ployées lors du récent voyage de Napoléon, pouvait se flatter que ses sentiments exprimés dans cette circonstance étaient pour une part dans le dénotaient, et, de plus, si Toulon n’a qu’un sous-préfet politique, il a une préfecture maritime, et l’escadre s’y était rendue pour orner sa fête et avoir sa place dans la décoration de cette grande journée. C’est donc à plus d’un titre que Toulon ligure ici pour toutes les villes de France.
Il s’agit à présent de mettre les institutions d’accord avec le titre nouveau du pouvoir, et de donner à son chef impé
rial les moyens matériels de représenter ce que ce titre d’Empereur réveille, dans les souvenirs anciens et modernes, de grandeur et de magnificence. Le Sénat a déjà pourvu à l’une de ces nécessités en votant la liste civile avec un dé
vouement et une générosité dignes de la reconnaissance nationale. Les modifications à introduire dans la constitu
tion sont en ce moment l’objet de ses délibérations, et la France attend de l’illustre assemblée qu’elle né marchande pas à l’Empereur les conditions qu’il a lui-même jugées utiles pour la réalisation des vues qui doivent assurer l’a­ venir glorieux de la patrie.
Nous renvoyons au MôMïûr du là et aux journaux du lendemain pour la lecture du SénatuS-consulte portant fixation de la liste civile de l’Empereur, précédé du rapport de la commission, lu par M. le comte de Casablanca, et qui en est l’éloquente justification, et l’exposé des motifs. Nous nous bornons à en citer les principales dispositions :
La liste civile de l’Empereur est fixée pour toute la durée du règne à la somme de 25 millions, chiffre de la dotation accordée à l’Empereur par le sénatus-consulte du 28 floréal an xii.


Le douaire de l’Impératrice sera fixé par un sénatus-consulte spécial, au moment du mariage de l’Empereur.


Une dotation de 1 million 500,000 francs est affectée aux princes et princesses de la famille impériale. La répartition en sera faite par décret impérial.
La dotaiion immobilière delà Couronne comprend les palais impériaux, les manufactures et les forêts qui en dépendent.
Ce sont, si nous sommes bien informés, les Tuileries, l’Elysée et le Palais-Royal, Versailles, Marly, Saint-Ger
main, Saint-Cloud, Meudon, Fontainebleau, Compïègne, Rambouillet, Pau et Strasbourg, avec les corps de ferme, terres, prairies et bois qui en dépendent ;
Les manufactures de Sèvres, des Gobelins et de Beauvais; Le bois de Vincennes, la forêt de Dourlan, la forêt de Senart et la forêt de Laigue.
Les biens particuliers possédés par l’Empereur au moment de son avènement au trône sont réunis au domaine de l’Etat. Ce sont les domaines de Lamolhe-Beuvron, de Villeneuve-l’Etang et de la Grillère.
La dotaiion mobilière de la Couronne comprend, comme sous l’Empire et la monarchie, le mobilier et les diamants de la Couronne, les musées, les bibliothèques et les autres monuments des arts.
Les autres dispositions du sénatus-consulte ont pour objet de régler la jouissance des biens compris dans la dotation de la Couronne.
M. Achille Fould joindra à son titre de ministre d’Etat celui de ministre de la maison de l’Empereur.
A la liste publiée dans notre dernier numéro des ministres étrangers dont les lettres de créance auprès de l’Em
pereur ont été renouvelées, il faut ajouter : M. le marquis de Villamarina, pour S. M. le roi de Sardaigne ; M. le mar
quis de Valdegamas (Donoso Cortès), pour S. M. la reine d’Espagne ; M. le baron de Fagel, pour S. M. le roi des Pays-Pas. De tous les autres Etats on annonce l’envoi prochain des nouvelles lettres aux ministres présents à Paris,
et des témoignages d’assentiment de ces Etats exprimés aux ministres de France, qui s’empressent de les transmettre à leur gouvernement. La Bussie, la Prusse et l’Autriche paraissent s’être concertées pour reconnaître le gou
vernement dans des termes identiques, et attendre, pour donner officiellement cette adhésion, que toutes les autres puissances aient renouvelé le mandat de leurs représentants à Paris.
Tandis qu’on saluait dans toute la France le rétablissement de l’Empire, notre armée d’Afrique se signalait par un beau fait d’armes, qui a eu pour résultat la prise d’as
saut de la ville de Laghouat, aux cris de vice ΓEmpereur! (Voir une notice et des vues de Laghouat, tome VIII de l Illustration, page 216.)
Abd-el-Kader, qui est devenu le plus sincère ami de la France et le plus digne admirateur de nos armes, auxquelles il a donné tant d’occasions de s’illustrer, a pu apprendre celte nouvelle avant son départ pour Brousse, qui a eu lieu di
manche dernier. Il était, le;i3, à Lyon, où le maréchal Castellane a donné le spectacle d une revue militaire, qui l’a émerveillé. U est parti le lendemain pour Marseille, où il doit s’embarquer avec sa famille.
Voici un résumé des dernières nouvelles étrangères :
On mande de iVIantoue, sous la date du 7 décembre, que le conseil de guerre venait de rendre son arrêt contre les accusés du complot découvert, il ÿ a quelques mois, dans cette ville. Dix d’entre eux, convaincus d’avoir organisé des clubs révolutionnaires, et répandu des écrits mazziniens,
ont été condamnés à mort. Le maréchal Radetski a confirmé la sentence pour cinq de ces prévenus, et commué pour les cinq autres la peine de mort en celle de l’emprisonnement.
— On a célébré avec une grande pompe, à Turin, les funérailles de l’abbé Gioberti. L’évêque de Turin a suspendu a dwinis le théologien Barrico, Vice-bourgmestre, qui avait fait, au sein du conseil municipal, la proposition adoptée de transporter en Italie la dépouille mortelle de l’abbé Gio
berti. Le même jour, dit la Gaz-etta del Populo, le roi a fait parvenir la décoration de SS, Maurice et Lazare au prêtre Barrico,
— En Espagne, l’opposition continue à s’organiser pour la lutte électorale. Le générai Narvaez, qui s’est décidément rangé, lui aussi, conlre le cabinet, a été nommé président du comité directeur formé par les oppositions modérées du Sénat et de la Chambre des députés, réunies. Ce comité a été autorisé à s’entendre avec celui de l’opposition progressite.
Voici un des premiers résultats de cette siluation, d a­ près une correspondance de Madrid, du 10 décembre :
« Hier, à cinq heures du soir, le maréchal Narvaez, duc de Valence, a reçu un ordre qui lui enjoignait de partir surle-champ pour Vienne en Autriche. La mission qui lui est confiée doit être très-urgente, puisqu’on le prévenait de fixer lui-même l’heure à laquelle cette nuit il devait se mettre en route, et qu’une chaise de poste était mise à sa disposilion. Le duc de Valence, ne pouvant pas quitter Ma


