prix des arquebusiers d’il y a deux cents ans, prix de seize mille livres, représentant le triple de ce qu’il vaudrait aujourd hui, et vous aurez une assez piètre idée des préten
dues splendeurs de notre aristocratie actuelle, qui n’est même plus au niveau, sous ce rapport et quelques autres, de la simple bourgeoisie parisienne de l’année seize cent et tant.
Il en était ainsi par tout le royaume : à Chalon-sur- Saône, une ville alors surtout très-secondaire, la valeur to
tale des prix tirés aux premiers jours de mai était de quinze mille livres en 1728, et la valeur des nt emises, ou en
trées, pour chaque volée, n’était pas de moins de cent huit livres.
Celui qui touchait l’oiseau en plein corps était proe amé pour un an le^ ιοί de la corporation. S’il triomphait trois ans de suite, il était nommé enri retir. .le vous laisse à penser quelles libations, quelles triomphantes ripailles accompagnaient chacune de ces pacifiques victoires.
Les chevaliers de l’arbalète ou de l arquebuse jouissaient d’immunités municipales ou autres, très-partie,u ières, et la veuve même de V eu, per eue héritait de ses privilèges. Il y avait des lois locales très-compliquées pour régir les di
sure, et la réception d’un nouveau chevalier n’allait pis sans toute sorte degarantieset de questionnaires préalables
à la prestation de serinent, laquelle était précédée d’une profession de foi en fermes. M. Fouque nous a restitué le modèle de l’un de ces interrogatoires auxquels étaient soumis les récipiendaires. La pièce est en vers et des plus cu
rieuses. On y voit que les premières qualités requises pour être chevalier de l arbalète, sont 1° d’être «tousiours loyal et hardy; de rien ne croire médisans; » 2“ de servir la cou
les préceptes des jeux, et ils sont nombreux, tous empreints du même caractère de moralité et de droiture, dont l’ob
servation se jure sur la eroi.r ,r surin noix d · /’ arbalète. Le récipiendaire ayant enfin fourni d’une façon satis
faisante à toutes les demandes du formulaire, et promis de laisser à la confrérie .ton a ha! x e et l ust tPir«,yre, dans le cas où b roi, d gloire l’appellerait de vie à trépas, le co nesiable prononce en ces termes la joyeuse, Yesbattante formule de la réception :
Seigneurs, frères et compaignons, Chacu i de nous face feste ; Un frère nouvel avons
De nostre jeu tant honneste. Des p’eds jusques à la teste Allons nous bouter en iruie Et là lavons noTe teste
Nous préférons toutefois à cette monographie, d’un intérêt trop spécial et trop restreint, un précédent livre de M. Victor Fouque; celui qui traite de la révolution amtn.unate au moyen âge, et du système électoral a/v ligué au r mm m nés, ouvrage que l’Académie des inscriptions et belles-lettres a très-justement récompensé et distingué par une mention honorable, et qui a obtenu, c’est tout dire, les suffrages de VI. Augustin Thierry. La première partie de ce livre, celle qui traite dès origines et des phases de la reforme communale, ajoute simplement quelques nouveaux traits au tableau déjà tracé de ce grand mouvement. L’au
teur en apprécie le caractère avec une grande justesse, et nous sommes heureux d’ajouter, avec un grand libéralisme de vues. Il montre ce que fut cette révolution : un vrai marché d’abord, soit avec les seigneurs, soil avec les rois, marché cent fois fraudé, et où, il le faut dire, les trompe
ries vinrent d’en haut; puis un soulèvement irrésistible contre les abus intolérables du système féodal soulèvement favorisé par les rois, en haine des seigneurs, jusqu’au jour où l agrandissement et la plénitude de la puissance royale englobèrent les libertés des villes, qui disparurent dans l’é clat nouveau du trône, comme les nébuleuses, au firmament, dans les rayons du soleil.
