val : la Raison et la Folie. Ni l’une ni l’autre, en effet, ne furent en lui complètes, mais brouillées, et s’enchevêtrant étroitement, 11 y a un fort beau et fort triste récit de Gogol, l’écrivain russe, mort aussi lui tragiquement et prématuré
ment, sur les impressions d un fou. Mais ce fou est un vrai fou. Il se croit le premier ministre d’Espagne (à Saint-Péters
bourg) , et rêve, pense, agit, écrit en conséquence. Chez Gérard, rien de semblable. Il était un fou sérieux et logique dans ses excentricités les plus grandes. Il y avait duel fla
grant et perpétuel en lui entre l’insanité et la raison. Bien que, l’une l’opprimât, il la jugeait de l’autre, tour à tour s v abandonnant, tour à tour la réprimant de toutes ses forces qui finirent par y faillir, et entreprenant de la décrire connue chose naturelle, comme phénomène moral, en lui donnant
la forme translucide, sereine et rationnelle de l’art. C’est à cela qu’il échoua complètement dans Aurélie, qu’il se plai
gnait (bêlas!) de. ne pouvoir pas finir. Le désespoir le prit probablement de ne pouvoir se-tirer d une entreprise aussi fabuleuse, et le chagrin, la honte de perdre une impossible gageure, la misère aidant, le menèrent vraisemblablement où l’on sait. Puis cette ombre de comédienne qui planait sans cesse sur sa vie ravagée, et devenait plus obsessive
surtout dans les derniers temps, contribua sans doute aussi à l’appeler comme, l’abîme. Quel beau roman il y aurait à composer, mais pour un vrai et grand écrivain seulement, sur ce duel à outrance, et â mort, entre cette personnalité poétique et cette cantatrice médiocre comme femme, bien qu’au-dessus de la moyenne de sa classe, détruisant sans le v ouloir une existence supérieure, et tuant le corps après l àme, dix ans après sa propre mort !
Gérard, qui raisonnait son aliénation, par un douloureux privilège, attachait tant amour-propre a ne la point laisser soupçonner, que lui, si bienveillant, ne pardonnait point aux amis dévoués qui l’avaient vu et soigné dans ses crises trop fréquentes. Je me rappelle qu’ayant, l’année dernière, à ren
dre compte de .Silriu, un de ses plus charmants écrits, mais où le nuage final et cérébral prenait déjà des proportions inquiétantes, je comparai sa raison à un de ces ballons cap
tifs qui s’élancent vers l’infini, d’habitude et de préférence,
mais sans perdre pour cela terre. C’était tout justement à quoi il prétendait. Aussi, de tous les compliments bien méri
tés et bien sincères que je lui adressai, nul ne lui fut plus sensible. 11 me le témoigna, lui si peu prodigue d’effusion et d autographes, par une lettre où la chaleur du remercîment me prouvait combien j’avais touché juste.
il ne m’eût pas été possible de lui faire la même joie, à propos d Aurélie ou le Rêve et ta ( ie. L’équilibre, encore gardé, entre terre et ciel, dans Sihna, et quelques autres compositions récentes, est tout à fait rompu dans cette der
nière. On y sent que la fin s’avançait à grands pas, et que le dénoûmenl ne pouvait guère être autre : ou le cabanon, ou la morgue. On n’a pas eu tort, toutefois, de réunir ces pages brisées et désolées, en y réunissant quelques autres productions de l’auteur. Elles resteront comme une triste curiosité littéraire. On ferait mieux pourtant, et je m’é
tonne que ce n’ait point encore eu lieu, d éditer ses Nuits de Paris, publiées dans ce recueil même, en y adjoignant les quelques dernières impressions vagabondes que je rappelais tout à l’heure. On aurait là un volume bizarre et éton
nant, où ne se trouverait juste de singularité que ce qu il en faut pour créer la fantaisie (la vraie), juste aussi le grain de folie indispensable à l’artiste.
Le nom susmentionné de la Revue de Paris m’amène à dire quelques mots trop sucrints de l’œuvre, récente de deux ries écrivains, de deux des directeurs de ce recueil.
Suzanne Dvc’ emin, par AI. Louis Llbach, est un roman par lettres, précédé d’une Préfacé à mon gré un peu so
lennelle, bien que j’en approuve extrêmement les tendances et la devise : « L’art doit être utile! c’est la règle, suprême. »
Puis, ni fantaisie ni réalisme, outrés. C est le juste pendant du tlès-juste mot d’ordre philosophique: «Ni scepticisme, ni panthéisme. »
Mais, de même que la grammaire se fait d’après les chefsd œuvre, non les chefs-d’œuvre d’après les grammaires
et les arts poétiques, de même ces espèces de manifestes par lesquels une génération littéraire annonce qu’elle en va démolir une autre ne sont pas des plus probants. La dé
l’œuvre, pourvu qu’elle soit éminente; mais il faut que celleci précède. Ce n’est même pas un procédé fort habite que de
crier au public :C.are! Attention! On va vous en percer d’une autre. Si peu intelligent qu’il soit quelquefois, si pa
resseux qu’il soit toujours, il n’y a pas besoin de lui frotter l’oreille avec tant de. vessies emmanchées de. bâtons, et, si le
mets nouveau est excellent, il s en apercevra bien, de luimême.
