d’Aups, où sc livra, au mois de décembre dernier, un rude combat, et qui aujourd hui témoigne « reconnaissance et dévouement » au Président. C’est à chaque pas que l’on trouve de ces traits d’inconséquence populaire, et c’est ainsi que la ville de Roanne vient d’en fournir un extraor
dinaire exemple, en renversant ou élaguant, parmi vote municipal, quatre jours après le passage du Président qu’elle a reçu à bras ouverts, son maire et la liste entière des candidats officiels.
En arrivant à la préfecture maritime, le prince a reçu des bouquets el une couronne de la main de M1 B Reynaud, petite-fille du maire, qui lui a récité un compliment en vers, terminé par le quatrain ci-après :
Nous voulons v ms offrir, Prince, cette couronne; Mais, laite v ec des fleurs, elle se flétrira
Il y avait à trois heures une revue dans le champ de manœuvre. Res villageois et les étrangers dont la ville regor
geait s’y sont portés avec une ardeur frénétique, ainsi que / s ri n.r ,ie TEinpi/t, tambour en tête, et les so
ciétés de bienfaisance, guidées par Je tambourin ou gabiubt t provençal. Le galoubet est un tambour très-allongé par rap
port au diamètre . sur lequel on ne frappe que de la main droite an moyen d’une baguette. Cette baguette, très-mince à l’extrémité en ivoire qui bat sur la peau, est renflée à l’autre et tonne comme une poignée; la main gauche du
musicien module un sifflet à trois trous. C’est au son de cette musique on ne peut plus simple que les vraies parties de plaisir s’exécutent en Provence el dans le Comlal-Vénaissin. Malheureusement, dans certains romérage ou fê
tes rustiques, on commence à sacrifier au faux goût et à mander des musiciens; mais, dans les grandes circonstan
ces, et celle-ci en est la preuve, c’est toujours le galoubet national qui a le dessus et reprend ses avantages naturels. Aussi ne périra-t-il pas, et ce serait vraiment dommage.
Bien que les maires el délégués tussent un peu désap pointés de la légèreté avec laquelle on avait passé devant eux, et eussent commencé de remettre tristement leurs écharpes en poche, on a beaucoup crié : Vive l’Empereur !
à cette revue, ceci est certain. Mais un singulier incident y a mis un instant tout le monde en rumeur. Un soldat qui,
probablement avait servi en Afrique, et avait vu brûler ta poudre en l’honneur et au nez des personnages illustres, a cru devoir, en passant devant le Président, lâcher la dé
tente de son fusil, chargé innocemment à poudre. De là grand émoi. On a saisi le délinquant et on l’a envoyé cou
cher en prison, d’où, sur ses explications, on l a relaxé, non sans lui infliger la verte semonce, que méritait ce trait d’enthousiasme un peu plus mahométan que de raison.
En revenant de la revue, M. le Président est rentré en ville par la porte d’Italie, et est allé visiter une exposition horticole et agricole dans la cour du collège, où le presi
Le Prince a été libre ensuite de renti er à la préfecture maritime, où il a reçu les autorités diverses. Mgr Wicart, évê
que de Fréjus, qui, par suite d’un malentendu universelle
à l église principale de la ville pour y chanter un Te Denrii, a passé le premier, et a prononcé un discours dans lequel il a dit à M. le Président que « des lèvres consacrées « au service de Dieu et de la vérité n’apprendraient pas en
« ce jour le langage de la flatterie pour l’adresser à un « prince; maisque, quand l’Eternel, apres des jours d’angois« ses, donnait au monde un Constantin, un Charlemagne ou
« un Napoléon pour arracher la société aux abîmés, il ét it « permis à un ministre de l’Evangile de trouver des accents « dans son cœur pour venir, entouré de ses frères, dire au «libérateur qui passe: Prince, recevez nos hommages, « agréez noire reconnaissance, et vivez!... » Le même pré
lat a ajouté qu’il n’avait point d’autres vœux ni d’autres pensées à exprimer pour la personne du Prince au pied des autels. M. le Président a répondu avec effusion à celte adresse. Il en a reçu plusieurs autres du conseil municipal, de la chambre de commerce et de la société de secours mutuels de la ville.
Le soir il y a eu illumination splendide sur le Champ-de- Bataiile, où des verres de couleur figuraient des ancres sur
montées des initiales du Prince. Un orchestre el des chœurs placés sous les fenêtres de la préfecture maritime ont, durant toute la soirée, exécuté des symphonies et des morceaux de chant en rapport avec la circonstance. M. le Pré
sident a paru plusieurs fois au balcon, et on l’a salué des cris de : ! ire /’Empereur !