La seconde partie de ce livre, celle qui traite des conditions du suffrage dans les élections communales, est com
plètement neuve. Les conditions du vole vaiiaient, on le comprend, suivant les communes et selon les provinces du pays bigarré qu’était alors la France. Mais le suffi âge uni
versel était la loi, en ce sens que tout homme payant une contribution, ne fût-ce que d’un denier, était électeur. N’é
taient exceptés de la règle que les serfs non affranchis, la gent porte-besaces et les domestiques à gages. Lp domicile, à cette époque où les déplacements étaient si difficiles et si rares, s’établissait néanmoins par la résidence réelle de l’an
et jour. De toutes les· critiques qu’on a faites ou pu lai e dans le temps de la loi du 31 mai, il n’eu est pas de plus sanglante. L’ensemble de cette législation électorale du
moyen âge tendrait à justifier jusqu’à un certain point b fameux mot de M“* de Staël : « Ce n’est pas l’esclavage, « c’est la liberté qui est derrière nous. » Liberté r rulilée, menacée, arrachée, qu’auraient tort d’invoquer au surplus, à l’appui de leur système rétrograde, les amis de l’absolu
tisme et de la féodalité, puisque c’est contre eux ou contre leurs ancêtres que cetle liberté fut. gagnée pied à pied. Leurs querelles intestines y donnèrent naissance. Les rois n’en .favorisèrent l’extension que pour humilier les seigneurs. Se croyant assez forts, plus tard, ils la reprirent; mais on la reconquit sur eux.
— Dans notre dernière Revue littéraire, en rendant compte de la très-remarquable étude de Μ. E. Caro sur les écrits de saint Martin, nous avons commis une erreur de fait que nous devons rectifier. Ce n’est pas l’étude sur saint Marlin, mais un travail du même auteur sur Bernardin de Saint Pierre, qui n’a obtenu que l’accessit au dernier con
cours de l’Académie française. Le livre de M. Caro sur le philosophe mystique a été composé à titre d’épreuve poulie doctorat ès-leltres, et il a été accueilli, nous écrit Fau
teur, « par la Faculté des lettres, avec une faveur dont il conservera un éternel souvenir. » Ce sentiment honore et
celui qui l éprouve, et le corps savant qui l’inspire. Nous sommes heureux d’apprendre que la Faculté des lettres ait ainsi à l’avance ratifié notre jugement personnel sur 1 œuvre de M. Caro.
FÉlix Mornand.
Expédition dans la Grande-Kabylie, en 1852.
Bou-Hassan est dans une posilion charmante et qui donne un avant-goût de la Kabylie ; un petit village esl auprès de nous, cache sous de grands arbres. Mais des chiens aussi cruels que des loups en défendent rapproche. Souvent perché sur les toits ou sur la tente, le chien arabe fait bonne garde, et personne n’approche· d un douar (1) ou d’une doc era (2) sans être signalé de loin. Il est d’une grande laideur, et d’une espèce qui n’existe pas en France. Virgile nous en apprend l’origine :
« Omnia secum
“ Aruiaque, amyclæumque canem, cressamque pharetram.
fis viennent en droite ligne de Lacédémone, ces chiens aguerris qui nous empêchent d’arriver jusqu’auprès des tentes d’Ismaël !
Le temps est tout à fait beau, et il est probable que les pluies ont cessé jusqu’à l automne prochain. Cependant il ne fait pas chaud, car Bou tlassan est assez êleve. Les palmiers nains, ne couvrent plus toutes les terres, et sont sou
vent remplacés par de grandes touffes de dys (3). — C’est même un fait digne de remarque que, de quelque côté qu’on aborde la Kabylie, le palmier nain est d’autant plus rare qu’on s’en approche davantage, jusqu’au moment où il sérail difficile d’en trouver un seul pied. Ainsi notre colonisation le repoussera peu à peu du voisinage des villes, jus
qu’à ce que tous les noyaux épars de culture se rejoignent et se touchent, et alors cette affreuse lepte de nos champs aura disparu, à moins toutefois qu’on ne retire un profil de sa conservation, et même qu’un ne le cultive; caron découvre chaque jour un emploi plus utile des fibres et du
parenchyme de ses feuilles : on en a fait d’abord du crin à matelas, et une maison de Toulouse en fait le sujet d’une spéculation productive. Puis un officier de notre marine a .imaginé de le substituer aux chiffons pour la fabrication du papier et du carton. Avec les procédés indiqués par lui, on en fait de très-bon en Angleterre, qui reçoit ses feuilles d’ici. — Il existe même à Alger, je crois, une usine où l’on transforme seulement la feuille en pâle, pour la livrer ainsi aux fabricants de papier. A l exposition de septembre der
nier, à Alger, tout le monde a pu remarquer des cordages fort solides, en apparence du moins, faits avec cette même plante (h).
Ce matin, à cinq heures, les soldats ont reçu une distribution de pics, de pioches, de pelles, etc., et, accompagnés de soldats du génie, ils s’échelonnent sur la route, a partir du col des Beni-Hamel. Ils ont laissé le sac au camp, et s’en vont, leur fusil sur une épaule et la pioche de l’autre, par compagnies conduites par leurs officiers.
Bivouac aux Trois-Orangers, sur l’Oued- Kaddara, 12 mai.
