vrage, pas un seul ut de poitrine, Dieu merci! Aucun artiste, pris individuellement, n’attire, à parler sans dé
tour, l’attention particulière des auditeurs d’une façon impérieuse et exclusive ; mais l’ensemble est aussi par
iait que le puisse souhaiter notre imparfaite nature, et c’est bien véritablement là ce qu’il faut pour faire admi
rer convenablement l’œuvre avant tout. Certes, l’organe deMlle Mars était enchanteur, le geste de ïalma était saisissant, nous n’en saurions douter, d’après ce qu’en rap
portent dans leur souvenir enthousiaste tous ceux qui ont vu la célèbre comédienne et le grand acteur tragique ; mais enfin ce n’est assurément ni à cet organe ni à ce geste que Molière et Corneille ont dû leur réputation. Eh bien ! noire éducation musicale en est encore là que sans un ut de poi
trine qu’un chanteur s’est trouvé posséder par hasard, les beautés de la partition de Guillaume Tell ne seraient pas encore aussi généralement estimées qu’elles le sont. On peut donc supposer que les connaissances musicales de notre public vont s’améliorant, puisque Moite réussit à pré
sent sans autre secours que celui d’une bonne exécution d’ensemble. Et si nous étions, quant à nous, directeur d’un théâtre quelconque où la musique fût la principale affaire, nous ne voudrions jamais appeler à noire aide d’autre prestige que la musique elle-même. Ce que les Anglais sont convenus de nommer des étoiles, dénomination des plus burlesques, est tout bonnement la ruine de l’art musical. Que diriez-vous d’un palais qui n’aurait qu’üne fenê
tre, et ne serait éclairé du reste que par des ouvertures pareilles à celles qui donnent du jour à nos mansardes et que nous appelons tabatières ? Y verriez-vous un progrès en architecture? Non, n’est-ce pas ? Dès que vous enten
drez parier d’un théâtre lyrique qui montre une étoile,
tenez pour certain que ce n’est pas là que vous devez aller si vous voulez entendre de la musique, si vous aimez l’art sérieusement. Mais il n’y a pas, d’après cette nouvelle ac
ception du mot, une seule étoile dans l’exécution actuelle de Moïse au Grand-Opéra; et c’est fort heureux. O pu
blic ! comprends-tu quel avantage pour toi ? Puisses-tu t’en rendre bien compte, apprendre ainsi la différence qui existe entre de la musique et des la, des si, des ut de poi
trine! Le jour où tu distingueras sérieusement ces deux choses, ton éducation musicale sera bien près d’être achevée : lu ne confondras plus l’âne qui brait (nous ne fai
sons pas d’application personnelle) avec l’orateur vraiment éloquent qui du haut de sa chaire sait émouvoir pro
fondément ceux qui l’écoutent. Qu’on nous pardonne, si l’on peut, ces réflexions qu’on trouvera peut-être aigrelettes ; elles sont en quelque sorte le reflet des conversa
tions qui se tiennent depuis quinze jours, depuis la reprise de Moïse, au foyer du Grand-Opéra. Ce n’est que parce qu’elles ont une certaine actualité que nous nous permettons de vous les communiquer.
Le second début de M. Faure à l’Opéra-ComiqUe a eu lieu dans le Caïd ; et le rôle du tambour-major Michel a été in
finiment plus favorable au débutant que lé rôle de Pygmalion. Dans l’amusante bouffonnerie do M. Ambroise Tho
mas, le talent de chanteur et celui de comédien ont de quoi se mettre franchement en évidence; aussi les brillantes qualités vocales de M. Faure s’y sont-elles fait pleinement apprécier : une très-grande souplesse d’organe, de l’agilité nette et du meilleur aloi, un timbre pas très-puissant, mais plein de charme, ce qui vaut mieux, une justesse d’in
tonation irréprochable, sauf dans certains trilles, que M. Faure attaque quelquefois un peu bas. Nous croyons utile de signaler au débutant ce défaut, dont il pourrait ne pas se douter, puisqu’il a été aussi bien applaudi après ces trilles qui n’étaient pas justes qu’après les traits qu’il a le mieux exécutés. On dirait, en vérité, que cela ne fait rien aux oreilles du public, qu’un trille soit fait exactement dans le ton ou seulement à côté : il entend la voix qui roüle, c’est tout ce qu il lui faut. A l’exception de cette critique, qui n’a qu’une importance relative, nous n’avons que des éloges à adresser à M. FaUrc sur la manière dont il a chanté dans le Caïd. Si nous ltii disions qu’il a tout aussi bien joué, nous lui rendrions un mauvais service, car petit fare il ne songe
rait pas à mieux faire à l avenir. En définitive, il est pour le moment acteur très-convenable ; on né peut pas exiger plus d’un lauréat tout fl «tellement éclos dit Conservatoire.