Jetons maintenant un regard sur la ville de Toulon, qui contient aujourd’hui une population de près île 60,000 hommes, et qui, depuis le temps de Louis XIV, étouffe lit
téralement dans ses remparts. On peut juger, dans ees conditions, de l’effet qu y produisait une invasion des cinq ou six cents communes du département, sans parler d’une masse d étrangers venus de fort loin, sur l’annonce du sé
jour du Prince, et aussi du combat naval qui n’eut pas lieu le lendemain. Les logements élaient montésà des prix inac
cessibles, et les bons Toulonnnis rattrapaient en détail sur les hm s-venu.s-, comme on dit en Bretagne, les cent et quelques mille francs que leur coûtait le passage présiden
tiel. Il n’y avait pas de mansarde à moins fie quarante francs par jour, et l’on cite un monsieur à qui, pour s’être reposé, de quatre à six, dans une chambre , on en a demandé
soixante. Les aigles élaient hors de prix, et l’on vendait fort couramment deux louis tels de ces emblèmes en zinc ou aulre inétal vulgaire dont la valeur (intrinsèque) ne dé
passait pas deux francs. De nombreuses personnes s’éta ent, de leur enthousiasme privé, décorées à la boutonnière d’un petit aigle tenu par un bout de ruban. On a remarqué un vieux brave qui portait à son shako de jeune garde un aigle gros comme un poulet, suspendu par une ficelle. La
réception a donc été chaude à Toulon; mais le décret du lendemain devait porter le comble, dans la ville où le futur Empereur lit ses premières armes , à l’exaltation napoléonienne.
Dès le matin de cette journée si mémorable pour Toulon (28 septembre), M. le Présidant a fait une longue sortie à cheval : il a visité les forlificalions, et notamment !e fort la Seyne et le Petit-Gibraltar (aujourd’hui nommé Fort-Napoléon), où Bonaparte eut tant de peine .à faire comprendre
à l’imbécille Carteaux que là était la clef de la ville. M. le Président s’est surtout occupé de la difficile question de l’agrandissement de la place : il l’a résolue, en ce sens qu’il
a rendu immédiatement un décret qui ordonne le reculement de. l’enceinte; une commission spéciale fixera dans quel sens les travaux seront dirigés el la ville devra s’é
tendre. Le décret a été rendu au retour de celte visite;
puis le Prince est allé visiter l’arsenal, et delà, montant en canot, il s’est rendu à bord des vaisseaux de l’escadre qu’il a examinés un à un en grand détail. Ges vaisseaux
étaient : le Jupiter, A Hem / , la I ii/e de Paris , le Hagard, le / almg, J ténu, sans parler de nombreuses fré
gates et corvettes, et de plusieurs bricks rangés en quatre lignes de batailles, et ayant derrière eux les navires pavoi
L’apparition du canot présidentiel ou impérial (le Pm/s devançant l’initiative du sénat, qui devient désormais inu
tile, ne le désigne plus qu’ainsi) a été salué d un feu de tous les bords parti de l escadre entière, et de l’élévation ou du hissage de lous les mâts de pavois, en même temps que re
tentissaient des acclamations énergiques et l’air favori de la reine Ilorlense. C’est le vaisseau amiral de la Dde de Paris où flotte le pavillon d’escadre du vice-amiral de Lassusse qu’a d’abord visité M. le Président. Il a passé en revue les hommes de l’équipage, a distribué des croix et des médailles, et a reçu de la bouche de M. l’abbé Coquet-eau, au
mônier en chef de la llolle, l’expression des sentiments de reconnaissance des aumôniers de ce service, rétabli par un decret de cette année, et aujourd’hui au complet. Mêmes détails et mêmes cérémonies à bord des autres vaisseaux de l’escadre.
Pendant ce temps-là, l’autorité municipale couronnait, mariait et dotait .%•/> rosières. Heureuse cité ! Puis des joutes en canots avaient lieu au port marchand. On sait comment cela se passe : les combattants occupent chacun à l’ar
rière une sorte de banc de quart ou d’estrade un peu éleVée; ils se criblent de coups de lance tamponnée, au moment où les bateaux se croisent, et l’un des deux boit l’onde amère.
C’est le soir au théâtre, où l on jouait gratis., qu’un sergent. de ville, interrompant les acteurs, a donné lecture du décret, en date du jour même, qui ordonne l agrandisse
naires transports, mais en quelque sorte étouffée sous les bravos et les vivat.
