soin de choisir celles qui méritent d’être protégées,
et son discernement est bien supérieur à celui de Don Quichotte, si prompt à mettre la lance au poing pour des maritornes qui n’en valaient pas la peine. Par exemple, Boisrosé , trottant sur Itossinante au milieu des Champs-Ely
le malheur d’éclabousser une baronne dans sa voi
lure, et il a piqué des deux pour réparer sa faute ;
mais la baronne était trop pressée d’arriver à son hôtel pour changer de robe.
Cependant Boisrosé fait si bien qu’il arrive assez à temps pour jouer à la da
qu’un mari bourru vient interrompre. Heureusement qu’on attend un nou
veau domestique dans la maison, et, sansplusd’hésitation , le chevalier des
Médaille frappée pour l’inauguration de la statue de Rembrandt, à Amsterdam.
sera pas compromise, et même la vertu doit bien plus à Boisrosé, sans qu’elle s’en doute : le chevalier de la triste figure n’en fit pas davantage pour la dame de ses pensées que Bois
rosé pour son inconnue. Elle était à la merci d’un lélon, que Boisrosé a provoqué à un combat singulier, et il a fini par lui arracher un paquet de lettres compromettantes pour l’honneur de madame la baronne. Bois ose croit avoir saisi l’occasion d opérer cette restitution, et a chaque instant ^occa
sion lui échappe, voilà toute la pièce. Il devient bientôt évident que cette périlleuse correspondance n’arrivera à son
adresse qu’à la dernière extrémité, et alors Havel se met à défiler le chapelet de ces tribulations bouffonnes qui font les délices de l’assistance. Traité comme un laquais, pris pour un voleur, Boisrosé se décide à rentrer dans son paletot, au risque de passer pour un espion ; « Car enfin, s’écrie le mari exaspéré, il est temps de savoir qui vous êtes. — Monsieur, répond l’accusé -avec dignité, je suis peut-être un sapeur pompier, le Juif errant ou l’oncle Tom, dont la cabine fait tant de bruit, ce qui n’est pas une raison pour me traiter comme un nègre; mais non, monsieur, j’aime beaucoup
mieux vous avouer que je suis un défenseur de la so
ciété , un protecteur du beau sexe, un être extraordinaire, mais ordinaire
ment entouré des autres farceurs du Palais-Royal, avec lesquelsj’ai l’honneur d’être votre très-obéissant divertisseur Ravel.
Dans Mon Isménie, Sainville-Vancouvert est jaloux comme un tigre du Bengale de sa fille suffi
samment majeure, et que Grassot-Dardonbœuf vou
drait conduire à l’autel.
Pour éloigner ce gendre en perspective, le père noble lui dresse toutes sortes d’embûches renouvelées du Grec Ulysse à l’endroit des poursuivants de Péné
lope; ce sont autant de pièges sans effet sur Dardonbœuf, qui a été clerc d’avoué. Ces deux pocha
des terminent dignement une des plus joyeuses an
nées théâtrales delà Mor.« tansier.
Du bilan dramatique de l’année 1852, il résulte qu’elle a vu naître (et mourir, hélas ! ) deux cent trente-quatre pièces : dix-huit comédies, deux proverbes, trente-quatre drames, neuf opéras, deux féeries, cent soixante-huit vau
devilles. ou pochades, et une seule tragédie. C’est à peu près le même nombre de productions qu’en 1851 ; mais celui des auteurs a presque doublé : de cent soixantequatorze il est arrivé à trois cent quarante-huit, et, comme de juste, c’est encore le vaudeville qui s’est recruté aux dépens des genres plus élevés. Philippe Busoni.
Les visions de la nuit dans les campagnes, par George Sand; dessin de M. Maurice Sand.
(3e article. — Voir les numéros 459 et 504.)
La nuit de Noël est, en tout pays, la plus solennelle crise du monde fantastique. Toujours par suite de ce besoin qu’éprouvent lee hommes primitifs de compléter le miracle religieux par le merveilleux de leur vive imagination, dans tous les pays chrétiens, comme dans toutes les provinces de France, le coup de minuit de la messe de Noël ouvre les prodiges du sabbat, en même temps qu’il annonce la com
mémoration de l’ère divine. Le ciel pleut de bienfaits à cette heure sacrée ; aussi l’enfer vaincu, voulant disputer encore
au Sauveur la conquête de l’humanité, vient-il s’offrir à elle pour lui donner les biens de la terre, sans même exi
ger en échange le sacrifice du salut éternel : c’est une flatterie, une avance gratuite que Satan fait à l’homme. Le paysan pense qu il peut en profiter. 11 est assez malin pour
ne pas se laisser prendre au piège ; il se croit bien aussi rusé que le diable, et il ne se trompe guère.
