On choisit un grand champ d’orge en pente, au midi de la ferme, et trois lots de chacun un acre (/ 0 ares) furent mesurés et assignés à chacun des essayants. La machine Bell commença la première, et termina son travail dans d excellentes conditions en quarante-cinq minutes, presqu’un de nos ares à la minute. Tous les spectateurs ont été unanimes à trouver que le champ était coupé à toute satis
faction , soit en montant, soit en descendant la pente; quelque différence d’opinion existe cependant sur la position
dans laquelle la machine fonctionne le mieux. La largeur de la coupe était à chaque fois d’environ six pieds, et la paille s’appuie sur le côté de la machine en une ligne uniforme parfaitement convenable pour les lieux.
Après l’essai sur l’orge est venu l’essai sur un blé trèsfort : la coupe s’est opérée avec plus de facilité encore et de vigueur. Trois quarts d’un acre furent coupés dans une demi-heure (c’est l’équivalent d’un acre en quarante-cinq minutes); le chaume était court, uniforme; la machine ne s’est pas arrêtée une seule fois.
Les deux machines rivales n’ont fait dans le même temps que les deux tiers de ce même travail ; elles donnent évidemment plus de peine aux hommes et aux chevaux.
Nous rappellerons à nos lecteurs que dans la machine Bell le coupeur est une sorte de peigne formé par deux rangées de lames; la rangée supérieure est immobile, la rangée inférieure reçoit un mouvement de va et vient; l’ef
fet est celui que produirait un jeu de cisailles. Les ailes tournantes d’un moulinet à axe horizontal, qui agit en avant du coupeur, rassemblent la masse, de tiges à attaquer et l’inclinent vers les lames. La machine est poussée, et non remorquée, par les deux chevaux, procédé que les Améri
cains avaient rejeté pour placer l’atelage en avant et sur le côté. Cette fois on s’est accordé à reconnaître que le système adopté par Bell, qui était le système primitif de Smith, a l’avantage que la machine peut de suite attaquer au cen
tre le blé le plus épais, et se frayer un chemin sans le pié
tiner, tandis que les autres machines, qui sont plus légères en apparence sans être aussi maniables en réalité, exigent que la première ligne soit ouverte par des faucilleurs ordinaires, afin que le premier chemin soit préparé aux che
vaux. C’est donc sur la machine Bell que, d’après cette expérience, nos inventeurs français doivent reporter leur attention la plus sérieuse. Maintenant causons de la vigne.
Ce n’est pas seulement de nos jours que le nombre des variétés de vignes est considérable. Virgile les comparaît déjà aux grains de sable de la Lybie et aux flots de la mer Ionienne. M. Decazes est parvenu à en rassembler plus de 1,300 dans la pépinière du Luxembourg : c’est un beau chiffre; mais, quelque soin qu’il ait mis dans ses recherches, il paraît, au dire des savants en ce genre, qu’il est loin d’a­
voir complété sa biche. On ne lui a envoyé que les cépages les plus connus, et les anciennes vignes sont peuplées d’une multitude de plants inférieurs en qualité, qui n’ont pas de nom et qui disparaissent chaque jour. M. de Gasparin, homme du midi, ne pouvait manquer, dans son cours d’a­ griculture, de consacrer à la vigne un chapitre riche en dé
tails précieux. Il est fâcheux que. ce chapitre n’ait point été tiré à part, en petite brochure qui puisse s’introduire faci
lement dans la demeure du petit vigneron. Sous le rapport d’intérêt général, il débute par proposer une mesure qui certainement donnerait d’utiles résultats : entretenir, sous le climat de par de là la Loire, un double de la belle collec
tion du Luxembourg. On contrôlerait les résultats obtenus des variétés diverses par M. Hardy père, qui la dirige à Pa
ris si habilement, avec ceux qu’on obtiendrait dans un de nos départements méridionaux; et l’on verrait mûrir beau
coup de cépages qui ne parviennent pas à donner un fruit convenable sous nos brouillards de la Seine, auprès de notre île de la Cité.
Un travail du même savant, travail dont certainement aucun de nos grands fabricants de vin et propriétaire de vi
gnobles n’aura manqué de prendre connaissance, c’est une classification entièrement neuve de nos principaux cépages de France en sept classes formées d’après la somme de. de
grés de chaleur qui leur est nécessaire pour parvenir à maturité. Cette somme s’obtient en multipliant le nombre de jours, entre le bourgeon et le fruit mûr, par le degré, de la température moyenne du lieu pendant ce nuque temps. M. de Gasparin prend tous les noms de cépages de la no
menclature donnée par M. Odart, dont Yampélographie (titre malheureusement choisi, qui a peu de chance de de
venir populaire) est le premier ouvrage qui présente d’une manière un peu générale les caractères et la synonymie des vignes; mais il les prend pour les ranger à son tour dans chacune de ses sept classes. Ainsi, par exemple, le morillon hâtif, ou vulgairement raisin de la de Madeleine, oc
cupe, chez M. de Gasparin, le numéro 1 dans la pemière classe, laquelle n’exige que 2,200 degrés de chaleur pour arriver à maturité, ce. qui a lieu vers le 15 juillet dans le midi, et vers le 20 août à Paris; tandis que le raisin de poche, un raisin de la Provence, gros comme «pçpoiseUe, et tellement dur qu’on peut le mettre dans sa poche sans l’écraser, occupe le dernier numéro dans la septième classe, laquelle exige, pour arriver à maturité, au moins 5,000 de
grés de chaleur, ce qui a lieu tout à la fin d’octobre, et dans le midi seulement. Le cultivateur comprend tout le parti à tirer de ce nouveau mode de classement des. cépages, lorsqu’on veut introduire chez soi une variété non en
core acclimatée, ou échelonner ses vendanges à des tenues successifs parce qu’on manque de bras, ou que l’on veut mélanger deux cépages et taire coïncider leur maturité,
condition indispensable pour la fabrication d’un même vin provenant des deux.
Et c’est qu’en vérité l’on en est arrivé là; au lieu de procéder comme le vulgaire des préparateurs corrigeant les défauts d’une vendange en ajoutant au moût des substances qui s’assimilent mal au vin, et qu’il est difficile de proportionner convenablement à l’ensemble des éléments de ce