drid si rapidement, a sollicité et obtenu une prorogation de vingt-quatre heures.


« Nous respectons , continue YUeraldo , les raisons qu’aura eues le gouvernement pour adopter celle détermi
nation, et nous croyons qu’il Ta sans doute considérée comme très-convenable au service du pays. Toutefois on
nous permettra de dire qu’à l’approche des élections, le duc de Valence se trouvant à la tête des personnes qui son
gent à diriger, sur le terrain légal, les opérations du parti modéré, son départ semblerait indiquer pour quelques personnes (nous ne disons pas être de ce nombre) que son sé
jour eût fait pencher la balance électorale du côté de l’opposition constitutionnelle. »
—En Prusse, les journaux et les correspondances se livrent à des calculs plus ou moins exacts sur la majorité au sein de la seconde chambre. On sait qu’aucun parti ne l’y possède, et que laffra tion des 55 membres catholiques est in
dispensable pour la former. Les conslitulionnels semblent maintenant compter sur cette fraction pour repousser la révision de la constitution; cette espérance leur vient des scrutins qui ont eu lieu dans les bureaux, pour la nomina
tion de la commission chargée de cetle question, scrutins dans lesquels un rapprochement paraît s’êlre opéré entre
la gauche, le centre gauche et les catholiques. Mais tout cela est fort hypothétique.
— En Angleterre, les débats sur le budget sont ajournés, après une discussion où M. d’Israëli n’a pu faire triompher un plan qui avait pour objet de grever les propriétés de ville, sous le litre de taxe des maisons, en manière de représailles conlre la législation du free trade.
— Les arrivages des Etats-Unis se succèdent avec une rapidité qui semble faire présager l’époque où ils seront quotidiens.
Le seul fait que nous annonce la dernière dépêche, c’est le départ pour la Havane du paquebot de la compagnie américaine le Cherchée, qui a pris à son bord M. Smith le comptable, dont la présence à bord du Crescent-Cilt/ avait mo
tivé le refus des autorités espagnoles de laisser entrer ce paquebot dans le port de la Havane. On s’attendait donc à ce que des difficultés plus sérieuses encore vinssent à éclater à l’arrivée du Clien kee. Mais on sait que le gouvernement des Etats-Unis ne soutient pas la compagnie améri
caine des paquebots dans cette lutte qu’elle a entreprise contre les autorités espagnoles.
Une dépêche télégraphique reçue à Vienne annonce, sous la rubrique de Bombay, qu’une insurrection fomentée par les popu lations du Sind avait éclaté dans l’Afghanistan. A la date du 29 oclobre , on attendait, à Prome, des renforts pour continuer les opérations contre les Birmans.
En Ce qui concerne la Chine, on écrivait de Canton, le 29 octobre , que les troupes impériales avaient remporté une grande victoire contre les insurgés, et que les relations commerciales, suspendues depuis quelque temps, étaient rétablies. Paulix.
Chronique musicale.
Le Théâtre-Italien a donné la semaine dernière la Luisa Miller de M. Verdi. La dernière fois que nous avons parlé de ce théâtre, nous avons exprimé le vœu de n avoir que des éloges à faire de tout le monde, compositeur et chanteurs, à propos de cet ouvrage dont l’attente piquait vive
ment notre curiosité. Notre voeu était parfaitement sincère. A qui la faute, s’il n’a pas été exaucé? — Nous demandons la permission d’ouvrir une parenthèse, aussi brièvement que possible, pour une question personnelle, ainsi qu’on disait naguère en langue parlementaire. (Il nous est revenu que certaines personnes nous supposent systématiquement hostile du Théâtre-Italien, souhaitant par-dessus tout sa ruine; et cela par la raison, prétendent-elles, que le rédac
teur de cette Cnronique mus cale a été pendant un temps chef d’orchestre au Théâtre-Italien, etqu’il ne Test plus maintenant. La belle raison, vraiment? Que l’on ne repré


