupté enfourche son grand dada, le Constitutionnel, et s enmd-én guerre contre les plus illustres de ces infi
dèles. Après Chateaubriand, Lamartine et Béranger, le tour des autres (ceux qu’on peut appeler les du minores) est enfin venu, et c’est ainsi que M. Villemain a reçu, l’autre jour, son coup de férule. M. Villemain, dont les intentions ne sont ni très-nettes ni très-pures, — c’est M. Sainte-Beuve qui ledit, — est accusé par son collègue d’avoir intercalé
dans l éloge de Bernardin de Saint-Pierre un morceau à applaudissements, « air de bravoure, dontil avait besoin,
qui devait faire et fit épigramme contre l’état de choses présent. » On comprend dès lors l’indignation de M. Sainte- Beuve, d’au tant mieux queM. Villemain est le secrétaire per
pétuel delacompagnie. Supposez l’auteur Αά Joseph Delorme à la place de M. Villemain, et alors seulement l’Académie aura un organe digne d’elle , incapable d’abuser de son rôle de rapporteur pour y glisser, contrairement aux convenances, set passions personnelles. Et comme au dé
but de sa dénonciation M. Sainte-Beuve se pique d’être tout à fait franc, on peut lui dire avec la même franchise qu’en dehors de notre interprétation cette sortie n’aurait plus aucun sens. Mais vous verrez que l’ancien ami de
M. Victor Hugo, qui est aussi l’ancien commensal de M. Violé, s’empressera de donner des explications qu’atten
dent avec une égale impatience ses amis et ses ennemis, pour réduire le fait à ce qu’il est sans doute, c’est-à-dire un simple caprice ou une distraction de plume : il suffirait d’une déclaration qui doit être facile au désintéressement de M. Sainte-Beuve, à savoir que dans aucun cas, à la Sor
bonne de même qu’à l’Académie, Ihonorable disciple ne consentira à accepter l’héritage ou plutôt les dépouilles de son illustre maître.
Autre surprise dans lé monde littéraire, il a plu à M. le ministre de l’instruction publique de modifier la composi
clinant devant cetle omnipotence, à laquelle on doit trois ou quatre choix excellents, il est permis de s’affliger de
l’éloignement de quelques-uns des membres éminents de ce comité. La science historique leur doit les plus éclatants services et les plus désintéressés, et c’est une véritable perte pour elle.
La mort de M“* Lafarge a passé presque inaperçue. Cette femme trop célèbre avait publié des mémoires de son vi
vant, et elle laisse encore des mémoires La triste héroïne du Glandier ne s’était pas résignée à l’oubli, c’est une dernière expiation et la seule, dit-on, à laquelle la condam
née se soit refusée. Les admirables dévouements qui l’entouraient n’ont pu la persuader sur ce point. S’il est encore permis de parler de ses derniers écrits qu’un zèle officieux a livrés à la publicité, ils sont empreints d’une grâce assez touchante. Pauvre femme, elle se sera étudiée jusqu’à la fin à mourir comme il faut, et elle y a réussi. Que l’on croie encore ou qu’on ne croie pas à son inno
cence, c’est là un dédommagement qui semble dû à de si longues tortures ; il n’y a pas d’ailleurs de sévérité qui ne s’adoucisse devant une tombe encore ouverte, et puis ce qu’on a rapporté de sa fin doit maintenant désarmer tout le monde. En présence de ses dénégations obstinées et trèsconcevables, il est tout simple que des âmes ge*néreuses la considèrent toujours comme une martyre; mais combien de gens, fort honnêtes d’ailleurs et tout à fait incapables de toucher à un cheveu du prochain, sont moins excusables ; je veux parler de ces mondains ou mondaines qui, tout en admettant le crime prouvé, lui trouvent sa circonstance at
ténuante dans cétlé position de femme incomprise... de son mari. En d’autres termes, ce bon M. Lafarge n’aurait eu que ce qu’il méritait. Un autre trait d’obsçrvation plus gé
nérale, c’est qu’abstraction faite de la coupable, la mort
affreuse et si digne de pitié de la victime , tout en causant une horreur générale, ne lui a concilié presque aucune sympathie. Aucune fleur de rhétorique ou autre, que nous sa
chions, ne fut jetée sur sa tombe. Son souvenir s’est effacé dans le retentissement du crime.
