Marseille, Toulon, Aix, Nîmes.
A mesure que nous avançons dans le récit du voyage de Louis-Napoléon, noire tâche devient plus difficile. D’abord les rendus comptes de dix journaux divers ont pris de telles proportions que nous avons pmne à résumer, en cherchant à être complet, dans l’espace bien que considérable dont nous disposons hebdomadairement, les in-folio narratifs qu’il nousfaut chaque jour compulser et condenser. Là n’est pas encore pourtant notre plus grand embarras. La plupart des feuilles auxquelles nous empruntons la substance de
notre relation propre l’ont prise dès le principe sur un mode si majeur, que maintenant enthousiasme, joie, satisfaction, sont des expressions faibles qu’un excès de lyrisme a mises hors d’usage pour ceux de ces organes auxquels on adonné Je nom assez juste A r.Jjicieu.r, c’est à-dire visant à êlre of
ficiels, mais sans mandat et même sans un encouragement bien précis. Il en est arrivé ce qui arrive toujours lorsque l’on attaque trop liant. Actuellement, ces jou, naux ne par
assez peu convenables, dont nul lecteur de goût ne saurait approuver l’emploi dans la présente circonstance. L’amour ne suffit plus; c’est « d’adoration » qu’il est question dans leurs colonnes, et nous douions encore que ce détourne
ment aux choses humaines de ce qui revient à Dieu seul soit susceptible de flatter un prince qui saisit toutes les oc
casions défaire hautement profession de ses sentiments religieux. Celui de ces journaux qui abonde le plus dans ces licences pindariques. et que chacun déjà a nommé, nous dépeint à Marseille, sur le passage du Prince, dans son in
croyable style, « les fenêtres toutes rayonnantes de regards passionnés, » ce qui ne tend rien moins qu’à nous transporter en Thrace, au milieu des Ménades, et finirait en vé
rité par donner de l’inquiétude pour la sûreté de celui qu’avec ces tons faux et criards on montre inspirant de ces transports dyonisiaques. Aous que n’animent, grâce à Dieu, aucunes fureurs de cette nature, et qui cherchons tout sim
plement à être précis et fidèle, nous avons donc la grande chance de paraître froid au milieu de ces concerts dithyrambiques. Dieu nous garde d’y vouloir mêler une noie discordante; rien n’est plus loin de notre pensée. Nous ne serons pas même ici «cette petite chanterelle» dont Grétry re
grettait l’absence eteût volontiers, disait-il, donné un louis, en écoutant une ouverture assez bizarre de Méhul, toute en instruments à vent; mais nous avions besoin d’expliquer comment notre trop faible souffle est hors d’état de suivre, en leurs incandescentes spirales, en leurs jets toujours plus ignés et crépitants, les poétiques éruptions dont la presse officieuse est le foyer.
Cela dit, reprenons noire narration et suivons le chef de l’Etat à Marseille. Il convient d’abord de stationner à Arles,
où M. le Président, reçu par le préfet des Bouches-dulUiône et les députations communales de l’arrondissement, a mis pied à terre, et, après une harangue de M. Kemacle, député au corps législatif et maire de la ville, a franchi plu
sieurs arcs de triomphe, dont l’un portait cette inscription :
« Il renouvellera ht face d la terre, » et s’est transporté aux Arènes, ce magnifique débris de la puissance romaine, tout pavoisé de drapeaux aux couleurs gauloises, et dont une foule, digne de la ville éternelle, occupait les vastes gra
dins. Là, des vivat et des fleurs offertes avec un compliment par M * liemacle ont accueilli le Prince, dont la tente était entourée d’une centaine des plus belles Grecques d’Arles, vêtues du costume et coiffées du gracieux bandeau national.
M. le Président a traversé ensui e toute la ville non moins ornée pour se rendre à Saint-Trophime, où, sous le beau portail byzantin, il a été reçu, et de là conduit processionnellement au chœur par l’archevêque d’Aix et d’Arles. Le prélat lui a adressé un discours dans lequel il lui exprime la joie d’avoir à « saluer en sa personne le neveu du grand homme itérant qui la terre se rut comme devant Alexan
dre, » et le remercie de « vouloir que les pères de famille soient libres de confier au sacerdoce l’éducation de leurs enfants. »
Nous omettons, faille d’espace, tout le parcours si pittoresque du rail-way d’Arles à Marseille : nos lecteurs trou
veront autre part les notions les plus circonstanciées sur les bords de l’étang de Berre et le souterrain de la Nerthe. Le train présidentiel ne s’est plus arrêté qu’une seule fois à Saint-Chamas, et de bonne heure il entrait dans la gare de Marseille (25 seplemore).