Il y avait deux bals publics le même soir : le galoubet en formait l exclusif, orchestre. De grandes magnificences
étaient réservées pour le bal officiel établi dans une halle immense, disposée en avant de l’Hôtel de ville, sur le carré même du port, et ouvrant par une large série d arceaux sur la mer même, qui offiait le spectacle unique et prestigieux d’une rade illuminée, et d’immenses navires tout bordés et tout enguirlandés de feu. Des bas-reliefs, représentant la Paix, la Justice, le Commerce et l’Agriculture, ornaient les portes principales, élan milieu de la salle se dressait une colossale statue figurant le Génie de la navigation , et due à M. Daumas, un concitoyen de Puget. On nous dit qu’un trône s’élevait au centre de la salle, tout ruisselant de do
rure, drapé d’un velours nacarat semé d’abeilles d’or, et que l on a vu une couronne impériale, toute de flammes, venir à un moment donné se poser sur la 1êle du Prince, tandis qu un transparent démasqué laissait voir en carac
tères de feu le cri du jour : ireTEmpereur ! Toulon s’est surpassé, on le voit, et a même surpassé toutes ses rivales.
M. le Président a dansé deux quadrilles, le premier avec M“e Elamelin, femme du préfet maritime, le second avec M de Preissac.
N’oublions pas de mentionner dans la même soirée le retour des illuminations, un superbe feu d’artifice et un dé
part d’aérostat. La nuit qui avait précédé cette opu ente journée avait été fort orageuse, et le malin encore il pleu
vait à torrents; mais le beau ciel méridional a des grâces de climat qui lui permettent de se réparer d’heure en heure, ei, somme toute, la fêle n’a pas été trop contrariée par l’élat de l’atmosphère.
M. le Président devait retourner à Marseille par terre, pour, de là, gagner Rognac et Aix ; mais cette portion de son itinéraire, par une cause que nous ignorons, a été mo
difiée, et c’est par mer, à bord du Napoléon, que le Prince a regagné, le 29, le chef-lieu des Bouches-du-Rhône où il n’a fait que pass r< et d’où il s’est rendu dans la ville di
roi René, accompagné, outre sa suite habituelle, dû préfet du département, du maire de Marseille, du général llecquet et de M. Sylvain Blot, récemment nommé commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur.
M. le Président est arrivé à Aix à quatre heures du soir : une foule énorme l’y attendait; les figurants el coryphées de la fameuse mascarade du roi René étaient déjà tout habillés, et le Prince, en mettant pied à terre, a eu le singu
lier speclacle de. rois criant : Vive > Empereur ! de diables brandissant leurs fourches, d’évêques agitant leurs crosses, in compagnie de ménestrels, écuyers, varlets, anges, ar
changes, oubliant leurs querelles mystiques pour protester de leur ardent bonapartisme. Le coup d’œil gagnait en imprévu pittoresque et en originalité ce qu’il perdait en splendeur : ces diables et ces rois, qui ont besoin du gaz pour
paraître dans tout leur lustre, élaient assez dépenaillés, les rois surtout. Un de nos confrères raconte qu’il a fait, nou
veau Candide, l’aumône à l’un de ces monarques en ruines,
qui l’a presque embrassé pour la peine. Les carrefours grouillant de sceptres et de couronnes rappelaient la fa
meuse hôtellerie de Venise où l’élève de Pangloss hébergea son congrès de rois.
Le Prince a fait son entrée par la porte de Marseille, en avant de laquelle s’élève un monolithe qu’entourait une sorte d’amphilhéâlre enguirlandé et pavoisé. C’est là qu’a eu lieu la réception offi -icielle. M. Rigaud, maire d’Aix, a adresse à Louis-Napoleon un discours où, en le remerciant d’avoir dolé l’arrondissement d’un embranchement de che
min de fer (celui qui doit se ramifier à llognac au grand rail-way du Midi) el de lui avoir restitué la culture du tabac dont le pays était privé depuis 1835, lui a recommandé
une question de canal, et lui a rappelé qu’il venait visiter la patrie des troubadours. M. le Président a exprimé, en ré
ponse à cette harangue un peu longue, d’ailleurs pleine d’expressions de dévouement, mais sans le souhait formel
de l’Empire, « le vif désir de voir reliées entre elles toutes les grandes villes de France par les lignes de fer, comme le sont déjà tous les hommes d’ordre et de dévouement à la cause de ia patrie par les sentiments dont M. ternaire s’est fait l’interprète. »
Trois arcs de triomphe s’élevaient le long du Cours, belle promenade, qui offre la physionomie d’un de nos boule
père de Marguerite d’Anjou. L’un de ces arcs avait pour inscription : Ch-inin de fer - un autre : Culture du t bar; un troisième était surmonté du buste du Président, d’après Mm0 Lefebvre-Deumier. Parmi les drapeaux des communes portant les devises les plus enthousiastes, on a surtout re
marqué celles des petites villes de Gârdanne et de Lambesc (et non Lambelle, comme on l’a écrit par erreur.)