Mais de pareilles réflexions sont trop lugubres, autre chose. Il s’agit d’un journal du progrès, en projet, intitulé : l Harmonie, et dont le prospectus débute ainsi : L’harmonie, c’est l’âme de toutes choses ; c’est la Providence ren
due sensible sur la terre. Qu’est-ce que le firmament, sinon le cahier de musique des êtres harmoniques ? Les étoiles en sont les notes. L’univers est une grande serinette qui joue
sous les fenêtres du bon Dieu ; mais il arrivé trop souvent que l’instrument se dérange, et nous nous sentons appelés à la mission de l’accorder. Notre journal sera la clef puissante qui doit rétablir l’ordre entre les éléments constitu
tifs de la société. A notre sens, l’harmonie doit animer tout, de sorte que dorénavant les machines, les voitures, la locomotive et la voix humairté elle-même ne feront plus enten
dre ni grondement, ni grincement, ni discordance aucune.
Nous voulons que les chiens au lieu d’aboyer, les ânes au lieu de braire, les hommes au lieu de vociférer, chantent désormais aussi agréablement que la flûte de M. Tulou. » Ainsi soit-il, et Dieu bénisse l Harmonie et son monde !
Dans le monde dramatique et dansant, on annonce la rentrée de M11* Cerrilo à l’Opéra et la rentrée un peu moins prociiîiriè de Mme Plessis-Arnoult au Théâtre-Français. En attendant, aux Parisiens amis de la nouveauté et du merveil
leux, il reste la ressource des sauteurs arabes de ΓAmbigu et du clown du Cirque des Champs-Elysées. Quel dommage que l’étoile des clowns ait filé ! La société regorgé d’équilibristes; on ne voit que saltimbanques; tout le monde s’en mêle, sans quoi ce M. Iiemps allait aux nues, il emportait tous les suffrages. C’est avec raison qu’on a défini le clown un être indéfinissable. Par .où le prendrez-vous? Plus sub
til que Protée, il vous échappe par tous les bouts. Chez lui le pied est la main, la jambe est le bras, la poitrine est le dos, et la tête... tout ce que vous voudrez. Voilà pour le commun des clowns; mais M. Iiemps est bien plus fort que toute la clownerie, et qui ne l’a pas vu n’a rien vu. Figurezvous qu’il tient en équilibre, sur le bout du menton, un long bâton surmonté d’une toupie qui tourne, qui tourne,
et dont l’équilibriste accroît ou ralentit la vélocité, au gré de ses inspirations. Après le tour de la toupie, celui de la plume de paon, que l’habile homme lance dans les airs et qu’il reçoit sur le bout de son nez en lui imprimant les on
dulations les plus gracieuses. N’est-ce pas admirable? Et quoi de plus juste que M. Kemps devienne l’admiration et la curiosité du moment ? Je sais bien que cetle gentillesse ressemble beaucoup à l’exercice favori auquel se livrait le puissant prince Shahabaham ; mais Shahabaham impo
sait l’enthousiasme, et M. Kemps le fait naître naturellement.