Une voilure à quatre chevaux blancs empanachés et conduits à la Daumont attendait le Prince au débarcadère, et
c’est dans ce brillant équipage qu’il est parvenu à l’entrée de la ville, à l’arc de triomphe monumental qui en forme la barrière, du côté d’Aix. Toute celte spacieuse promenade était décorée de fontaines fleuries dans le goût de celles qui garnissaient les Champs-Elysées k la fête du 15 août. Au milieu, on voyait une colossale statue de Marseille, due à l’improvisation de M. liamus, statuaise phocéen, laquelle statue tenait en main deux couronnes, l’une de chêne, l’au
tre d’olivier. L’arc de triomphe était orné de festons et de banderoles, rafraîchi par des jets d’eau, et portait celte ins
cription : v 1 Louis-Napoléon, Marseille rtconnaissante. » Toutes les troupes de la garnison formaient la haie depuis le commencement de la rue d’Aix jusques et y compris la rue Saint-Ferréol. S’étaient également portés au devant du Prince ie corps municipal, les délégués du commerce, les corporations et les sociétés de secours mutuels et de pré
voyance, qui sont très-nombreuses à Marseille (on y en compte cent vingt-cinq); les mariniers et les dames de la halle qui ont offert au Président un don singulier de fleurs, de fruits, de langoustes, de macreuses et de thon entremê
lés, un vrai tableau de Sneyders. Toutes les cloches et tous les canons des deux forts sonnaient ou détonnaient, bien entendu, à toute volée.
Arrivé devant l’nrc de triomphe, M. le Président a mis pied à terre, et là M. de Chantérac, maire de Marseille, en
lui offrant les clefs de la ville, préalablement argentées par le procédé Christophe, lui a adressé un discours, et lui a remis une adresse du corps municipal, concluant l un et l’autre à la stabilité des pouvoirs. Une association d’anciens militaires lui a présente une couronne d’or, d’épis et de lauriers entrelaces, couverts d’abeilles. M. le Président est ensuite monté à cheval, et a fait son entrée dans la ville,
au petit pas, escorté, d’un brillant état-major. Il a suivi le Cours, la Canebière, et a gagné la préfecture par les rues
Saint-Ferréol et Mazade. Sur lout ce parcours, la foule était très-nombreuse, et les fenêtres très-garnies. A l’hôtel
de la Préfecture, M. le Président a reçu le conseil général, les autorités, l’amiral Baudin, une députation de Corses présentés par M. de Casablanca, le général l’obérli, aide de camp de S. M. le roi de Naples, arrivé la veille pour présen
ter au Prince les compliments de son souverain; Mgr de Saint-Marsan, archevêque d’Ephèse, envoyé par S. S. Pie IX, et une députation de l’Algérie conduite par M. le général Pélissier, commandant la province d’Oran. M11 Cuülol, à la tète de vingt-cinq demoiselles vêtues de Liane, a offert des bouquets au Prince. M. le Président a été chercher en
suite dans ses appartements quelques inst nls de repos dont il devait avoir besoin. Le soir, il s’ost rendu au Grand- Théâtre, où on donnait lu Farorile et ne Torchez- nas a la R-tue, opéra comique d’un compositeur marseillais, AL Boisseiol. Ce spectacle, assez long, a été coupé d inter
mèdes lyriques en 1 honneur de Louis-Napoléon, et on y a chanté deux cantates, l’une de M. Esprit Privât, dont la musique était de VI. l’rolli ; l’autre, de M. Silvain Lîlot, mu
sique de M. Edouard Bruguières. M. Silvain Blot, avant d’entrer dans la cari1ère administrative, avait été un agréable poêle de romances, et, dans M. Bruguières, n’a fait que retrouver un,ancien collaborateur. La cantate est àtrois couplets, ayant le refrain suivant ;
Dieu vous donne à la France, Et la France, à son tour, Belle au. si d espérance,
Se donne à votre amour.
Le même soir, la ville était illuminée de nombreux aigles de flammes, aux initiales du Prince. Malheureusement il a plu, et les lampions en ont souffert.
