propagande dont nous l’avions animée, elle devenait universelle comme la chose qu’elle représentait. Dublin, Stockholm, Hambourg et New-York se l’assimilaient à leur tour, et nous allons voir se renouveler successivement dans ces quaire villes, si ce n’esl toutes les merveilles çle l’exposition anglaise, au moins la principale, c’est-à-dire la ren
contre des différentes industries européennes sur un même terrain, et l’échange fécond et pacifique des procèdes et des améliorations.
Le tour de la France viendra ensuite, et l’on nous fait espérer que ce sera en lSà i. Nous n’avons pas besoin d’a­
jouter que, pour se présenter la dernière dans celte arène
qu’elle a ouverte à l’Angleterre, à l’Allemagne et aux Etats- Unis, la France n y conservera pas moins la liante place dont elle n’a pas encore été dépouillée, et qu’elle y déploiera avec uûe nouvelle, éuergie celte puissance d’invention , cette diversité inépuisable qui règne dans ses pro
duits industriels, et ce goût qui les transfigure et eu fait presque des objets d’art.
Déjà s’élèvent aux Champs-Elysées, avec l’appui direct de la municipalité parisienne §t de l’Elat, les premières fondations du palais défi iltif que la France va consacrer aux arts et à l industrie. Ce palais, qui doit en outre si r ir à des expositions liorliccles ou agricoles, à des ceremonies publiques et à des fêtes civiles ou rnilitaires , diurnes ou
nocturnes, et qui sera à la fois un immeuble d’exploitation particulière et un établissement national, n’aura nécessai
renient rien de commun, ni avec la serre gigantesque de .Hyde-Park, si improprement nommée Palais de Cristal, ni
même avec l’éditice plus élégant et plus noble que l’on bâ it en ce moment à New - York, et dont nous donnons aujour
d’hui le dessin, La complexité du but que l’on se propose dans la construction du palais des Champs-Elysées multiplie sans doute les chances de succès pour l’entreprise, mais elle augmente singulièrement les difficultés que les architectes auront à vaincre.
Leur palais se présentera sous la forme d’un vaste parallélogramme, et, comme les basiliques impériales, il se composera d’une nef centrale el d’une galerie double qui aura deux étages. La nef aura Z18 mètres de largeur, 190 mètres de longueur et 29 à 30 mètres de hauteur. Le déve


loppement des deux étages de galeries sera de 64 mètres,


sur une largeur de 28 mètres. Douze escaliers et vingtquatre issues desserviront l’édifice dont les quatre angles extérieurs seront accompagnés de huit fontaines , et dont les quatre faces seront flanquées d’un avant-corps en pierre.
L’axe de l’avant-corps principal sera décoré de quatre cariatides représentant le Midi, le Nord, l’Est et l’Ouest. Ces cariatides soutiendront le fronton du couronnement,
dans lequel sera sculptée en bas-relief la figure colossale de la France distribuant des récompenses au mérite. Dans la voussure intérieure sera placé un aigle tenant dans ses serres une banderole avec cette inscription : « Aux Arts
utiles. )> Le comble des galeries et de la nef sera en fer, et la couverture en sera de zinc-sur les côtés, et de vitres dans le milieu. On plafonnera, et l’on décorera de peintu
res allégoriques la portion intérieure de la toiture, qui sera couverte en zinc. Au pourtour de la nef, au niveau du pre
