Le Mnniteu du 9 enregistre, en tête de sa partie officielle, le sénatus-eonsulte qui porte la date du 7; il est si
gné par quatre-vingt-six sénateurs, visé et scellé dans les formes Ordinaires.
— Nous n’ajouterons à ce bulletin que l’annonce de deux décès également éclatants, quoiqu’à des titres différents; celui du prince de Leuchtenberg, gendre de S. M. l’empereur de Russie et fils du prince Eugène de Beauharnais, ar
rivé le 1 novembre. Le duc de Leuchtenberg était né le 15 octobre 1817, et n’était âgé que de trente-cinq ans. Il était le second fils du prince Eugène et de la princesse Au
guste-Amélie de Bavière. Son titre ainé, le duc Auguste de leuchtenberg, avait épousé, le 27 janvier 1833, la reine de Po tugal Dona Maria, el mourut deux mois après. — AI. de Webster, secrétaire d’Etat des affaires étrangères de l U
nion américaine, est mort le 2Zi octobre. Nous avons publié, en 1843, une notice sur cet homme d’Etat illustre; nous là compléterons dans notre prochain numéro.
— A l’étranger, nous n’avons à noter que la reconstitution du cabinet à Turin, sous la présidence de M. le comle Cavour.
Paulin.
Courrier de Paris.
Abd-el-Kadera quitté Paris; il est parti émerveillé et un peu fatigué, dit-on, des innombrables surprises que lui ré
servait le spectacle de notre civilisation. Le jour de son départ, plusieurs milliers de visiteurs des deux sexes accou
raient a 1 hôtel de la Terrasse, et celte marée de curieux montait encore quand l’émir était déjà loin. Certaines im
portunités l’auront peut-être décide à la fuite. Les plus grandes dames sollicitaient avec acharnement l honneur de lui être présentées; tous les peintres voulaient faire son portrait, et Tes théâtres, ambitionnant sa présence, com
mençaient à insérer son nom dans leurs affiches comme un supplément au spectacle; c’est à peine si on eût laissé à l’é mir I heure du recueillement et de la contemplation soli
taire, cette nourriture spirituelle non moins indispensable aux enfants du desert que celle du corps.
Le fait est que cetle orientale, qui s annonçait si bien, aura eu un dénoûment précipité, et, pour le beau monde parisien, c’esl une grande surprise que ce vainqueur qui n’a pas voulu recueillir les fruits de la victoire. Jusqu’à la fin l’emir aura été exclusivement l’hôte du gouvernement, de sorte que les Dangeau de la petite chronique n’ont presque rien à voir à son épopée. En digne marabout qu’il est, il aura consacré à l’étude et a la priere le lemps qu’il n’a pas dépensé dans des allées et venues officielles. Toutes ces visites se sont passées en conversations par interprète, car Abd-el-Kader n’a voulu savoir ou du moins retenir que quatre mots de notre langue ; Je voi s remereie beaucoup, dont il fait un emploi le plus souvent très-ingénieux C’est en ces termes du moins qu’il a répondu au discours soi-disant arabe qui lui fut adressé â la Bibliothèque nationale. Les savants conservateurs de rétablissement ont été émerveillés des con
naissances de. l’émir en numismatique. Il leur aurait même
signalé quelques erreurs dans la chronologie monétaire de la cohection arabe. Ailleurs, il s’est écrié, en voyant fonc
tionner les rouages d une presse mécanique : « Ce sont les canons de la pensée. » Et afin d’exprimer encore mieux sonadmiration pour les effets de cette artillerie qui porte plus loin que l’autre, le poète a ajouté : « Paris tout entier est merveilles, et ce qu’il offre de plus merveilleux, c’est l’imprimerie, lait de Dieu sur les intelligences humaines ! »
On voudrait bien ici n’omettre aucune des paroles échappées à cet esprit plus vaste que la mer, suivant ses panégy
ristes, à celui qui, parlant religion, ferait pleurer jusqu’aux yeux qui n’ont jamais versé de larmes, — c’est leur expression; — mais l’à-propos s’efface, et il en reste bien peu mainte
nant, même a ia particularité qui suit. Aux contempteurs de l’émir, s’il en reste, elle prouverait au besoin que dans l’âme de cet apôtre de l’islamisme il n’y eut jamais place pour la dissimulation et les vengeances d’un Jugurlha. Il résulte en effet de l entrevue d’Abd-el-Kader avec le géné
ral Courby de Cognord, que l’emir serait innocent de l’hor
rible massacre de nos soldats à Sidi-Braliim. 11 était à cent lieues du théâtre du crime au moment où le crime fut com
mis, et, si les coupables sont demeurés impunis, c’esl que l’autorité du chef était méconnue.
