Histoire de la semaine.
Le 1 décembre, à sept heures et demie du soir, tous les membres du Corps législatif, ayant à leur lêle M. Billaut, président, et les membres du bureau, se sont rendus, escortés par un escadron de cavalerie, au palais de Saint- Cloud.
Les membres du Corps législatif, au nombre de deux cent quarante, sont arrivés à huit heures dans la cour du palais. Le cortège était composé de deux cents voitures éclairées par des porte-torche à cheval. (Loir ta gravure à la prem ère page.) Les membres du Sénat et du Conseil d’Etat étaient arrivés depuis quelques minutes.
Le Corps législatif a été introduit dans le salon de Mars. Les sénateurs et les conseillers d’Etat occupaient les salons de Vénus et de Diane.
P M. le comte Bacciochi, grand-maître des cérémonies, assisté de M. Feuillet de Conches, qui lui est adjoint, a in
troduit immédiatement MM. les sénateurs dans la galerie d’Apollon. MM. les vice-présidents Mesnard, Troplong, le général comte Baraguey-d’Hilliers, M. le grand référendaire général comte d’IIautpoul, le baron deLaerosse, secrétaire, marchaient en tête.
Les cardinaux, les maréchaux, les amiraux, Μ. 1 archevêque de Paris, étaient avec le Sénat, qui a pris place à la droite du trône dressé au fond de la galerie pour la solen
nité. Le Corps législatif a pris place à la gauche; les deux eorps de l’Etat se faisaient face, (f^oir la gravure, p. 372.)
Le Conseil d’Etat, conduit par les présidents de section, MM. Boulier, de Parieu, Bonjean, le général Allard, le viceamiral Leblanc et Boudet (le vice-président, M. Baroche, dans le conseil des ministres), a été ensuite introduit; il a pris place derrière les bancs des ministres.
M. le procureur général Delangle, M. de Boyer, M. le baron Brenier, Μ. 1 leurtier, M. le général Daumas, M. Gréterin, M. de Sibert-Cornillon, M. Darricau, étaient dans les rangs des conseillers d’Etat.
Les maîtres des cérémonies ayant fait connaître au Prince Louis-Napoléon, qui était dans son appartement avec les mi
nistres, que les grands corps de l’Etat étaient arrivés, S. A. Γ. s’est dirigée vers la galerie d’Apollon dans l’ordre qui suit :
MM. le comte Bacciochi et Feuillet de Conches, les officiers d’ordonnance ; M. le capitaine de frégate Exelmans,
le commandant Lepic, le commandant de Toulongeon, le commandant Favé, le capitaine de Menneval, le capitaine Merle, le capitaine de Berkeim, le capitaine Petit, le capi
taine Cambriels, le capitaine Tascher de la Pagerie, le lieutenant de la Tour-d’Auvergne, Mocquard, secrétaire des commandements, de Dalmas, docteur Conneau, Le Fèvre-Deumier, Charles Bure, intendant général de la maison impériale.
Les colonels Fleury, Edgard Ney, de Béville ; les généraux Vaudrey, Espinasse, de Lourmel, de Monlebello, de Goyon, de Cotte, Canrobert, Boguet;
Napoléon lit, en uuiforme de général de division, ayant à sa droite le roi Jérôme Napoléon Bonaparte, en grand uniforme de maréchal de France, et à sa gauche le prince Jérôme Napoléon fils, en habit noir ;
Les ministres d’Etat, de la guerre, de la justice, des affaires étrangères, de l’intérieur, de l’instruction publique et des cultes, des finances, de la marine et des colonies, des travaux publics ; M. Baroche, vice-président du Conseil d’Etat ; M. Berger, préfet de la Seine.
Louis-Napoléon est salué, dès son entrée dans le vestibule, par les acclamations de tous les dignitaires de l’Etat.
Il salue le Sénat et le Corps législatif, au milieu desquels il passe pour se rendre au trône, où il monte, ayant à sa droite le roi Jérôme, et à sa gauche le prince Jérôme Napoléon. Il reste debout.
Les ministres se placent derrière les trois princes, et les aides de camp, officiers d’ordonnance et de la maison civile dans le fond, après les ministres.