sente ci la salle Ventadour que de bons ouvrages nouveaux,


chantés par d’excellents artistes, n’aurons-nous pas bonne grâce à venir dire à nos lecteurs que ces ouvrages sont mauvais et que ces chanteurs ne savent parleur art? Ces hon
nêtes faiseurs de suppositions peu flatteuses croient-ils donc qu’une place, même celle de chef d’orchestre du Théâtre- Italien, vaille mieux à nos yeux qu’une bonne réputation de chroniqueur impartial, juste, véridique, de critique probe et loyal?) Après ce point d’interrogation, nous fermons la parenthèse. — Donc c’était très-sincèrement que nous désirions trouver une occasion de sonner une fanfare en l’honneur du Théàtre-rtalien, d’user à son égard du style dithyrambique sans la moindre réserve. Par mal
heur, l’occasion ne s’est pas encore présentée. C’est avec un chagrin réel que nous avons vu et entendu l’autre soir exécuter la Luisa Miller de telle sorte, que nous avons dû chercher plutôt à deviner qu’à comprendre les morceaux remarquables que renferme celte partition. Si nous n’a­
vions eu depuis cetle partition sous les yeux, nous ne pourrions ni n’oserions en rien dire. Il était plus qu’évident qu’on n’avait pas pris le temps nécessaire pour étudier l’ou
vrage. Les chœurs tiraient à hue et l’orchestre à dia. Le ténor poussait des la et des si aussi fort qu’il pouvait; il suait des sons de poitrine à grosses notes ; le baryton en aurait volontiers fait autant si ses moyens le lui eussent per
mis; la prima don no naviguait de son mieux entre Charybde etScylla; le contralto tâchait de faire bonne contenance dans
sa belle robe de brocart; bref, nous n’avons jamais été lémoin d’une exécution musicale plus en désarroi. Le nou
veau directeur, qui cependant est italien, a d’un seul coup égalé les plus étonnantes incartades administratives du di
recteur anglais, son prédécesseur, lequel eut l’extravagante idée, nous ne l’oublierons jamais, de faire apprendre el re
présenter la Fig Ha del r, ggnnento dans l’espace de cinq jours, ainsi que d’exposer en public 1< Tempesta de M. llalévy, sans qu’il y eût eu auparavant une seule répétition générale complète. Nous pensions qu’il n’y avait que des gentlemen dévorés de spleen pour se livrer à de semblables excentricités; si fatales à l’art, si préjudiciables aux arlistes. Ce qui nous surprend encore, c’est que le soin de la répu


tation de M. Verdi n’ait pas été pour Y imprésario, son


compatriote, une considération concluante pour l’arrêter dans la voie dangereuse où il s’est risqué. Qu’un entrepre
neur soit libre de discréditer à son gré son entreprise, nous ne disons pas le contraire, mais il ne devrait l’être en au
cun cas de compromettre, selon son bon plaisir, l’œuvre et la renommée d’un compositeur. II est certain que si M. Verdi eût assisté à line pareille exécution de son opéra, devant un public comme celui de Paris, il serait devenu fou de déséspoir en sortant de la représentation. Mais il est également certain qu’il se serait opposé de tout son pou
voir à ce que son opéra fut représenté d’une si déplorable façon.
Autant que nous en avons pu juger, plus à la lecture qu’à l’audition, la musique de Luisa Miller décèle chez l’auteur de cette partition une préoccupation sérieuse d’adopter une autre route que celle qu’il avait suivie jusque-là dans son art. Non pas que les œuvres précédentes de M. Verdi soient dépourvues de mérite, ce n’est pas ce que nous voulons