Le lendemain, 26, M. le Président s’esl d’abord rendu, à dix heures, à la cathédrale IJa Major), située près de la vieille ville, et il a eu à traverser, dans ce trajet, tonte la longueur des quais et les quartiers populeux dits de la Ma
rine. « Le port, dit le Moniteur, éclairé parle plus radieux soleil, offrait un magnifique spectacle : les navires, rangés en bon ordre le long des quais, étaient pavoisés et chargés,
jusqu’au faîte des mâts, d’une masse de spectateurs. Les fenêtres des maisons étaient ornées de tapisseries aux ri
ches couleurs. » Les corporations s’étendaient, en longues (îles, depuis la Canebière jusqu’au nouveau port de la Jolielle. Les tambours battaient aux champs, et les bannières
s’inclinaient sur le passage du Prince, qui a été reçu sur le seuil de l’Eglise par Mgr de Mazenod, successeur du glo
rieux Btdzunce, dont mie statue, placée devant ie portail principal, iappelait les évangéliques vertus et le. dévoue
ment héroïque. L’évêque de Marseille a prononcé un long discours, où, félicitant le Prince « d avoir pris en main l’é- pé« de la chrétienté », il lui a représenté l’état de vétusté
et d’insuffisance du temple où il venait de l’introduire, et l’a remercié de lui avoir annoncé, la veille, l’édification d’une nouvelle cathédrale. Un décret, daté de Marseille et non inséré jusqu’ici au Moniteur universel, ouvre en effet un crédit de deux millions cinq cent mille francs à complé
ter sur les fonds spéciaux de la ville pour la construction d’une nouvelle église métropolitaine au chef-lieu des Bouches-du-Rhône. Le Prince a répondu par une allocution où
l’on a surtout remarqué le passage suivant : « Mon gouver« nement, je le dis avec orgueil, est un des seuls qui aient « soutenu la religion pour elle-même; il la soutient, non « comme instrument politique, non pour plaire à un parti,
« mais uniquement par conviction et par amour du bien « qu’elle inspire, comme des vérités qu’elle enseigne. »
Pendant que la cérémonie religieuse s’accomplissait, la foule occupait les quais, les rampes du port de la Joliette et la place de la Cathédrale, et les marins s’apprêtaient à disputer le prix de la joule, à laquelle le Prince a assisté,
après avoir parcouru, an sortir de l’égiise, les travaux du port, et examiné sur les lieux les projets de l’anse d Arenc.
Les joutes ont eu lieu sur les biques, longues perches sur lesquelles s’avancent, deux combattants armés de lances et de boucliers, et dont le moins solide sur ses jambes, quand ce n’est pas le couple entier, tombe à la mer au milieu des transports delà bruyante hilarité marseillaise.
A l’issue de ces jeux nautiques, ii s’est agi de poser la première pierre de la nouvelle. Bourse, qui s’élèvera sur la
Canebière, et sera digne de l’importance de ia ville. Celle cérémonie a été précédée d’un discours prononcé par M. Kaba ud, au nom de la chambre de commerce.
Il y a eu ensuite revue au Prado, dont les belles et larges allées contenaient, sur une seule ligne, huit mille hommes de la garnison de Marseille, et au rond-point duquel on
avait élevé de vastes tribunes, occupées bien longtemps avant l’heure de la fête militaire. M. le Président, après
avoir passé au pas devant le front de chaque régiment, a distribué des médailles et des décorations, et, venant se
placer au rond-point, il a assisté au défilé, Il est monté ensuite à bord du bâtiment la Ile.ine-Hortense, qui l’atlendait au bout du Prado, el a, dans cette promenade maritime, examiné les travaux du chemin de ceinture, qui, longeant le bord de la mer, doit réunir à la ville de vastes étendues de terrain, jusqu’à présent sans valeur, faute de moyens de communication.
La Reine, iîortense est entré dans le port au milieu des saluts des vaisseaux degueire exceptionnellement mouilles près des quais, et le Prince s’est rendu à la prélecture, où un
couvert nombreux, autour duquel les dames ont été admises à circuler, a reçu les invités d’élite de M. le Président.
Le soir, il y a eu grand bal à l’Hôtel de ville : M. le Président l’a ouvert avec M“e de Chantérac, femme du maire, ayant pour vis à-vis M. de Suleau, préfet, et M Jules de Casteliane. Le bal était fort beau; mais un journal local, la Gazette du. Midi, rapporte sur celte fête dansante d’as
sez singuliers détails : il parle de « buffets envahis, dévastés par une razzia de gloutonnerie; » il nous dépeint « l’au
torité des commissaires méconnue et toute une salle menacée d’évacuation, en un mot, l’anarchie dans une tête. »
Le même soir aussi, i lumination à l’habitude, feu d’artifice, et un superbe aigle planant sur Notre Dame de la Garde, au milieu de bombes et fusées.
Nous ne voyons pas que la récente découverte de la machine infernale de la rue d’Aix ait exercé une grande in
fluence sur l’ensemble de cette réception, assurément fort brillante. Il n’y a élé fait aucune allusion dans les paroles officielles adressées au Prince. Les sièges etaient-ils faits d’avance? ou bien ne voulait-on p is attrister de si belles fêteqpar un trop recent souvenir que celle rélicence n’empêchait pas d’être présent à tous les esprits ? Nous ne savons; toujours est-il qu’on n’en a rien dit, sans en penser moins, et peut-être a-t-on bien fait. Quant à l’enthou
siasme et aux acclamations, à leur nature et à leur nombre, on sait que chacun voit ou entend ces choses-la à sa maniéré. Le missionnaire du Pays a vu les fenêtres embra
sées de regards ardents ; un autre a trouvé singulièrement calme, compaiée à celle de Grenoble, de Nevers et de Saint- Etienne, la population marseillaise, dont c’est pourtant le moindre defaut. La feuille locale que nous avons déjà citée s’exprime ainsi : « Quant aux acclamations qui se sont fait entendre, il ne nous appartient pas d’en apprécier ni ia nature, ni l’intensité, ni d’en déterminer les nuances diverses. Quand des vivat ont retenti, quel a été le cri domi
nant ? Répondre à cette question serait déjà une chose bien délicate. » Le journal n’y répond donc point, et ce qu’il dit, comme ce qu’il ne dit pas, ne fait qu’accroître notre incertitude.