Dans notre vallée noire, le métayer fin, c’est-à-dire savant dans la cabale et dans l’art de faire prospérer le bes
tiau par tous les moyens naturels et surnaturels, s’enferme dans son étable au premier coup de la messe ; il allume sa lanterne, ferme toutes ses huisseries avec le plus grand
La veülée de Noël en Berry.— Dessin de Maurice Sand.
et son discernement est bien supérieur à celui de Don Quichotte, si prompt à mettre la lance au poing pour des maritornes qui n’en valaient pas la peine. Par exemple, Boisrosé , trottant sur Itossinante au milieu des Champs-Ely
sées après l’averse, a eu
le malheur d’éclabousser une baronne dans sa voi
lure, et il a piqué des deux pour réparer sa faute ;
mais la baronne était trop pressée d’arriver à son hôtel pour changer de robe.
Cependant Boisrosé fait si bien qu’il arrive assez à temps pour jouer à la da
me sa scène d’excuses,
qu’un mari bourru vient interrompre. Heureusement qu’on attend un nou
veau domestique dans la maison, et, sansplusd’hésitation , le chevalier des
Médaille frappée pour l’inauguration de la statue de Rembrandt, à Amsterdam.
dames endosse la livrée, ha vertu éclaboussée ne
sera pas compromise, et même la vertu doit bien plus à Boisrosé, sans qu’elle s’en doute : le chevalier de la triste figure n’en fit pas davantage pour la dame de ses pensées que Bois
rosé pour son inconnue. Elle était à la merci d’un lélon, que Boisrosé a provoqué à un combat singulier, et il a fini par lui arracher un paquet de lettres compromettantes pour l’honneur de madame la baronne. Bois ose croit avoir saisi l’occasion d opérer cette restitution, et a chaque instant ^occa
sion lui échappe, voilà toute la pièce. Il devient bientôt évident que cette périlleuse correspondance n’arrivera à son
adresse qu’à la dernière extrémité, et alors Havel se met à défiler le chapelet de ces tribulations bouffonnes qui font les délices de l’assistance. Traité comme un laquais, pris pour un voleur, Boisrosé se décide à rentrer dans son paletot, au risque de passer pour un espion ; « Car enfin, s’écrie le mari exaspéré, il est temps de savoir qui vous êtes. — Monsieur, répond l’accusé -avec dignité, je suis peut-être un sapeur pompier, le Juif errant ou l’oncle Tom, dont la cabine fait tant de bruit, ce qui n’est pas une raison pour me traiter comme un nègre; mais non, monsieur, j’aime beaucoup
mieux vous avouer que je suis un défenseur de la so
ciété , un protecteur du beau sexe, un être extraordinaire, mais ordinaire
ment entouré des autres farceurs du Palais-Royal, avec lesquelsj’ai l’honneur d’être votre très-obéissant divertisseur Ravel.
Dans Mon Isménie, Sainville-Vancouvert est jaloux comme un tigre du Bengale de sa fille suffi
samment majeure, et que Grassot-Dardonbœuf vou
drait conduire à l’autel.
Pour éloigner ce gendre en perspective, le père noble lui dresse toutes sortes d’embûches renouvelées du Grec Ulysse à l’endroit des poursuivants de Péné
lope; ce sont autant de pièges sans effet sur Dardonbœuf, qui a été clerc d’avoué. Ces deux pocha
des terminent dignement une des plus joyeuses an
nées théâtrales delà Mor.« tansier.
Du bilan dramatique de l’année 1852, il résulte qu’elle a vu naître (et mourir, hélas ! ) deux cent trente-quatre pièces : dix-huit comédies, deux proverbes, trente-quatre drames, neuf opéras, deux féeries, cent soixante-huit vau
devilles. ou pochades, et une seule tragédie. C’est à peu près le même nombre de productions qu’en 1851 ; mais celui des auteurs a presque doublé : de cent soixantequatorze il est arrivé à trois cent quarante-huit, et, comme de juste, c’est encore le vaudeville qui s’est recruté aux dépens des genres plus élevés. Philippe Busoni.
Les visions de la nuit dans les campagnes, par George Sand; dessin de M. Maurice Sand.
(3e article. — Voir les numéros 459 et 504.)
La nuit de Noël est, en tout pays, la plus solennelle crise du monde fantastique. Toujours par suite de ce besoin qu’éprouvent lee hommes primitifs de compléter le miracle religieux par le merveilleux de leur vive imagination, dans tous les pays chrétiens, comme dans toutes les provinces de France, le coup de minuit de la messe de Noël ouvre les prodiges du sabbat, en même temps qu’il annonce la com
mémoration de l’ère divine. Le ciel pleut de bienfaits à cette heure sacrée ; aussi l’enfer vaincu, voulant disputer encore
au Sauveur la conquête de l’humanité, vient-il s’offrir à elle pour lui donner les biens de la terre, sans même exi
ger en échange le sacrifice du salut éternel : c’est une flatterie, une avance gratuite que Satan fait à l’homme. Le paysan pense qu il peut en profiter. 11 est assez malin pour
ne pas se laisser prendre au piège ; il se croit bien aussi rusé que le diable, et il ne se trompe guère.
Dans notre vallée noire, le métayer fin, c’est-à-dire savant dans la cabale et dans l’art de faire prospérer le bes
tiau par tous les moyens naturels et surnaturels, s’enferme dans son étable au premier coup de la messe ; il allume sa lanterne, ferme toutes ses huisseries avec le plus grand
La veülée de Noël en Berry.— Dessin de Maurice Sand.