dire; mais ce mérite, à notre avis, est en quelque sorte dépaysé : M. Verdi semblait jusqu’ici vouloir renier son


pays, musicalement parlant. Dans sa nouvelle partition, au contraire, on remarque une tendance très-marquée à faire
prédominer l’élément mélodique, ainsi que l’école italienne a fait de tout temps; à mettre un peu de côté ce pitoyable moyen d’effet donl on a tant abusé en Ilalie depuis quelques années, l’unisson vocal, indice de la plus triste pau
vreté musicale ou d’une impardonnable paresse de musicien;
à disposer avec soin les différentes voix dans les morceaux où plusieurs personnages prennent ensemble part à l’ac
tion; à colorer l’orchestration avec une louable recherche a enfin, si ce n’est pas tout à fait une manière nouvill··, un changement complet du système que M. Verdi paraît s’être tracé dans ses ouvrages antérieurs, c’est au moins une mo
dification sensible de ce syslème, laquelle donne l’espoir quel l’enfant prodigue, si nous pouvons ainsi parler, est prêt à rentrer sous lt toit paternel.
Au reste, dans peu de jours, nous pourrons sans doute apprécier plus sciemment la musique de Luisa Miller, puis
que le Grand-Opéra se prépare à nous donner bientôt une traduction de cet ouvrage ; el là, nous l’espérons, on n’aven
turera pas l’exécution si inconsidérément qu’on Ta fait à la salle Ventadour. Nous espérons aussi qu’on y criera moins
et qu’on y chantera davantage. Est-ce donc une absolue; nécessité que la musique de M. Verdi soit autant criée et si peu chantée? En vérité, nous ne saurions le croire. Que les chanteurs prennent la peine un peu plus qu’ils ne font d’en
trer dans l’esprit de leur rôle ; qu’ils apprennent en même temps à se servir de tous les registres de leur voix, et à la nuancer comme tout bon chanteur doit savoir le faire ; ils verront bien s’ils n’arriveront pas mieux à l’effet que le compositeur a voulu produire. Comment celui-ci aurait-il
voulu, par exemple, à moins de vouloir le plus absurde non-sens, que l’amant de Luisa, dans les veines duquel cir
cule un breuvage empoisonné, depuis qu’il est entré en scène au troisième acte jusqu’à la catastrophe, chante pen
dant tout ce temps-là comme ferait un vigoureux gaillard qui viendrait d’avaler un plein verre d’excellent madère ? Il est impossible que telle ait été son intention. La voix mixte, et non pas les sons de poitrine; les nuances du cœur, et non pas la force des poumons, voilà, nous en sommes convaincu, ce que la pensée du maître demande là pour être convena
blement interprétée. Mlle Cruvelli a eu le bon esprit d’avoir parfois recours à ces sages moyens dans son interprétation du principal rôle de la pièce, el ce sont les passages qui lui
ont le mieux réussi; de même que le seul endroit où! M. Betlini ait été justement applaudi, est le cantabile du second acte : Quando te sere ai placido, dans lequel il a
su mettre de l’émotion, en contenant avec art son puissant, organe, M1” Nantier-D diée, jeune Française, lauréat de noire Conservatoire, s’est assez honorablement acquittée du rôle du contralto. Nous n’avons rien à dire, ou plutôt nous ne voulons rien dire des autres interprètes de l’ouvrage. Nous
préférons signaler les morceaux suivante à Taltention des dilettantes : le petit chœur du premier acte : Quale un sorriso, bien rhythraé, plein de fraîcheur ; le duo de ténor et contralto : Dali aide rnqienli, dont la mélodie est franche et d’une heureuse simplicité; le largo du premier finale, quintette très-bien écrit pour les voix ; le quatuor sans accompagnement du second acte, morceau d’un effet ravis
sant; le cantabile du ténor, déjà cité. Quant au troisième acte, nous nous abstenons de le juger jusqu’à meilleure au
dition ; et pourtant il nous semble que c’est une des bonnes pages sorties de la plume de M. Verdi, bien qu’on n’ait guère pu s’en douter l’autre soir.
VElisir d amore a élé joué dimanche dernier par