Il nous est arrivé plus d’une fois de ne pas admirer sans res
triction le talent de M”* Ugalde ; mais, en la voyant l’autre soir dans le rôle de Virginie, ce rôle de grisetle qui sans con
tredit est sa meilleure création, nous l’avons applaudie de grand cœur, elle le méritait auisi. Le caractère du person
nage exclut les notes soutenues; par conséquent, là, pas de ces sons tremblotes qui fatiguent l’auditeur, quand
celui-ci sait faire la différence des sons de ce genre avec les sons filés proprement dits ; mais une vocalise pleine de pétulance, d entrain, de gaieté, de hardiesse, de bonheur, de sans-souci, d’effronterie, dirons-nous, d’une char
mante, adorable effronterie. Cette sémillante manière de chanter est si bien à sa place dans ce rôle, qu’on ne saurait imaginer rien déplus parfait. Et quelle délicieuse musique que la musique de celte partition ! On dit que M. Ambroise Thomas irai tache pas d’importance à cette œuvre; nous n’en croyons rien : il y règne, à noire avis, indépendamment d’un talent consommé dans l’art d’écrire pour les
voixr, pour les instruments et pour la scène, une ironie profonde, significative, qui frappe droit et juste à sou but.
Portez cette partition en Italie, faites chanter sans rire sur la plupart de ces morceaux d’ensemble des mots tels que ceux-ci : Barbare cielo, crudel tyranno, vous verrez si on ne trouvera pas au delà des monts que c’est un operaseria des mieux conditionnés ; ce sont cependant les mêmes moyens dont M. Ambroise Thomas s’est servi pour nous faire pâmer de rire, et il y a réussi.
L Illustration n’a eu que le temps, la semaine dernière, d’annoncer que la salle Ventadour avait rouvert ses portes, fl paraît que cela ne s’est pas fait sans quelques difficultés. Peu s’en est fallu que le Théâtre-I talien n’allât réélire do
micile à la salle de l’Odéon, et c’est pour le. coup que les gens qui prétendaient, il y a un mois, qu’il n’y aurait plus de Théâtre-Italien à Paris, auraient pu nous dire : Vous voyez que nous avions raison. Mais au dernier moment les choses se sont arrangées, et la salle Ventadour et le Théâ
tre-Italien ont renoué bail ensemble. Nous faisons des vœux pour que leur union soit heureuse et féconde. D’abord il est certain que la nécessité d’un Théâtre-Italien à Paris est plus que jamais indispensable, par cela seul qu’il n’y a,
dit-on, de nécessaire que le superflu. Ensuite il y aurait ingratitude de notre part à laisser mourir misérablement au milieu de nous l’école musicale italienne, la mère nour
ricière de l’école musicale française. Sans doute l’enfant a grandi, mais il n’en est que plus tenu d’accomplir les devoirs de la reconnaissance. Nous ne pourrons bien consta
ter l’état du Théâtre-Italien que dans quelques mois ; pour le moment cela sent un peu la précipitation et l’embarras.
C’est-à-dire que le nouveau directeur est investi de ses nouvelles fonctions depuis trop peu de temps pour avoir pu réunir une compagnie de chanteurs telle que le public parisien est en droit de l’attendre, et qu’étranger à nos usages et à nos goûts, il marche sûr tin terrain où il ris
que de faire plus d’un faux pas. Par exemple, qu’il n’aille pas se persuader que l’exécution à ÜtcHo a été de nature à satisfaire entièrement Un public compétent, en supposant que celui qui assistait à la soirée de réouverture le fût. Mlle Cruveili est une Desdemona un peu incolore; pour mieux dire, elle est comme un peintre qui « emploierait que deux couleurs, le blanc et lè hoir ; elle nritse guère que de deux nuances, le pianissimo et le fortissimo, mais principalement du pianissimo dans le rôle de Desdemona, qu’elle chante presque d’un bout à l’autre en sons étouffés et contenus. Il faut de la mezza voce, pas trop n’en faut.
Et quand elle passe à l’autre nuance, il nous a semblé que sa voix n’a plus le mordant qu’elle avait il y a deux ans, à ses débuts à Paris. La partie que Mlle Cruveili a le mieux chan
tée de son rôle, eslia romance : Assise, al pié d un salice; les ornements qu’elle y introduit sont en général d’un bon style, et elle les vocalise avec beaucoup d’art. M. Bettini chante le rôle d Otcllo aux Italiens comme il chantait à l’Opéra français, ni mieux ni plus mal ; n’ayant pas, à beau
coup près, l’agilité nécessaire pour dire ce rôle tel qu’il est écrit, il en ôte une bonne partie des Ilaits, et le peu qu’il en laisse, il les manque la plupart du temps; témoin celle gamme descendante à la lin de l’air : Ah ! si per vui a là sente, dont il a franchi les échelons quatre à quatre, bien
malgré lui sans doute. En revanche M. Bettini soutient l orl et ferme les fa, voire même le si de poitrine; il cherche à remplacer par la force ce qui lui manque du côté de 1 ex
pression, et san3 doute il a raison, puisque plus il crie, plus le publie l’applaudit. Quant à nous, nous aimerions mieux qu’utl chanteur obtint des applaudissements à la fin du fa
meux duo : Non m’i ir/annc, pour l’avant-dernier : Sidopo
ki, celui qui descend dtl nti au si dans le médium de la voix, que polir le dernier, celui qui monte du fa au fa. Celui-ci exprime là tureur de la vengeance; un cri vigou
reux, si commun qu’il soit, atteint Pclfet voulu ; il y a dans l’autre un reste d amour, une tendresse déchirante qu’ins
pire encore la pensée de la perfide que le jaloux suppose telle et qu’il veilPpunir de mort ; ce sentiment, d’une nuance plus délicate, est plus difficile à rendre; ce n’est point par la v éhémence du son, mais au fond de son âme, dtl’un chan
teur doit chercher l’effet à produire dans de semblables passages mélodiques. MM. eakolari et Béileiti sont deux ar
tistes de bonne souche italienne, qui s’açfliiittent fort bien, l’un du rôle de Rodrigo, l’autre du rôle d’ittgo. sur l ensem
ble de l’exécution, nous devons faire cette observation que presque tous les mouvements sont pris trop lentement.