Un nouvel hôte dont la venue est toujours fêtée* grâce au cortège qu’il amène, n’a pas encore répondu à l’appel du calendrier. On disait que, descendu dans nos environs sur Faite des tempêtes qui ont bouleversé la Manche, l’hiver avait pris le chemin de Paris, et vous verrez qu’il se sera perdu en roule. Mais à quoi bon l’hiver et ses distractions dansantes? Nous n’en connaissons plus qu’une. Le mouve
ment toujours ascendant des fonds publics emporte toutes les imaginations.vers la Bourse. Cette fièvre chaude du report se manifeste par des accès dont une foule de clairvoyants se piquent d’entrevoir la fin, qui serait une catas
trophe. Le fut est qu’on cite des exemples de fortune subite aussi surprenants que ceux qui ont immortalisé la ban
que de Law. Beaux jours de la rue Quincampoix, vous voila revenus! Seulement le Mississipi porte maintenant plusieurs noms ; il se découpe en actions de toutes sortes de choses, el c’est ainsi que des millions très-réels finissent par s’échafauder sur un tas de valeurs peut-être fantastiques. Aujourd’hui tout le monde gagne quelque cbos à quelqu’un, et
l’allumette de la prime court de mains en mains sans les tfrûler ; mais gare au spéculateur aux doigts duquel l’allumette s’éteindra.
Ensuite ce ne sont pas seulement les valeurs de la Bourse qui montent; les tissus, les vins et autres produits sont en hausse comme le bonheur public. Les loyers suivront ta même progression, puisqu’il paraît certain qu’à l’occasion d’un evenement attendu et de magnificences promises,
l’Europe entière viendra passer l’hiver à Paris. En attendant, voici venir des jours difficiles pour la petite chroni
que; les grands événements absorbent les petits, et, comme disait lîenaudot, l’inventeur des gazettes vers 1632: «Si la crainte de déplaire aux puissantsaempêché nombre d’auteurs de toucher à l’histoire de leur âge, quelle doit être la difficulté d’écrire celle de la semaine. Aussi je me per
suade en ces rencontres que vous excuserez ma plume si elle ne peut plaire à tout le monde, en quelque posture qu’elle se mette. »
Une question dont le monde a souci presque autant que s’il s’agissait de la hausse ou de la baisse, c’esL celle du costume qui sera inauguré à la nouvelle cour. Se contenlera-t-on de l’habit habillé tel qu’on l’endossait dans l’ancienne cour, ou bien établira t-on des classifications de costumes et des ornements allégoriques conformes à la profession du porteur? de sorte que leco > merçant serait distin
guée par un caducée, l’avocat par une main de justice et le médecin par autre chose? Quant aux fonctionnaires pu
blics d’un ordre élevé, il ne serait rien changé, dit-on, au costume riche et de bon goût qui les distingue ; mais com
ment signaler le simple employé au respect de la foule? L imagination des inventeurs aura peut-être beaucoup à faire pour leur laisser un habit spécial dont le modèle ne retombe pas un peu dans le facteur ou le conducteur d’omnibus, deux écueils également difficiles à éviter.
Une nouvelle plus positive, c’est qu’à l’Institut on parle de donner pour successeur à M. Ramey un statuaire trèsdistingué, M. le comte de Nieuwerkerke, directeur du Mu
sée. Quoique le nouveau candidat se recommande au choix de l’Academie par son talent encore plus que par ses fonc
tions, on lui suscite des rivalités sous le prétexte que M. de Nieuwerkerke ne saurait siéger dans une Académie fran
çaise qu’eu qualité d’associé étranger, et l’on s arme coq Ve
lui d un précèdent aussi célèbre qu’injuste, celui de fossini. Malgré la supériorité de son génie, le grand maestro n’obtint pas la faveur d’une exception qui certainement eût été plus glorieuse pour l’Académie que pour l’académicien.