Le Prince s’est rendu d’abord à l’église de Notre Dame de Saint-Sauvçur, où qi aire prélals l’attendaient, Mgrs d’Ar
les et d’Aix, de Marseille, d’Ajaccio, et le chanoine de Saint- Denis, évêque honoraire de Dijon. Après un Dam ne salviwi solennellement chanté, le Prince est entré à l’Archevêché, où il a reçu tes autorités, les délégations communa
les et celle du conseil général de la Corse, venue pour le féliciter.
Le soir, toute la ville étant illuminée, a eu lieu la fameuse cavalcade du Guet, précédée ou suivie, nous ne sa
vons au juste, de la non moins célèbre légende en aclion du Prince rTAmour et de l Abbé de ta Jeunesse. Et le galoubet, et la flûle, et les contorsions, et les cris, d’accom
pagner et d’animer cette procession nocturne, à la fumeuse lueur des torches. Ces jeux, inslitués, au moment où
Louis XI lui prenait l’Anjou et où son gendre Henri Vf tombait du trône d’Angleterre, par ce digne René, le moins sensé des hommes, mais le plus artiste des rois, ont été deux fois déjà décrits et représentés en détail par 7 lustra ion (voir lome III, page 231, et tomeXVHI, page 9). Nous n’a vons pas cru devoir en pro luire ici une troisième édition; nous nous bornons à rappeler que ces bizarres jeux, mipartie sacrés et mi-partie mythologiques, ont pour princi
pal objet de mettre en scène le triomphe du christianisme! sur la religion de l’Olympe, d’où vient l’extraordinaire promiscuité de dieux, de déesses, de saints, d’anges et de diablotins qui en fait le très-curieux ornement.
Après le my 1ère d’Aix, un autre spectacle tout local attendait M. le Président à Nîmes, où il est arrivé le lende
main 30 septembre. Nous voulons parler de la /en ode des taureaux de la Camargue dans les célèbres Ai eues. Nos usages provinciaux sont encore si peu connus de Paris, que pas un journal jusqu’ici n’a su écrire correctement le nom
de celte pratique languedocienne. Les uns ont dit panade et les autres amade, et les autres, je crois, salade. Réta
blissons le texte : fer rade vient At ferrer, opération de marquer avec un fer rouge les bœufs quasi-sauvages de la presqu’île du Rhône, afin qu’ils puissent être distingués par leurs propriétaires respectifs. Celte opération, qui se re
nouvelle tous les deux ou trois ans, serait la plus simple du monde, si le hardi Languedocien ne saisissait cette occa
sion de briller dans les jeux du cirque, et de signaler sa bravoure et sa dextérité, dans une lutte souvent périlleuse contre le ruminant farouche. Les toréadors d’Arles et de Nîmes prennent le nom de r&jémïres ou de marquait es, suivant leur fonction spéciale dans l’accomplissement théâ
tral de cette façon de comptabilité bovine. Lesuns ont pour mission de renverser le taureau, et les autres de le marquer. A un signal donné, les portes du toril s’ouvrent; l’a nimal effaré s’élance dans l’arène, les rajétinres l’entou
rent, le harcèlent, le piquent avec un épieu ou un trident de fer. Après l’avoir ainsi agacé, émoustille, quelquefois rendu furieux, il s’agit de le terrasser. Le plus alerte et le plus vigoureux de la confrérie marche au laureau, et, de côté ou de front, le saisit par les cornes; puis, pesant tant qu’il
peut d’un seul côté sur la lourde tête de l’animal, il lui fait perdre l’équilibre, non sans avoirété souvent entraîné bien loin dans le cirque, et le renverse sur le sable aux applau
dissements furibonds de l assistance, échelonnée comme le peuple-roi sur les gradins massifs de l amphithéâtre romain,
laquelle n’acclame pas moins frénétiquement le taureau, si c’est d’aventure l’homme qui est foulé aux pieds ou qui re
çoit un coup de corne. Les autres mjéiaïtes viennent alors prêter main-forte à leur compagnon et maintiennent le tau
reau dans cette position humiliante, jusqu’à ce que le marq aire lui ait, de son fer brûlant, appliqué le double stig
mate de la défaite et de la domesticité. On le renvoie alors
honteusement dans sa niche, en le sifflant et le huant. Four compliquer la chose et augmenter le danger qui fait l’inté
rêt de la lutte, on plante, en le lâchant, à l’une des cornes d’un taureau jugé redoutable, une cocarde rouge, que le beau du métier est d’aller lui ravir entre les deux yeux, avant de le saisir et de. l’étaler dans la poussière. Des trois
dinaire exemple, en renversant ou élaguant, parmi vote municipal, quatre jours après le passage du Président qu’elle a reçu à bras ouverts, son maire et la liste entière des candidats officiels.