mier étage, sera pratiqué en saillie sur cette salle un large balcon richement orné, auquel on arrivera par cent vingthuit arcades en fer, dont les voussures porteront, avec les armes des quatre-vingt-six départements et les attributs des arts et de l’industrie, les chiffres du Prince , que l on peut déjà nommer l’empereur Napoléon III.
Le palais de New-York sera tout en fer et tout en vitres, comme le palais de Hyde-Park. Seulement, au lieu de se présenter comme l’autre sous la forme d’une croix latine,
il affectera, du moins à l’intérieur, la forme d’une croix grecque. Au point d’intersection des deux principales gale
ries, un dôme de 122 pieds anglais de hauteur couronnera l’édifice. A l extérieur, le bâtiment offrira le périmètre d’un
octogone régulier, dont chaque face aura 149 pieds 5 p. de largeur. A chacun des huit angles extérieurs s’élèvera une tour de 8 pieds de diamètre, et d’une hauteur de 75 pieds. Il y aura deux étages de galeries. La largeur des deux ga
leries principales sera de AI pieds 5 p., et leur hauteur de 67 pieds. De vastes balcons décoreront les trois grandes entrées. La superficie de l’espace couvert sera de 173,000
pieds anglais carrés (le pied anglais est de 11 pouces), c’està-dire environ un septième de la superficie du palais de Hyde-Park.
Ce sera le plus grand édifice des Etats-Unis. L’église de la Trinité, à New-York, a 189 pieds de long, 84 pieds de large et 64 pieds de haut. L’hôlef de ville de New-York a 216 pieds de long, 105 pieds de large et 85 pieds de haut.
Le Capitole de Washington a 352 pieds de long. La rotonde a 85 pieds de diamètre, et le dôme 120 pieds de hauteur.
Comme le Palais de Cristal de Londres, celui de New- York est l’œuvre d’une compagnie. Un concours a été ouvert pour le plan de l’édifice. Neuf concurrents, parmi les
quels l’architecte du palais de Hyde-Park, se Sont présentés.
Le plan qui a été préféré est dû à la collaboration de M. Carstensen, danois, et de M. Gildemeisler, allemand.
Pour compléter ces détails statistiques, ajoutons que New- York a 600,000 habitants ; que chaque semaine trois ba
teaux à vapeur de deux mille à trois mille tonneaux partent de cette ville pour l’Europe, et qu’elle communique régu
lièrement par mer et par terre avec les principales villes de l’Amérique septenlriunale.
Henry Trianon.
Révue littéraire.
les Soirê’s de Carthage, nu Dialogues entre un prêtre cathclU nue. un rnuphti et vu eadi ; par M. l’abhë F. Bourgade, amr.ô· nier delà chapelle Saint-Louis, de Carthage; 2 édition, uar.s,
Lecoffre et Benjamin Duprat. — la clef du Coran, faisant suite aux Smrêes4e Carthage ; même auteur. — Recherches histo
riques sur les corporations îles archers, -es arhntél tiers et (les arquebusiers g par Victor Fouque, membre de la Société de l’histoire de France., taris, chez. Dumoulin; Chalon-sur-Saône, chez l’auteur.—Rect. erçÎîcs historiques sur ία reruliitnin com
munale. au moyen âge, et. sur le système électoral appliqué, aux communes ; par le même. —Suint Martin et Bernardin de Suinl-Pierie; par M. caro; erratum.
L’auteur clés Soirées de Carthage, et de la Clef du Co
rau qui y fait suite, s’est proposé un double but qui est malheureusement contradictoire, et, dans tous les cas, ne, peut être que fort inégalement atteint. Il a entrepris de démontrer les erreurs du Coran, d’une part, et, de l’autre, d’é­