même moût, d’habiles propriétaires arrivent au but par une voie meilleure et plus bienveillante pour l’estomac du con


sommateur, en même temps que le vendeur y trouve un profit plus notable et plus certain. Le vin reste-t-il doux par le manque de ferment, on corrige ce défaut en plan
tant, avec intention de mélange, quelque cépage qui ait des qualités contraires et qui donne un vin sec. Ce défaut, ajoute M. de Gasparin, lient souvent, dans le midi, à une trop grande proportion de grenache. S’il a un peu trop d’alcool, une plus grande dose de cépage de pique-poule, dans le midi, et de pinot dans le nord, promet un bon résultat. S’il est abondant en lie et sujet à tourner au vinai


gre, on ajoute à la plantation un cépage qui possède beau


coup de tannin, tel que le mourvèdre dans les sols riches,
le brunfourca dans les terrains secs du midi, le merlot de la Gironde dans l’ouest. Il y a, dans le midi, des vins qui fermentent mal’, faute d’une proportion suffisante d’eau ; on y remédie en plantant une certaine quantité, d aramons ou de terrets.
Pour donner un exemple de la manière de procéder quand il s’agit d associer un plant abondant (qui ajoute à la quantité) à un plant essentiel (qui forme la base de la qua
lité), l’auteur cite l’opération suivante exécutée par un
propriétaire des environs d’Orange. Il possédait quatre hectares plantés en grenache, lui donnant deux cents hec
tolitres de vin à dix francs; total, deux mille francs ou cinq cents francs par hectare. Il y ajoute un hectare planté en terret, qui lui donne soixante-huit hectolitres d’un vin qui, seul, ne vaudrait que trois francs, mais qui, combiné avec le grenache, acquerra la même valeur que lui.
En mêlant les moûts des cinq hectares, notre propriétaire se trouve avoir produit un vin qui a été plus goûté des acheteurs, qui l’ont trouvé moins doux que s’il avait planté du grenache seul et suffisamment alcoolique; et il a obtenu une augmentation d’écqs très-potable.
Ce mélange des variétés n’a rien que d’honnête; et peutêtre conduira-t-il à nous donner des vins naturels à un prix assez bas pour que, les falsificateurs ne trouvent plus de bénéfice, à nous empoisonner de leurs liqueurs perfides, où il entre de tout, excepté du vin.
On n’a encore analysé que les produits d’un petit nombre de variétés de vignes, et on a négligé d’indiquer la compo
sition du terrain sur lequel elles avaient cru. M. Fauré, de Bordeaux, en opérant sur vingt espèces de vins fins de la Gironde, et M. Delarue, de Dijon, en opérant sur autant de vins fins de la Côte-d’Or, ont constaté que les vins de Bor
deaux se distinguent par une moindre quantité d’alcool, de sels inorganiques et de matière colorante; une plus grande quantité d’eau, de tannin, de sels organiques, de potasse et de fer. On attribué à ces derniers principes la solidité de ces vins, en comparaison de ceux de Bourgognè, qui tour
nent beaucoup plus aisément, ne supportent pas les longs voyages, et ne sont pas de garde dans les contrées méridio