Paris qui pleure et Paris qui rit, ainsi s’intitule lé mélodrame qui s’est joué jeudi à la Gaieté, Véritable salmigon
dis de scènes assez pathétiques et beaucoup plus plaisantes,
qui semblent inspirées par le spirituel et piquant Tableau de Paris d’Edmond Texier. Paris qui pleure, c’est le comte de Soreuil en train de se ruiner ; ce sont les amours contra
riés d’Octavc et d’Amélie, et la touchante destinée d’une pe
tite orpheline. Ce Paris aussi affligé qu’affligeant, c’est le crime en habit noir et l Infortune ên robe de soie, Notre Hé
La flore sous-marine est à peine connue. On sait que la végétation évite les cavités trop profondes de la mer, de même qu’elle fuit sur la terre les cimes neigeuses des hau
tes montagnes. Toujours la même symétrie. On sait aussi que les régions équatoriales sont les plus riches en plantes marines. C’est dans ces régions que l’on rencontre de ces forêts à fleur d’eau, si vastes et si inextricablement serrées, que les marins sont forcés de mettre en panne, et d’atten
dre, pendant des mois entiers, une brise assez forte pour
rompre l’obstacle qui les cloue à un endroit déterminé de l’Océan. Parmi les plantes marines qui avoisinent les côtes, il en est beaucoup qui fournissent un aliment sain et agréable; d’autres servent d’engrais ou sont exploitées par l’in
dustrie. Dans chaque région, la végétation sous-marine a un caractère particulier.
Dans les profondeurs de la mer, où le silence du néant n’a point d’asile, où la lumière pénètre à travers un ciel vingt fois plus bleu que le nôtre, un nombre incalculable d’animaux de toule espèce vivent et combattent. D’énormes baleines y nagent avec une agilité semblable à celle des aigles, visitent les abîmes, et remontent se reposer sur les pics des montagnes. Devant le cachalot surtout, ce tyran de la mer, tous les autres animaux marins prennent la fuite. Derniers types des êtres gigantesques d’un monde primitif, les cétacés parcourent les latitudes les plus extrê
mes, engloutissent rien que par les remous des milliers de petits poissons, et dévorent, en un seul repas, des millions de harengs qu’ils poursuivent avec une avide persévérance.
Les poissons ont des formes variées, étranges, incroyables : les uns sont ailés comme des dragons et s’élancent hors de l’eau ; les autres ressemblent à des flèches, à des scies, à des licornes, à des porcs-épics, à des hippogriffes, à des chimères empruntées aux sculptures de nos églises. Quel
quefois, chez les animaux marins, le mécanisme de la vie est dissimulé, les Organes sont renversés, le monstre est incompréhensible ; quelquefois le monstre est abominable, hi
deux, effrayant : les poulpes, les ommaslrèphes, les phyllosômes, les crabes, les hydres, les méduses,- etc.
D’après Lacépède, les poissons les plus remarquables par la richesse de leurs vêtements habitent les océans équatoriaux. Comme les végétaux, ils subissent sans doute l’in
fluence de la chaleur et de la lumière. Sur les bords de l’océan Glacial, on rencontre les cétacés, les grands pho
ques, le lamentin de Steller. Depuis l’Obi jusqu’au Khatanga, ces animaux parviennent à d’énormes dimensions.
Dans toute la zone australe de l’Asie, la vie est exliubérante et variée; le gourami, le sillage, fournissent des mets délicieux. Dans les zones intertropicales, les squa
les forment des bandes immenses et arrivent à des tailles prodigieuses.
L’Afrique est riche en mollusques et en zoophites; on y trouve des hêteries, des murex à pourpre, des patelles, des doris, des aplysies, de brillantes actinies, des polypes de toutes formes, et des madrépores. Les raies, les bancs de harengs, les bancs de morues, se rencontrent principale
ment en Amérique. L’Océanie fournit le squale-phillips, la cétoine-oi phée, des huîtres d’une dimension lilliputienne,
des éponges, et des holothuries que l’on sèche au soleil et que l’on expédie comme comestibles.
Parlerons-nous des coquillages? Ils embellissent le fond de la mer de leurs formes gracieuses et de leurs couleurs variées. Sous quelques rapports, on pourrait les appeler les papillons de l Océan, témoin le nautile; mais ils forment tant de genres et d’espèces, que la vie d’un homme ne suf
firait pas a les classer. Par la même raison, il serait difficile d’en établir la distribution géographique.
