« Etre vendu, néanmoins, n’est pas toujours une chose « gaie. La première enchère porta sur un homme d’envi« ron trente ans, d’une belle, ouverte et très-remarquable «physionomie. Il paraît que, jusqu’au moment où on le « p aça sur (a table, il ne s’attendait point à être vendu :
« son maître, qui habitait une propriété du voisinage, l’a- « vait trompé sur ses réelles intentions et l’avait conduit à « la ville sous prétexte de le louer à quelque industriel de « la cité. Lorsque le pauvre malheureux comprit que l’on « allait le vendre, il l ut saisi d’un tel tremblement qu’à « peine pouvait-il se soutenir sur ses jambes. Il frémit des « pieds à la tête, et une indicible expression de terreur et
« de désespoir se peignit sur son visage. Les deux princi« paux enchérisseurs- entre qui paraissait devoir s’engager « une lutte sérieuse étaient un gentilhomme du voisinage,
« semblant connaître le pauvre esclave mis en vente, et un «jeune homme, pétulant et arrogant qu’on disait être un « marchand d’esclaves de la Caroline du Sud.
« Ce fut un spectacle curieusement douloureux que celui « de la physionomie du malheureux esclave, tandis que l’on « procédait à l’enchère. Lorsque le marchand de chair hu« maine de la Caroline tenait le dé, sa figure se contractait,
« ses yeux roulaient dans leurs orbites avec une expres« sion sinistre, et il semblait la statue du désespoir. Mais,
« lorsque le Virginien enchérissait, par contre, son visage « s’illuminait; de grosses larmes coulaient le long de ses « joues, et l’accent profond dont il s’écriait : « Dieu vous « bénisse, maître! » eût touché le cœur le plus dur. Ses ex« clamations troublaient continuellement le. marché, et non « pas même le fouet pouvait le réduire au silence. Il inter« pellait par son nom son enchérisseur favori, l’engageant à « persévérer par toutes les considérations possibles, il lui « promettait de le servir fidèlement jusqu’à la dernière mi« nute de sa vie, de travailler pour lui jusqu’à la mort, si « seulement il consentait à l’acheter, à l’empêcher d’être « séparé de sa femme et de scs enfants, envové où?—Dieu « le savait, — et pour toujours éloigné du fieu où il était « né et avait été élevé, et s’était, disait-il, toujours bien « conduit, et avait toujours joui d’une bonne réputation.—
« Ce n’était pas qu’il eût aucun grief particulier contre cet « autre gentleman, avait-il soin d’ajouter, — car le pauvre « garçon comprenait le danger d’offenser l’homme qui allait « peut-être devenir son maître; «sans doute, disait-il, c’était «aussi un excellent gentleman, mais il était étranger; « mais il l’emmènerait indubitablement loin de son pays,
« de sa femme et de ses enfants; » et, à ces mots, la voix du « pauvre esclave se brisait et s’éteignait dans un sanglot « convulsif.
« La lutte fut très-vive. L’homme mis aux enchères était « évidemment un sujet de premier choix. Du reste, le Vir« ginien semblait réellement touché des instances du pauvre « homme, et se livra sur le commerce des esclaves à certai« nés allusions qui mirent son compétiteur en grande co« 1ère. L’intervention des assistants empêcha que les choses « allassent plus loin : mais le marchand d’esclaves, surexcité,
« s’écria qu’il auraitl’homme, coûte que coûte, et couvrit d’un « coup la dernière mise d’une enchère decinquantedollars.