Les soldats l’ont aussi appelé camp des Raisins, parce que, l’an passé, les Arabes nous y en apportèrent de grandes quantités.
Aujourd’hui, à onze heures, nous avons quitté Bou- IIassan pour faire environ une lieue. Nos tentes sont des
deux côtés de la route, au pied du Bou Zigza, à la pointe formée par le ruisseau qui descend du col des B. Hamel et par l’Oued-Kaddara, au moment où il sort d’une gorge ouverte dans la direction du sud.
Un Arabe des Onadna (5) m’a assuré que 1Ό. Kaddara s’appelait là nue t-Vernda. Je suppose qu’il perd ce nom pour prendre celui d’Oued Kaddara à son confluent avec l’Oued-Zitoun. — Il y a là beaucoup de barbots, de barbil
lons et de crabes. Le lit de la rivière est très-pierreux et a pei d’eau en été, de telle sorte que le crabe peut y être fa
cilement pêché. Toute la difficulté consiste à le prendre rapidement et à le jeter à terre avant qu’il ait eu le temps de vous pincer les doigls, ce qui est très-douloureux. Le troupier tient ce poisson en fort mince estime, et il a tort ;
cuit a l’eau très-salée, il peut remplacer heureusement la crevette.
Le camp est datis un bas-fonds, et le paysage est peu intéressant; des montagnes couvertes de broussailles de chaque côté, excepté, vers le n >rd, où le Bou-Zigza a des chênes-lieg.es en taillis.—Sur la rive droile de l’Ôued-Kaddara, immédiatement au-dessous de nous, quelques champs d’orge avec trois orangers aux bords de la rivière. C’est là qu’on campait autrefois, à cinq lieues du Fondouk; mais les cul turcs, ne le permettent pl is.
L’emplacement que nous occupons aujourd’hui est couvert d’un petit arbuste à feuille poisseuse très-commune en Afrique, de lavande à épis Uuoendula spica.a) en fleur, et de chênes-lièges nains
A cinq cenls pas au-dessous du camp, La rivière s’engage dans une gorge étroite, formée par les revers du Bon Zigza et d’une montagne des Kluichnas: à sa sortie de cette gorge, vers l’est, au commencement d’une petite plaine cul
tivée, est le moulin à huile et à farine de l’Oued-Kaddara, élevé au moyen de fonds d’une société en commandite arah , à la télé de laquelle se trouvait le cheikh-e .-cheihh des Khachnas, par notre ami X., du bureau arabe d’Alger, et auquel se mêle si tristement le souvenir de notre ami 1. L., qui était venu camper avec lui deux mois sous la tente, pendant les pluies d’hiver, et mort maintenant. Le ciel béni d’Alger l’a fait vivre trois ans, mais n’a pu le sauver.
Ainsi, tandis que nous marchons, le souvenir des morts bien aimés vient se mêler aux chanls et aux rires des vi
toyant leurs armes; mais les travailleurs sont échelonnés sur une étendue de plus de deux lieues en avant et en ar
rière du camp, et leur silhouette, se détache déjà dans le ciel, du côté du co! qui mène au bassin de Tisser, le 7 nia mé a Oiiled-Zian. Les travaux vont vite; mais d’ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, ils sont tout à fait provisoires. — Le temps est beau, et le thermomètre s’élève rapidement.
Aujourd’hui, séjour. ·— Les travaux de roule continuent. — La chaleur est déjà forte. A une heure, le thermomètre marque 38 à l’ombre, sous la tente, noire unique habitation.
Grande balte, près de la (tachera du caïd Hamimed, dans l’Oued-Zitoun.
Le thermomètre, à une heure, marque 36”; à deux heures et demie, 34 . — Nous sommes beaucoup plus elevés que sur l’O. Kaddara.
On s’arrête pour déjeuner, pendant que les hommes réparent le sentier rapide qui mène du T’nia des Ouled-Zian ici. — Du dernier camp à ce col, la route est très-bonne, et il serait facile (’e la rendre carrossable. Au col on la laisse à gauche, où elle va se terminer à une lieue de là. — Un massif d’arbres que domine un peuplier sur un plaleau à mi-côte, au-dessous de nous, indique de loin la petite dachera du kaïd Hamimed, composé d’ui.e douzaine de gourbis.