Dans les airs, cela peut être la faute des chanteurs ; mais, dans les chœurs et les morceaux d’ensemble, c’est certai
nement la faute du chef d’orchestre. M. Castagneri, tout exprès venu directement d’Italie, ne connaîtrait-il pas les ouvrages de Rossini? Cela se pourrait bien, s’ii appartient à cette jeune Italie musicale qui traite Rossini de perruque. Celte jeune Italie existe, et non pas d’aujourd’hui seulement, cal· il y aura bientôt trente ans que l’auteur de Guillaume TM n’a plus rien écrit pour sôh pays. Nous le répé
tons, ce ne sera que lorsque la saison musicale sera plus avancée que nous pourrons voir si le Théâtre-Italien de Paris, qüi n’a vécu que d’une lente agonie pendant la saison dernière, confié qü’il était aux soins d’un directeur anglais et d’un pianiste allemand, a quelque chance de renaître tout à fait, à la vie. Nous la lui souhaitons sincèrement. —
A propos de Théâtre-Italien, nous avons appris ces jours-ci,
et nous vous apprenons qUe tandis que MM. Mario, Ronconi et Lablaehe charment les nobles dilettantes de. Saint- Pétersbourg, Mme Porsiani, avec MM. Tamburini, Gardoni
et un bvffo dont on dit beaucoup de bien, il signor Napoleone Rossi, s’en vont de leur côté ravir les oreilles des riches négociants d’Amsterdam et de la Haye. — De son côté, l Allemagne, dont les théâtres lyriques ne s’alimentent guère que des œuvres écrites pour Paris, nous em
prunte en outre assez volontiers nos bons interprètes; et les journaux de Munich nous faisaient part dernièrement de la vive impression produite par M e Méquiilet dans le
rôle de Fidès, qu’elle a joué sur le théâtre royal de Bavière. — La nouvelle suivante s’adresse spécialement aux pianis
tes : l’éditeur Brandus vient de publier les œuvres Û0C et 41 de Μ. E. Prudent; ce sont deux charmantes compositions, l’une intitulée / illanelle, l’autre la Danse des fées,
d Uk/sse a un caractère plus général. Toutes les sociétés chorales voudront sans doute ajouter à Jeur répertoire les remarquables morceaux que les beaux vers de M. Ponsard ont inspirés à M. Ch. Goünod. — Il nous reste trop peu d’espace pour rendre compte, convenablement de la messe composée par M. Ambroise Thomas pour la fête de Sainte- Cécile. Nous en reparlerons dans notre, prochaine chronique.
Georges Bousquet.
Du trois-mâlss marchand il coxttm-Atrnut, rvk? â? Amsterdam, à Batavia, sur I. lit de Christmas , par Tollins Kennet, exofficier de la marine royale, passager à bord dudit navire.
Quelques détails pr liminaires sont nécessaires pour l’intelligence du récit qui va suivre.
L’tie de christmas (Ile de Roël) est située, suivant la description de Horsburg, par 105°,33 longitude E. de Greenwich, et 10°,32 S, latitude, il 55 milles environ de Java. Son étendue est de trois lieues et demié sur quatre, suivant lui. Depuis là navigation des Indes, il n’est pas connu qu’un bâtiment s’y soit perdu ou l’ait visitée.
Elle est formée de rochers de corail couverts, sur les hauteurs, d’arbres toujours verts, et n’est abordable qu’au N. U. Partout ail
car, à quelques toises du Elle, la mer est si profonde, que la sonde ne touche plus. Klin lut jadis visitée par des Indiens, qui, après un séjour de neuf mois, la trouvant inhospitalière, se réfugièrent, à l’aide de leur canot, à bord d un navire en vue.
Le 27 juin 1852, ayant pris hauteur à midi, nous nous trouvâmes, suivant lès observations, à 15 milles S de l’ile christmas, sur la
quelle nous mimes le cap, ayant l’espoir de ta reconnaître avant la nuit. NOUS avioils le vent S. E. et K. S. E. Malheureusement, vers le soir, le ciel se couvrit, et une pluie abondante, dans la direction de File, nous força, par prudence, à nous en éloigner. Ayant viré de bord, le cap au sud, nous primes le large sous petite voilure. Sur les m iif heures et demie, le ciel s’étant éclairci, nous pûmes aper
cevoir l’ile, i’ayant an compas N. et E. 1/2 K., à une distance de trois milles géographiques; nous virâmes de bord sur les dix heures, mettant le cap au nord, afin de doubler l’ile à une distance de sept ou huit minutes (environ deux milles).
Ayant à minuit Elle au N. N. E., à deux milles et demi, le premier officier, M. de Groot, rendit son quart au capitaine et fut se coucher, ainsi que les gens de son quart et moi-môme, passager, qui m’étais mis au lit à onze heures et demie, et qui rêvais pour le lendemain lâ v ue des côtes (le Java, après cent treize jours de mer.