« C’en était trop pour le Virginien, qui bien à regret aban« donna la pçursuite. Le commissaire priseur donna: son
« coup de. marteau, et le malheureux homme, plus mort « que vif, fut remis entre les mains des domestiques du mar« chand, qui reçurent l’ordre de lui administrer incontinent «vingt coups de fouet, pour le punir de sa grossièreté et « de son. insolence virginiennes. »
A coup sûr, cette, scène porte le caractère de l’observation et de la «vérité. Ailleurs, on verra les mères violem
ment séparées de leurs nourrissons, et ceux-ci mis en vente à un dollar la livre; les esclaves blessésou malades, officiellement qualifiés d’articles avariés par le commis
saire-priseur, et devenant l’objet à ce titre des plus joviales plaisanteries de la part des enchérisseurs. Tous les escla
ves, il est vrai, ne prennent pas la chose aussi au tragique qu’on le voit faire à quelques mauvaises têtes, à ces endiablés qui, pour faire pièce sans doute à leurs nouveaux acquéreurs, se laissent mourir de chagrin d’avoir perdu en
fants et femme. En général même, les nègres amenés sur la plate-forme s’enorgueillissent et se réjouissent d’être vendus à haut prix, tant il est vrai qu’il n’est pas de condi
tion si infime où ne trouve encore moyen de se glisser cet amour de la supériorité et de la distinction, si indélébile chez l’homme.
L’Esclave blatte est vendu à un M. Thornton, homme bienveillant et humain, qui, bien que n’étant pas, ou parce que n’étant pas te père de sa nouvelle recrue, le traite d’une façon très-tolérable: mais il meurt, et Archie passe successivement dans un très-grand nombre de mains. C’est là le pis de la condition de l’esclave. Son sort est quelquefois doux, plus souvent rigoureux, de temps en temps hor
rible. Les pérégrinations de la chose vendue ne sauraient être résumées, il faut- les lire : elles valent surtout par le grand intérêt des détails, et par les diverses faces sous les
quelles elles nous montrent ce crime permanent de lèsehumanilé et de lèse-Dieu, l’esclavage. Archie en est le Cil Blas ; chaque nouveau pas qu’il fait dans sa triste existence le met en face d’exigences et d’expériences nouvelles.
Aucune observation ne lui échappe, car à un cœur honnête il joint le développement relatif d’intelligence et (le culture qui est plus principalement l’apanage de la race dont il fait partie, car il ne faut pas oublier qu’il est blanc, entièrement blanc, sauf une infinitésimale goutte de sang africain infusée dans ses veines, et qui du rang d’homme libre suf
fit, par je nesais quelle étrange interprétation du droit de na
ture et de propriété, à le ravalerà l’état de marchandise et au niveau de labrute. Onareproché àOncleTom, nègre pur, de philosopher tant soit peu, et d’être un peu trop l’idéal des vertus et des perfections humaines. La même critique pour
rait être adressée à l Esclave blanc ; inaiselle porterait moins juste ; car c’est longtemps après avoir recouvré sa liberté
et être parvenu, à la suite de hasards heureux et de merveilleuses aventures, à gagner l’Angleterre, dont il devient habi
tant et citoyen, qu’il écrit ses mémoires, et explique toutes ses douloureuses sensations avec la force d’analyse qui, au premier abord, peut être taxée, sinon de fausseté, au moins d’une certaine invraisemblance.
Une des parties les plus intéressantes et, nous le croyons du moins, les.plus vraies de sa narration, est celle où il expérimente sur sa personne propre les phases croissantes et à peu près inévitables de dégradations qu’entraîne après soi l’esclavage. Loin qu’il soit, comme l Oncle Ton,, un iné
branlable et incorruptible modèle de stoïcisme et de vertu,
il nous raconte, faisant sa confession entière, comment de désespoir il devint ivrogne, ne faisant qu’imiter en ceci la presque universalité de ses compagnons d’infortune, et d’i­
vrogne plus tard voleur et pillard, surtout lorsque, pour son malheur, il fut devenu l’esclave d’un certain général Carter, un ignoble coquin, dont Voverseer, M. Martin, était, comme le sont la plupart de ses pairs) un abominable tyran. Ce misérable paya cher, du reste, ses atro
cités : un nègre du nom de Thomas, dont il avait fait mourir la femme sous le fouet, tira de lui une vengeance exem
plaire dont le dramatique récit remplit, l’un des chapitres les plus émouvants de l’ouvrage. Ce Thomas, nègre d’une stature et d’une force herculéenne, d’abord religieux et ir
réprochable comme Oncle Terni, puis soudain rendu, par les mauvais traitements et par le meurtre de sa femme, à ses instincts sauvages et à la grossièreté de son fétichisme africain, est l’un des personnages épisodiques les plus considérables et les mieux réussis de PVhite Slave.