Ce chef, vieux Turc investi par le maréchal Bugeaud, est un véritable type de bonhomie et de dévouement à notre cause. L’an dernier, par une nuit très noire, je vins lui demander l’hospitalité, avec deux cavaliers qui me condui
saient à B n Hnroun. Nous arrivions d’Alger, et il élait peu prudent d’aller plus loin. Le kaïd nous accueillit avec une bonté simple et charmante. -— Devant son douar, sur une pelouse, on fit, avec un tronc d’arbre, un feu homé
rique; on mit auprès une grande natte étendue à terre et deux coussins ; -— de l’eau, du lait doux et des figues sè
ches, — de la paille et de l’orge pour les chevaux.—C’était en octobre, il faisait déjà froid. 11 s’assit près de moi pour me tenir compagnie, et me parla du maréchal, pour lequel il professait, comme tous les Arabes, la plus grande admiration.
Mes hommes firent rôtir un quartier de mouton avec une ficelle, tandis qu’il m’arrivait de chez mon hôte un grand plat de kouskous, préparé par ses femmes, paré de grains de raisin sec, orné d’une poule coupée en morceaux. Ha
mimed prit du café avec moi, et quand nous eûmes fait nos ablutions, il se leva et me dit : « Je suis trop vieux pour passer la nuit dehors près de toi; reste sur le bien. Je te laisse, mes deux fils, qui veilleront pour qu’il ne l’arrive aucun mal. » Je lui répondis : « Va avec le salut, et que Dieu augmente ton bien ! »
Ses deux fils s’assirent de l’autre côté du feu; une dizaine d’Arabes élaient couchés en cercle autour de nous, près de nos chevaux. Moi, je m enveloppai dans mon burnous, la tête dans le capuchon, appuyé sur ma selle, les pieds au feu ; puis tournant, selon les prescriptions musulmanes, le dos à la lune qui venait de se lever, je m’endormis, espé
rant que Mahomet, se, trompant sur mon compte, me ferait voir dans mon sommeil les soixante-sept houris promises aux vrais croyants. Aujourd’hui j’ai revu le kaïd, qui nous regardait défiler. C’est une bonne figure de vieillard; et je, ne passe jamais dans l’Ouad-Zitoun sans lui dire bonjour.
En face de sa dachera, de l’aulre côté du ravin qui descend vprs le pont de Ben-Ini dans la direction ouest-est,
au-dessus de nous, on voit deux ou trois grandes duché as au milieu de cultures et d’arbres nombreux.—Ces villages,
qui sont aux Khachnas, rappellent, par leur aspect, les beaux villages kabyles. Mais le pays que nous traversons n’est pourtant pas très-riche. Il y a beaucoup de grands frênes servant au chauffage et à la fabrication des charrues, aux plats de kouskous, etc,, et à la nourriture des trou
peaux pendant Γhiver, qui est assez rigoureux. —Quelques oliviers, des figuiers, des caroubiers en petit nombre, des
vignes, des peupliers-trembles: beaucoup de petits ravins coupent la route, couverts par de hautes touffes de laurierrose, en fleur clans ce moment.
Nous avons fait un jour une singulière trouvaille dans un de ces buissons de lauriers-roses. Nous remontions l’Ouad- Zétoun par une chaleur accablante, avec une centaine d’hommes, lorsque l officier qui les commandait aperçut un Européen se cachant dans le fourré devant nous sur les bords du sentier que nous suivions. —Comme cela parais
sait fort extraordinaire, nous y courûmes aussitôt. Un jeune homme était assis à l’ombre près de l’eau, tête nue. pieds nus, les souliers près de lui. Il avait les cheveux très-courts,
et sa figure hftlée.était sans barbe. Une petite jaquette d’été, déchirée du liant en bas dans le. clos, une chemise sale, un pantalon de toile grise avec une grande pièce au genou,
formait tout son équipement. Au reste, une physionomie pleine de vivacité et de décision. Il devait avoir vingt-deux ans.—Sa présence, là, seul et se cachant à notre approche, était un peu suspecte, il venait, nous dit-il, du village à côté, et il allait au village voisin, le kaïd de ce village, dont il ignorait le nom. l’ayant fait venir pour travailler comme
(1) Douar, groupement de tentes arabes. (2) Yillaqe kabyle,
(3) Tigeum spartium.
(4) “ L on fait de très-forts cordages- (à Ninç-Do-Soo, ville chinoise près, delà dite, en vue des îles Gkusan), et des câbles pour les jonques avec les fibres d une espèce de palmier très-commune dans cette contrée. /»
(Echo du monde savant, année 1344.)
(5) Habitants de l Oued-Zitoun.
dues splendeurs de notre aristocratie actuelle, qui n’est même plus au niveau, sous ce rapport et quelques autres, de la simple bourgeoisie parisienne de l’année seize cent et tant.