M. Billault, président du Corps législatif, s’est alors avancé, en inclinant vers le côté gauche, eta lu le discours que nous avons fait connaître dans notre précédentnuméro.
Ce discours fréquemment interrompu par les applaudissements de l’assemblée, s’est terminé aux cris unanimes et répétés de vive l Empereur ! vive Napoléon III !
M. Billault a remis ensuite à S. M. la déclaration du Corps législatif constatant le recensement général des votes, et l’adoption du plébiscite présenté les 21 et 22 novembre 1852 à l’acceptation du peuple.
Le nombre des électeurs inscrits dans les départements est de................................. 9,8A3,076
Les armées de terre et de mer ayant pris part au vote.......................................... 360,352
Total des électeurs. . . . 10,203,428 Total des oui. 7,824,189
Négatifs et non affirmatifs. 2,379,239
Savoir :
Ayant voté non. . . 253,115 Nuis ou blancs.. . . 63,326 Abstentions................. 2,062,798
2,379,239
M. Mesnard, premier vice-président du Sénat, a ensuite adressé à l’Empereur les paroles que nous avons reproduites dans notre dernier numéro.
Interrompu par de nombreuses marques d’approbation, ce discours s’est terminé au milieu des mêmes acclama tions qui avaient accueilli celui dii président du Corps législatif.
Immédiatement après, l’Empereur, d’une voix ferme et accentuée, a prononcé le discours que l’on connaît déjà.
Les plus vives acclamations ont plusieurs fois interrompu S, M., et, à la fin de son discours, la salle a retenti des cris
enthousiastes de vive l Empereur! vive Napoléon 11I !
L’Empereur, en quittant la salle, a de nouveau remercié avec effusion M. Mesnard et M. Billault, et s’est rendu dans ses appartements avec le cérémonial qui avait été observé à son entrée.
Le Moniteur a publié plusieurs décrets importants, que nous reproduisons plus bas m extenso.
Le premier promulgue le sénatus-consulte du 7 novembre, ratifié par les voles des 21 et 22 du même mois, qui a rétabli l’Empire. Par un autre décret, les généraux de division:
Le Boy de Saint-Arnaud, ministre de la guerre ; Magnan, général en chef de l’armée de Paris, et de Castellane, géné
ral en chef de l’armée de Lyon, sont élevés à la dignité de maréchaux de France.
D’autres décrets arrêtent les formules selon lesquelles les lois seront à l’avenir promulguées, et les jugements seront rendus. Les procureurs généraux près des cours d’appel reprennent le titre de. procureur général impérial, et les procureurs près des tribunaux de première instance, celui de procureur impérial.
Le sceau de l’Empire portera pour type l’aigle impériale couronnée reposant sur la foudre ; les sceaux et les timbres des administrations publiques porteront aussi pour type l’aigle impériale, mais pour légende le type de l’administration ou de l’autorité qui les emploiera.
On a trouvé en outre avec plaisir dans le Moni’eur deux décrets qui tempèrent un peu l’extrême rigueur de la législation à laquelle la presse est aujourd’hui soumise; ces décrets font remise de toutes les peines prononcées jusqu’à ce jour pour délit de presse ou pour contravention à la police de l’imprimerie, et annulent les effets de tous les avertissements donnés aux journaux de Paris et des départements.
Une amnistie générale est proclamée pour toutes les peines prononcées par les conseils de. discipline de la garde nationale, et l’annulation des poursuites commencées à rai
son des faits commis par les gardes nationaux jusqu’à ce jour est ordonnée.
Et enfin, par un autre, décret du 6, amnistie est accordée aux sous-officiers, brigadiers, caporaux et soldats de l’ar
mée de terre en état de désertion et aux insoumis qui, à la date du présent décret, n’ont pas été jugés et condamnés définitivement.
Tels sont, avec des faveurs particulières, les dons de joyeux avènement qui ont accompagnés la déclaration du rétablissement de l’Empire décrété en ces termes :
Napoléon,
Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français,
A tous présents et à venir, salut :
Vu le sénatus-consulle en date du 7 novembre 1852, qui soumet au peuple le plébiscite dont la teneur suit :
« Le peuple veut le rétablissement de la dignité impé« riale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, avec « hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adop« tive, et lui donne le droit de régler l’ordre de succes« sion au trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu’il est « prévu par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 ; »
Vu la déclaration du Corps législatif, qui constate que les opérations du vole ont été partout librement et régulièrement accomplies ;
Que le recensement général des suffrages émis sur le projet de plébiscite adonné sept millions huit cent vingtquatre mille cent quatre-vingt neuf (7,824,189) bulletins portant le mot oui ;
Deux cent cinquante-trois mille cent quarante-cinq (253,115) bulletins portant le mot von.