Ayant réussi à gagner avec lui les bois et les savanes désertes, à la suite d’un coup de maraude qui avait été découvert et pour lequel tous les esclaves de Carter avaient encouru la potence, Archie en prend occasion pour nous ini
tier à cette vie du nègre marron ou fugitif, si misérable, si pleine de périls, de privations et de fatigues, et cependant encore préférable à l’existence de l’esclave sur l’habitation de certains maîtres.
C’est pendant cette période mouvementée, épique, de, vagabondage et de séjours dans les bois, qu’il est procédé à l’exécution sommaire du contre-maître. Ce misérable,
poursuivant les fugitifs Achevai, armé jusqu’aux dents et secondé de l’un de ces boules-dogues qu’on dresse au flair et à la chasse du gibier noir, se trouve face à face dans un fourré avec Archie et le gigantesque Thomas. Celui-ci a tué le chien d’un coup de couteau; d’un revers de la main, il renverse le maître, le désarme, le garrotte et lui accorde une demi-heure pour mettre sa conscience en paix et se préparer à mourir, après quoi, et malgré les basses suppli
cations de Voverseer et les prières même d’Archie, il lui fait sauter la cervelle avec son .propre fusil. La scène est belle et l’on n’éprouve, en la lisant, il le faut dire, que ce soulagement moral dont nous pénètre, malgré nous, quelle que soit notre horreur pour le sang versé, le sentiment de la justice.
Grâce à sa couleur blanche, grâce aussi à d’heureux hasards et au dévouement de Thomas, Archie parvient à ga
gner la capitale de l’Union , et de là à prendre passage, comme novice, à bord d’un vaisseau en partance pour l’An
gleterre. On sait déjà le reste. Archie se distingue dans son nouveau métier de marin. Lés parts nombreuses de prises qu’il obtient pour prix de son intrépidité lui composent une fortune, et c’est après un long séjour en Angleterre, et comme citoyen britannique, qu’il revient en Amé
rique , moins pour jouir du pénible plaisir de revoir le théâtre de sa triste jeunesse et de ses anciennes dou
leurs, que pour chercher sa femme et son enfant, dont un émissaire zélé n’a pu découvrir les traces. Nous nous hâtons de dire qu’après mainte exploration pénible et in
fructueuse, il les retrouve enfin , et que, le dénouement du livre est heureux, moins toutefois la fin de Thomas, de
venu chef d’une bande de nègres marrons redoutables, et que son compagnon arrive juste à temps pour reconnaître et voir périr, sans qu’aucune puissance puisse s’y opposer, sur un bûcher improvisé par la sauvage loi de Lynch. C’est cette dernière partie de l’ouvrage (le retour en Amérique )
qui est sans contredit la moins bonne : elle pèche, tant par des longueurs que par l’absence d’un intérêt suffisant, et gagnerail à des coupures.
Au reste, le public sera prochainement à même de juger du mérite comparé de IVh, te Slave et de Uncle Tom s cabin. Une version française du pendant de l’œuvre de mistriss flarriett Beecher Stowe est sous presse, et paraîtra incessamment et simultanément chez deux de nos principaux éditeurs.
Félix Mornand.
Daniel Webster.
« Harvey, je ne suis pas encore si ma! que je ne puisse vous re« connaître; oui, je suis même assez bien pour vous, reconnaître,
« pour vous assurer de mon amitié, et pour appeler sur vous et sur « les vôtres les plus riches bénédictions du ciel. Harvey, ne me quit« tez pas que je ne sois mort, ne quittez Marshfield que quand « je serai un homme mort. Le vingt-quatre octobre, ce qu’il y a de « mortel dans Daniel Webster n’existera plus. Père céleste, jiardon« nez-moi mes péchés, et recevez-moi dans votre sein, parl’inter« vention de Jésus-christ. »
C’est après avoir prononcé ces paroles vraiment dignes d’un chrétien, que l’un des hommes d’Etat les plus complets et l orateur le plus éminent des Etats-Unis a rendu son âme à Dieu.
Daniel Webster est mort le 24 octobre, comme il le disait et le pressentait.