Le lendemain 27, le magnifique vaisseau de guerre à vapeur et à hélice, de quatre-vingt-quatorze canons et. trente obusiers, le Napoléon, qui contient douze cents hommes, jetait l’ancre dans la grande rade en face du Château-d’lf, attendant le Prince pour le transporter à Toulon, avec l’es
corte de quatre autres bâtiments à vapeur, la Jhiite-iiortense, e Pr nu, f Eclaireur 11 le l en/wl/et. Lne multi
tude de canots pavoisés couvraient la rade. A neuf heures, M. le Président a quitté la préfecture, laissant à la muni
cipalité de la ville 10,000 fr. pour les pauvres, et s’est rendu au port. Au moment où il a posé ie pied dans le ca
not qui devait le porter à bord, tous les canons des forts et des cinq bâtiments de l’escorte ont lâché par trois fois toutes leurs bordées, el les matelots de la flottille ont fait entendre sept fois, selon l’usage maritime, le cri : ire l.ouis-Napolé n ! M. le Président a élé reçu au haut de l’é chelle à tribord par M. Lugeol, capitaine de vaisseau, com
mandant te i\npir/t on, entouré de son état-major et ayant auprès de lui les ingénieurs-eonstrueteurs de cet admira
ble navire, que le Président a nommés à la première classe de leur grade. A bord se trouvaient aussi des généraux français el étrangers, entre autres le général Koherli, en
voyé extraordinaire de Naples, et le général Pélissier de l’armée d’Afrique, l’evêque d’Ephèse, légat du pape, et un aide de camp du capitaine général de la Catalogne, don Ramon de la Itocca. M. Morel-Patio, peintre, était du voyage,
avec mission de reproduire, pour la perpétuer, cette scène.
Quatre heures de traversée ont porté le corlége présidentiel du Château-d’lf devant la grande rade de Toulon. La flottille a longé la côte à un mille de distance environ; elle a doublé le cap Ficié, au delà duquel elle a rencontré line nouvelle escadrille de bateaux à vapeur, commandée par le contre-amiral Jacquinel, qui l’a saiuee de trois salves et lui a fait cortège jusqu’à Toulon.
Ici, nouvelles salves. L’immense rade était couverte de vaisseaux du plus haut bord, pavoisés jusqu’à la flamme
et vomissant, de concurrence avec le fort Lamalgue et le Petit-Gibraltar, des flots de feu et de fumée. Une foule, immense couvrait le rivage sur un pourtour de plusieurs milles. Le Prince est. descendu avec ses généraux el ses ministres dans un splendide canot, blanc et or, pavoisé, re
levé d’aigles à la poupe et à la proue ; il a Iraver.-é le port marchand, entre une double haie de vieux vaisseaux en dé
sarmement, vrais invalides de la marine, dont fait partie le Mviron, celte frégate qui ramena Bonaparte d’Egypte à tra
vers les flottes anglaises, et il est venu accoster près de l’arsenal où l’attendaient les chefs du service maritime.