nales. Une analyse complète des vins des cépages, rangés


dans les sept classes du tableau de, M. de Gasparin, serait un utile complément à ce tableau.
Dans la fabrication du vin, les couvercles fixes ou flottants, tous les appareils suggérés par la théorie pour soustraire le moût au contact de l’air ou pour prévenir la déperdition de l’alcool pendant la vinification, n’ont pas ré
pondu à ce qu’on en attendait. C’est un homme qui est à la fois praticien et théoricien d’une supériorité incontestable, c’est M. Boussingault qui prononce cet arrêt. La vieille méthode, consistant à laisser intact le chapeau du moût jus
qu’à ce que la fermentation soit suffisamment avancée, est celle qu’on suit généralement. Le char-eau suffit pour pré
server le moût de l’action de l’atmosphère quand on ne le brise pas chaque jour comme, on a le tort de faire quelque
fois dans le but de hâter sa fermentation. A l’abri des écu
mes accumulées à sa surface, la masse ne reçoit aucune impression de l’air; mais il n’en est pas ainsi du liquide qui, imbibant le chapeau, se, trouve évidemment dans les conditions les plus efficaces pour que l’alcool qu’il contient s’acidifie. Cette altération du chapeau de la vendange ne s’arrête pas toujours là : les matières azotées éprouvent quelquefois un commencement de putréfaction ; il s’y déve
loppe une odeur nauséabonde, et il n’est pas rare, dans des circonstances extrêmes, d’y voir naître des moisissures. On comprend dès lors dans ce cas, conclut le savant chimiste,
tous les inconvénients qui peuvent résulter, pour la qualité des vins, de l’introduction du chapeau dans le moût quand on vient à le refouler dans la cuve. Toutefois un proprié


taire de vignes fort instruit, M. de Vergneüe-Lamolte, fau


teur d’un Mémoire sur la Diniculture et de YOEnologie de la Çôle-dOr, s’est assuré que cette altération n’est que superficielle, ou du moins ne pénètre qu’à une faible pro


fondeur. Aussi, pour soustraire avec certitude le vin à cés principes açiçles ou morbides, il suffit d enlever soigneuse