La place que sa mort laisse vide sur la scène politique de l’Union américaine sera difficile à remplir. Comme bomrhed’Elat, M. Webs
ter avait donné, dès son entrée dans les affaires, des preuves d’une rare sagacité; il avait apporté dans les discussions chaleureuses et quelquefois même violentes des chambres américaines, des con
naissances profondes et variées, fruit d’une jeunesse studieuse. Il avait, aux premiers pas de sa vie, marqué le rang qu’il occuperait
un jour, et fait pressentir le rôle qu il était appelé à jouer. Un des côtés saillants de son caractère, toujours si élevé et si (ligne, était un patriotisme exalté, et une susceptibilité nationale, si on pouvait le dire, qui ne s est jamais démentie.
Après avoir occupé pendant près de quarante ans et presque consécutivement la scène politique, soit comme ministre, soit comme représentant ou sénateur, Daniel Webster avait su attirer sur lui, avec l’admiration de tonte l’Amérique, l’estime de ses adversaires politiques. Et, comme Henri clâÿ, que ses ennemis eux-mêmes ont enseveli dans leurs regrets et dans leurs sympathies, la mort de Webster a été un deuil pour tous les partis aux Etats-Unis.
Ce n’est pas seulement sur le théâtre des affaires que ce grand et honorable citoyen a joué un rôle important et tout à fait à la hau
teur de ses belles et nobles facultés. Comme avocat, il Occupait le premier rang parmi les légistes et parmi ces orateurs dont la parole émeut et entraîne. Orateur dans les chambres, orateur au barreau, savant, laborieux, véritablement homme d’affaires dans les médi
tations du cabinet, écrivain distingué et précis, il a su mériter toutes les réputations auxquelles un esprit aussi vaste, une intelligence aussi complète ont droit de prétendre.
Quand Webster parlait devant les cours de justice, quand il prononçait au congrès de ces discours qui avaient incontestablement quelque chose de la fougue et de l’ampleur de Mirabeau, ou conduisait les jeunes gens des écoles à la cour ou au congrès pour l’é­
couter. Sublime et naïf hommage rendu à l’éloquence, belle, grande et profonde leçon offerte à la jeunesse!
Daniel Webster était né en 1782 à Salisbury, dans le Nevv- Hampshire.
Son frère, qui était alors agriculteur, avait servi précéderamet
comme officier, dans l’armée pendant la guerre contre la France, et au temps de la révolution. Plus tard, il avait occupé des fonctions civiles importantes. Ses ancêtres, originaires d’Ecosse, étaient ve
nus s’établir dans la Nouvelle-Angleterre, où ils avaient reçu les traditions de ces fiers et austères émigrants qui ont créé cette colonie, le berceau des institutions et des grandeurs des Etats-Unis.
Il est remarquable que, sur ce sol de l’Union, les populations du nord ont conservé un caractère distinctif, plus national, jusqu’à un certain point, que les populations des autres Etats. Le sentiment des vieilles institutions qui ont été, pour ainsi dire, l’œuf de la constitution actuelle, est plus prononcé chez les enfants de ce qu’on ap
pelait la Nouvelle Angleterre que chez ceux du sud. Cela explique Tardent attachement que Webster a-toujours montré pour la lettre aussi bien que pour l’esprit du pacte fondamental de son pays, ce qui lui a valu le titre de « conservateur de la constitution. » u’est une œuvre à laquelle il a en effet consacré sa vie entière.
I.’enfance de Daniel Webster se passa sans qu’on y remarque rien de bien saillant. II commença son éducation d’une manière incom
plète dans les écoles publiques {common-scftaoLs), puis il entra au collège de Dartmouth, d’où il sortit à l’àge de vingt ans, avec tous ses grades. Daniel Webster se destina tout d’abord à l’étude des lois ; mais les exigences d’une fortune précaire l’en détournèrent bientôt, et l’appelèrent à continuer la profession d’agriculteur, qu’exerçait son père.