C’est la que lé maire de la ville lui en a remis les clefs, à la tête de son conseil municipal. Il paraît qu’il v a eu ici con
fusion, et que l’autorité civile ne devait pas pénétrer dans l enceinte toute militaire de l’arsenal, ce qui aurait donné lieu à une sorte de conflit. L’incident n’est pas bien grave. Le Prince, dit un correspondant loulonnais, paraissait fa
tigué, ce qui se conçoit. On s’est précipité, dit le même, vers lui en étendant les bras, par une pantomime toute méridionale, en guise de prestation de serment, et il en est résulté un peu de désordre momentané. Le maire, M. lîeynaud, a adressé au Prince une allocution relative à l’amour des Toulonnais pour l’Empereur, el ie Prince a répondu que, de sou côté, il avait concu pour Toulon une affection
particulière, comme ayant été le berceau « de la grandeur de sa maison. » M. le Président s’esl rendu ensuite à pied de l’arsenal à l’hôtel de la préfecture maritime, à travers le Champ-rle-Balaille où se trouvaient les délégués des com
munes du département, bannières en tête. Tous les vœux exprimés sur les drapeaux de ces délégués étaient fort impérialistes ; on remarquait, entre autres, celui de la ville
A mesure que nous avançons dans le récit du voyage de Louis-Napoléon, noire tâche devient plus difficile. D’abord les rendus comptes de dix journaux divers ont pris de telles proportions que nous avons pmne à résumer, en cherchant à être complet, dans l’espace bien que considérable dont nous disposons hebdomadairement, les in-folio narratifs qu’il nousfaut chaque jour compulser et condenser. Là n’est pas encore pourtant notre plus grand embarras. La plupart des feuilles auxquelles nous empruntons la substance de
notre relation propre l’ont prise dès le principe sur un mode si majeur, que maintenant enthousiasme, joie, satisfaction, sont des expressions faibles qu’un excès de lyrisme a mises hors d’usage pour ceux de ces organes auxquels on adonné Je nom assez juste A r.Jjicieu.r, c’est à-dire visant à êlre of
ficiels, mais sans mandat et même sans un encouragement bien précis. Il en est arrivé ce qui arrive toujours lorsque l’on attaque trop liant. Actuellement, ces jou, naux ne par
lent pl us que « d’ivresse, de délire, » termes douteuxet même
assez peu convenables, dont nul lecteur de goût ne saurait approuver l’emploi dans la présente circonstance. L’amour ne suffit plus; c’est « d’adoration » qu’il est question dans leurs colonnes, et nous douions encore que ce détourne
ment aux choses humaines de ce qui revient à Dieu seul soit susceptible de flatter un prince qui saisit toutes les oc
casions défaire hautement profession de ses sentiments religieux. Celui de ces journaux qui abonde le plus dans ces licences pindariques. et que chacun déjà a nommé, nous dépeint à Marseille, sur le passage du Prince, dans son in
croyable style, « les fenêtres toutes rayonnantes de regards passionnés, » ce qui ne tend rien moins qu’à nous transporter en Thrace, au milieu des Ménades, et finirait en vé
rité par donner de l’inquiétude pour la sûreté de celui qu’avec ces tons faux et criards on montre inspirant de ces transports dyonisiaques. Aous que n’animent, grâce à Dieu, aucunes fureurs de cette nature, et qui cherchons tout sim
plement à être précis et fidèle, nous avons donc la grande chance de paraître froid au milieu de ces concerts dithyrambiques. Dieu nous garde d’y vouloir mêler une noie discordante; rien n’est plus loin de notre pensée. Nous ne serons pas même ici «cette petite chanterelle» dont Grétry re
grettait l’absence eteût volontiers, disait-il, donné un louis, en écoutant une ouverture assez bizarre de Méhul, toute en instruments à vent; mais nous avions besoin d’expliquer comment notre trop faible souffle est hors d’état de suivre, en leurs incandescentes spirales, en leurs jets toujours plus ignés et crépitants, les poétiques éruptions dont la presse officieuse est le foyer.
Cela dit, reprenons noire narration et suivons le chef de l’Etat à Marseille. Il convient d’abord de stationner à Arles,
où M. le Président, reçu par le préfet des Bouches-dulUiône et les députations communales de l’arrondissement, a mis pied à terre, et, après une harangue de M. Kemacle, député au corps législatif et maire de la ville, a franchi plu
sieurs arcs de triomphe, dont l’un portait cette inscription :
« Il renouvellera ht face d la terre, » et s’est transporté aux Arènes, ce magnifique débris de la puissance romaine, tout pavoisé de drapeaux aux couleurs gauloises, et dont une foule, digne de la ville éternelle, occupait les vastes gra
dins. Là, des vivat et des fleurs offertes avec un compliment par M * liemacle ont accueilli le Prince, dont la tente était entourée d’une centaine des plus belles Grecques d’Arles, vêtues du costume et coiffées du gracieux bandeau national.
M. le Président a traversé ensui e toute la ville non moins ornée pour se rendre à Saint-Trophime, où, sous le beau portail byzantin, il a été reçu, et de là conduit processionnellement au chœur par l’archevêque d’Aix et d’Arles. Le prélat lui a adressé un discours dans lequel il lui exprime la joie d’avoir à « saluer en sa personne le neveu du grand homme itérant qui la terre se rut comme devant Alexan
dre, » et le remercie de « vouloir que les pères de famille soient libres de confier au sacerdoce l’éducation de leurs enfants. »
Nous omettons, faille d’espace, tout le parcours si pittoresque du rail-way d’Arles à Marseille : nos lecteurs trou
veront autre part les notions les plus circonstanciées sur les bords de l’étang de Berre et le souterrain de la Nerthe. Le train présidentiel ne s’est plus arrêté qu’une seule fois à Saint-Chamas, et de bonne heure il entrait dans la gare de Marseille (25 seplemore).