En arrivant à la préfecture maritime, le prince a reçu des bouquets el une couronne de la main de M1 B Reynaud, petite-fille du maire, qui lui a récité un compliment en vers, terminé par le quatrain ci-après :
Nous voulons v ms offrir, Prince, cette couronne; Mais, laite v ec des fleurs, elle se flétrira
Il en est une u’or que la France vous donne. Acceptez-] a : jamais elle ne pér ra.
Il y avait à trois heures une revue dans le champ de manœuvre. Res villageois et les étrangers dont la ville regor
geait s’y sont portés avec une ardeur frénétique, ainsi que / s ri n.r ,ie TEinpi/t, tambour en tête, et les so
ciétés de bienfaisance, guidées par Je tambourin ou gabiubt t provençal. Le galoubet est un tambour très-allongé par rap
port au diamètre . sur lequel on ne frappe que de la main droite an moyen d’une baguette. Cette baguette, très-mince à l’extrémité en ivoire qui bat sur la peau, est renflée à l’autre et tonne comme une poignée; la main gauche du
musicien module un sifflet à trois trous. C’est au son de cette musique on ne peut plus simple que les vraies parties de plaisir s’exécutent en Provence el dans le Comlal-Vénaissin. Malheureusement, dans certains romérage ou fê
tes rustiques, on commence à sacrifier au faux goût et à mander des musiciens; mais, dans les grandes circonstan
ces, et celle-ci en est la preuve, c’est toujours le galoubet national qui a le dessus et reprend ses avantages naturels. Aussi ne périra-t-il pas, et ce serait vraiment dommage.
Bien que les maires el délégués tussent un peu désap pointés de la légèreté avec laquelle on avait passé devant eux, et eussent commencé de remettre tristement leurs écharpes en poche, on a beaucoup crié : Vive l’Empereur !
à cette revue, ceci est certain. Mais un singulier incident y a mis un instant tout le monde en rumeur. Un soldat qui,
probablement avait servi en Afrique, et avait vu brûler ta poudre en l’honneur et au nez des personnages illustres, a cru devoir, en passant devant le Président, lâcher la dé
tente de son fusil, chargé innocemment à poudre. De là grand émoi. On a saisi le délinquant et on l’a envoyé cou
cher en prison, d’où, sur ses explications, on l a relaxé, non sans lui infliger la verte semonce, que méritait ce trait d’enthousiasme un peu plus mahométan que de raison.
En revenant de la revue, M. le Président est rentré en ville par la porte d’Italie, et est allé visiter une exposition horticole et agricole dans la cour du collège, où le presi
dent du comice d’agriculture lui a lu sans miséricorde une interminable adresse.
Le Prince a été libre ensuite de renti er à la préfecture maritime, où il a reçu les autorités diverses. Mgr Wicart, évê
que de Fréjus, qui, par suite d’un malentendu universelle
ment regretté, avait inutilement attendu Louis-Napoléon
à l église principale de la ville pour y chanter un Te Denrii, a passé le premier, et a prononcé un discours dans lequel il a dit à M. le Président que « des lèvres consacrées « au service de Dieu et de la vérité n’apprendraient pas en
« ce jour le langage de la flatterie pour l’adresser à un « prince; maisque, quand l’Eternel, apres des jours d’angois« ses, donnait au monde un Constantin, un Charlemagne ou
« un Napoléon pour arracher la société aux abîmés, il ét it « permis à un ministre de l’Evangile de trouver des accents « dans son cœur pour venir, entouré de ses frères, dire au «libérateur qui passe: Prince, recevez nos hommages, « agréez noire reconnaissance, et vivez!... » Le même pré
lat a ajouté qu’il n’avait point d’autres vœux ni d’autres pensées à exprimer pour la personne du Prince au pied des autels. M. le Président a répondu avec effusion à celte adresse. Il en a reçu plusieurs autres du conseil municipal, de la chambre de commerce et de la société de secours mutuels de la ville.
Le soir il y a eu illumination splendide sur le Champ-de- Bataiile, où des verres de couleur figuraient des ancres sur
montées des initiales du Prince. Un orchestre el des chœurs placés sous les fenêtres de la préfecture maritime ont, durant toute la soirée, exécuté des symphonies et des morceaux de chant en rapport avec la circonstance. M. le Pré
sident a paru plusieurs fois au balcon, et on l’a salué des cris de : ! ire /’Empereur !
