Pont de Ben-Ini, sur l’Isser.
maçon. Nous lui fîmes remarquer que son invention était d’autant plus malheureuse, qu’il n’y avait ni village, ni kaïd dans le voisinage ; que ses mains étaient bien blanches et bien peu rudes pour celles d’un maçon ; qu’il avait des sou
liers de soldat, et que, s’il était honnête homme, il n’avait aucune raison de se cacher en pays ennemi devant une troupe française. Là-dessus on lui donna l’ordre de rétrograder et de nous suivre; et comme il avait Pair fort embarrassé, fatigué et mort de faim, il ne fit pas d’observation.
On le mit sur un cacolet, et au Fondouk il se trouva que c’était un condamné à dix ans de boulet, qui s’en allait étudier les mœurs des Kabyles. — C’était de bonne prise,
d’autant mieux que tous ces déserteurs, assez nombreux dans ces montagnes, nous font un grand mal pendant la guerre. A la paix, ils se rendent très-utiles à leurs hôtes en faisant toute espèce de métiers, et beaucoup de villages portent l’empreinte de leur passage. Un d’eux s’est fait médecin, et jouit d’une très-grande considération chez eux.
Bivouac de Tisser, près du pont de Ben-Ini, 14 mai.
Nous sommes partis de la grande halte à trois heures du soir, devançant le départ de la petite colonne d’une heure,
le fusil sur l’épaule, pour aller avant la nuit tuer des cailles dans la plaine de Pisser. Trois quarts d’heure après, nos chevaux paissaient dans les hautes herbes jusqu’au poitrail, et nos chiens étaient en arrêt.
Pour arriver là, nous avons dû descendre jusqu’aux bords de YOued-Beïda, affluent de Pisser, qu’il rencontré à 500 mètres au-dessous du gué, un peu au-dessus de la gorge de Pisser, qui sépare la tribu des Khachnas de celle des Beni-Khalfoun. L’Oued-Beïda vient du côté du sud, et, au gué, il a un pied d’eau dans une largeur de 10 à 12 mètres. Cette partie du chemin, depuis le col des O. Zian, est très-mauvaise, et on n’a fait que la réparer rapidement,
le tracé définitif, ainsi que nous Pavons dit, n’étant pas par là.
Ici commence le bassin de Pisser. C’est une belle plaine dirigée ouest-est, qui s’étend jusqu’aux Archaoua, et sé
parant les B. Khalfoun et les Nezliouas des Beni-Djad et des B. Mandl.
A un quart d heure del’O. Beïda, on traverse Pisser audessus du pont. Sa largeur, au gué, en temps ordinaire, est de ZiO mètres environ, avec deux pieds d’eau. Il est encaissé dans des berges très-élevées sur la rive gauche, et la rampe
qui de ce côté conduit au bord de Peau est très-roide et très-difficile.
L’Isser fait de larges contours dans la plaine , et détermine sur sa rive droite une sorte de presqu’île , ouverte
l’est, qui est une belle position pour un camp. C’est là qu’on s’établissait d’habitude; mais maintenant, grâce à la paix des voisins, la terre est couverte de moissons, et il nous faut monter sur le coteau placé au delà, d’où on a une trèsbelle vue, et qui serait une position agréable si la rivière n’était un peu loin. Du côté de l’ouest, le camp s’appuie sur la rive droite du fleuve, qui coule en bas, au pied de berges de û0 à 50 mètres d’élévation, presque à pic.
Quelques officiers ont fait remarquer qu’il fallait avant tout éviter le voisinage de la rivière. Je profite de cette oc
casion pour protester contre un préjugé fâcheux qui existe, en Afrique du moins, dans l’esprit d’un grand nombre d’of
ficiers appelés à choisir l’emplacement des camps ; et comme les médecins militaires sont très-rarement consultés en pa
reil cas pour ce qui les peut regarder, ces observations trouvent leur place ici. On croit que le voisinage des riviè
res , d’une manière absolue, est très-malsaine, et que les cunps ne doivent s’y établir qu’au pis-aller. Il faut recon