Par conséquent, aucun de nous trois, qui filmes sauvés, ne peut donner de renseignements sur ce qui s’est passé depuis minuit jusqu’au moment où nous lûmes éveillés par les cris du deuxième officier de tribord. La barre, /ribord la barre! et d’autres cris an
nonçant que l on voyait des brisants à l’avant. Au même instant, un choc terrible me lit sauler hors de mon lit : le navire touchait !
,1e lue précipitai sur le pont, et je m’aperçus que le navire avait touché sur les rochers de Elle même ; car, malgré l’obscurité (la luhe sVlattl couchée à deux heures), nous pouvions en distinguer les arbres, ainsi que la mer se brisant à une hauteur de quarante
pieds. Cependant, en touchant, le navire ayant, reçu, par le choc meme, Une impulsion rétrograde, tombait l’avant à l’ouest, et, cédant à l’action de la barre mise à tribord et des voiles de l’arrière brassées carrées, il s’éloignait au large avec vent arrière. Malheu
reusement, bien qu’il n’eût touché qu’une fois sur les roches aiguës, la voie d’eau était si forte au-dessous de la ligne d’eau, que, le na
vire, s’enfonçant avec rapidité, nous nous aperçûmes que tout es
poir était perdu, et qu’il fallait au plus vite mettre les embarcations à la mer. On se précipite à la grande chaloupe, qui était sur le pont; mais le navire, s’enfonçant, de l’avant, ne nous en laisse pas le temps, èt force l équipage à sc réfugier dans la yole pendue sur le flanc du navire. Le capitaine et moi-même y étions déjà assis; mais l’im
mersion, nous gagnant de vitesse, nous enlève un dernier espoir. La mort se présentait tellement inévitable, que nul effort ne lût tenté pour nous sauver. Au bruit et à l’agitation qui tout à l heure rem
plissait le navire, a succédé un silence précurseur du silence éternel ! La mer, en se brisant, était le seul bruit, qu’on entendît. L’a
vant du navire était déjà englouti et iout le pont submergé. Les vagues mouillaient la quille (le la yole. A ce moment terrible, le se
cond, de G root, et le matelot Kipping, s’apercevant que l’eau qui était dans le navire faisait force et arrachait du pont la cabine construite sur l’arrière, sautent hors de la yole... Nous étions submergés; le navire sombrait sous sâ pleine voilure.
Revenu sur l’eau avec beaucoup de peine, je n’aperçus plu* rien du bâtiment, de sa haute mâture. Personne non plus ! cherchant à m’orienter, je distinguai quelque chose de blanc qui flottait; je me dirigeai, en nageant, de cb côté, suivi par un chien lévrier, qui a péri quelques instants après. L’objet vers lequel je me dirigeais était la toiture de la cabine de l’arrière, sur laquelle se trouvait le second de Groot, le Matelot Kipping et le cuisinier Hollander. J’é
tais «lotte la quatrième personne qui s’y joignait. Je ne chercherai pas à peindre cette finit d’angoisses ; nous étions dans l’eau jusqu’à Sa poitrine, résistai» avec les plus grandes peines au roulis.
Enfin le jour partit, et nôfis reconnûmes (pie le bâtiment avait échoué à là pointe lu plué 9. ri. de l’ile, dont nous nous trouvions
assez éloignés, if; courant portant au H. O. Nous mettant à l’œuvre aussitôt pour alléger notre radeau, des planches superflues dont nous nbUs servons pour ramer, avec, un petit pavillon pour voile,
nous arrivâmes vers quatre heures dtl soir à la pointé N. O-, le poinl désigné par Horsburg comme abordable. Jetés, nous et notre radeau, sür une plage assez basse, nous avons le bonheur de nous cramponner aux pointes aiguës de corail sans être emportés par le reflux; le cuisinier n eut pas ta thème chance; car, s’étant, brisé la tête sur les rochers, il fut emporté, par la vague qui sc retirait, et périt ainsi sous uns veux, poussant quelques faibles cris pour nous demander une assistance Impossible. Au moment où nous pûmes reprendre baleiné, un lambeau de sa chemise de laine bleue, suspendu aux rochers, attestait seul qu’il avait vécu ! Nous nous hâ
tons de grimper les coraux à pic qui étaient devant nous, avant qtftme autre vagué prit nous reprendre.
Arrivés tiers de danger, nous vîmes notre radeau se briser; redescendant alors avec des peines inouïes, nous parvenons à sauver trois planches et le pavillon qui, plus tard, devait être, notre salut.
Dix-sept personnes avaient péri !