Triste semaine que plusieurs morts très-regrettables ont encore attristée. L’un de ces décès a été signaïé en ces ter
mes par le Jaurhal des Déb its : « M. Corali, maître des ballets à l’Opéra, déjà cruellement éprouvé par la perte ré
cente de deux de ses enfants ; M. Corali, ancien député, et M”* la baronne Devaux (née Maria Volet), qui a laissé de charmants souvenirs au théâtre des Variétés, vient de voir succomber son autre bile, ΑΓ6 Aiadenise, femme du consul général de France, à Nice, el auparavant l une des plus gracieuses artistes de l’Odéon, sous le nom d’Emilie Volet. »
Ainsi, à propos du docteur Blanche, prématurément enlevé à ses amis et à la science, nous ne saurions mieux faire que d’emprunter son éloge, à peu de chose près, au même journal : « C’est qu on chercherait en vain dans la France entière un homme qui ait donné aux écrivains et aux artistes de ce temps-ci des preuves plus signalées de zèle et d a mitié que M. le docteur Blancue, mort samedi dans la mai
son qu il avait fondée à Passy. Combien de fois cette demeure, qui appartint à la princesse de Lamballe, et plus anciennement au duc de Saint-Simon, s’ouvrit à des infor
tunes sans asile et sans pain, et qui avaient perdu la raison avant de perdre la vie ! sous ce toit hospitalier, la charité et l’art du docteur Blanche leur rendait lin peu de calme et de repos; il avait fait une longue étude des maladies mentales, il ne croyait guère à leur guérison, mais il croyait au sou
lagement de l homme ainsi frappe dans ce que l’homme a de plus précieux, sa pensée et son libre arbitre.... On ne peut pas désigner ici les, malades du docteur Blanche, il était le premier à taire le nom de ceux qu’il avait soignés,
il cachait même le nom de-ceux qui étaient morts, et plus d’une fois il a passé, sans le saluer, à côté d’un de ces in
fortunés sauves par lui. Que de cures merveilleuses, que de miracles d’habileté et que de transformations il a accom
plies dans ces esprits malades! Tel qu’on lui avait amené,
qui se croyait Homère ou Tahna, il le renvoyait au bout de quelques moi-, persuadé qu il s’appelait Bon. hice ou Bernard,
et qu’il était bon lout au plus à jouer le rôle d’Arbate ou à publier d. s poésies fugitives. » El après cet éloge, que l’on vous gâte ici parce qu’on vous le rapporte de mémoire, le très-spirituel biographe raconte d’une façon charmante la plus belle cure du docteur, celle de cette jeune femme amoureuse du soleil, et qu’il a fini parguérir radicalement.
« Elle s’éveillait au matin, dit notre poète, qui n’est pas un poète fugitif; elle·souriait à son bien-aime du souiire des anges; à midi, rien ne manquait à celte fête de son cœur ! Peu à peu, quand descendait le crépuscule, elle tombait dans l’anéantissement de la mort, puis elle se remettait â parler et à sourire à l’heure où chantait la statue de Memnon! Eh bien, le docteur Blanche a guéri celte héliotrope, il l’a mariée, èt elle le pleure aujourd’hui. » Il faut dire aussi que, devant là tombe de cette homme de bien, un poète, M. Antony Dèschamps, et un savant, M. Béclard, ont trouvé de belles paroles, et il est très-juste d ajouter que la con
solation du mourant, au milieu de ses souffrances, ce fut de savoir qu il laissait après lui un fils digne de perpétuer son œuvre. Depuis plusieur s années, en effet, M. Emile Blanche dirigeait rétablissement fondé par son père.
Le Théâlre-ltaiièn, — pardon pour cette transition trop brusqué, — le Theàire-Italion fait sa réouverture le mardi 16 novembre. Cetle représentation solennelle et peut-être impériale se composera û ihiMio et d’une cantate dont la musique est due à M. Fontana, l’élève et l’ami Je Donizetti. M. Jléry est fauteur des paroles, que M. Caimi, poêle attaché au théâtre, a traduites en italien.
A propos de ces solennités impériales que molivent les circonstances, la plupart des théâtres sont en instance pour obtenir l’honneur de jouer quelque chose devant S. Λ. I. \près fOpëra-Goinique et le Théâtre Lyrique, l’Odéon aurait son tour : tu qaoqttb ! Quant aux théâtres sëcondaMs,
ils mettraient leurs forces eu commun pour offrir à leur auditoire de ce soir-là un spectacle unique et digne de lui. Le brillant exemple donné par l’Opéra et par la Comédie française a piqué d émulation toutes les classes dramati
ques. Parmi ces dames surtout, l impatience de montrer tout ce qu’on sait faire est extrême, et les magnifiques ru
bis décernés à Hermione empêchent plus d’une Frétillon
de dormir. A ce sujet un journal semi-officiel constate que les largesses faites à l’Opéra et à son personnel pour cette soirée radieuse, mais si peu divertissante, représentent une valeur considérable. On parle de la magnifique boite en or qu’aurait reçue le directeur, el. l’on ne se lait pas du reste.
Ainsi, selon les gens bien ou mal informés, le musicien de la cantate aurait eu une bague en brillant d’une valeur de deux mille francs, et son poète. — le poète de la cantate, — une tabatière estimée quinze louis. Chacun de MM. les sujets du chanta été gratifié d’une épingle de prix, et mes
dames les sn/ettes du chant ou de la danse, d’une broche ou d’un bracelet. Ces divers présents ont été remis aux hommes par M. Feuillet de Conciles, maître des cérémonies,
et aux femmes par M. de Toulongeon, officier d’ordonnance de S. A.