Il en était ainsi par tout le royaume : à Chalon-sur- Saône, une ville alors surtout très-secondaire, la valeur to
tale des prix tirés aux premiers jours de mai était de quinze mille livres en 1728, et la valeur des nt emises, ou en
trées, pour chaque volée, n’était pas de moins de cent huit livres.
Celui qui touchait l’oiseau en plein corps était proe amé pour un an le^ ιοί de la corporation. S’il triomphait trois ans de suite, il était nommé enri retir. .le vous laisse à penser quelles libations, quelles triomphantes ripailles accompagnaient chacune de ces pacifiques victoires.
Les chevaliers de l’arbalète ou de l arquebuse jouissaient d’immunités municipales ou autres, très-partie,u ières, et la veuve même de V eu, per eue héritait de ses privilèges. Il y avait des lois locales très-compliquées pour régir les di
verses corporations ; tout y élait réglé par poids et par me
sure, et la réception d’un nouveau chevalier n’allait pis sans toute sorte degarantieset de questionnaires préalables
à la prestation de serinent, laquelle était précédée d’une profession de foi en fermes. M. Fouque nous a restitué le modèle de l’un de ces interrogatoires auxquels étaient soumis les récipiendaires. La pièce est en vers et des plus cu
rieuses. On y voit que les premières qualités requises pour être chevalier de l arbalète, sont 1° d’être «tousiours loyal et hardy; de rien ne croire médisans; » 2“ de servir la cou
ronne de France de tonte sa force et puissance. -— Suivent
les préceptes des jeux, et ils sont nombreux, tous empreints du même caractère de moralité et de droiture, dont l’ob
servation se jure sur la eroi.r ,r surin noix d · /’ arbalète. Le récipiendaire ayant enfin fourni d’une façon satis
faisante à toutes les demandes du formulaire, et promis de laisser à la confrérie .ton a ha! x e et l ust tPir«,yre, dans le cas où b roi, d gloire l’appellerait de vie à trépas, le co nesiable prononce en ces termes la joyeuse, Yesbattante formule de la réception :
Seigneurs, frères et compaignons, Chacu i de nous face feste ; Un frère nouvel avons
De nostre jeu tant honneste. Des p’eds jusques à la teste Allons nous bouter en iruie Et là lavons noTe teste
De vin pour sa bienvenue.
Nous préférons toutefois à cette monographie, d’un intérêt trop spécial et trop restreint, un précédent livre de M. Victor Fouque; celui qui traite de la révolution amtn.unate au moyen âge, et du système électoral a/v ligué au r mm m nés, ouvrage que l’Académie des inscriptions et belles-lettres a très-justement récompensé et distingué par une mention honorable, et qui a obtenu, c’est tout dire, les suffrages de VI. Augustin Thierry. La première partie de ce livre, celle qui traite dès origines et des phases de la reforme communale, ajoute simplement quelques nouveaux traits au tableau déjà tracé de ce grand mouvement. L’au
teur en apprécie le caractère avec une grande justesse, et nous sommes heureux d’ajouter, avec un grand libéralisme de vues. Il montre ce que fut cette révolution : un vrai marché d’abord, soit avec les seigneurs, soil avec les rois, marché cent fois fraudé, et où, il le faut dire, les trompe
ries vinrent d’en haut; puis un soulèvement irrésistible contre les abus intolérables du système féodal soulèvement favorisé par les rois, en haine des seigneurs, jusqu’au jour où l agrandissement et la plénitude de la puissance royale englobèrent les libertés des villes, qui disparurent dans l’é clat nouveau du trône, comme les nébuleuses, au firmament, dans les rayons du soleil.
La seconde partie de ce livre, celle qui traite des conditions du suffrage dans les élections communales, est com
plètement neuve. Les conditions du vole vaiiaient, on le comprend, suivant les communes et selon les provinces du pays bigarré qu’était alors la France. Mais le suffi âge uni
versel était la loi, en ce sens que tout homme payant une contribution, ne fût-ce que d’un denier, était électeur. N’é
taient exceptés de la règle que les serfs non affranchis, la gent porte-besaces et les domestiques à gages. Lp domicile, à cette époque où les déplacements étaient si difficiles et si rares, s’établissait néanmoins par la résidence réelle de l’an
et jour. De toutes les· critiques qu’on a faites ou pu lai e dans le temps de la loi du 31 mai, il n’eu est pas de plus sanglante. L’ensemble de cette législation électorale du
moyen âge tendrait à justifier jusqu’à un certain point b fameux mot de M“* de Staël : « Ce n’est pas l’esclavage, « c’est la liberté qui est derrière nous. » Liberté r rulilée, menacée, arrachée, qu’auraient tort d’invoquer au surplus, à l’appui de leur système rétrograde, les amis de l’absolu
tisme et de la féodalité, puisque c’est contre eux ou contre leurs ancêtres que cetle liberté fut. gagnée pied à pied. Leurs querelles intestines y donnèrent naissance. Les rois n’en .favorisèrent l’extension que pour humilier les seigneurs. Se croyant assez forts, plus tard, ils la reprirent; mais on la reconquit sur eux.