Une voilure à quatre chevaux blancs empanachés et conduits à la Daumont attendait le Prince au débarcadère, et
c’est dans ce brillant équipage qu’il est parvenu à l’entrée de la ville, à l’arc de triomphe monumental qui en forme la barrière, du côté d’Aix. Toute celte spacieuse promenade était décorée de fontaines fleuries dans le goût de celles qui garnissaient les Champs-Elysées k la fête du 15 août. Au milieu, on voyait une colossale statue de Marseille, due à l’improvisation de M. liamus, statuaise phocéen, laquelle statue tenait en main deux couronnes, l’une de chêne, l’au
tre d’olivier. L’arc de triomphe était orné de festons et de banderoles, rafraîchi par des jets d’eau, et portait celte ins
cription : v 1 Louis-Napoléon, Marseille rtconnaissante. » Toutes les troupes de la garnison formaient la haie depuis le commencement de la rue d’Aix jusques et y compris la rue Saint-Ferréol. S’étaient également portés au devant du Prince ie corps municipal, les délégués du commerce, les corporations et les sociétés de secours mutuels et de pré
voyance, qui sont très-nombreuses à Marseille (on y en compte cent vingt-cinq); les mariniers et les dames de la halle qui ont offert au Président un don singulier de fleurs, de fruits, de langoustes, de macreuses et de thon entremê
lés, un vrai tableau de Sneyders. Toutes les cloches et tous les canons des deux forts sonnaient ou détonnaient, bien entendu, à toute volée.
Arrivé devant l’nrc de triomphe, M. le Président a mis pied à terre, et là M. de Chantérac, maire de Marseille, en
lui offrant les clefs de la ville, préalablement argentées par le procédé Christophe, lui a adressé un discours, et lui a remis une adresse du corps municipal, concluant l un et l’autre à la stabilité des pouvoirs. Une association d’anciens militaires lui a présente une couronne d’or, d’épis et de lauriers entrelaces, couverts d’abeilles. M. le Président est ensuite monté à cheval, et a fait son entrée dans la ville,
au petit pas, escorté, d’un brillant état-major. Il a suivi le Cours, la Canebière, et a gagné la préfecture par les rues
Saint-Ferréol et Mazade. Sur lout ce parcours, la foule était très-nombreuse, et les fenêtres très-garnies. A l’hôtel
de la Préfecture, M. le Président a reçu le conseil général, les autorités, l’amiral Baudin, une députation de Corses présentés par M. de Casablanca, le général l’obérli, aide de camp de S. M. le roi de Naples, arrivé la veille pour présen
ter au Prince les compliments de son souverain; Mgr de Saint-Marsan, archevêque d’Ephèse, envoyé par S. S. Pie IX, et une députation de l’Algérie conduite par M. le général Pélissier, commandant la province d’Oran. M11 Cuülol, à la tète de vingt-cinq demoiselles vêtues de Liane, a offert des bouquets au Prince. M. le Président a été chercher en
suite dans ses appartements quelques inst nls de repos dont il devait avoir besoin. Le soir, il s’ost rendu au Grand- Théâtre, où on donnait lu Farorile et ne Torchez- nas a la R-tue, opéra comique d’un compositeur marseillais, AL Boisseiol. Ce spectacle, assez long, a été coupé d inter
mèdes lyriques en 1 honneur de Louis-Napoléon, et on y a chanté deux cantates, l’une de M. Esprit Privât, dont la musique était de VI. l’rolli ; l’autre, de M. Silvain Lîlot, mu
sique de M. Edouard Bruguières. M. Silvain Blot, avant d’entrer dans la cari1ère administrative, avait été un agréable poêle de romances, et, dans M. Bruguières, n’a fait que retrouver un,ancien collaborateur. La cantate est àtrois couplets, ayant le refrain suivant ;
Fils de la belle Iîortense,
Dieu vous donne à la France, Et la France, à son tour, Belle au. si d espérance,
Se donne à votre amour.
Le même soir, la ville était illuminée de nombreux aigles de flammes, aux initiales du Prince. Malheureusement il a plu, et les lampions en ont souffert.