Le Théâtre Français, qui parfois se plaît à s’enrichir des dépouilles de l’Odéon, vient de lui prendre tes Droits de t’homme, et c’est encore un succès sans conséquence. Ob
servons avec peine que, depuis quelque lemps, ce théâtre fait plus1 de bruit dans le monde avec ce qu’il refuse qu’a vec ce qu’il joue, il a beaucoup de peine à trouver chaus
sure à son pied. La tragédie lui fait peur, et si quelque porte
s’avise de lui apporter une comédie magistrale, aussitôt le Théâtre-Français trouve qu’il n’y a pas là de quoi rire ; faute de mieux, il se résigne aux bagatelles en un ou deux actes, au risque de tomber et de retomber dans la manie des proverbes. A ce jeu-là, il peut y avoir péril en la de
meure pour le Theâtre-Français, et c’est pourquoi on se permet ici de l’en avertir ; cwea ut çonsnle>, que les consuls de celte petite république y prennent garde, on ne re
leur temps à l’Odéon. Il serait juste aussi et tout a fait digne de la critique de protéger la Comédie française contre l’in
vasion de certaines exigences; l’autre jour encore, c’était lr Baron de La fleur, qu’on s’obstine à jouer par complai
sance pour les bureaux, el c’est maintenant tes D ods de l homme que l’on adopte en considération d’une autre puis
sance. On fait largesse aux amis de la maison, sans trop songer que c’est précisément sur cette pente que les empires, comiques ou non, s’en vont tout droit à 1 abîme.
Quant à l’Odéon, il s’agite beaucoup, et c’est le succès qui le mène. Après Me.hètïeu, il s’apprête à nous donner une fantaisie de M. Méry, et probablement un drame de Georges Sand, Ma-prat. En attendant il s’agit d’amuser le lapis, et c’est pourquoi l’Odéon fait sa provision de jolies piécettes, au nombre desquelles on nous signale le )j,vp dans m bergei ie, début dramatique d’un littérateur distingué qui écrit dans Flliuxtr«Hun.
Aux Variétés, en attendant Tac omet, on joue Maniselle Rose, et Arnal a repris les Gants Jaune . En même temps le Vaudeville vient d’entreprendre un Doyog e autour a une jolie femme, et ça ne ie mènera pas bien loin. On y voit une danseuse poursuivie par une foule de soupirants et de créan fiers, et qui se tire de là comme elle peut, c’est-à-dire très-bien, grâce à l’esprit de M. Jules Barbier, et au jetébattu de Mlle Cico.
Cependant voici un grand succès de larmes à la Gaîté. Pauarettè, ou la Bergère des Alpes, vous représente la simple et naïve bergerettê des romances, devenue un abrégé de toutes les vertus. Pauvrette, que sa profession relègue dans la montagne pendant six mois de l’année, entre le précipice et l’avàlatifche, passe son temps à sauver la vie aux voyageurs surpris par la tempête. C’est ainsi qu’elle vient de sauver sous nos yeux Mlle Léonie de Chateaugonthier, et, à l’acte suivant, M. Fernand son fiancé. Mais la fatalité s en mêle, et Fernand n’a évité Charybde que pour tomber dans Scylla; enveloppé par un tourbillon de neige, il est sauvé une seconde fois par Pauvrette, qur l emporte dans,sa cabane ou l’avalanche les claquemure jusqu’à l an
née prochaine. Je vous laisse à penser la transformation que ce fêie-à-tête a opérée dans Pauvrette : elle est triste et so«.r «se, comme Didon sortant de la griotte en compagnie d’Æneas. Si la fiancée qui a attendu Fernand Si longtemps finit par l’épouser, qu’adviendra-t-il de Pauvrette? Ceci est la situation capitale de la pièce, et les auteurs en ont fait jaillir une source abondante de larmes. Ce drame, d’a
bord un peu alpestre, devient aussitôt un drame intime, du
Caractère le plus louchant, conduit avec beaucoup d’art, et qui a reçu sa récompense, comme la vertu de Pauvrette,
par des bravos unanimes. Il est facile de présager à la Bergere des l/pes une longue suite de représentations fruc
tueuses. Lés auteurs, MM. Desnbyers et Dennérÿ, n’en font jamais d’autres.
Philippe Busoni.
nationale.
Tous nos confrères de la pressé quotidienne ont déjà parlé de la visite de l’émir à la Bibliothèque nationale ; nous voilà donc en retard : c’est que C illustration n’arrive qu’à son jour et qu’à son heure ; mais si l’à-propos lui échappe quelquefois, si de temps à autre elle oblige la curiosité de ses lecteurs à revenir sur ses pas, dit moins elle ajoute aux faits, en les reproduisant, plus de détails, et par conséquent plus d’exactitude et d’intérêt. Aussi sommes-nous assurés d’avance que nos abonnés (accueilleront avec plaisir notre récit, qui nous fournil du reste l’occasion de donner un tar-.viiïrle d’tih autographe d’AlKl-ei-Kâcler et un dessin de Ta monnaie frappée jàr lui.
gné par quatre-vingt-six sénateurs, visé et scellé dans les formes Ordinaires.