— Dans notre dernière Revue littéraire, en rendant compte de la très-remarquable étude de Μ. E. Caro sur les écrits de saint Martin, nous avons commis une erreur de fait que nous devons rectifier. Ce n’est pas l’étude sur saint Marlin, mais un travail du même auteur sur Bernardin de Saint Pierre, qui n’a obtenu que l’accessit au dernier con
cours de l’Académie française. Le livre de M. Caro sur le philosophe mystique a été composé à titre d’épreuve poulie doctorat ès-leltres, et il a été accueilli, nous écrit Fau
teur, « par la Faculté des lettres, avec une faveur dont il conservera un éternel souvenir. » Ce sentiment honore et
celui qui l éprouve, et le corps savant qui l’inspire. Nous sommes heureux d’apprendre que la Faculté des lettres ait ainsi à l’avance ratifié notre jugement personnel sur 1 œuvre de M. Caro.
FÉlix Mornand.
Expédition dans la Grande-Kabylie, en 1852.
(Suite. — Voir les numéros 505 et 506.)
Bivouac à Bou-Hassan. près du col des Beni
Hamel, chez les Ouadun, 11 mai.
Bou-Hassan est dans une posilion charmante et qui donne un avant-goût de la Kabylie ; un petit village esl auprès de nous, cache sous de grands arbres. Mais des chiens aussi cruels que des loups en défendent rapproche. Souvent perché sur les toits ou sur la tente, le chien arabe fait bonne garde, et personne n’approche· d un douar (1) ou d’une doc era (2) sans être signalé de loin. Il est d’une grande laideur, et d’une espèce qui n’existe pas en France. Virgile nous en apprend l’origine :
« Omnia secum
« Anr entamas afer agit, tectumque, laremque,
“ Aruiaque, amyclæumque canem, cressamque pharetram.
fis viennent en droite ligne de Lacédémone, ces chiens aguerris qui nous empêchent d’arriver jusqu’auprès des tentes d’Ismaël !
Le temps est tout à fait beau, et il est probable que les pluies ont cessé jusqu’à l automne prochain. Cependant il ne fait pas chaud, car Bou tlassan est assez êleve. Les palmiers nains, ne couvrent plus toutes les terres, et sont sou
vent remplacés par de grandes touffes de dys (3). — C’est même un fait digne de remarque que, de quelque côté qu’on aborde la Kabylie, le palmier nain est d’autant plus rare qu’on s’en approche davantage, jusqu’au moment où il sérail difficile d’en trouver un seul pied. Ainsi notre colonisation le repoussera peu à peu du voisinage des villes, jus
qu’à ce que tous les noyaux épars de culture se rejoignent et se touchent, et alors cette affreuse lepte de nos champs aura disparu, à moins toutefois qu’on ne retire un profil de sa conservation, et même qu’un ne le cultive; caron découvre chaque jour un emploi plus utile des fibres et du
parenchyme de ses feuilles : on en a fait d’abord du crin à matelas, et une maison de Toulouse en fait le sujet d’une spéculation productive. Puis un officier de notre marine a .imaginé de le substituer aux chiffons pour la fabrication du papier et du carton. Avec les procédés indiqués par lui, on en fait de très-bon en Angleterre, qui reçoit ses feuilles d’ici. — Il existe même à Alger, je crois, une usine où l’on transforme seulement la feuille en pâle, pour la livrer ainsi aux fabricants de papier. A l exposition de septembre der
nier, à Alger, tout le monde a pu remarquer des cordages fort solides, en apparence du moins, faits avec cette même plante (h).
Ce matin, à cinq heures, les soldats ont reçu une distribution de pics, de pioches, de pelles, etc., et, accompagnés de soldats du génie, ils s’échelonnent sur la route, a partir du col des Beni-Hamel. Ils ont laissé le sac au camp, et s’en vont, leur fusil sur une épaule et la pioche de l’autre, par compagnies conduites par leurs officiers.