Outre les commotions volcaniques, les tremblements de terre, les grands cataclysmes, qui changent souvent le fond de la mer, le travail des madrépores produit aussi, dans l’intérieur des eaux, des modifications remarquables. Absorbant continuellement les sels calcaires tenus en suspen
sion dans les eaux marines, Paslrée, la méandride et la 8a- ryophillie construisent des bancs qui ont quelquefois huit cents lieues d’étendue et qui sont d’une grande solidité. Une première génération de ces petits animaux édifie un pre
mier rang de cellules; un deuxième rang est superposé au premier par une deuxième génération... Ainsi de suite jus
qu’au niveau de la mer. Voilà déjà un écueil dont la vague ronge les bords : de ces débris s’augmentent les parties moyennes. Des algues, des varechs, des floridées, des branches et des troncs d’arbres, enfin tout ce qui flotte à la sur
face des eaux, s’embarrasse et s’arrête dans ce vaste réseau calcaire, s’y corrompt et y dépose une première couche de terre végétale.. Cette couche augmente d’année en année, de jour en jour. Les flots, les vents apportent quelques graines, et bientôt le sol se couvre de lichens, de mousses, de fougères et de graminées. Un peu plus tard fleurissent des bosquets d’arbres à fruits. Sur le mouvant désert des eaux, une fraîche et solide oasis est créée. L’oiseau accourt
y bâtir son nid, le phoque y va dormir au soleil : tout est prêt pour la présence de l’homme. Tout à coup un naviga
teur inconnu, égaré peut-être, aborde à l’île nouvelle, y plante le drapeau de son pays, y laisse un nom obscur et y gagne un nom immortel.
Adelphe Nouville.
Courrier de Paris.
Ne soyons pas trop exigeants aujourd’hui, les temps sont peut-être difficiles pour la petite chronique : qui diable s’inquiéterait de Paris lorsque les Parisiens eux-mêmes sem
blent l’avoir si complètement oublié? fis ont l imaginative ailleurs, comme dit Mm* Jourdain; leur curiosilé fait son tour de France. Ces yeux qui s’écarquillent, ces oreilles qui
se dressent, c’est en l’honneur de la province et de ce qui s’y passé. L’intérêt, l imprévu, et surtout la nouveauté, tout est là. Les jours se suivent et se ressemblent comme les ovations et les bulletins, mais on attend toujours avec une nouvelle impatience l’écho retentissant et sonore de cette im
mense acclamation qui s’élève de toutes parts avec l’en sem
ble d’un chœur d’opéra. Etrange effet de ce grand nom qui a la toute-puissance d un mot d’ordre ; à 1 aspect de cet en
sorcellement quasi-universel, on songe à ce génie privilégié des contes fantastiques qui allait semant les féeries sur sa roule.
A côté de ce grand tapage départemental, si par hasard Paris fait encore un peu de bruit dans le inonde, c’est au moyen de ses démolitions. Encore quelques coups de pio
che, ét la rue de Rivoli sera ouverte au piéton dans toute l’étendue de son parcours. Que nos Vitruves se dépêchent, l’impatient Parisien ne respecte plus la fameuse consigne :
Le publie n’entre pas ici. Ne l’a-t-on pas vu franchir des ponts dont la première arche n’était pas faite? Vous ne l’empêcherez pas davantage de s’installer au milieu des plâ
tras; beaucoup de ces nouvelles habitations projetées onlleurs habitants définitifs. L’industrie a déjà planté son enseigne sur ces simulacres de maisons. Incessamment Γouverture, tel est l’avis au lecteur qui se multiplie sur toute la ligne ;
on voit même, au coin de la rue des Arcis, un débitant de liquides qui a continué son commerce au milieu des ruines ;
il a laissé son vin en cercle et descendu son cabaret à la cave. Impavidumferlent ruinæ.