— Nous n’ajouterons à ce bulletin que l’annonce de deux décès également éclatants, quoiqu’à des titres différents; celui du prince de Leuchtenberg, gendre de S. M. l’empereur de Russie et fils du prince Eugène de Beauharnais, ar
rivé le 1 novembre. Le duc de Leuchtenberg était né le 15 octobre 1817, et n’était âgé que de trente-cinq ans. Il était le second fils du prince Eugène et de la princesse Au
guste-Amélie de Bavière. Son titre ainé, le duc Auguste de leuchtenberg, avait épousé, le 27 janvier 1833, la reine de Po tugal Dona Maria, el mourut deux mois après. — AI. de Webster, secrétaire d’Etat des affaires étrangères de l U
nion américaine, est mort le 2Zi octobre. Nous avons publié, en 1843, une notice sur cet homme d’Etat illustre; nous là compléterons dans notre prochain numéro.
— A l’étranger, nous n’avons à noter que la reconstitution du cabinet à Turin, sous la présidence de M. le comle Cavour.
Paulin.
Courrier de Paris.
Abd-el-Kadera quitté Paris; il est parti émerveillé et un peu fatigué, dit-on, des innombrables surprises que lui ré
servait le spectacle de notre civilisation. Le jour de son départ, plusieurs milliers de visiteurs des deux sexes accou
raient a 1 hôtel de la Terrasse, et celte marée de curieux montait encore quand l’émir était déjà loin. Certaines im
portunités l’auront peut-être décide à la fuite. Les plus grandes dames sollicitaient avec acharnement l honneur de lui être présentées; tous les peintres voulaient faire son portrait, et Tes théâtres, ambitionnant sa présence, com
mençaient à insérer son nom dans leurs affiches comme un supplément au spectacle; c’est à peine si on eût laissé à l’é mir I heure du recueillement et de la contemplation soli
taire, cette nourriture spirituelle non moins indispensable aux enfants du desert que celle du corps.
Le fait est que cetle orientale, qui s annonçait si bien, aura eu un dénoûment précipité, et, pour le beau monde parisien, c’esl une grande surprise que ce vainqueur qui n’a pas voulu recueillir les fruits de la victoire. Jusqu’à la fin l’emir aura été exclusivement l’hôte du gouvernement, de sorte que les Dangeau de la petite chronique n’ont presque rien à voir à son épopée. En digne marabout qu’il est, il aura consacré à l’étude et a la priere le lemps qu’il n’a pas dépensé dans des allées et venues officielles. Toutes ces visites se sont passées en conversations par interprète, car Abd-el-Kader n’a voulu savoir ou du moins retenir que quatre mots de notre langue ; Je voi s remereie beaucoup, dont il fait un emploi le plus souvent très-ingénieux C’est en ces termes du moins qu’il a répondu au discours soi-disant arabe qui lui fut adressé â la Bibliothèque nationale. Les savants conservateurs de rétablissement ont été émerveillés des con
naissances de. l’émir en numismatique. Il leur aurait même
signalé quelques erreurs dans la chronologie monétaire de la cohection arabe. Ailleurs, il s’est écrié, en voyant fonc
tionner les rouages d une presse mécanique : « Ce sont les canons de la pensée. » Et afin d’exprimer encore mieux sonadmiration pour les effets de cette artillerie qui porte plus loin que l’autre, le poète a ajouté : « Paris tout entier est merveilles, et ce qu’il offre de plus merveilleux, c’est l’imprimerie, lait de Dieu sur les intelligences humaines ! »
On voudrait bien ici n’omettre aucune des paroles échappées à cet esprit plus vaste que la mer, suivant ses panégy
ristes, à celui qui, parlant religion, ferait pleurer jusqu’aux yeux qui n’ont jamais versé de larmes, — c’est leur expression; — mais l’à-propos s’efface, et il en reste bien peu mainte
nant, même a ia particularité qui suit. Aux contempteurs de l’émir, s’il en reste, elle prouverait au besoin que dans l’âme de cet apôtre de l’islamisme il n’y eut jamais place pour la dissimulation et les vengeances d’un Jugurlha. Il résulte en effet de l entrevue d’Abd-el-Kader avec le géné
ral Courby de Cognord, que l’emir serait innocent de l’hor
rible massacre de nos soldats à Sidi-Braliim. 11 était à cent lieues du théâtre du crime au moment où le crime fut com
mis, et, si les coupables sont demeurés impunis, c’esl que l’autorité du chef était méconnue.