Bivouac aux Trois-Orangers, sur l’Oued- Kaddara, 12 mai.
Les soldats l’ont aussi appelé camp des Raisins, parce que, l’an passé, les Arabes nous y en apportèrent de grandes quantités.
Aujourd’hui, à onze heures, nous avons quitté Bou- IIassan pour faire environ une lieue. Nos tentes sont des
deux côtés de la route, au pied du Bou Zigza, à la pointe formée par le ruisseau qui descend du col des B. Hamel et par l’Oued-Kaddara, au moment où il sort d’une gorge ouverte dans la direction du sud.
Un Arabe des Onadna (5) m’a assuré que 1Ό. Kaddara s’appelait là nue t-Vernda. Je suppose qu’il perd ce nom pour prendre celui d’Oued Kaddara à son confluent avec l’Oued-Zitoun. — Il y a là beaucoup de barbots, de barbil
lons et de crabes. Le lit de la rivière est très-pierreux et a pei d’eau en été, de telle sorte que le crabe peut y être fa
cilement pêché. Toute la difficulté consiste à le prendre rapidement et à le jeter à terre avant qu’il ait eu le temps de vous pincer les doigls, ce qui est très-douloureux. Le troupier tient ce poisson en fort mince estime, et il a tort ;
cuit a l’eau très-salée, il peut remplacer heureusement la crevette.
Le camp est datis un bas-fonds, et le paysage est peu intéressant; des montagnes couvertes de broussailles de chaque côté, excepté, vers le n >rd, où le Bou-Zigza a des chênes-lieg.es en taillis.—Sur la rive droile de l’Ôued-Kaddara, immédiatement au-dessous de nous, quelques champs d’orge avec trois orangers aux bords de la rivière. C’est là qu’on campait autrefois, à cinq lieues du Fondouk; mais les cul turcs, ne le permettent pl is.
L’emplacement que nous occupons aujourd’hui est couvert d’un petit arbuste à feuille poisseuse très-commune en Afrique, de lavande à épis Uuoendula spica.a) en fleur, et de chênes-lièges nains
A cinq cenls pas au-dessous du camp, La rivière s’engage dans une gorge étroite, formée par les revers du Bon Zigza et d’une montagne des Kluichnas: à sa sortie de cette gorge, vers l’est, au commencement d’une petite plaine cul
tivée, est le moulin à huile et à farine de l’Oued-Kaddara, élevé au moyen de fonds d’une société en commandite arah , à la télé de laquelle se trouvait le cheikh-e .-cheihh des Khachnas, par notre ami X., du bureau arabe d’Alger, et auquel se mêle si tristement le souvenir de notre ami 1. L., qui était venu camper avec lui deux mois sous la tente, pendant les pluies d’hiver, et mort maintenant. Le ciel béni d’Alger l’a fait vivre trois ans, mais n’a pu le sauver.
Ainsi, tandis que nous marchons, le souvenir des morts bien aimés vient se mêler aux chanls et aux rires des vi
vants. ·— Les soldats chantent et rient près de nous en net
toyant leurs armes; mais les travailleurs sont échelonnés sur une étendue de plus de deux lieues en avant et en ar
rière du camp, et leur silhouette, se détache déjà dans le ciel, du côté du co! qui mène au bassin de Tisser, le 7 nia mé a Oiiled-Zian. Les travaux vont vite; mais d’ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, ils sont tout à fait provisoires. — Le temps est beau, et le thermomètre s’élève rapidement.
Même bivouac, 13 mai.
Aujourd’hui, séjour. ·— Les travaux de roule continuent. — La chaleur est déjà forte. A une heure, le thermomètre marque 38 à l’ombre, sous la tente, noire unique habitation.
Grande balte, près de la (tachera du caïd Hamimed, dans l’Oued-Zitoun.
Le thermomètre, à une heure, marque 36”; à deux heures et demie, 34 . — Nous sommes beaucoup plus elevés que sur l’O. Kaddara.
On s’arrête pour déjeuner, pendant que les hommes réparent le sentier rapide qui mène du T’nia des Ouled-Zian ici. — Du dernier camp à ce col, la route est très-bonne, et il serait facile (’e la rendre carrossable. Au col on la laisse à gauche, où elle va se terminer à une lieue de là. — Un massif d’arbres que domine un peuplier sur un plaleau à mi-côte, au-dessous de nous, indique de loin la petite dachera du kaïd Hamimed, composé d’ui.e douzaine de gourbis.