Ayant gravi les roches pour la deuxième fois, nous trouvâmes
ont cru que le. prodigieux succès de Guillaume Tell à sa reprise, quand M. Duprez parut pour la première .fois au théâtre de la rue Lepelletier, a complètement réhabilité Itossini dans toute sa gloire. A notre avis, c’esi une erreur. Pour la majorité du public, la cause de cette brillante re
prise de Guillaume Tell fut moins la musique elle-même de celle admirable partition que l ut de poitrine de M. Du
prez, ce fameux ut à jamais célèbre. Nous ne pensons pas nous tromper en disant que la justice la plus vraie qui jus
qu’à présent ait été rendue nu génie de Rossini est celle que le public parisien lui rend à cette heure, en allant écouter de nouveau Moïse. Dans l’exécution présente de cet ou
tour, l’attention particulière des auditeurs d’une façon impérieuse et exclusive ; mais l’ensemble est aussi par
iait que le puisse souhaiter notre imparfaite nature, et c’est bien véritablement là ce qu’il faut pour faire admi
rer convenablement l’œuvre avant tout. Certes, l’organe deMlle Mars était enchanteur, le geste de ïalma était saisissant, nous n’en saurions douter, d’après ce qu’en rap
portent dans leur souvenir enthousiaste tous ceux qui ont vu la célèbre comédienne et le grand acteur tragique ; mais enfin ce n’est assurément ni à cet organe ni à ce geste que Molière et Corneille ont dû leur réputation. Eh bien ! noire éducation musicale en est encore là que sans un ut de poi
trine qu’un chanteur s’est trouvé posséder par hasard, les beautés de la partition de Guillaume Tell ne seraient pas encore aussi généralement estimées qu’elles le sont. On peut donc supposer que les connaissances musicales de notre public vont s’améliorant, puisque Moite réussit à pré
sent sans autre secours que celui d’une bonne exécution d’ensemble. Et si nous étions, quant à nous, directeur d’un théâtre quelconque où la musique fût la principale affaire, nous ne voudrions jamais appeler à noire aide d’autre prestige que la musique elle-même. Ce que les Anglais sont convenus de nommer des étoiles, dénomination des plus burlesques, est tout bonnement la ruine de l’art musical. Que diriez-vous d’un palais qui n’aurait qu’üne fenê
tre, et ne serait éclairé du reste que par des ouvertures pareilles à celles qui donnent du jour à nos mansardes et que nous appelons tabatières ? Y verriez-vous un progrès en architecture? Non, n’est-ce pas ? Dès que vous enten
drez parier d’un théâtre lyrique qui montre une étoile,
tenez pour certain que ce n’est pas là que vous devez aller si vous voulez entendre de la musique, si vous aimez l’art sérieusement. Mais il n’y a pas, d’après cette nouvelle ac
ception du mot, une seule étoile dans l’exécution actuelle de Moïse au Grand-Opéra; et c’est fort heureux. O pu
blic ! comprends-tu quel avantage pour toi ? Puisses-tu t’en rendre bien compte, apprendre ainsi la différence qui existe entre de la musique et des la, des si, des ut de poi
trine! Le jour où tu distingueras sérieusement ces deux choses, ton éducation musicale sera bien près d’être achevée : lu ne confondras plus l’âne qui brait (nous ne fai
sons pas d’application personnelle) avec l’orateur vraiment éloquent qui du haut de sa chaire sait émouvoir pro
fondément ceux qui l’écoutent. Qu’on nous pardonne, si l’on peut, ces réflexions qu’on trouvera peut-être aigrelettes ; elles sont en quelque sorte le reflet des conversa
tions qui se tiennent depuis quinze jours, depuis la reprise de Moïse, au foyer du Grand-Opéra. Ce n’est que parce qu’elles ont une certaine actualité que nous nous permettons de vous les communiquer.
Le second début de M. Faure à l’Opéra-ComiqUe a eu lieu dans le Caïd ; et le rôle du tambour-major Michel a été in
finiment plus favorable au débutant que lé rôle de Pygmalion. Dans l’amusante bouffonnerie do M. Ambroise Tho
mas, le talent de chanteur et celui de comédien ont de quoi se mettre franchement en évidence; aussi les brillantes qualités vocales de M. Faure s’y sont-elles fait pleinement apprécier : une très-grande souplesse d’organe, de l’agilité nette et du meilleur aloi, un timbre pas très-puissant, mais plein de charme, ce qui vaut mieux, une justesse d’in
tonation irréprochable, sauf dans certains trilles, que M. Faure attaque quelquefois un peu bas. Nous croyons utile de signaler au débutant ce défaut, dont il pourrait ne pas se douter, puisqu’il a été aussi bien applaudi après ces trilles qui n’étaient pas justes qu’après les traits qu’il a le mieux exécutés. On dirait, en vérité, que cela ne fait rien aux oreilles du public, qu’un trille soit fait exactement dans le ton ou seulement à côté : il entend la voix qui roüle, c’est tout ce qu il lui faut. A l’exception de cette critique, qui n’a qu’une importance relative, nous n’avons que des éloges à adresser à M. FaUrc sur la manière dont il a chanté dans le Caïd. Si nous ltii disions qu’il a tout aussi bien joué, nous lui rendrions un mauvais service, car petit fare il ne songe
rait pas à mieux faire à l avenir. En définitive, il est pour le moment acteur très-convenable ; on né peut pas exiger plus d’un lauréat tout fl «tellement éclos dit Conservatoire.
Il nous est arrivé plus d’une fois de ne pas admirer sans res
triction le talent de M”* Ugalde ; mais, en la voyant l’autre soir dans le rôle de Virginie, ce rôle de grisetle qui sans con
tredit est sa meilleure création, nous l’avons applaudie de grand cœur, elle le méritait auisi. Le caractère du person
nage exclut les notes soutenues; par conséquent, là, pas de ces sons tremblotes qui fatiguent l’auditeur, quand
celui-ci sait faire la différence des sons de ce genre avec les sons filés proprement dits ; mais une vocalise pleine de pétulance, d entrain, de gaieté, de hardiesse, de bonheur, de sans-souci, d’effronterie, dirons-nous, d’une char
mante, adorable effronterie. Cette sémillante manière de chanter est si bien à sa place dans ce rôle, qu’on ne saurait imaginer rien déplus parfait. Et quelle délicieuse musique que la musique de celte partition ! On dit que M. Ambroise Thomas irai tache pas d’importance à cette œuvre; nous n’en croyons rien : il y règne, à noire avis, indépendamment d’un talent consommé dans l’art d’écrire pour les
voixr, pour les instruments et pour la scène, une ironie profonde, significative, qui frappe droit et juste à sou but.