Soixante-trois mille trois cent vingt-six (63,326) bulletins nuis ;
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1 . Le sénatus-consulte du 7 novembre 1852, ratifié par le plébiscite des 21 et 22 novembre, est promulgué et devient loi de. l’Etat.
Art. 2. Louis-Napoléon Bonaparte est Empereur des Français, sous le nom de Napoléon III.
Mandons et ordonnons que les présentes, revêtues du sceau de l’Etat, insérées au liullelin des Lois, soient adressées aux cours, aux tribunaux et aux autorités admi
nistratives, pour qu’ils les inscrivent dans leurs registres, les observent et les fassent observer. Les ministres, chacun en ce qui le concerne, sont chargés d’en surveiller l’exécution.
Fait au palais de Saint-Cloud, le 2 décembre 1852.
Napoléon. Par l’Empereur :
Le ministre d Étal,
Achille Fould.
Vu et revêtu du sceau de l’Etat :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Abbatucci.
Le Sénat est appelé maintenant à délibérer sur les nouveaux sénalus-consultes destinés à mettre en rapport la Constitution du 14 janvier avec le régime impérial, et à fixer tant la liste civile de l’Empereur que la situation de chacun des membres de la famille impériale. On a remar
qué que, dans les cérémonies qui ont inauguré l’Empire, le prince Jérôme et son fils sont les seuls membres de la famille qui aient paru aux côtés du nouvel Empereur.
En attendant la nouvelle organisation, tout se dispose administrativement pour la situation.
Par arrêté du ministre de la police générale, en date du 30 novembre, une commission permanente est formée au ministère de la police générale pour l’examen des livres, écrits et gravures destinés au colportage.
Sont nommés membres de cette commission :
M. Latour-Dumoulin, directeur de l’imprimerie, de la librairie et de la presse, président;
MM. le vicomte A. de la Guéronnière, député au Corps
législatif; le baron de Jouvenel, député au Corps législatif; de Pongerville, de l’Académie française ; Ancelot, de l’Aca
démie française; Paul de Maupas, maître des requêtes au conseil d’Etat; Firmin Didot, imprimeur-libraire, membre de la commission municipale de Paris; Emile Augier, homme de lettres, membre du conseil général de la Drôme ; le comte Eugène de Montlaur, membre du conseil général de l’Ailier; le docteur Maxime Vernois, membre du conseil d’hygiène publique et de salubrité de la Seine.
M. Paul Cère, chef du bureau de la presse, remplira les fonctions de secrétaire, et MM. Charles Nisard et A. Descauriet celles de secrétaires adjoints de la commission.
Le Corps législatif a été, apres sa session pour le recensement des votes, ajourné au 14 février. Avant de se sépa
rer, ses membres se sont réunis dans un banquet, afin de fêler la proclamation de l’Empire. Comme cette réunion ne pouvait avoir lieu que le samedi, la plupart devant quitter Paris le dimanche, une députation s’est rendue auprès de Mgr l’archevêque de Paris, à l’effet d’obtenir la dispense de faire maigre ce jour-là. Monseigneur leur a permis de manger ce qu’on leur servirait.
11 est inutile de. dire que la proclamation de l’Empire, qui a eu lieu dimanche 5, dans toutes les villes et communes de France, a provoqué partout le même enthousiasme qu’à Paris. C’est du moins ce que le Moniteur constate chaque jour dans sa partie non officielle.
—Les puissances étrangères ne croient pas devoir se montrer plus difficiles que la France elle-même au sujet du changement qui vient de s’opérer ; elles reconnaissent volontiers le nouveau gouvernement, et s’empressent d’accrédi
ter auprès de lui leurs ministres respectifs. M. le marquis Antonini a eu 1 honneur d’être le premier à présenter à l’Empereur ses nouvelles lettres de créance, au nom du roi de Naples; puis lord Cowley pour l’Angleterre, M. Firmin Bogier pour la Belgique, et enfin M. le colonel Barnam pour la légation suisse. Le Moniteur ajoute que les nouvelles de plusieurs cours annoncent l’envoi des nouvelles lettres de créance, à leurs ministres de Paris.