Le lendemain, 26, M. le Président s’esl d’abord rendu, à dix heures, à la cathédrale IJa Major), située près de la vieille ville, et il a eu à traverser, dans ce trajet, tonte la longueur des quais et les quartiers populeux dits de la Ma
rine. « Le port, dit le Moniteur, éclairé parle plus radieux soleil, offrait un magnifique spectacle : les navires, rangés en bon ordre le long des quais, étaient pavoisés et chargés,
jusqu’au faîte des mâts, d’une masse de spectateurs. Les fenêtres des maisons étaient ornées de tapisseries aux ri
ches couleurs. » Les corporations s’étendaient, en longues (îles, depuis la Canebière jusqu’au nouveau port de la Jolielle. Les tambours battaient aux champs, et les bannières
s’inclinaient sur le passage du Prince, qui a été reçu sur le seuil de l’Eglise par Mgr de Mazenod, successeur du glo
rieux Btdzunce, dont mie statue, placée devant ie portail principal, iappelait les évangéliques vertus et le. dévoue
ment héroïque. L’évêque de Marseille a prononcé un long discours, où, félicitant le Prince « d avoir pris en main l’é- pé« de la chrétienté », il lui a représenté l’état de vétusté
et d’insuffisance du temple où il venait de l’introduire, et l’a remercié de lui avoir annoncé, la veille, l’édification d’une nouvelle cathédrale. Un décret, daté de Marseille et non inséré jusqu’ici au Moniteur universel, ouvre en effet un crédit de deux millions cinq cent mille francs à complé
ter sur les fonds spéciaux de la ville pour la construction d’une nouvelle église métropolitaine au chef-lieu des Bouches-du-Rhône. Le Prince a répondu par une allocution où
l’on a surtout remarqué le passage suivant : « Mon gouver« nement, je le dis avec orgueil, est un des seuls qui aient « soutenu la religion pour elle-même; il la soutient, non « comme instrument politique, non pour plaire à un parti,
« mais uniquement par conviction et par amour du bien « qu’elle inspire, comme des vérités qu’elle enseigne. »
Pendant que la cérémonie religieuse s’accomplissait, la foule occupait les quais, les rampes du port de la Joliette et la place de la Cathédrale, et les marins s’apprêtaient à disputer le prix de la joule, à laquelle le Prince a assisté,
après avoir parcouru, an sortir de l’égiise, les travaux du port, et examiné sur les lieux les projets de l’anse d Arenc.
Les joutes ont eu lieu sur les biques, longues perches sur lesquelles s’avancent, deux combattants armés de lances et de boucliers, et dont le moins solide sur ses jambes, quand ce n’est pas le couple entier, tombe à la mer au milieu des transports delà bruyante hilarité marseillaise.
A l’issue de ces jeux nautiques, ii s’est agi de poser la première pierre de la nouvelle. Bourse, qui s’élèvera sur la
Canebière, et sera digne de l’importance de ia ville. Celle cérémonie a été précédée d’un discours prononcé par M. Kaba ud, au nom de la chambre de commerce.
Il y a eu ensuite revue au Prado, dont les belles et larges allées contenaient, sur une seule ligne, huit mille hommes de la garnison de Marseille, et au rond-point duquel on
avait élevé de vastes tribunes, occupées bien longtemps avant l’heure de la fête militaire. M. le Président, après
avoir passé au pas devant le front de chaque régiment, a distribué des médailles et des décorations, et, venant se
placer au rond-point, il a assisté au défilé, Il est monté ensuite à bord du bâtiment la Ile.ine-Hortense, qui l’atlendait au bout du Prado, el a, dans cette promenade maritime, examiné les travaux du chemin de ceinture, qui, longeant le bord de la mer, doit réunir à la ville de vastes étendues de terrain, jusqu’à présent sans valeur, faute de moyens de communication.
La Reine, iîortense est entré dans le port au milieu des saluts des vaisseaux degueire exceptionnellement mouilles près des quais, et le Prince s’est rendu à la prélecture, où un
couvert nombreux, autour duquel les dames ont été admises à circuler, a reçu les invités d’élite de M. le Président.
Le soir, il y a eu grand bal à l’Hôtel de ville : M. le Président l’a ouvert avec M“e de Chantérac, femme du maire, ayant pour vis à-vis M. de Suleau, préfet, et M Jules de Casteliane. Le bal était fort beau; mais un journal local, la Gazette du. Midi, rapporte sur celte fête dansante d’as
sez singuliers détails : il parle de « buffets envahis, dévastés par une razzia de gloutonnerie; » il nous dépeint « l’au
torité des commissaires méconnue et toute une salle menacée d’évacuation, en un mot, l’anarchie dans une tête. »
Le même soir aussi, i lumination à l’habitude, feu d’artifice, et un superbe aigle planant sur Notre Dame de la Garde, au milieu de bombes et fusées.
Nous ne voyons pas que la récente découverte de la machine infernale de la rue d’Aix ait exercé une grande in
fluence sur l’ensemble de cette réception, assurément fort brillante. Il n’y a élé fait aucune allusion dans les paroles officielles adressées au Prince. Les sièges etaient-ils faits d’avance? ou bien ne voulait-on p is attrister de si belles fêteqpar un trop recent souvenir que celle rélicence n’empêchait pas d’être présent à tous les esprits ? Nous ne savons; toujours est-il qu’on n’en a rien dit, sans en penser moins, et peut-être a-t-on bien fait. Quant à l’enthou
siasme et aux acclamations, à leur nature et à leur nombre, on sait que chacun voit ou entend ces choses-la à sa maniéré. Le missionnaire du Pays a vu les fenêtres embra
sées de regards ardents ; un autre a trouvé singulièrement calme, compaiée à celle de Grenoble, de Nevers et de Saint- Etienne, la population marseillaise, dont c’est pourtant le moindre defaut. La feuille locale que nous avons déjà citée s’exprime ainsi : « Quant aux acclamations qui se sont fait entendre, il ne nous appartient pas d’en apprécier ni ia nature, ni l’intensité, ni d’en déterminer les nuances diverses. Quand des vivat ont retenti, quel a été le cri domi
nant ? Répondre à cette question serait déjà une chose bien délicate. » Le journal n’y répond donc point, et ce qu’il dit, comme ce qu’il ne dit pas, ne fait qu’accroître notre incertitude.