Portez cette partition en Italie, faites chanter sans rire sur la plupart de ces morceaux d’ensemble des mots tels que ceux-ci : Barbare cielo, crudel tyranno, vous verrez si on ne trouvera pas au delà des monts que c’est un operaseria des mieux conditionnés ; ce sont cependant les mêmes moyens dont M. Ambroise Thomas s’est servi pour nous faire pâmer de rire, et il y a réussi.
L Illustration n’a eu que le temps, la semaine dernière, d’annoncer que la salle Ventadour avait rouvert ses portes, fl paraît que cela ne s’est pas fait sans quelques difficultés. Peu s’en est fallu que le Théâtre-I talien n’allât réélire do
micile à la salle de l’Odéon, et c’est pour le. coup que les gens qui prétendaient, il y a un mois, qu’il n’y aurait plus de Théâtre-Italien à Paris, auraient pu nous dire : Vous voyez que nous avions raison. Mais au dernier moment les choses se sont arrangées, et la salle Ventadour et le Théâ
tre-Italien ont renoué bail ensemble. Nous faisons des vœux pour que leur union soit heureuse et féconde. D’abord il est certain que la nécessité d’un Théâtre-Italien à Paris est plus que jamais indispensable, par cela seul qu’il n’y a,
dit-on, de nécessaire que le superflu. Ensuite il y aurait ingratitude de notre part à laisser mourir misérablement au milieu de nous l’école musicale italienne, la mère nour
ricière de l’école musicale française. Sans doute l’enfant a grandi, mais il n’en est que plus tenu d’accomplir les devoirs de la reconnaissance. Nous ne pourrons bien consta
ter l’état du Théâtre-Italien que dans quelques mois ; pour le moment cela sent un peu la précipitation et l’embarras.
C’est-à-dire que le nouveau directeur est investi de ses nouvelles fonctions depuis trop peu de temps pour avoir pu réunir une compagnie de chanteurs telle que le public parisien est en droit de l’attendre, et qu’étranger à nos usages et à nos goûts, il marche sûr tin terrain où il ris
que de faire plus d’un faux pas. Par exemple, qu’il n’aille pas se persuader que l’exécution à ÜtcHo a été de nature à satisfaire entièrement Un public compétent, en supposant que celui qui assistait à la soirée de réouverture le fût. Mlle Cruveili est une Desdemona un peu incolore; pour mieux dire, elle est comme un peintre qui « emploierait que deux couleurs, le blanc et lè hoir ; elle nritse guère que de deux nuances, le pianissimo et le fortissimo, mais principalement du pianissimo dans le rôle de Desdemona, qu’elle chante presque d’un bout à l’autre en sons étouffés et contenus. Il faut de la mezza voce, pas trop n’en faut.
Et quand elle passe à l’autre nuance, il nous a semblé que sa voix n’a plus le mordant qu’elle avait il y a deux ans, à ses débuts à Paris. La partie que Mlle Cruveili a le mieux chan
tée de son rôle, eslia romance : Assise, al pié d un salice; les ornements qu’elle y introduit sont en général d’un bon style, et elle les vocalise avec beaucoup d’art. M. Bettini chante le rôle d Otcllo aux Italiens comme il chantait à l’Opéra français, ni mieux ni plus mal ; n’ayant pas, à beau
coup près, l’agilité nécessaire pour dire ce rôle tel qu’il est écrit, il en ôte une bonne partie des Ilaits, et le peu qu’il en laisse, il les manque la plupart du temps; témoin celle gamme descendante à la lin de l’air : Ah ! si per vui a là sente, dont il a franchi les échelons quatre à quatre, bien
malgré lui sans doute. En revanche M. Bettini soutient l orl et ferme les fa, voire même le si de poitrine; il cherche à remplacer par la force ce qui lui manque du côté de 1 ex
pression, et san3 doute il a raison, puisque plus il crie, plus le publie l’applaudit. Quant à nous, nous aimerions mieux qu’utl chanteur obtint des applaudissements à la fin du fa
meux duo : Non m’i ir/annc, pour l’avant-dernier : Sidopo
ki, celui qui descend dtl nti au si dans le médium de la voix, que polir le dernier, celui qui monte du fa au fa. Celui-ci exprime là tureur de la vengeance; un cri vigou
reux, si commun qu’il soit, atteint Pclfet voulu ; il y a dans l’autre un reste d amour, une tendresse déchirante qu’ins
pire encore la pensée de la perfide que le jaloux suppose telle et qu’il veilPpunir de mort ; ce sentiment, d’une nuance plus délicate, est plus difficile à rendre; ce n’est point par la v éhémence du son, mais au fond de son âme, dtl’un chan
teur doit chercher l’effet à produire dans de semblables passages mélodiques. MM. eakolari et Béileiti sont deux ar
tistes de bonne souche italienne, qui s’açfliiittent fort bien, l’un du rôle de Rodrigo, l’autre du rôle d’ittgo. sur l ensem
ble de l’exécution, nous devons faire cette observation que presque tous les mouvements sont pris trop lentement.
