Au sortir de Montpellier, la voilure qui portait le Prince et.sa fortune a failli verser en accrochant à une borne. Un passant à figure martiale l’a redressée, et, s’avançant vers la portière, a dit à Louis-Napoléon : — Pour un vieux sol
dat, on est encore solide. — Vous avez servi ? lui a demandé le Prince. — Ouq a répondu le vélile, j’étais en 181ù à la bataille de Toulouse. — Faites vérifier cela parle préfet de lTléfault, lui a dit Louis-Napoléon, et je ne vous oublierai pas. Là-dessus, les postillons ont fouetté, et la suite de l’anecdote se retrouvera probablement, l’un de ces jours, au Moniteur.
Cent kilomètres séparent Montpellier de Narbonne. On a trouvé en route des arcs de triomphe, à Gigan, à Mèze, à Pézénas, à Fabrègue. Dans cette dernière ville, on lisait l’inscription suivante : À ne, Ludovice imperator, protector Francise. A Béziers, il a fallu s’arrêter et recevoir, sous une tente luxueuse dressée sur le cours Riquet, les autorités et les députations. Ici, la treille, imparfaitement exécu
tée ià Montpellier, s’est produite dans tout son éclat œnophile ; il en a été de même du chevalet, et, ensuite, on a
exécuté un ballet dont nous n’avons aucune idée : c’est le ballet de la Colonne. Le tout s’est terminé par une pastou
relle, autre idylle chorégraphique. On nomme bassinière la danseuse qui préside au pas des treilles, en portant élevée au-dessus de sa tête une corbeille de fleurs. La bassinière de Béziers était Mlle Rose Mical, qui a joué un rôle dans l’insurrection de Béziers, et a figuré, avec ses frères, dans le grand procès instruit devant le conseil de guerre de l’Hé
rault. M. le Président s’est fait présenter Mlle Rose, à qui il a serré la main, en lui remettant un bijou.
A Narbonne , M. le Président, reçu par le maire et le conseil municipal de la ville, le maire de Perpignan, le con
seil général et le préfet du département, le général Rambaud et M. Durand, député, a dû fendre une foule considérable pour se rendre à l’ancien palais des archevêques,
Danse des treilles, à Montpellier.
puté et maire de la ville, avec qui Louis-Napoléon s’est longuement entretenu de la renaissance maritime de ce port, et des questions qui intéressent l’avenir de cet important débouché du grand canal dû au génie de Paul Riquet, et par qui, depuis Boileau,
Nous entendons frémir les deux mers étonnées De voir leurs flots unis au pied des Pyrénées.
A sept heures, la ville étant illuminée, on y a publié, à son de trompe, un décret par lequel cent trente condamnés politiques venaient d’être amnistiés. A neuf, il y a eu, à la salle de spectacle, un grand bal auquel le Prince a pris part, et au sortir duquel il s’est rendu à un autre bal, composé d’artisans , et où brillaient les brunes grisettes de Montpellier. Ici se place un épisode d’un incontestable intérêt. Au moment où Louis- Napoléon, après avoir assisté à un ou deux quadrilles, se levait pour partir, le cri : Am
nistie! Amnistie générale! a retenti. Le Prince, alors, commandant le silence d’un geste, a prononcé ces paroles : « J’entends des cris de : Vive l’amnistie ! l’amnistie « est plus dans mon cœur que dans votre bouche. Si vous la désirez, rendez-vous-en « dignes par votre sagesse et votre patriotisme. » Cette réponse a été accueillie par des cris de : Vive Napoléon ! et vive l’Empereur!
M. le Président a quitté Montpellier le 2 octobre à huit heures, en laissant pour les anciens militaires une somme de 5,000 fr., et 1,000 fr. pour les divers établissements de bienfaisance.
Entrée du Président à Toulouse par la porte de Montpellier.