Le lendemain 27, le magnifique vaisseau de guerre à vapeur et à hélice, de quatre-vingt-quatorze canons et. trente obusiers, le Napoléon, qui contient douze cents hommes, jetait l’ancre dans la grande rade en face du Château-d’lf, attendant le Prince pour le transporter à Toulon, avec l’es
corte de quatre autres bâtiments à vapeur, la Jhiite-iiortense, e Pr nu, f Eclaireur 11 le l en/wl/et. Lne multi
tude de canots pavoisés couvraient la rade. A neuf heures, M. le Président a quitté la préfecture, laissant à la muni
cipalité de la ville 10,000 fr. pour les pauvres, et s’est rendu au port. Au moment où il a posé ie pied dans le ca
not qui devait le porter à bord, tous les canons des forts et des cinq bâtiments de l’escorte ont lâché par trois fois toutes leurs bordées, el les matelots de la flottille ont fait entendre sept fois, selon l’usage maritime, le cri : ire l.ouis-Napolé n ! M. le Président a élé reçu au haut de l’é chelle à tribord par M. Lugeol, capitaine de vaisseau, com
mandant te i\npir/t on, entouré de son état-major et ayant auprès de lui les ingénieurs-eonstrueteurs de cet admira
ble navire, que le Président a nommés à la première classe de leur grade. A bord se trouvaient aussi des généraux français el étrangers, entre autres le général Koherli, en
voyé extraordinaire de Naples, et le général Pélissier de l’armée d’Afrique, l’evêque d’Ephèse, légat du pape, et un aide de camp du capitaine général de la Catalogne, don Ramon de la Itocca. M. Morel-Patio, peintre, était du voyage,
avec mission de reproduire, pour la perpétuer, cette scène.
Quatre heures de traversée ont porté le corlége présidentiel du Château-d’lf devant la grande rade de Toulon. La flottille a longé la côte à un mille de distance environ; elle a doublé le cap Ficié, au delà duquel elle a rencontré line nouvelle escadrille de bateaux à vapeur, commandée par le contre-amiral Jacquinel, qui l’a saiuee de trois salves et lui a fait cortège jusqu’à Toulon.
Ici, nouvelles salves. L’immense rade était couverte de vaisseaux du plus haut bord, pavoisés jusqu’à la flamme
et vomissant, de concurrence avec le fort Lamalgue et le Petit-Gibraltar, des flots de feu et de fumée. Une foule, immense couvrait le rivage sur un pourtour de plusieurs milles. Le Prince est. descendu avec ses généraux el ses ministres dans un splendide canot, blanc et or, pavoisé, re
levé d’aigles à la poupe et à la proue ; il a Iraver.-é le port marchand, entre une double haie de vieux vaisseaux en dé
sarmement, vrais invalides de la marine, dont fait partie le Mviron, celte frégate qui ramena Bonaparte d’Egypte à tra
vers les flottes anglaises, et il est venu accoster près de l’arsenal où l’attendaient les chefs du service maritime.
C’est la que lé maire de la ville lui en a remis les clefs, à la tête de son conseil municipal. Il paraît qu’il v a eu ici con
fusion, et que l’autorité civile ne devait pas pénétrer dans l enceinte toute militaire de l’arsenal, ce qui aurait donné lieu à une sorte de conflit. L’incident n’est pas bien grave. Le Prince, dit un correspondant loulonnais, paraissait fa
tigué, ce qui se conçoit. On s’est précipité, dit le même, vers lui en étendant les bras, par une pantomime toute méridionale, en guise de prestation de serment, et il en est résulté un peu de désordre momentané. Le maire, M. lîeynaud, a adressé au Prince une allocution relative à l’amour des Toulonnais pour l’Empereur, el ie Prince a répondu que, de sou côté, il avait concu pour Toulon une affection
particulière, comme ayant été le berceau « de la grandeur de sa maison. » M. le Président s’esl rendu ensuite à pied de l’arsenal à l’hôtel de la préfecture maritime, à travers le Champ-rle-Balaille où se trouvaient les délégués des com
munes du département, bannières en tête. Tous les vœux exprimés sur les drapeaux de ces délégués étaient fort impérialistes ; on remarquait, entre autres, celui de la ville