Ce grand massacre d’habitations, quelques-unes illustres, mais la plupart obscures et infectes, touche à sa fin, et les antiquaires en gémissent, c’est leur passe-temps; le fait est que le commun des martyrs regrettera tout au plus dans ce nivellement la perte du Café de la Régence, riche en souvenirs pour ceux qui les aiment. Sur la carte de ce café, à peine centenaire, se trouvaient en effet bon nombre d’il
lustrations à divers titres : Voltaire et Jean-Jacques et Diderot, et à sa suite toute l’encyclopédie; la révolution tout en
tière a passé par là depuis soixante ans pour s’y rafraîchir ou s’y échauffer, et puis hier encore on pouvait y voir la petite table où le jeune Bonaparte endormait ses beaux rê
ves devant l’échiquier où le grand Philidor gagna de si belles parties. Mais quelle taverne n’a pas sa légende, et en est-il une seule qui n ait pu compter parmi ses consomma
teurs quelque grand homme ou quelque grand joueur? Si cette espèce d’inventaire n’était pas un peu usé, on le tenterait Volontiers au sujet du café Lemblin. Celui-là ne re
cule pas devant un alignement quelconque, il cède la place à une autre industrie, celle des vêtements confectionnés.
Il quitte la boutique pour le salon, le rez-de-chaussée pour le premier, agrandissant ainsi son local, peut-être aux dépens de ses destinées.
C’est au café Lemblin qu’au temps de la Restauration le libéralisme avait planté son étendard, par op
position à son voisin le café Valois, le rendez-vous des ultras, comme on disait alors, et dés lecteurs du Drapeau blanc. Tout en surveillant de très-près le café Lemblin
comme un atelier de politique hostile qu’il était, jamais le gouvernement de la Restauration, dans ses jours de ri
gueur, n’en autorisa la clôture,.Le café Lemblin n’était pas seulement une tribune aux harangues libérales, il servit plus d’une fois de buvette à des appétits en demi-solde, et ses demi-tasses et petits verres patriotiques ont réconforté plus d’une conviction chancelante ; il a fait crédit à tou
tes sortes d’ambitions sans le sou. On cite au nombre de celles qui l’ont récompensé de ses bienfaits avec usure un général devenu célèbre, et que la monarchie eut le tort de laisser vieillir dans les honneurs obscurs de quelque lé
gion. On peut observer qu’à Paris les cafés s’en vont, ou du moins leur spécialité tend à se transformer de jour en
jour. Le feu des discussions politiques s’y éteint dans des flots dé grog ou de bière ; on y lit peu, on y cause encore moins, on s’y rencontre toujours, mais on ne s’y voit plus...
à cause de la fumée. Le progrès de la civilisation en a fait autant d’estaminets.
Cette semaine encore, on a essayé de faire un peu de bruit dans tous les mondes en dehors de l’officiel, et je crains bien que tous ces mondes là n’en soient pour leurs frais.
Cependant, diront les amis des beaux-arts, s’il ÿ a quelque part un événement intéressant, saus contredit c’est la couronne que l Institut va décerner à ses lauréats de la peinture et de la musique, à quoi l’amateur lui même est ca
pable de répondre, comme la Vestale du pot-pourri, qu’il a une autre couronne en tête que celle des prix de Rome.
