n’y a pas longtemps qu’un médecin anglais s’est avisé d’une dotation encore plus sin
gulière. Animé du désir le plus farouche d’être utile à l’humanité, il s’était rendu un compte minutieux des ressources que d’industrie pouvait tirer de sa dépouille, qu’il avait léguée à.ces concitoyens, avec la manière de s’en servir. Une profana
tion qui a lieu en ce moment à Londres ne semblera guère moins coupable. En
échange de quelques guinées, on y offre aux amateurs une mèche de la chevelure du noble duc de Wellington. Il sera démontré par le vendeur, qui est une ven
deuse, que la pièce est authentique. Un
coiffeur du Strand propose aux amateurs quelque chose de mieux qu’une simple mèche de cette tête vénérable, puisqu’il aurait recueilli de quoi confectionner plusieurs perruques.
Rentrons dans Paris par le chemin de FOdéon, où Henri Meunier vous présen
tera M. Prudhomme!, ex-professeur d’é­
criture, ancien élève de Brard et Saint- Omer, assermenté près les tribunaux, etc.; mais ce n’est plus tout à fait le fameux
Prudhomme du Roman chez la portière et de la Famille improvisée. Ce crétin splendide a renoncé à sa profession et au célibat ; il est marié, et il est père ; il a fait fortune à la Bourse ; il est actionnaire de toutes sortes d’entreprises, éligible et capitaine de la garde nationale, et bien entendu que l’ambition de M. Prud’homme n’est pas satisfaite : il sollicite la croix, il se porte candidat au corps législatif, et il veut marier sa fdle à un sénateur; ses moyens le lui permettent. Au fait, pour
quoi M. Prud’homme ne deviendrait-il pas ministre, ou tout au moins sécrétaire gé
néral. Il l’est en effet, ou il croit l’être l’espace d’un matin, secrétaire général du ministère... des fourrages, et ce sera \enec plus ultra de sa grandeur. Il est évident qu’un mauvais plaisant se plaît à mystifier M. Prud’homme. Le mystificateur est un peintre, — cet art est sans pitié pour le bourgeois, — et il exploite cette bêtise succulente comme une Californie. Ah!
les bons tours; mais qu’ils sont courts! En voulez-vous des échantillons? Ce jeune rapin , qui s’appelle Mar
teau, et qui s’intitule de la Martelière, se donne pour le neveu d’un duc suisse, et se fait offrir par le père ébloui la main de MUe Prudhomme : c’est lui qui a soufflé au cœur du disciple de Saint-Omer l’ambition oratoire, le complimentant sur son éloquence à propos de bottes et de chou colossal. << Quand, lui dit-il, on joue si bien de cet ins
trument politique, qu’on appelle la parole, on est digne de sauver le Capitole ! » Ailleurs, le mystificateur amène au mystifié une douzaine de .camarades déguisés .en gardes nationaux, et à cette députa
tion pour de rire, qui lui décerne un sabre d’honneur, écoutez la réponse du professeur d’écriture : « Messieurs, ce sabre est le plus beau jour de ma vie, et je m’en servirai pour dé
fendre nos institutions;
et au besoin pour les combattre. » D’un bout à l’autre, la pièce est se
mée et parsemée de ces divertissants coq-à-l’à- ne; c’est le recueil le plus facétieux et le plus complet des dictons de Joseph Prudhomme. —
Quant à l’intrigue, il n’y en a pas ; l’intrigue é- tait inutile, et elle devenait impossible.
Le procédé réaliste d’Henry Monnier ne comporte pas l’action, dans le sens qu’on lui donne au théâtre ; elle dérangerait l’exactitude et la précision de ce procédé qui, pour produire de l’effet, a besoin de toutes ses mi
nuties. Dans ses livres comme dans sa pièce,
Henri Monnier fait moins de la peinture que du daguerréotype, et son habileté n’en est que plus grande. Les uns prendront cette fi
gure originale de Prud
homme pour un type, beaucoup d’autres n’y verront peut-être qu’un signalement. L’essen
tiel à constater ici, c’est que le nouveau Prud
le poussant, l’ont fait tomber dans l’impassé d’un engagement volontaire. Armand a fait la conquête de son escadron par sa bonne humeur et ses libé
ralliés ; il boit avec les uns et paye pom les autres, et, comme c’est un fort béai garçon, il est devenu tout de suite la coqueluche du sexe. Or, voici venir uni jolie paysanne que l’on prend aisémen pour une belle dame déguisée. Si la com
tesse Emmeline se trouve au milieu des lanciers sous un costume emprunté, c’esi qu’elle doit épouser leur colonel, qui lu: est inconnu. Entre la paysanne supposée et le soldat fils de famille, la sympa
thie opère très-promptement ; mais, si l’or se sépare, où et comment se retrouver! Ceci est l’affaire du second acte.