tablir une espèce de fusion entre ce livre et l’Evangile. Il


nous paraît qu’il faut absolument choisir. Si le Coran est entaché d’erreurs fondamentales, fl n’y a point à espérer line transaction sur ce texte avec la religion chrétienne.
Sans doute fl est de ces principes d’élernelle morale qui sonL communs à tous les cultes, à toutes les professions de foi, dignes dece nom. Un bon maliométan peul, sans cesser de l’être, en agir sur bien des points selon l’esprit de l’E­


vangile; mais c’est à la manière du bon Samaritain, à son


insu. Cette idée qu il fait acte de christianisme, si elle lui était représentée, serait bien plus propre à le refroidir qu’à l’encourager dans cette voie de fraternité, de charité, d’au
mône, où l’islam seul est suffisant à le pousser. Ce qu’il y a de vrai, c’est que les plus nobles préceptes du Coran, et il en est de sublimes, se retrouvent dans l’Evangile; mais si l’espèce de fusion que cherche M. l’abbé Bourgade s’éta
blissait en effet, elle conduirait inévitablement fauteur à une Conséquence sans doute bien loin de sa pensée : à sa
voir que l’on peul se sauver dans l islamisme, comme dans le christianisme, ou dans toute autre religion, pourvu que. l’on soit homme de bien.
Celle manière philosophique, et libérale (nous sommes loin, pour notre part, de nous en plaindre) de trader le dogme et d envisager le précepte, se retrouve dans les dé
tails, et fréquemment, sous la plume de M. l’abbé Bourgade.
Par exemple, discutant, avec le rnuphti et le cadi, laquestion de certaines abstinences nommément ordonnées par l’islamisme, telles que celles du vin el de la viande de porc, le prêtre ca lwl que leur objecte et les torce à reconnaître que cette défense n’est pas si stricte qu’on ne la puisse en
freindre dans les limites de la tempérance et de la raison. S’emparant du côté hygiénique de cette réglementation somptuaire, il prouve que le vin a été défendu dans la pré
vision de l’abus, mais non en vue d’un usage modère qui ne peut qu’être utile à l’homme. Même observation-et même conclusion pour la chair proscrite, qui ne l’est, selon lui, que comme aliment pouvant être nuisible sous certains cli
mats; d’où il suit nécessairement que l’observation de ce double précepte d’al sticerice est facultative, et, à ce compte, le musulman qui, par une cause quelconque, abandonne les pays chauds, pourrait, sans nullement charger sa cons
cience, s’alimenter ad libitum (ou même boire du vin, sans sortir de, chez lui, pourvu qu’il en boive modérément). L’obligation de jeûner tous les jours, du matin au soir, pendant le mois du ramadan, est passée par le controversiste catholique au même crible, et, suivant lui, les musulmans seraient fondés à manger le jour et à se reposer la nuit, au lieu de la consacrer à des festins et à des débauches qu’interrompt seul le sehevr ou la première lueur de l’aube.
L’auteur peut avoir humainement raison; mais, du jour où on l’en croira, il n’y aura plus d’islamisme. Que dirait-il, d’ailleurs, si ses antagonistes lui rétorquaient l’argument et se mettaient à contester, au nom de l’hygiène, la néces
sité des diverses abstinences que nous commande l’Eglise à certains jours et en certains temps de l année? Celle ma
nière interprétative d argumenter est dangereuse, en ce que nulle au monde ne prête un flanc plus large à la riposte. 11 est vrai que le bon rnuphti qui soutient le choc, de la dialectique du marah ut chrétien n’est guère prompt à la pa
rade; c’est un plaisir vraiment de le catéchiser ; il suffit de lui indiquer du bout du doigt ses erreurs pour que, sur l’heure même, il les confesse avec une ingénuité exemplaire. J’ignore s’il en esl beaucoup de celle étoffe parmi les doc
teurs de la loi musulmane; mais, quant à celui-la, il ne lui reste plus, après les Su rees rte i arthaae, qu’à endosser la robe blanche du néophyte et à prendre Beau du baptême.
Nous doutons cependant que, comme propagande, et malgré le succès qu’il obtient, ce livre, traduit en arabe sur la deuxième édition, réponde à l attente de son, auteur. Ce n’esl pas le lieu d’examiner s’il est d’une bonne politique, de tenter des conversions, dans la population arabe. Il faut laisser à part celte question ardue. On conçoit et l’on est porté à admirer, même intempestif, le zèle d’un prêtre, en
traîné par sa mission de pécheur d’àrnes ; mais, il faut bien le reconnaître, il n’y a guère d’espoir de ramener à la reli
gion chrét ienne le moindre enfant de l’islam. Les succès, s il en esl obtenu en ce genre, seront toujours insignifiants.
Les. musulmans tiennent à toutes leurs croyances, à toutes leurs supersti’ions si l’on vent, et sont infiniment moins malléables que le bon rnuphti de Carthage. Les missionnai
res apostoliques réussissent auprès de certaines peuplades idolâtres, et alors qu’ils luttent contre des religions toutes fort divergentes du christianisme; mais ici, il ne s agit pas d’une simple différence docilités; il s’agi d un antagonisme. Les chrétiens et les musulmans ont toujours été ennemis. Quiconque passe de l une à l autre église semble déserter
non pas seulement son Dieu, mais sa patrie et son drapeau.
A tout prendre et de compte fait, on trouverait plus de chrétiens renégats que de circoncis ayant abandonné le culte d’Allah pour celui de Jésus. Un seul fait vaincra à la longue l islamisme ; l’envahissement progressif de ce philosophisme que cherche a diriger M. l abbé Bourgade contre la loi du Prophète, arme à deux tranchants, qui peut, nous
l avons pressenti déjà, se retourner contre la main qui l’emploie. Tôt ou tard, it faudra que l’islam succombe au dissolvant de l analyse ; mais oa aurait tort de croire que ce tra