Un nouvel hôte dont la venue est toujours fêtée* grâce au cortège qu’il amène, n’a pas encore répondu à l’appel du calendrier. On disait que, descendu dans nos environs sur Faite des tempêtes qui ont bouleversé la Manche, l’hiver avait pris le chemin de Paris, et vous verrez qu’il se sera perdu en roule. Mais à quoi bon l’hiver et ses distractions dansantes? Nous n’en connaissons plus qu’une. Le mouve
ment toujours ascendant des fonds publics emporte toutes les imaginations.vers la Bourse. Cette fièvre chaude du report se manifeste par des accès dont une foule de clairvoyants se piquent d’entrevoir la fin, qui serait une catas
trophe. Le fut est qu’on cite des exemples de fortune subite aussi surprenants que ceux qui ont immortalisé la ban
que de Law. Beaux jours de la rue Quincampoix, vous voila revenus! Seulement le Mississipi porte maintenant plusieurs noms ; il se découpe en actions de toutes sortes de choses, el c’est ainsi que des millions très-réels finissent par s’échafauder sur un tas de valeurs peut-être fantastiques. Aujourd’hui tout le monde gagne quelque cbos à quelqu’un, et
l’allumette de la prime court de mains en mains sans les tfrûler ; mais gare au spéculateur aux doigts duquel l’allumette s’éteindra.
Ensuite ce ne sont pas seulement les valeurs de la Bourse qui montent; les tissus, les vins et autres produits sont en hausse comme le bonheur public. Les loyers suivront ta même progression, puisqu’il paraît certain qu’à l’occasion d’un evenement attendu et de magnificences promises,
l’Europe entière viendra passer l’hiver à Paris. En attendant, voici venir des jours difficiles pour la petite chroni
que; les grands événements absorbent les petits, et, comme disait lîenaudot, l’inventeur des gazettes vers 1632: «Si la crainte de déplaire aux puissantsaempêché nombre d’auteurs de toucher à l’histoire de leur âge, quelle doit être la difficulté d’écrire celle de la semaine. Aussi je me per
suade en ces rencontres que vous excuserez ma plume si elle ne peut plaire à tout le monde, en quelque posture qu’elle se mette. »
Une question dont le monde a souci presque autant que s’il s’agissait de la hausse ou de la baisse, c’esL celle du costume qui sera inauguré à la nouvelle cour. Se contenlera-t-on de l’habit habillé tel qu’on l’endossait dans l’ancienne cour, ou bien établira t-on des classifications de costumes et des ornements allégoriques conformes à la profession du porteur? de sorte que leco > merçant serait distin
guée par un caducée, l’avocat par une main de justice et le médecin par autre chose? Quant aux fonctionnaires pu
blics d’un ordre élevé, il ne serait rien changé, dit-on, au costume riche et de bon goût qui les distingue ; mais com
ment signaler le simple employé au respect de la foule? L imagination des inventeurs aura peut-être beaucoup à faire pour leur laisser un habit spécial dont le modèle ne retombe pas un peu dans le facteur ou le conducteur d’omnibus, deux écueils également difficiles à éviter.
Une nouvelle plus positive, c’est qu’à l’Institut on parle de donner pour successeur à M. Ramey un statuaire trèsdistingué, M. le comte de Nieuwerkerke, directeur du Mu
sée. Quoique le nouveau candidat se recommande au choix de l’Academie par son talent encore plus que par ses fonc
tions, on lui suscite des rivalités sous le prétexte que M. de Nieuwerkerke ne saurait siéger dans une Académie fran
çaise qu’eu qualité d’associé étranger, et l’on s arme coq Ve
lui d un précèdent aussi célèbre qu’injuste, celui de fossini. Malgré la supériorité de son génie, le grand maestro n’obtint pas la faveur d’une exception qui certainement eût été plus glorieuse pour l’Académie que pour l’académicien.