Le fils de famille y est redevenu homme du inonde. C’est avec le concours d’ur sien ami et par l’opération d’un frac noii que la métamorphose a eu lieu. Le voilà donc au château de Granchamp, dont la châtelaine se trouve être naturellement la villageoise de tantôt. A l’union de ces deux cœurs qui s’appellent, le seul obstacle, c’est le colonel qui semble établi au château sur le pied de fiancé, et les deux ri
vaux se rencontrent bientôt sur ce terrain des salons, où le plus jeune et le plus ai
mable aura toujours l’avantage. Outré des succès de son rival qui le bat au piano, à la bouillotte, à l’escrime, partout, le colo
nel en vient à une provocation, qui se ter
mine par un duel. Les chances n’étaient pas égales, car enfin le supérieur cherchait la poitrine de son adversaire, tandis que le simple lancier ne cherchait qu’à désarmer lé sien, et puisque Armand est sorti du combat avec une blessure, il n’en est que plus digne de, gagner sa cause ailleurs ; ce
pendant il s’est battu contre son colonel, comment le sauver? Emmeline, les.amis, personne n’en sait rien. Les spectateurs eux-mêmes ne s’en doutent guère ; mais le colonel est un homme généreux, et, en en
trant au conseil de guerre, il a signé à la dérobée le congé définitif du fils de famille avec la date de.la veille.’Si ce h’ëst pas là un sujet très-neuf, la, pièce n’en est pas, moins une !pièce originale, grâce aux détails qui sont charmants. Les ac
teurs ont joué comme toujours, c’est-à-dire très-bien et mieux encore, si ç’est possible. C’est un succès très-vif et très-flatteur pour MM. Bayard et Biéville.
Au Vaudeville, les Papiers de la comtesse ont beaucoup réussi. Ces paniers ou .vertugadins,. sont ceux de M · de Màilly qui lui servent à soustraire aux· yeux de Louis XV deux adorateurs, dont l’un est M. de Mailly, son mari. La situation est piquante, et M. Gozlan y a mis toutes lès fusées de son esprit.
On a souvent constaté
le peu d’exactitude de . ces images qui circulent
en France avec la pré
tention d’être le portrait d’Abd-el-Kader. Le mo
dèle ne pouvant être saisi qu’au vol, la plu
part des dessinateurs se sont bornés à une copie de fantaisie, en l’enjolivant parfois d’un tur
ban à la Malek-Adel, qui ne saurait être la coiffure d’un saint ma
rabout qu’il est. On cite d’antres artistes qui, ayant travaillé aussi d’i­
magination, se sont crus obligés de donner à l’é­ mir l’aspect farouche et sanguinaire d’un Barbe- Bleue. Qui ne sait au
jourd’hui que le visage d’Abd-el-Kader est em
preint au contraire de la plus grande douceur et d’un sentiment de mélancolie ascétique ? Le dessin ci-joint, où le caractère de la physio
nomie de l’émir nous semble heureusement reproduit, est la copie d’une miniature exécu
tée de mémoire par un peintre distingué, M. de Beerski, et qu’il a bien voulu nous autoriser à reproduire. L’œuvre de M. Beerski a conquis d ailleurs le suffrage le plus précieux qu’il pût obtenir, celui d’Abd el- Kader lui-même, auquel l’esquisse avait été soumise par l’auteur.
Philippe Busoni.
homme est plus comique encore et plus amusant que l’ancien. Jamais rôle ne fut mieux joué par son auteur. Le vrai Prudhomme, s’il existe, ne saurait être aussi vrai que ce
lui-là. Il s’en faut d.e bien peu que Mme Prudhomme ne se soit placéé à Îa.buütéür de son mari. L’Odéon possède dose une duègne, excellente sous le nom engageant de Grasset. Avis au ïhéâtre-Fi ànçais.
Le, Gymnase devra au Fils de famille une brillante campagne d’hiver. Armand, le fils de famille, est simple soldat au 2e lanciers. Une jeunesse orageuse, des dettes considérables, la soif du plaisir, l’occasion et quelque diable aussi
Abd-el-Kader. Sidi-Allahet
D’après les portraits peints par M. J. de Beerski.


Kara-Mohammed.