Un de ses biographes, établissant un parallèle entre lui et son illustre adversaire politique, M. Calhoun, fait remarquer que l’un et l’autre, nés la même année, destinés à suivre plus tard la même carrière, en furent d’abord détournés pour se livrer, pendant deux
ou trois ans, aux travaux des champs. Daniel Webster revint donc à l étude d’une profession qu’il devait illustrer, et se prépara au barreau sous la direction d’un savant jurisconsulte, Christopher Gore, qui devina promptement tout ce qu’il y avait d’avenir dans son jeune élève. Le jour où Daniel Webster fut reçu avocat au bar
reau de Boston (c’était en 1805), Gore, sonmàitre, fit une prédic
tion publique sur le rôle brillant qui lui était réservé. I e même biographe que nous avons cité rapporte aussi que le professeur de M. Calhoun, le docteur Dwiglit, après un examen subi par celui-ci au collège de Yale, avait annoncé à sou élève une destinée non moins éclatante. Gore et Dwiglit ne s’étaient pas trompés, comme on voit.
Malgré son titre d’avocat, Daniel Webster ouvrit un cabinet d affaires^ Bôscowen, petite ville voisine du lieu de sa naissance; puis, en 1807, il alla s’établir à Portsmouti), dont l’importance lui offrait un pins vaste horizon. Bientôt, en effet, il se plaçait au premier rang parmi les avocats de New-Hampshirc.
fious avons dit tout à l heure que Daniel Webster avait consacré sa vie à la défense de la constitution. Le premier discours public et politique qu’il· prononça avait-pour thème ce grave sujet. Il le prononça devant un vaste meeting rassemblé pour célébrer la date historique du 4juillet, jour anniversaire de l’indépendance améri
caine. Webster avait alors vingt-quatre ans. Le discours qui a été
recueilli et publié confirmait la prédiction deGore. Le jeune avocat était en évidence déjà, et six ans après, en 1812, il était élu mem
bre de la chambre des représentants, où il siégea pendant quatre sessions. Son début oratoire dans la chambre produisit une v ive sensation. C’était qu moment de la déclaration de la guerre. Webs
ter, après avoir lutté avec une rare éloquence contre cette politique, proposa enfin des mesures si grandes et si nationales pour sauve
garder l’honneur de son pays, qu’il prit, de ce moment, une place considérable dans les affaires. Ce qui ne laissa pas d’étonner les hommes de tous les partis, ce fut la netteté et la profondeur avec lesquelles il développa tout un système financier dont l’adoption exerça une grande influence sur les destinées de son pays. Les con
naissances historiques et les vues économiques qu’il montra en cetle circonstance devaient évidemment surprendra de la part d’un homme étranger jusqu’alors aux choses publiques, d’un avocat de province, comme nous disions en France, qui, du premier bond, venait conquérir la première place.
Plus tard, il fit encore preuve d’une rare sagacité dans des questions de banque et d’impôts soumises au congrès, d’où il sortit, en 1817, avec la réputation colossale d’un homme d’Etat, et d’un économiste pratique dans toute l’acception du mot.
Le grand malheur de toute la vie de M. Webster a été une insouciance extrême pour ses propres affaires; si bien que, malgré les sommes immenses qu’il a retirées de son talent d’avocat, il a été presque toujours dans un état de gêne très-grand, au milieu même d’une existence très-large.
En quittant le congrès, en!817, il fut obligé, durant cinq ou six ans, de renoncer complètement à la politique pour se livrer exclu
sivement à l’exercice de sa profession. II.ne l’interrompit que pour travailler pendant quelque temps à la révision de la constitution du Massachussets en qualité de membre delà convention de cet Etat.
A celte époque M. Webster publia quelques articles dans une Revue américaine, et ses concitoyens le chargèrent, le 22 décembre. 1820, date anniversaire de l’arrivée dès.pèlerins (ainsi que l’on ap
pelle les premiers émigrants), de prononcer un discours sur leur prise de possession du rocher de Plymouth, qui est resté comme une tradition vénérée chez les Américains des Etats du Word particulièrement. . .
Les souvenirs de famille, le souffle patriotique qui a toujours animé la tête et le cœur de M. Webster, le pieux respect que, comme enfant de la Nouvelle-Angleterre, il conservait pour les fon
dateurs de sa patrie, ajoutèrent Un prestige éblouissant à l’éloquence de l’orateur. Ce discours est réputé, en Amérique comme le plus beau morceau oratoire de M. Webster, et c’est un hommage me