Triste semaine que plusieurs morts très-regrettables ont encore attristée. L’un de ces décès a été signaïé en ces ter
mes par le Jaurhal des Déb its : « M. Corali, maître des ballets à l’Opéra, déjà cruellement éprouvé par la perte ré
cente de deux de ses enfants ; M. Corali, ancien député, et M”* la baronne Devaux (née Maria Volet), qui a laissé de charmants souvenirs au théâtre des Variétés, vient de voir succomber son autre bile, ΑΓ6 Aiadenise, femme du consul général de France, à Nice, el auparavant l une des plus gracieuses artistes de l’Odéon, sous le nom d’Emilie Volet. »
Ainsi, à propos du docteur Blanche, prématurément enlevé à ses amis et à la science, nous ne saurions mieux faire que d’emprunter son éloge, à peu de chose près, au même journal : « C’est qu on chercherait en vain dans la France entière un homme qui ait donné aux écrivains et aux artistes de ce temps-ci des preuves plus signalées de zèle et d a mitié que M. le docteur Blancue, mort samedi dans la mai
son qu il avait fondée à Passy. Combien de fois cette demeure, qui appartint à la princesse de Lamballe, et plus anciennement au duc de Saint-Simon, s’ouvrit à des infor
tunes sans asile et sans pain, et qui avaient perdu la raison avant de perdre la vie ! sous ce toit hospitalier, la charité et l’art du docteur Blanche leur rendait lin peu de calme et de repos; il avait fait une longue étude des maladies mentales, il ne croyait guère à leur guérison, mais il croyait au sou
lagement de l homme ainsi frappe dans ce que l’homme a de plus précieux, sa pensée et son libre arbitre.... On ne peut pas désigner ici les, malades du docteur Blanche, il était le premier à taire le nom de ceux qu’il avait soignés,
il cachait même le nom de-ceux qui étaient morts, et plus d’une fois il a passé, sans le saluer, à côté d’un de ces in
fortunés sauves par lui. Que de cures merveilleuses, que de miracles d’habileté et que de transformations il a accom
plies dans ces esprits malades! Tel qu’on lui avait amené,
qui se croyait Homère ou Tahna, il le renvoyait au bout de quelques moi-, persuadé qu il s’appelait Bon. hice ou Bernard,
et qu’il était bon lout au plus à jouer le rôle d’Arbate ou à publier d. s poésies fugitives. » El après cet éloge, que l’on vous gâte ici parce qu’on vous le rapporte de mémoire, le très-spirituel biographe raconte d’une façon charmante la plus belle cure du docteur, celle de cette jeune femme amoureuse du soleil, et qu’il a fini parguérir radicalement.
« Elle s’éveillait au matin, dit notre poète, qui n’est pas un poète fugitif; elle·souriait à son bien-aime du souiire des anges; à midi, rien ne manquait à celte fête de son cœur ! Peu à peu, quand descendait le crépuscule, elle tombait dans l’anéantissement de la mort, puis elle se remettait â parler et à sourire à l’heure où chantait la statue de Memnon! Eh bien, le docteur Blanche a guéri celte héliotrope, il l’a mariée, èt elle le pleure aujourd’hui. » Il faut dire aussi que, devant là tombe de cette homme de bien, un poète, M. Antony Dèschamps, et un savant, M. Béclard, ont trouvé de belles paroles, et il est très-juste d ajouter que la con
solation du mourant, au milieu de ses souffrances, ce fut de savoir qu il laissait après lui un fils digne de perpétuer son œuvre. Depuis plusieur s années, en effet, M. Emile Blanche dirigeait rétablissement fondé par son père.
Le Théâlre-ltaiièn, — pardon pour cette transition trop brusqué, — le Theàire-Italion fait sa réouverture le mardi 16 novembre. Cetle représentation solennelle et peut-être impériale se composera û ihiMio et d’une cantate dont la musique est due à M. Fontana, l’élève et l’ami Je Donizetti. M. Jléry est fauteur des paroles, que M. Caimi, poêle attaché au théâtre, a traduites en italien.
A propos de ces solennités impériales que molivent les circonstances, la plupart des théâtres sont en instance pour obtenir l’honneur de jouer quelque chose devant S. Λ. I. \près fOpëra-Goinique et le Théâtre Lyrique, l’Odéon aurait son tour : tu qaoqttb ! Quant aux théâtres sëcondaMs,
ils mettraient leurs forces eu commun pour offrir à leur auditoire de ce soir-là un spectacle unique et digne de lui. Le brillant exemple donné par l’Opéra et par la Comédie française a piqué d émulation toutes les classes dramati
ques. Parmi ces dames surtout, l impatience de montrer tout ce qu’on sait faire est extrême, et les magnifiques ru
bis décernés à Hermione empêchent plus d’une Frétillon
de dormir. A ce sujet un journal semi-officiel constate que les largesses faites à l’Opéra et à son personnel pour cette soirée radieuse, mais si peu divertissante, représentent une valeur considérable. On parle de la magnifique boite en or qu’aurait reçue le directeur, el. l’on ne se lait pas du reste.
Ainsi, selon les gens bien ou mal informés, le musicien de la cantate aurait eu une bague en brillant d’une valeur de deux mille francs, et son poète. — le poète de la cantate, — une tabatière estimée quinze louis. Chacun de MM. les sujets du chanta été gratifié d’une épingle de prix, et mes
dames les sn/ettes du chant ou de la danse, d’une broche ou d’un bracelet. Ces divers présents ont été remis aux hommes par M. Feuillet de Conciles, maître des cérémonies,
et aux femmes par M. de Toulongeon, officier d’ordonnance de S. A.