Nous voici donc en paix avec le monde entier, et l’on ne saurait guère comprendre le bruit qu’on fait des armements de l’Angleterre, au moment même où elle s’empresse de nous donner un gage de bonne intelligence, ainsi constaté
par notre gouvernement : «Les ministres de la Grande- Bretagne, dit le Moniteur, ont annoncé, lundi soir, aux deux chambres, la reconnaissance du nouveau gouvernement impérial que la Fran e vient de proclamer. Le dis
cours prononcés par le principal secrétaire d Etat pour les affaires étrangères et par le chancelier de l’Echiquier, ne peuvent laisser aucun doute ni aucune équivoque sur la re
connaissance pleine et entière du nouvel empereur des Français. » Au surplus, le ministère anglais a donné, cette semaine, un autre exemple de bon sens forcé : M. d’Israèli, le violent adversaire de sir Bobert Peel et des développe
ments apportés par le cabinet de lord John Bussell à la législalion du free trad , a, pendant cinq heures, occupé la Chambre des communes, vendredi 3 décembre, par l’exposé des motifs d’un budget que Bobert Peel n’eût pas désavoué. Ainsi va le monde.
A la fin de sa séance du 6 décembre. la Chambre des communes a voté presque sans discussion les fonds nécessaires à la levée de 5,000 marins, de 1,100 soldats de ma
rine, de 2,000 hommes pour l’artillerie et à l’achat de 1,000 chevaux pour la même arme.
— En Espagne, les choses ne paraissent pas marcher dans le même sens; mais il faut attendre. Bien ne finit nomme ailleurs dans ce pays original. Dans la séance de la chambre des députés du i décembre, l’élection du pré
sident, des vice-présidents et des secrétaires, a donné, comme résultat, la victoire de l’opposition; les ministres se sont rendus, sous le coup de cette démonstration, auprès de la reine, pour lui faire signer un décret de dissolution.
Le lendemain, au moment où M. Martinez de la Itosa, nommé président, remerciait l’assemblée, le président du conseil, en grande tenue, et MM. Bertrand du LysetGonzalez Bomero, ont fait leur entrée dans la salle des séances de la Chambre des députés. M. Martinez de la Itosa, prési
dent de la Chambre, a déclaré la séance ouverte. Le procèsverbal de la séance de la veille a été lu et approuvé.
Le président du conseil, M. Bravo Murillo, ayant demandé et obtenu la parole, a donné lecture, d’un décret royal dont voici ta substance :
« Art. 1 . La Chambre des députés est dissoute.
« Art. 2. Une nouvelle Chambre est convoquée sous l’empire de la loi électorale actuelle.
«Art. 3. La nouvelle Chambre s’assemblera le 1 mars.» Depuis, le ministère a publié ses projets de décrets, afin
qu’on ne. se méprenne point sur ses intentions et sur la portée des réformes qu’il croit nécessaires; ainsi, les élec
teurs voteront en pleine connaissance de cause. Ces projets forment, à vrai dire, dans leur ensemble, une constitution nouvelle qui va devenir le champ de la lutte électorale.
— La loi répressive des offenses commises envers les souverains étrangers a été adoptée en Belgique par la Chambre des représentants dans la séance du 6, à la majorité de 76 voix contre 21.
Los nouvelles de Borne du 30 novembre annonçaient que le Cercle militaire préparait une grande fête pour l inauguration de l’Empire.
Un service funèbre pour le repos de l’âme de S. A. 1. le duc de Leuchtenberg avait été célébré dans l’église polo
naise-russe. Le ministre de Russie et les autres membres de la légation, les principaux Busses présents à Borne, et une portion notable de la préiature et de la haute société assistaient à cette cérémonie.
Un vol important avait eu lieu, dans la nuit du 23 au 24* novembre, entre Montefiascone et Vilerbe. Le courrier ve-î nant de Florence, et avec lequel se trouvaient monsignor San Marzano, son domestique et un Français, a été assailli si