Jetons maintenant un regard sur la ville de Toulon, qui contient aujourd’hui une population de près île 60,000 hommes, et qui, depuis le temps de Louis XIV, étouffe lit
téralement dans ses remparts. On peut juger, dans ees conditions, de l’effet qu y produisait une invasion des cinq ou six cents communes du département, sans parler d’une masse d étrangers venus de fort loin, sur l’annonce du sé
jour du Prince, et aussi du combat naval qui n’eut pas lieu le lendemain. Les logements élaient montésà des prix inac
cessibles, et les bons Toulonnnis rattrapaient en détail sur les hm s-venu.s-, comme on dit en Bretagne, les cent et quelques mille francs que leur coûtait le passage présiden
tiel. Il n’y avait pas de mansarde à moins fie quarante francs par jour, et l’on cite un monsieur à qui, pour s’être reposé, de quatre à six, dans une chambre , on en a demandé
soixante. Les aigles élaient hors de prix, et l’on vendait fort couramment deux louis tels de ces emblèmes en zinc ou aulre inétal vulgaire dont la valeur (intrinsèque) ne dé
passait pas deux francs. De nombreuses personnes s’éta ent, de leur enthousiasme privé, décorées à la boutonnière d’un petit aigle tenu par un bout de ruban. On a remarqué un vieux brave qui portait à son shako de jeune garde un aigle gros comme un poulet, suspendu par une ficelle. La
réception a donc été chaude à Toulon; mais le décret du lendemain devait porter le comble, dans la ville où le futur Empereur lit ses premières armes , à l’exaltation napoléonienne.
Dès le matin de cette journée si mémorable pour Toulon (28 septembre), M. le Présidant a fait une longue sortie à cheval : il a visité les forlificalions, et notamment !e fort la Seyne et le Petit-Gibraltar (aujourd’hui nommé Fort-Napoléon), où Bonaparte eut tant de peine .à faire comprendre
à l’imbécille Carteaux que là était la clef de la ville. M. le Président s’est surtout occupé de la difficile question de l’agrandissement de la place : il l’a résolue, en ce sens qu’il
a rendu immédiatement un décret qui ordonne le reculement de. l’enceinte; une commission spéciale fixera dans quel sens les travaux seront dirigés el la ville devra s’é
tendre. Le décret a été rendu au retour de celte visite;
puis le Prince est allé visiter l’arsenal, et delà, montant en canot, il s’est rendu à bord des vaisseaux de l’escadre qu’il a examinés un à un en grand détail. Ges vaisseaux
étaient : le Jupiter, A Hem / , la I ii/e de Paris , le Hagard, le / almg, J ténu, sans parler de nombreuses fré
gates et corvettes, et de plusieurs bricks rangés en quatre lignes de batailles, et ayant derrière eux les navires pavoi
ses de toutes les nations, avec les équipages sur les vergues.
L’apparition du canot présidentiel ou impérial (le Pm/s devançant l’initiative du sénat, qui devient désormais inu
tile, ne le désigne plus qu’ainsi) a été salué d un feu de tous les bords parti de l escadre entière, et de l’élévation ou du hissage de lous les mâts de pavois, en même temps que re
tentissaient des acclamations énergiques et l’air favori de la reine Ilorlense. C’est le vaisseau amiral de la Dde de Paris où flotte le pavillon d’escadre du vice-amiral de Lassusse qu’a d’abord visité M. le Président. Il a passé en revue les hommes de l’équipage, a distribué des croix et des médailles, et a reçu de la bouche de M. l’abbé Coquet-eau, au
mônier en chef de la llolle, l’expression des sentiments de reconnaissance des aumôniers de ce service, rétabli par un decret de cette année, et aujourd’hui au complet. Mêmes détails et mêmes cérémonies à bord des autres vaisseaux de l’escadre.
Pendant ce temps-là, l’autorité municipale couronnait, mariait et dotait .%•/> rosières. Heureuse cité ! Puis des joutes en canots avaient lieu au port marchand. On sait comment cela se passe : les combattants occupent chacun à l’ar
rière une sorte de banc de quart ou d’estrade un peu éleVée; ils se criblent de coups de lance tamponnée, au moment où les bateaux se croisent, et l’un des deux boit l’onde amère.
Un pavillon hissé à chaque plongeon annonce le succès du triomphateur.
C’est le soir au théâtre, où l on jouait gratis., qu’un sergent. de ville, interrompant les acteurs, a donné lecture du décret, en date du jour même, qui ordonne l agrandisse
ment immédiat du périmètre fortifié. Il va sans dire que celle communication a été, non pas accueillie avec d’ordi
naires transports, mais en quelque sorte étouffée sous les bravos et les vivat.