ment ta partie extérieure du chapeau sur une épaisseur de 10, à 15 centimètres avant de procéder au foulage.
ha lieo%e scientijique contenait tout récemment. les procédés que M- Rousseau a imaginés pour la fabrication des vins mousseux et leur mise en bouteilles. Il a, le premier, observé ce fait curieux : que la fermentation d’un liquide en vase clos dépend moins de la différence des densités du liquide et du dépôt, que de la tension produite par l’accumulation dq gaz et sa dissolution dans le liquide.
La maladie de la vigne continue ses progrès. La voici arrivée en I talie et en Espagne, sur les vignobles de Malaga. Les conjectures et les discussions redoublent.
Les lins vont criant au criptogame Yoïdium Tucherü; d’autres, à l’animalcule Yacarus commun, ou tout autre. 11 en est qui disent : Vous prenez l’effet pour la cause. La vigne peut être frappée par un élément morbide qui trouble ses fonctions intérieures sans que cette atteinte initiale se révèle aux yeux du vigneron le plus clairvoyant. Bientôt la circulation de la sève languit, la coloration s’altère, les tissus se dénaturent, les parties tendres ou pulpeuses subis
sent les décompositions chimiques. Cependant les propagules du terrible cryptogame l’oïdium, qui vonl flottant im
perceptibles dans l’atmosphère, s’arrêtent sur les raisins altérés; ils y trouvent les conditions favorables pour germer et se multipliera l’infini. Des insectes de divers or
dres, obéissant à h mission providentielle, accourent de
toutes parts pour confier à ces foyers de mort les germes de vie de leur primogéniture, c’est-à-dire leurs œufs, d’où sortiront les larves. Et le savant, armé de sa loupe, pro
clame comme auteurs du désastre et le cryptogame inoffensif, et la larve innocente, et les acarus de divers noms.
Dans le camp des gens qui croient à une maladie intérieure, il y ale philosophe (peut-êtren’est-il pas vigneron) qui conclut : C’est une de ces maladies sur lesquelles il faut savoir prendre son parti. Arriverez-vous à supprimer
la rage ou le choléra,?•— M. Guérin rapporte la maladie à un excès de vitalité, et, de même qu’on lire du sang à un homme replet, il fait des incisions à la souche pour tirer de la sève, taille tardivement, de manière à enlever une partie des bourgeons, etc,. — Le Prussien M. Schleiden affirme que le mal vient d’un excès de culture, d’une indigestion d’engrais ; il y a pléthore de phosphates : le remède est la diète de toute fumure, et tenir le malade dans des condi
tions moins bonnes de soins. — Un autre savant, que je ne nommerai point, il est trop de mes amis, conseille d’interterroger à ce sujet Y astronomie. C’est elle seule qui peut expliquer les conditions nouvelles de notre atmosphère. Selon lui, la cosmogonie ne permet pas de croire que la dé
sorganisation qui commence à se répandre sur plusieurs de nos cultures puisse n’être que passagère.
Comme consolation, l’historien discute la première date du fléau. De nos jours, la première apparition en France fut dénoncée par un journal du département de l’Aude, dans le printemps de 18kh : « Une maladie atteint nos vi
gnobles dans les environs de Lezignan; elle commence par les feuilles, qui se couvrent par dessous d’une mousse blanche fort épaisse. Plus tard, le raisin en est atteint, les grains deviennent à leur extrémité d’un rouge très-vif, surtout dans les plans de grenache, et bientôt ils se dessèchent. »
Il y avait déjà quelques années qu’en Angleterre les vignes cultivées dans les serres étaient ravagées par un cryptogame dont l’origine était un problème (la solution se, fait attendre et pour longtemps encore probablement). Ce
pendant le fléau ne date pas de ce siècle seulement. D’après un rapport lu à la Société des Pyrénées-Orientales, une ma
ladie semblable désola les vignes d’Italie, il y a quatre cents ans. Non-seulement le vin était devenu détestalile, mais il se corrompit promptement, et donna naissance à une ma
ladie. On lit dans Pline : « Une maladie particulière aux oliviers et aux vignes existe en ce moment ; on peut l’appeler toile d araignée; car, semblable à une toile, elle enveloppe le fruit, le consume et l’absorbe. » Je viens de cau
ser avec un vieillard du village de Monlesson, près Paris, quia quatre-vingts ans; il tient de son père qu’il y a cent vingt-sept ans (soit en 1726) une mousse blanche couvrit les feuilles de la vigne et les grains de raisin, et la chose vint au point qu’il fallut arracher les vignes dans un grand nombre de vignobles.
Cette assurance que le fléau n’est pas chose nouvelle a grossi le nombre des optimistes. Ceux-ci répètent que ce sont les écrivains et les journalistes qui s’alarment à l’excès, pour avoir occasion d’emboucher une trompette où souf
fler leur nom : la maladie de la vigne passera comme a passé la maladie des pommes de terre, qui, selon eux, a existé à peine. Ils en sont à nier la mortalité qui a suivi les disettes en Irlande, il y a quelques années, et ce qui s’est passé en Allemagne, et s’y passe encore dans celte même année, au rapport de M. Villeroy, qui est un esprit sage, et qui ne donne pas dans l’exagération.
Le cultivateur, procédant par empirisme, a essayé de quelques lotions. Lapins recommandable semble être le liquide imaginé par M. Grison, jardinier des primeurs à l’an
cien potager du roi à Versailles. C’est une solution de chaux éteinte et de fleurs de soufre, à égalité de poids, et allongée d’eau dans une proportion que l’on règle sur l intensité de ta maladie. La mousse blanche disparaît sous l’aspersion, et pour l’ordinaire la vigne guérit spontanément. Cette gué
rison, après que le cryptogame ou l’acarus a été détruit, doit cependant donner à réfléchir aux partisans de l’opinion d’une maladie intérieure, qui serait cause première, et qui proviendrait, disent-ils, d une turgescence végétative, ou de la vitalité frappée a son foyer : les médecins de végé
taux ont aussi leur langue, qui’ n’est pas celle du profane vulgaire.
L’Académie du Gard met au concours la question de la maladie de la vigne ; le programme porte : « L Académie ne demande pas l’exposition de recherches scient tiques, qu’elle accueillerait pourtant avec intérêt. Elle ne se contenterait pas non plus du récit de quelques expériences faites avec les eaux de goudron, de chaux, avec des aspersions de fleur de soufre ou des lotions d’eau chargée d’acide sulfu
rique, elc. Ce qu’elle désire, c’est qu’on découvre un pro
cédé applicable en grand, et propre à éloigner le fléau ; c’est qu’on lui propose un remède expéditif, économique et sûr, en précisant même l’époque de l’emploi, et cela dans un mémoire court, substantiel et accessible à des in
telligences peu cultivées. » Le prix est de 300 francs ; ce n’est pas trop pour ce qu’on exige ; mais la plus belle académie du monde ne peut donner que ce qu’elle a.
Saint-Germain Leduc.


Travaux publics à Paris.


L’administration municipale enlève en ce moment les derniers matériaux qui encombrent le passage de la rue de Rivoli entre la rue Saint-Martin et la rue Saint-Denis. Dans peu de jours, les quel