Dans les airs, cela peut être la faute des chanteurs ; mais, dans les chœurs et les morceaux d’ensemble, c’est certai
nement la faute du chef d’orchestre. M. Castagneri, tout exprès venu directement d’Italie, ne connaîtrait-il pas les ouvrages de Rossini? Cela se pourrait bien, s’ii appartient à cette jeune Italie musicale qui traite Rossini de perruque. Celte jeune Italie existe, et non pas d’aujourd’hui seulement, cal· il y aura bientôt trente ans que l’auteur de Guillaume TM n’a plus rien écrit pour sôh pays. Nous le répé
tons, ce ne sera que lorsque la saison musicale sera plus avancée que nous pourrons voir si le Théâtre-Italien de Paris, qüi n’a vécu que d’une lente agonie pendant la saison dernière, confié qü’il était aux soins d’un directeur anglais et d’un pianiste allemand, a quelque chance de renaître tout à fait, à la vie. Nous la lui souhaitons sincèrement. —
A propos de Théâtre-Italien, nous avons appris ces jours-ci,
et nous vous apprenons qUe tandis que MM. Mario, Ronconi et Lablaehe charment les nobles dilettantes de. Saint- Pétersbourg, Mme Porsiani, avec MM. Tamburini, Gardoni
et un bvffo dont on dit beaucoup de bien, il signor Napoleone Rossi, s’en vont de leur côté ravir les oreilles des riches négociants d’Amsterdam et de la Haye. — De son côté, l Allemagne, dont les théâtres lyriques ne s’alimentent guère que des œuvres écrites pour Paris, nous em
prunte en outre assez volontiers nos bons interprètes; et les journaux de Munich nous faisaient part dernièrement de la vive impression produite par M e Méquiilet dans le
rôle de Fidès, qu’elle a joué sur le théâtre royal de Bavière. — La nouvelle suivante s’adresse spécialement aux pianis
tes : l’éditeur Brandus vient de publier les œuvres Û0C et 41 de Μ. E. Prudent; ce sont deux charmantes compositions, l’une intitulée / illanelle, l’autre la Danse des fées,
qui nous semblent destinées au même éclatant succès que la plupart de leurs aînées. — La publication des chœurs
d Uk/sse a un caractère plus général. Toutes les sociétés chorales voudront sans doute ajouter à Jeur répertoire les remarquables morceaux que les beaux vers de M. Ponsard ont inspirés à M. Ch. Goünod. — Il nous reste trop peu d’espace pour rendre compte, convenablement de la messe composée par M. Ambroise Thomas pour la fête de Sainte- Cécile. Nous en reparlerons dans notre, prochaine chronique.
Georges Bousquet.
Compte rendu du naufrage
Du trois-mâlss marchand il coxttm-Atrnut, rvk? â? Amsterdam, à Batavia, sur I. lit de Christmas , par Tollins Kennet, exofficier de la marine royale, passager à bord dudit navire.
Quelques détails pr liminaires sont nécessaires pour l’intelligence du récit qui va suivre.
L’tie de christmas (Ile de Roël) est située, suivant la description de Horsburg, par 105°,33 longitude E. de Greenwich, et 10°,32 S, latitude, il 55 milles environ de Java. Son étendue est de trois lieues et demié sur quatre, suivant lui. Depuis là navigation des Indes, il n’est pas connu qu’un bâtiment s’y soit perdu ou l’ait visitée.
Elle est formée de rochers de corail couverts, sur les hauteurs, d’arbres toujours verts, et n’est abordable qu’au N. U. Partout ail
leurs, elle est entourée de rochers à pic, et n’offre pas d’ancrage;
car, à quelques toises du Elle, la mer est si profonde, que la sonde ne touche plus. Klin lut jadis visitée par des Indiens, qui, après un séjour de neuf mois, la trouvant inhospitalière, se réfugièrent, à l’aide de leur canot, à bord d un navire en vue.
Le 27 juin 1852, ayant pris hauteur à midi, nous nous trouvâmes, suivant lès observations, à 15 milles S de l’ile christmas, sur la
quelle nous mimes le cap, ayant l’espoir de ta reconnaître avant la nuit. NOUS avioils le vent S. E. et K. S. E. Malheureusement, vers le soir, le ciel se couvrit, et une pluie abondante, dans la direction de File, nous força, par prudence, à nous en éloigner. Ayant viré de bord, le cap au sud, nous primes le large sous petite voilure. Sur les m iif heures et demie, le ciel s’étant éclairci, nous pûmes aper
cevoir l’ile, i’ayant an compas N. et E. 1/2 K., à une distance de trois milles géographiques; nous virâmes de bord sur les dix heures, mettant le cap au nord, afin de doubler l’ile à une distance de sept ou huit minutes (environ deux milles).
Ayant à minuit Elle au N. N. E., à deux milles et demi, le premier officier, M. de Groot, rendit son quart au capitaine et fut se coucher, ainsi que les gens de son quart et moi-môme, passager, qui m’étais mis au lit à onze heures et demie, et qui rêvais pour le lendemain lâ v ue des côtes (le Java, après cent treize jours de mer.