A son tour, le monde lettré 11e s’émeut pas davantage des expéditions de M. Sainte-Beuve in partibus iufidelmm. On
sait que, tous les lundis, sous prétexte de causerie, Fauteur de folupté enfourche son grand dada, le Constitutionnel, et s enmd-én guerre contre les plus illustres de ces infi
dèles. Après Chateaubriand, Lamartine et Béranger, le tour des autres (ceux qu’on peut appeler les du minores) est enfin venu, et c’est ainsi que M. Villemain a reçu, l’autre jour, son coup de férule. M. Villemain, dont les intentions ne sont ni très-nettes ni très-pures, — c’est M. Sainte-Beuve qui ledit, — est accusé par son collègue d’avoir intercalé
dans l éloge de Bernardin de Saint-Pierre un morceau à applaudissements, « air de bravoure, dontil avait besoin,
qui devait faire et fit épigramme contre l’état de choses présent. » On comprend dès lors l’indignation de M. Sainte- Beuve, d’au tant mieux queM. Villemain est le secrétaire per
pétuel delacompagnie. Supposez l’auteur Αά Joseph Delorme à la place de M. Villemain, et alors seulement l’Académie aura un organe digne d’elle , incapable d’abuser de son rôle de rapporteur pour y glisser, contrairement aux convenances, set passions personnelles. Et comme au dé
but de sa dénonciation M. Sainte-Beuve se pique d’être tout à fait franc, on peut lui dire avec la même franchise qu’en dehors de notre interprétation cette sortie n’aurait plus aucun sens. Mais vous verrez que l’ancien ami de
M. Victor Hugo, qui est aussi l’ancien commensal de M. Violé, s’empressera de donner des explications qu’atten
dent avec une égale impatience ses amis et ses ennemis, pour réduire le fait à ce qu’il est sans doute, c’est-à-dire un simple caprice ou une distraction de plume : il suffirait d’une déclaration qui doit être facile au désintéressement de M. Sainte-Beuve, à savoir que dans aucun cas, à la Sor
bonne de même qu’à l’Académie, Ihonorable disciple ne consentira à accepter l’héritage ou plutôt les dépouilles de son illustre maître.
Autre surprise dans lé monde littéraire, il a plu à M. le ministre de l’instruction publique de modifier la composi
tion du comité des monuments historiques. Tout en s’in
clinant devant cetle omnipotence, à laquelle on doit trois ou quatre choix excellents, il est permis de s’affliger de
l’éloignement de quelques-uns des membres éminents de ce comité. La science historique leur doit les plus éclatants services et les plus désintéressés, et c’est une véritable perte pour elle.
La mort de M“* Lafarge a passé presque inaperçue. Cette femme trop célèbre avait publié des mémoires de son vi
vant, et elle laisse encore des mémoires La triste héroïne du Glandier ne s’était pas résignée à l’oubli, c’est une dernière expiation et la seule, dit-on, à laquelle la condam
née se soit refusée. Les admirables dévouements qui l’entouraient n’ont pu la persuader sur ce point. S’il est encore permis de parler de ses derniers écrits qu’un zèle officieux a livrés à la publicité, ils sont empreints d’une grâce assez touchante. Pauvre femme, elle se sera étudiée jusqu’à la fin à mourir comme il faut, et elle y a réussi. Que l’on croie encore ou qu’on ne croie pas à son inno
cence, c’est là un dédommagement qui semble dû à de si longues tortures ; il n’y a pas d’ailleurs de sévérité qui ne s’adoucisse devant une tombe encore ouverte, et puis ce qu’on a rapporté de sa fin doit maintenant désarmer tout le monde. En présence de ses dénégations obstinées et trèsconcevables, il est tout simple que des âmes ge*néreuses la considèrent toujours comme une martyre; mais combien de gens, fort honnêtes d’ailleurs et tout à fait incapables de toucher à un cheveu du prochain, sont moins excusables ; je veux parler de ces mondains ou mondaines qui, tout en admettant le crime prouvé, lui trouvent sa circonstance at
ténuante dans cétlé position de femme incomprise... de son mari. En d’autres termes, ce bon M. Lafarge n’aurait eu que ce qu’il méritait. Un autre trait d’obsçrvation plus gé
nérale, c’est qu’abstraction faite de la coupable, la mort
affreuse et si digne de pitié de la victime , tout en causant une horreur générale, ne lui a concilié presque aucune sympathie. Aucune fleur de rhétorique ou autre, que nous sa
chions, ne fut jetée sur sa tombe. Son souvenir s’est effacé dans le retentissement du crime.