Il y avait deux bals publics le même soir : le galoubet en formait l exclusif, orchestre. De grandes magnificences
étaient réservées pour le bal officiel établi dans une halle immense, disposée en avant de l’Hôtel de ville, sur le carré même du port, et ouvrant par une large série d arceaux sur la mer même, qui offiait le spectacle unique et prestigieux d’une rade illuminée, et d’immenses navires tout bordés et tout enguirlandés de feu. Des bas-reliefs, représentant la Paix, la Justice, le Commerce et l’Agriculture, ornaient les portes principales, élan milieu de la salle se dressait une colossale statue figurant le Génie de la navigation , et due à M. Daumas, un concitoyen de Puget. On nous dit qu’un trône s’élevait au centre de la salle, tout ruisselant de do
rure, drapé d’un velours nacarat semé d’abeilles d’or, et que l on a vu une couronne impériale, toute de flammes, venir à un moment donné se poser sur la 1êle du Prince, tandis qu un transparent démasqué laissait voir en carac
tères de feu le cri du jour : ireTEmpereur ! Toulon s’est surpassé, on le voit, et a même surpassé toutes ses rivales.
M. le Président a dansé deux quadrilles, le premier avec M“e Elamelin, femme du préfet maritime, le second avec M de Preissac.
N’oublions pas de mentionner dans la même soirée le retour des illuminations, un superbe feu d’artifice et un dé
part d’aérostat. La nuit qui avait précédé cette opu ente journée avait été fort orageuse, et le malin encore il pleu
vait à torrents; mais le beau ciel méridional a des grâces de climat qui lui permettent de se réparer d’heure en heure, ei, somme toute, la fêle n’a pas été trop contrariée par l’élat de l’atmosphère.
M. le Président devait retourner à Marseille par terre, pour, de là, gagner Rognac et Aix ; mais cette portion de son itinéraire, par une cause que nous ignorons, a été mo
difiée, et c’est par mer, à bord du Napoléon, que le Prince a regagné, le 29, le chef-lieu des Bouches-du-Rhône où il n’a fait que pass r< et d’où il s’est rendu dans la ville di
roi René, accompagné, outre sa suite habituelle, dû préfet du département, du maire de Marseille, du général llecquet et de M. Sylvain Blot, récemment nommé commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur.
M. le Président est arrivé à Aix à quatre heures du soir : une foule énorme l’y attendait; les figurants el coryphées de la fameuse mascarade du roi René étaient déjà tout habillés, et le Prince, en mettant pied à terre, a eu le singu
lier speclacle de. rois criant : Vive > Empereur ! de diables brandissant leurs fourches, d’évêques agitant leurs crosses, in compagnie de ménestrels, écuyers, varlets, anges, ar
changes, oubliant leurs querelles mystiques pour protester de leur ardent bonapartisme. Le coup d’œil gagnait en imprévu pittoresque et en originalité ce qu’il perdait en splendeur : ces diables et ces rois, qui ont besoin du gaz pour
paraître dans tout leur lustre, élaient assez dépenaillés, les rois surtout. Un de nos confrères raconte qu’il a fait, nou
veau Candide, l’aumône à l’un de ces monarques en ruines,
qui l’a presque embrassé pour la peine. Les carrefours grouillant de sceptres et de couronnes rappelaient la fa
meuse hôtellerie de Venise où l’élève de Pangloss hébergea son congrès de rois.
Le Prince a fait son entrée par la porte de Marseille, en avant de laquelle s’élève un monolithe qu’entourait une sorte d’amphilhéâlre enguirlandé et pavoisé. C’est là qu’a eu lieu la réception offi -icielle. M. Rigaud, maire d’Aix, a adresse à Louis-Napoleon un discours où, en le remerciant d’avoir dolé l’arrondissement d’un embranchement de che
min de fer (celui qui doit se ramifier à llognac au grand rail-way du Midi) el de lui avoir restitué la culture du tabac dont le pays était privé depuis 1835, lui a recommandé
une question de canal, et lui a rappelé qu’il venait visiter la patrie des troubadours. M. le Président a exprimé, en ré
ponse à cette harangue un peu longue, d’ailleurs pleine d’expressions de dévouement, mais sans le souhait formel
de l’Empire, « le vif désir de voir reliées entre elles toutes les grandes villes de France par les lignes de fer, comme le sont déjà tous les hommes d’ordre et de dévouement à la cause de ia patrie par les sentiments dont M. ternaire s’est fait l’interprète. »
Trois arcs de triomphe s’élevaient le long du Cours, belle promenade, qui offre la physionomie d’un de nos boule
vards, et que décore une statue assez lourde du joyeux
père de Marguerite d’Anjou. L’un de ces arcs avait pour inscription : Ch-inin de fer - un autre : Culture du t bar; un troisième était surmonté du buste du Président, d’après Mm0 Lefebvre-Deumier. Parmi les drapeaux des communes portant les devises les plus enthousiastes, on a surtout re
marqué celles des petites villes de Gârdanne et de Lambesc (et non Lambelle, comme on l’a écrit par erreur.)
