Notre-Dame de Fourvière.
Coteau de Fourvière, à Lyon.
Le 8 décembre était un jour de fête pour la ville de Lyon. A midi, Mgr l’archevêque, ac
compagné de l’évêque de Belley, le chapitre de la primatiale, les séminai
res et le clergé de toutes les paroisses avec leurs bannières , gravissaient en procession solennelle le coteau de Fourvière parmi des flots d’une foule empressée. Là, le saint prélat bénissait, au
son des cloches de toutes les églises, au bruit de l’artillerie des forts, la statue monumentale de Notre-Dame de Fourviè
re, qui, dépouillée de son enveloppe, laisse aujour
d’hui éclater aux rayons du jour les reflets de sa resplendissante parure d’or. Le soir de cette même journée et le di
manche 12, les quais de la Saône retentissaient de joyeuses fanfares mêlées à des chants reli
gieux, la ville entière s’illuminait, les dômes éle
vés étincelaient de feux,
les bateaux amarrés à la rive portaient une cou
ronne de lumière. La tour neuve de Fourvière s’entourait elle-même de lueurs, et ce phare brillant, au milieu duquel apparaissait majestueusement la nouvelle statue, annonçait aux campagnes environnantes et aux points élevés du diocèse, que Lyon venait d’inaugurer l’image de sa vierge tu
télaire. Des fusées parties des montagnes lointaines du Dauphiné répondaient à ce signal.
Il n’est point effectivement, au sein de cette ville, de monument dont les habitants s’honorent davantage que de l’é
glise de Notre-Dame de Fourvière. Dans l’antique cité, c’est le plus riche en souvenirs, le plus révéré au loin, le plus glorieux par les saintes traditions qui datent de son berceau et qui l’ont illustré jusque dans les âges contemporains.
Quel voyageur, même indifférent, s’est arrêté à Lyon sans visiter ce sanctuaire renommé qui domine la ville et ses faubourgs? Et quel coin du monde chrétien n’a envoyé vers la sainte montagne ses pèlerins fortifiés par les ardeurs de la foi ?
L’histoire de cette église célèbre, qui s’éleva sur les ruines du fastueux palais des empereurs romains, serait longue
à dire. Le sang des premiers martyrs gaulois en a rougi le sol, le vandalisme y a promené ses dévorantes torches, l’émeute a rugi dans son sanctuaire. Des papes, des rois, s’y sont pieusement agenouillés, et avec les puissants, les pauvres et les affligés y sont venus chercher par milliers la guérison de leurs corps souffrants ou la paix de leurs âmes désolées.
Nous raconterons brièvement les phases historiques qui lui donnent tant de titres à la vénération du peuple lyonnais, et qui lui ont attiré cette célébrité à laquelle n’est en
core parvenu, en France, aucun des autels votifs consacrés au culte de la Vierge.
Du côté est de la ville s’élève une colline dont le versant occidental fait face à la Croix-Rousse et regarde le confluent de la Saône et du Rhône : c’est Fourvière. Sur son som
met les fondateurs de Lugchtmtm assirent les premières pierres de cette vaste et puissante capitale de la Gaule celtique. Puis s’élevèrent au même endroit le somptueux pa
lais des Césars, les portiques du Forum édifié par Trajan, et l’amphithéâtre a/ec ses vastes arènes. C’était le centre
au bas de la ville romaine. De nombreux disci
ples accoururent à sa voix et embrassèrent la foi nouvelle; mais le pasteur et son troupeau, traînés sur la colline, y trouvèrent le martyre. Saint Irénée, son succes
seur, et des milliers de néophytes y furent éga
lement livrés à la flamme ou jr tés dans l’amphithéâtre, au fer du gla
diateur et aux lions de Nubie. Devenue chré
tienne, ta nouvelle ville pouvait-elle oublier ce terrible holocauste, qui avait consacré l’ère de sa transformation?
Ce fut Septime-Sévère, vainqueur d’Albin dans les champs de Trévoux, qui, dans sa colère, renversa les fastueux édifi
ces qui faisaient l’orgueil de la colline. Ce qui resta debout ne trouva point grâce devant la fureur des barbares, et du milieu de ces opulents vestiges s’éleva, vers le neu
vième siècle, un modeste oratoire dédié à la Vierge. Les matériaux étaient
prêts ; avec les tronçons mutilés des colonnes, avec les ruines des portiques noircis par la flamme et lézardés par le temps, on assit quatre murailles bien simples sous un pauvre toit.
L’agrandissement de l’enceinte date de 1168. 01 vier de Chavannes, chanoine de Lyon, y éleva la longue nef dédiée à saint Thomas, qui était venu chercher en France un refuge contre la persécution. Voici comment l’abbé Cahour ra
conte, d’après Colonia, l origine de cette dédicace. « Un
jour Thomas Becket, Guichard son ami, et le chanoine Olivier de Chavannes se promenaient ensemble sur la pe
tite place de Saint-Jêan ; la conversation tomba sur les nouvelles constructions qu’on faisait à Fourvière : les yeux de l’exilé se portent sur la colline. « Quel sera le pa
tron du deuxième sanctuaire, demanda-t il à ses hôtes ? — Le premier martyr qui versera son sang, » répond Guichard ou Olivier. « —- Vous même, ajoute l’un d’eux, si vos ennemis vous procurent cet honneur. » Le saint prélat dut rougir, si l’histoire est vraie; il avait déjà prédit plus d’une fois le glorieux combat qui devait couronner sa lutte. On sait
des quatre grandes voies romaines, artères im
menses qui se partageaient la Gaule des Pyré
nées au Rhin, de l’Océan aux bou
ches du Rhône. A droite, s’étendait cette merveilleuse ligne d’aque
ducs dont le tou
riste peut encore admirer les gi
gantesques vestiges, et qui versaient dans la ville les eaux pui
sées jusqu’aux sourcesjaillissantes du mont d’Or et du mont Pilât.
Puis, au pied ou i sur le versant de I la montagne, les
templesdes dieux et les élégantes demeures des patriciens.
Une antique tradition rappor
te que dans le deuxième siècle de notre ère, au
plus fort de la persécution religieuse, un véné
rable pontife , saint Pothin, pre
mier évêque de Lyon , rapporta d’Orient une ima
ge de la Vierge, pieusement con
servée sous les plis de son manleau, et qu’il lui
éleva un oratoireEglise de Notre-Dame de Fourvière. — Vue intérieure.