Ce chef, vieux Turc investi par le maréchal Bugeaud, est un véritable type de bonhomie et de dévouement à notre cause. L’an dernier, par une nuit très noire, je vins lui demander l’hospitalité, avec deux cavaliers qui me condui
saient à B n Hnroun. Nous arrivions d’Alger, et il élait peu prudent d’aller plus loin. Le kaïd nous accueillit avec une bonté simple et charmante. -— Devant son douar, sur une pelouse, on fit, avec un tronc d’arbre, un feu homé
rique; on mit auprès une grande natte étendue à terre et deux coussins ; -— de l’eau, du lait doux et des figues sè
ches, — de la paille et de l’orge pour les chevaux.—C’était en octobre, il faisait déjà froid. 11 s’assit près de moi pour me tenir compagnie, et me parla du maréchal, pour lequel il professait, comme tous les Arabes, la plus grande admiration.
Mes hommes firent rôtir un quartier de mouton avec une ficelle, tandis qu’il m’arrivait de chez mon hôte un grand plat de kouskous, préparé par ses femmes, paré de grains de raisin sec, orné d’une poule coupée en morceaux. Ha
mimed prit du café avec moi, et quand nous eûmes fait nos ablutions, il se leva et me dit : « Je suis trop vieux pour passer la nuit dehors près de toi; reste sur le bien. Je te laisse, mes deux fils, qui veilleront pour qu’il ne l’arrive aucun mal. » Je lui répondis : « Va avec le salut, et que Dieu augmente ton bien ! »
Ses deux fils s’assirent de l’autre côté du feu; une dizaine d’Arabes élaient couchés en cercle autour de nous, près de nos chevaux. Moi, je m enveloppai dans mon burnous, la tête dans le capuchon, appuyé sur ma selle, les pieds au feu ; puis tournant, selon les prescriptions musulmanes, le dos à la lune qui venait de se lever, je m’endormis, espé
rant que Mahomet, se, trompant sur mon compte, me ferait voir dans mon sommeil les soixante-sept houris promises aux vrais croyants. Aujourd’hui j’ai revu le kaïd, qui nous regardait défiler. C’est une bonne figure de vieillard; et je, ne passe jamais dans l’Ouad-Zitoun sans lui dire bonjour.
En face de sa dachera, de l’aulre côté du ravin qui descend vprs le pont de Ben-Ini dans la direction ouest-est,
au-dessus de nous, on voit deux ou trois grandes duché as au milieu de cultures et d’arbres nombreux.—Ces villages,
qui sont aux Khachnas, rappellent, par leur aspect, les beaux villages kabyles. Mais le pays que nous traversons n’est pourtant pas très-riche. Il y a beaucoup de grands frênes servant au chauffage et à la fabrication des charrues, aux plats de kouskous, etc,, et à la nourriture des trou
peaux pendant Γhiver, qui est assez rigoureux. —Quelques oliviers, des figuiers, des caroubiers en petit nombre, des
vignes, des peupliers-trembles: beaucoup de petits ravins coupent la route, couverts par de hautes touffes de laurierrose, en fleur clans ce moment.
Nous avons fait un jour une singulière trouvaille dans un de ces buissons de lauriers-roses. Nous remontions l’Ouad- Zétoun par une chaleur accablante, avec une centaine d’hommes, lorsque l officier qui les commandait aperçut un Européen se cachant dans le fourré devant nous sur les bords du sentier que nous suivions. —Comme cela parais
sait fort extraordinaire, nous y courûmes aussitôt. Un jeune homme était assis à l’ombre près de l’eau, tête nue. pieds nus, les souliers près de lui. Il avait les cheveux très-courts,
et sa figure hftlée.était sans barbe. Une petite jaquette d’été, déchirée du liant en bas dans le. clos, une chemise sale, un pantalon de toile grise avec une grande pièce au genou,
formait tout son équipement. Au reste, une physionomie pleine de vivacité et de décision. Il devait avoir vingt-deux ans.—Sa présence, là, seul et se cachant à notre approche, était un peu suspecte, il venait, nous dit-il, du village à côté, et il allait au village voisin, le kaïd de ce village, dont il ignorait le nom. l’ayant fait venir pour travailler comme
(1) Douar, groupement de tentes arabes. (2) Yillaqe kabyle,
(3) Tigeum spartium.
(4) “ L on fait de très-forts cordages- (à Ninç-Do-Soo, ville chinoise près, delà dite, en vue des îles Gkusan), et des câbles pour les jonques avec les fibres d une espèce de palmier très-commune dans cette contrée. /»
(Echo du monde savant, année 1344.)
(5) Habitants de l Oued-Zitoun.