Par conséquent, aucun de nous trois, qui filmes sauvés, ne peut donner de renseignements sur ce qui s’est passé depuis minuit jusqu’au moment où nous lûmes éveillés par les cris du deuxième officier de tribord. La barre, /ribord la barre! et d’autres cris an
nonçant que l on voyait des brisants à l’avant. Au même instant, un choc terrible me lit sauler hors de mon lit : le navire touchait !
,1e lue précipitai sur le pont, et je m’aperçus que le navire avait touché sur les rochers de Elle même ; car, malgré l’obscurité (la luhe sVlattl couchée à deux heures), nous pouvions en distinguer les arbres, ainsi que la mer se brisant à une hauteur de quarante
pieds. Cependant, en touchant, le navire ayant, reçu, par le choc meme, Une impulsion rétrograde, tombait l’avant à l’ouest, et, cédant à l’action de la barre mise à tribord et des voiles de l’arrière brassées carrées, il s’éloignait au large avec vent arrière. Malheu
reusement, bien qu’il n’eût touché qu’une fois sur les roches aiguës, la voie d’eau était si forte au-dessous de la ligne d’eau, que, le na
vire, s’enfonçant avec rapidité, nous nous aperçûmes que tout es
poir était perdu, et qu’il fallait au plus vite mettre les embarcations à la mer. On se précipite à la grande chaloupe, qui était sur le pont; mais le navire, s’enfonçant, de l’avant, ne nous en laisse pas le temps, èt force l équipage à sc réfugier dans la yole pendue sur le flanc du navire. Le capitaine et moi-même y étions déjà assis; mais l’im
mersion, nous gagnant de vitesse, nous enlève un dernier espoir. La mort se présentait tellement inévitable, que nul effort ne lût tenté pour nous sauver. Au bruit et à l’agitation qui tout à l heure rem
plissait le navire, a succédé un silence précurseur du silence éternel ! La mer, en se brisant, était le seul bruit, qu’on entendît. L’a
vant du navire était déjà englouti et iout le pont submergé. Les vagues mouillaient la quille (le la yole. A ce moment terrible, le se
cond, de G root, et le matelot Kipping, s’apercevant que l’eau qui était dans le navire faisait force et arrachait du pont la cabine construite sur l’arrière, sautent hors de la yole... Nous étions submergés; le navire sombrait sous sâ pleine voilure.
La lumière de l’habitacle fut la dernière chose qui frappa mes yeux.....................
Revenu sur l’eau avec beaucoup de peine, je n’aperçus plu* rien du bâtiment, de sa haute mâture. Personne non plus ! cherchant à m’orienter, je distinguai quelque chose de blanc qui flottait; je me dirigeai, en nageant, de cb côté, suivi par un chien lévrier, qui a péri quelques instants après. L’objet vers lequel je me dirigeais était la toiture de la cabine de l’arrière, sur laquelle se trouvait le second de Groot, le Matelot Kipping et le cuisinier Hollander. J’é
tais «lotte la quatrième personne qui s’y joignait. Je ne chercherai pas à peindre cette finit d’angoisses ; nous étions dans l’eau jusqu’à Sa poitrine, résistai» avec les plus grandes peines au roulis.
Enfin le jour partit, et nôfis reconnûmes (pie le bâtiment avait échoué à là pointe lu plué 9. ri. de l’ile, dont nous nous trouvions
assez éloignés, if; courant portant au H. O. Nous mettant à l’œuvre aussitôt pour alléger notre radeau, des planches superflues dont nous nbUs servons pour ramer, avec, un petit pavillon pour voile,
nous arrivâmes vers quatre heures dtl soir à la pointé N. O-, le poinl désigné par Horsburg comme abordable. Jetés, nous et notre radeau, sür une plage assez basse, nous avons le bonheur de nous cramponner aux pointes aiguës de corail sans être emportés par le reflux; le cuisinier n eut pas ta thème chance; car, s’étant, brisé la tête sur les rochers, il fut emporté, par la vague qui sc retirait, et périt ainsi sous uns veux, poussant quelques faibles cris pour nous demander une assistance Impossible. Au moment où nous pûmes reprendre baleiné, un lambeau de sa chemise de laine bleue, suspendu aux rochers, attestait seul qu’il avait vécu ! Nous nous hâ
tons de grimper les coraux à pic qui étaient devant nous, avant qtftme autre vagué prit nous reprendre.
Arrivés tiers de danger, nous vîmes notre radeau se briser; redescendant alors avec des peines inouïes, nous parvenons à sauver trois planches et le pavillon qui, plus tard, devait être, notre salut.
Dix-sept personnes avaient péri !
Ayant gravi les roches pour la deuxième fois, nous trouvâmes
ont cru que le. prodigieux succès de Guillaume Tell à sa reprise, quand M. Duprez parut pour la première .fois au théâtre de la rue Lepelletier, a complètement réhabilité Itossini dans toute sa gloire. A notre avis, c’esi une erreur. Pour la majorité du public, la cause de cette brillante re
prise de Guillaume Tell fut moins la musique elle-même de celle admirable partition que l ut de poitrine de M. Du
prez, ce fameux ut à jamais célèbre. Nous ne pensons pas nous tromper en disant que la justice la plus vraie qui jus
qu’à présent ait été rendue nu génie de Rossini est celle que le public parisien lui rend à cette heure, en allant écouter de nouveau Moïse. Dans l’exécution présente de cet ou