Le Prince s’est rendu d’abord à l’église de Notre Dame de Saint-Sauvçur, où qi aire prélals l’attendaient, Mgrs d’Ar
les et d’Aix, de Marseille, d’Ajaccio, et le chanoine de Saint- Denis, évêque honoraire de Dijon. Après un Dam ne salviwi solennellement chanté, le Prince est entré à l’Archevêché, où il a reçu tes autorités, les délégations communa
les et celle du conseil général de la Corse, venue pour le féliciter.
Le soir, toute la ville étant illuminée, a eu lieu la fameuse cavalcade du Guet, précédée ou suivie, nous ne sa
vons au juste, de la non moins célèbre légende en aclion du Prince rTAmour et de l Abbé de ta Jeunesse. Et le galoubet, et la flûle, et les contorsions, et les cris, d’accom
pagner et d’animer cette procession nocturne, à la fumeuse lueur des torches. Ces jeux, inslitués, au moment où
Louis XI lui prenait l’Anjou et où son gendre Henri Vf tombait du trône d’Angleterre, par ce digne René, le moins sensé des hommes, mais le plus artiste des rois, ont été deux fois déjà décrits et représentés en détail par 7 lustra ion (voir lome III, page 231, et tomeXVHI, page 9). Nous n’a vons pas cru devoir en pro luire ici une troisième édition; nous nous bornons à rappeler que ces bizarres jeux, mipartie sacrés et mi-partie mythologiques, ont pour princi
pal objet de mettre en scène le triomphe du christianisme! sur la religion de l’Olympe, d’où vient l’extraordinaire promiscuité de dieux, de déesses, de saints, d’anges et de diablotins qui en fait le très-curieux ornement.
Après le my 1ère d’Aix, un autre spectacle tout local attendait M. le Président à Nîmes, où il est arrivé le lende
main 30 septembre. Nous voulons parler de la /en ode des taureaux de la Camargue dans les célèbres Ai eues. Nos usages provinciaux sont encore si peu connus de Paris, que pas un journal jusqu’ici n’a su écrire correctement le nom
de celte pratique languedocienne. Les uns ont dit panade et les autres amade, et les autres, je crois, salade. Réta
blissons le texte : fer rade vient At ferrer, opération de marquer avec un fer rouge les bœufs quasi-sauvages de la presqu’île du Rhône, afin qu’ils puissent être distingués par leurs propriétaires respectifs. Celte opération, qui se re
nouvelle tous les deux ou trois ans, serait la plus simple du monde, si le hardi Languedocien ne saisissait cette occa
sion de briller dans les jeux du cirque, et de signaler sa bravoure et sa dextérité, dans une lutte souvent périlleuse contre le ruminant farouche. Les toréadors d’Arles et de Nîmes prennent le nom de r&jémïres ou de marquait es, suivant leur fonction spéciale dans l’accomplissement théâ
tral de cette façon de comptabilité bovine. Lesuns ont pour mission de renverser le taureau, et les autres de le marquer. A un signal donné, les portes du toril s’ouvrent; l’a nimal effaré s’élance dans l’arène, les rajétinres l’entou
rent, le harcèlent, le piquent avec un épieu ou un trident de fer. Après l’avoir ainsi agacé, émoustille, quelquefois rendu furieux, il s’agit de le terrasser. Le plus alerte et le plus vigoureux de la confrérie marche au laureau, et, de côté ou de front, le saisit par les cornes; puis, pesant tant qu’il
peut d’un seul côté sur la lourde tête de l’animal, il lui fait perdre l’équilibre, non sans avoirété souvent entraîné bien loin dans le cirque, et le renverse sur le sable aux applau
dissements furibonds de l assistance, échelonnée comme le peuple-roi sur les gradins massifs de l amphithéâtre romain,
laquelle n’acclame pas moins frénétiquement le taureau, si c’est d’aventure l’homme qui est foulé aux pieds ou qui re
çoit un coup de corne. Les autres mjéiaïtes viennent alors prêter main-forte à leur compagnon et maintiennent le tau
reau dans cette position humiliante, jusqu’à ce que le marq aire lui ait, de son fer brûlant, appliqué le double stig
mate de la défaite et de la domesticité. On le renvoie alors
honteusement dans sa niche, en le sifflant et le huant. Four compliquer la chose et augmenter le danger qui fait l’inté
rêt de la lutte, on plante, en le lâchant, à l’une des cornes d’un taureau jugé redoutable, une cocarde rouge, que le beau du métier est d’aller lui ravir entre les deux yeux, avant de le saisir et de. l’étaler dans la poussière. Des trois