vail di· décomposition puisse, en aucun cas, profiter à la re


ligion de Jésus. Quand on en sera la, il n’y aura plus que des esprits forts dans fa mosquée, comme il en est dans 1 é- glise, et les uns vaudront les autres. D’un mauvais musulman on ne fera jamais, quoi que l’on tente, un chrétien.
Les Soirées de an/ioge et la Clef du Coron se recommandent d’ailleurs littérairement par une forme heu
reuse. La.familiarité et la vivacité du dialogue se prêtent en effet mieux que la pesanteur d’un traité eu /mif ssa, ou de conférences en règle, à la vulgarisation des sublimes vérités de la religion chrétienne, qu il s’agit de faire pénétrer, selon l’intention de fauteur, dans des têtes fort du
res et assez peu abstraites. La lecture de ces dialogues est attrayante, et l’on trouvera même, plus que du plaisir à l entreprendre ; car l’écrivain, tout pénétré de son sujet, a sérieusement étudié ta théologie musulmane, et esl profon
dément versé dans le Coran et exégeses. Souhaitons-lui de, persuader les âmes auxquelles il s’adresse. Quant à nous, grâce à Dieu, nous n’avons rien à apprendre sur la supé
riorité de noire religion native, qui contient en germe tous les progrès et toutes les améliorations humaines, mise en regard d’une loi qui voue ici-bas l’homme à l immobi
lité, à la stagnation, c’est-à-dire à la décadence. Mais celte foi est vive et la nôtre Best peu. Nous n’avons à céder aux Arabes que notre voltairianisme. C’est en effet de celte manière que nous les avons convertis jusqu’à ce jour (j entends ceux qui lu n enl nos villes). Ils négligent assez vo
lontiers ta prière, dédaignent les ablutions, mangent du jambon, se grisent de vin et d auisette, et ne sont ni plus dueli - ns ni plus honnîtes gens pour cela.
— vi. Victor Folique esl un de ces savants modestes et laborieux de province, qui eussent pu briller au premier rqng, si leur bonne ou mauvaise étoile ne les eût classés au second, et qui passent leur vie à accumuler des trésors d érudition dont la destinée necessaire est de profiter plus à aulrui qu’à eux-mêmes, La presse parisienne leur doit, et elle se doit, d’encourager, de révéler d’aussi estimables et d’aussi utiles efforts.
Dans son premier ouvrage, M. Victor Fouque a pris la peine de réunir une multitude de documents curieux et inédits sur les anciennes corporations d’archers, d’arbalé
triers et d’arquebusiers dont l’existence historique se lie intimement à celle de nos communes au moyen âge, et qui d’abord fondées, comme une sorte de garde nationale mo
bile, pour la défense des territoires provinciaux ou de la banlieue des villes, dégénérèrent plus tard en simples so
ciétés de plaisir dont le but, ou plutôt dont le prétexte, était un exercice d’adresse. Elles disparurent, avec tant d’autres institutions surannées et devenues vides de sens, dans la grande tourmente révolutionnaire, et ce n’est guère que dans quelques-unes de nos vieilles villes d’Artois et de, Flandre qu il existe encore des sociétés d’archers é,t d’arba


létriers, de tireurs à la carabine, comme en Belgique et en Suisse.


Le romancier du genre historique (j’entends celui qui prend son art nu sérieux et suit les traces glorieuses du châtelain d’Abbotsford) trouvera une ample moisson à ré
colter dans le répertoire si complet des lois , règlements, accoutumances de ces joyeuses confréries de francs-archers et f ancs-buveurs. Si c’est la qualité, c’est aussi le défaut du livre où le collectionneur fait assez souvent tort à l’écrivain, et dans lequel il faut voir plutôt un magasin de piè
ces amalgamées sans trop de lien, au hasard de la dé
couverte, qu’une œuvre méthodique où tout détail doit se subordonner au plan d’ensemble : ce sont des matériaux juxtaposés; l’édifice reste à construire.
Dans ce grand nombre de documents réunis avec une patience de bénédictin , il en est une certaine portion que 1 auteur n’eût rien perdu à négl ger , et qui font un peu trop l’effet de plantes parasites dans un jardin , du reste ample et fertile en richesses de toute sorte. 11 nous im
porte peu de connaître aujourd’hui les rilus petits laits el gestes des plus petites corporations d’archers ou d’arbalétriers du bon vieux temps car la plupart de leurs coutu
mes se ressemblent, el il n’y aurait vraiment lieu à une étude si minutieuse en ce genre, qu’à la condition d’en pouvoir tirer pour le temps présent quelque profit en bons el valables enseignements. Une simple curiosité historique
ne nous paraît pas comporter tant de travaux ni tant de pages.
Ce défaut de composilion nous a frappé d’autant plus, que l’auteur est parfaitement en mesure, et l’a prouvé ailleurs, de s’élever à la généralisation d’un sujet; car il n’est filet si inaperçu des sources auxquelles puise l’histoire qui n’ait son importance propre, et ne puisse, bien dirigé et bien aménagé, fournir son contingent à ce torrent d’idees qui entraîne l esprit humain.
Sons ce rapport, on trouvera dans le livre de AL Fouque d intéressants aperçus sur la richesse et la puissance de cette ancienne bourgeoisie française, qui composait les compagnies d’arbaletriers et d’arquebusiers, les dernières en date. Une grande magnificence comme costumes, fes
tins, réjouissances et prix, élait déployée clans foui ce qui concernait l’organisation de ces jeux d’adresse. Savez-vous ce qu’il en coûtait pour tirer un coup d’arquebuse, dans le jardin des Tuileries, en 1659? Cinq louis d’or, ni plus ni moins. Le montant des enjeux ou entrées était déposé chez
un nolaire désigné par le roi et les prix distribués étaient au nombre de. vingt-quatre : le premier de seize mille livres, le second de, huit mille, el ainsi de suite jusqu’au dernier, de, deux cents Aujourd’hui que nous avons remplacé l’ar
quebuse par les exercices du sport, et la dextérité guerrière de l’homme par l’agililé du cheval, nous faisons grand bruit au Champ de Mars d’un misérable prix de quatorze mille francs donné par le gouvernement. Comparez-le au premier