Mais de pareilles réflexions sont trop lugubres, autre chose. Il s’agit d’un journal du progrès, en projet, intitulé : l Harmonie, et dont le prospectus débute ainsi : L’harmonie, c’est l’âme de toutes choses ; c’est la Providence ren
due sensible sur la terre. Qu’est-ce que le firmament, sinon le cahier de musique des êtres harmoniques ? Les étoiles en sont les notes. L’univers est une grande serinette qui joue
sous les fenêtres du bon Dieu ; mais il arrivé trop souvent que l’instrument se dérange, et nous nous sentons appelés à la mission de l’accorder. Notre journal sera la clef puissante qui doit rétablir l’ordre entre les éléments constitu
tifs de la société. A notre sens, l’harmonie doit animer tout, de sorte que dorénavant les machines, les voitures, la locomotive et la voix humairté elle-même ne feront plus enten
dre ni grondement, ni grincement, ni discordance aucune.
Nous voulons que les chiens au lieu d’aboyer, les ânes au lieu de braire, les hommes au lieu de vociférer, chantent désormais aussi agréablement que la flûte de M. Tulou. » Ainsi soit-il, et Dieu bénisse l Harmonie et son monde !
Dans le monde dramatique et dansant, on annonce la rentrée de M11* Cerrilo à l’Opéra et la rentrée un peu moins prociiîiriè de Mme Plessis-Arnoult au Théâtre-Français. En attendant, aux Parisiens amis de la nouveauté et du merveil
leux, il reste la ressource des sauteurs arabes de ΓAmbigu et du clown du Cirque des Champs-Elysées. Quel dommage que l’étoile des clowns ait filé ! La société regorgé d’équilibristes; on ne voit que saltimbanques; tout le monde s’en mêle, sans quoi ce M. Iiemps allait aux nues, il emportait tous les suffrages. C’est avec raison qu’on a défini le clown un être indéfinissable. Par .où le prendrez-vous? Plus sub
til que Protée, il vous échappe par tous les bouts. Chez lui le pied est la main, la jambe est le bras, la poitrine est le dos, et la tête... tout ce que vous voudrez. Voilà pour le commun des clowns; mais M. Iiemps est bien plus fort que toute la clownerie, et qui ne l’a pas vu n’a rien vu. Figurezvous qu’il tient en équilibre, sur le bout du menton, un long bâton surmonté d’une toupie qui tourne, qui tourne,
et dont l’équilibriste accroît ou ralentit la vélocité, au gré de ses inspirations. Après le tour de la toupie, celui de la plume de paon, que l’habile homme lance dans les airs et qu’il reçoit sur le bout de son nez en lui imprimant les on
dulations les plus gracieuses. N’est-ce pas admirable? Et quoi de plus juste que M. Kemps devienne l’admiration et la curiosité du moment ? Je sais bien que cetle gentillesse ressemble beaucoup à l’exercice favori auquel se livrait le puissant prince Shahabaham ; mais Shahabaham impo
sait l’enthousiasme, et M. Kemps le fait naître naturellement.
Paris qui pleure et Paris qui rit, ainsi s’intitule lé mélodrame qui s’est joué jeudi à la Gaieté, Véritable salmigon
dis de scènes assez pathétiques et beaucoup plus plaisantes,
qui semblent inspirées par le spirituel et piquant Tableau de Paris d’Edmond Texier. Paris qui pleure, c’est le comte de Soreuil en train de se ruiner ; ce sont les amours contra
riés d’Octavc et d’Amélie, et la touchante destinée d’une pe
tite orpheline. Ce Paris aussi affligé qu’affligeant, c’est le crime en habit noir et l Infortune ên robe de soie, Notre Hé