Vous qui remplissez joyeusement vos hottes, messieurs les vignerons, je prendrai la liberté de ne vous aller parler qu’aulour du pressoir, alors que vous serez tous rassembles. Je veux d’a­ bord annoncer une nouvelle aux cultivateurs du blé, qui s’affligent d’avoir mal rentré leurs récoltes, et regrettent que l’opération de la moisson ne puisse pas se faire plus rapidement.
Nous parlions, au mois d’août dernier, de la machine à moissonner, invention que l’Angleterre et l’Amérique poursuivent avec ardeur. Décidément on touche à un résultat. On compte que, depuis l’Exposition universelle, l’Angleterre n’a pas fabriqué moins de quinze cents de ces ma
chines, soit sur le modèle de l’Américain M. Connick, qui a obtenu la grande médaille d’or, soit sur celui de l’Américain M. Hussey, qui vient d’être récompensé par le prix de la Société royale d’agriculture au concours de Lewes.
Mais ne voiîà-t-il pas qu’en présence de ces machines étrangères dont la renommée l’importune, une ancienne machine anglaise s’avise de réclamer devant le public : c’est celle du révérend Patrick Bell, du comté d’Angus ou Forfar, inventée en 1827, une douzaine d’années après la première de toutes, celle de Smith. Le livre de Stephens, the Book of the Farm, en avait parlé avec éloge, M. George Bell, frère de l’inventeur, n’a pas discontinué depuis vingt-cinq ans de s’en servir avec avantage dans sa ferme d’fnck Michaël, mais c’était tout : la famille Bell, qui vit dans la retraite, n’avait songé à obtenir ni médailles, ni même une fortune en se livrant à la fabrication. Aujourd’hui cependant, aiguillonnée par l’amour-propre national et lière de l’approbation de la Société d agriculture d’Ecosse, elle vient de porter un défi à tous les inven
teurs. Elle avait ouvert, pour le h, septembre dernier, une lutte dont l’enjeu était de 50 livres sterling (1,200 francs), à laquelle était appelée toute machine qui voudrait concourir contre


celle de Bell.. Une commis


sion de neuf juges choisis parmi les agriculteurs les plus renommés des trois royaumes devait prononcer.
Le champ d’expérience était à la ferme de Keillor, dans le comté de Perth.
Trois machines seulement se sont présentées : 1 une machine américaine de IIussey, améliorée par M. Grosskill de Beverley et conduite par M. Love, son agent; — 2 une autre machine Hus
sey, améliorée par lord Kinnair; — 3° la machine originale inventée par le révérend Patrick Bell.
Une autre machine, inventée par un mécanicien des environs de Dundee, était aussi attendue, mais elle
éprouva une fracture dans un essai fait la veille, et ne put se présenter.
Au moment de commencer la lutte, l’agent de M. Crossldll déclara qu’il recon
naissait la supériorité de la machine Bell, consentait par avance à s’avouer vaincu, et n e ferai t fonctionner la sien ne que pour la satisfaction des personnes qui s’étaient ren
dues à l’expérience. Il en fut de même pour celle de lord Kinnair, et la lutte se chan
gea en de simples essais comparatifs sans prétention il gagner l’enjeu.