Le Théâtre Français, qui parfois se plaît à s’enrichir des dépouilles de l’Odéon, vient de lui prendre tes Droits de t’homme, et c’est encore un succès sans conséquence. Ob
servons avec peine que, depuis quelque lemps, ce théâtre fait plus1 de bruit dans le monde avec ce qu’il refuse qu’a vec ce qu’il joue, il a beaucoup de peine à trouver chaus
sure à son pied. La tragédie lui fait peur, et si quelque porte
s’avise de lui apporter une comédie magistrale, aussitôt le Théâtre-Français trouve qu’il n’y a pas là de quoi rire ; faute de mieux, il se résigne aux bagatelles en un ou deux actes, au risque de tomber et de retomber dans la manie des proverbes. A ce jeu-là, il peut y avoir péril en la de
meure pour le Theâtre-Français, et c’est pourquoi on se permet ici de l’en avertir ; cwea ut çonsnle>, que les consuls de celte petite république y prennent garde, on ne re
nouvelle pas son répertoire avec des primeurs qui ont fait
leur temps à l’Odéon. Il serait juste aussi et tout a fait digne de la critique de protéger la Comédie française contre l’in
vasion de certaines exigences; l’autre jour encore, c’était lr Baron de La fleur, qu’on s’obstine à jouer par complai
sance pour les bureaux, el c’est maintenant tes D ods de l homme que l’on adopte en considération d’une autre puis
sance. On fait largesse aux amis de la maison, sans trop songer que c’est précisément sur cette pente que les empires, comiques ou non, s’en vont tout droit à 1 abîme.
Quant à l’Odéon, il s’agite beaucoup, et c’est le succès qui le mène. Après Me.hètïeu, il s’apprête à nous donner une fantaisie de M. Méry, et probablement un drame de Georges Sand, Ma-prat. En attendant il s’agit d’amuser le lapis, et c’est pourquoi l’Odéon fait sa provision de jolies piécettes, au nombre desquelles on nous signale le )j,vp dans m bergei ie, début dramatique d’un littérateur distingué qui écrit dans Flliuxtr«Hun.
Aux Variétés, en attendant Tac omet, on joue Maniselle Rose, et Arnal a repris les Gants Jaune . En même temps le Vaudeville vient d’entreprendre un Doyog e autour a une jolie femme, et ça ne ie mènera pas bien loin. On y voit une danseuse poursuivie par une foule de soupirants et de créan fiers, et qui se tire de là comme elle peut, c’est-à-dire très-bien, grâce à l’esprit de M. Jules Barbier, et au jetébattu de Mlle Cico.
Cependant voici un grand succès de larmes à la Gaîté. Pauarettè, ou la Bergère des Alpes, vous représente la simple et naïve bergerettê des romances, devenue un abrégé de toutes les vertus. Pauvrette, que sa profession relègue dans la montagne pendant six mois de l’année, entre le précipice et l’avàlatifche, passe son temps à sauver la vie aux voyageurs surpris par la tempête. C’est ainsi qu’elle vient de sauver sous nos yeux Mlle Léonie de Chateaugonthier, et, à l’acte suivant, M. Fernand son fiancé. Mais la fatalité s en mêle, et Fernand n’a évité Charybde que pour tomber dans Scylla; enveloppé par un tourbillon de neige, il est sauvé une seconde fois par Pauvrette, qur l emporte dans,sa cabane ou l’avalanche les claquemure jusqu’à l an
née prochaine. Je vous laisse à penser la transformation que ce fêie-à-tête a opérée dans Pauvrette : elle est triste et so«.r «se, comme Didon sortant de la griotte en compagnie d’Æneas. Si la fiancée qui a attendu Fernand Si longtemps finit par l’épouser, qu’adviendra-t-il de Pauvrette? Ceci est la situation capitale de la pièce, et les auteurs en ont fait jaillir une source abondante de larmes. Ce drame, d’a
bord un peu alpestre, devient aussitôt un drame intime, du
Caractère le plus louchant, conduit avec beaucoup d’art, et qui a reçu sa récompense, comme la vertu de Pauvrette,
par des bravos unanimes. Il est facile de présager à la Bergere des l/pes une longue suite de représentations fruc
tueuses. Lés auteurs, MM. Desnbyers et Dennérÿ, n’en font jamais d’autres.
Philippe Busoni.
Visite d’Abd-el-Kader à la Bibliothèque
nationale.
Tous nos confrères de la pressé quotidienne ont déjà parlé de la visite de l’émir à la Bibliothèque nationale ; nous voilà donc en retard : c’est que C illustration n’arrive qu’à son jour et qu’à son heure ; mais si l’à-propos lui échappe quelquefois, si de temps à autre elle oblige la curiosité de ses lecteurs à revenir sur ses pas, dit moins elle ajoute aux faits, en les reproduisant, plus de détails, et par conséquent plus d’exactitude et d’intérêt. Aussi sommes-nous assurés d’avance que nos abonnés (accueilleront avec plaisir notre récit, qui nous fournil du reste l’occasion de donner un tar-.viiïrle d’tih autographe d’AlKl-ei-Kâcler et un dessin de Ta monnaie frappée jàr lui.