Je dis cela en général, parce que messieurs de, la Revue de Paris, qui oih le beau défaut d’être fougueux et jeunes, me paraissent un peu prodigues de préfaces et de pro
tant s’en faut; mais pas tant de fanons et d’étendards, que nous ne pouvons suivre sur parole : prenez tout bonne
ment le flambeau de, l’exemple, du talent et du succès, et veuillez bien marcher devant.
Pour en revenir à M. Llbach, son livre est beaucoup plus réaliste, et en même temps beaucoup plus fantaisiste qu’il ne le croit. Est-ce à dire qu’il ait réuni tous les points? Ce n’est pas ma pensée, je l’avoue, et je m’en explique.
Le realis ne, tel qu’en effet on le pratique beaucoup trop aujourd hui, ne consiste point précisément, ni surtout ab
solument, à peindre des canards dans une mare, du fu
mier dans une cour, ou autre sujet ignoble : il consiste à prendre un fait vrai, un fait crû, dont on a été témoin ou acteur, et que l on croit, parce qu’il nous a frappé, tout propre à émotionner l’univers. Ce que M. Courbet, souvent mieux inspiré, pense voir dans le dos d’une grosse baigneuse sale, on peut aussi l’imaginer trouver dans un ordre do choses ou d’idées beaucoup plus relevé, mais
en travers du chemin pour empêcher les autres d’arriver » (connue disait l’autre jour un jeune, romancier bien peu content, et, il est vrai, n’ayant guère sujet de l’être), voyez
comme la critique a l’esprit tortu. ,l’aurais souhaité, non pas une esthétique en règle, mais un petit, bout de préface, un tout petit malheureux bout, en tète de Cartes sur table, pour m’en expliquer le dessous. Je ne. comprends pas très-bien ce titre alambiqué du Bourgeois fantôme, l’une des cartes mi
sés sur table, ni même très-bien non plus celui du Secret de Polichxn-llê, sous lequel s’annonce le principal récit, la carte triple, le brelan carré du volume. La faute en est sans doute à mon intelligence. Diable d affaire au reste que
le choix d’un titre, ou d un joli nom de baptême ! Ne prenons pas garde à cela. Le S eretde Polichinelle, donc, est l’his
toire, qui me semble fort réaliste aussi, d un jeune homme investi tout à. coup d’une fortune considérable, et ayant à
lutter, s il luttait, contre toutes les avidités de la terre. Le sujet n est pas neuf, et c’est bien, à ce titre, un sujet de Po
lichinelle. Mais le détail a de la distinction et ne manque pas parfois de ce naturel qui est à nos yeux la qualité suprême.
Seulement les personnages discourent trop : on aimerait à les voir plus agir, sauf a jaser un peu moins. La fable est longue, parfois un peu confuse; elle n’aboutit pas, et l’on ne voit pas de dénoûmenl qui satisfasse. Le défaut de com
position est sensible; et l’on cherche en vain ce qu’a voulu
prouver l’auteur. A-t-il conté pour conter, ou exhaler des souvenirs? Je l’ignore; mais la science me, paraît lui avoir manqué pour élever ses contes ou souvenirs à la hauteur de l’art. Le tableau n est guère qu’une ébauche, un projet infiniment développé. Il se rattache à la manière de. Balzac, qui me semble avoir déteint sur M. Laurent-Pichat, comme U lia et Jacques sur AI. Llbach. On croit souvent créer dans la jeunesse, alors qu’on ne fait que suivre de. loin. La vanité des oriflammes n’a qu’un temps. Plus tard on recon
naît son erreur. Ces messieurs sont gens d’esprit et de style; ils ont le noble goût des lettres, et s’apercevront bien, quant et quant, à l’user, de ce qui leur manque en
core. il me peinerait fort de les contrister, si mon opinion Signifiait quelque chose, maïs je suis pleinement rassuré à cet égard. Je la dis toutefois, et toujours franchement, à ceux qui me font l’honneur de me la demander; car j ai la. rage qui tenait le barbier du roi Midas : il m’est impossible de ne pas exprimer loute ma pensée;je la dirais aux roseaux même. Mais je, n ai pas, en revanche, l’amour-propre de croire qu’on doive être de mon avis, et je serais enchanté si le public el mes confrères donnaient torl à mon jugement sur les présentes œuvres de MM. Laurent-Pichat et Llbach ;
bien plus encore, si leurs futures productions justifiaient les espérances que, nonobstant mes duretés, j’aime à placer en tous deux.
AI. Henri Alürger ne s’est poinl non plus piqué d invention dans ses Biweurs d’eau. Il semble que la folle du logis soit mise pour quelque méfait à l index, Itomanesquemenl
parlant, il n’y a, pour ainsi dire, pas de sujets dans les trois saynètes qui composent le nouveau volume de l’auteur rie ta t le de Bohême et du lionhom ne Jadis. Le livre, en son ensemble, ne paraît pas avoir d’autre fin que de peindre une classe particulière et laborieuse de bohèmes qui seraient
tes Buveurs d - av. Ce ciub artistique, digne succursale de la Société de tempérance du révérend père Matthcws,
exïsle-t-il au vrai? H est probable : car à quoi bon l’ouvrage sans cela ? Mais il fait peu parler de lui, et je crains que ces ascètes du pinceau et de l’ébauchoir n obtiennent pas de si
tôt les honneurs du grand-prix de Rome ou la médaille d’or. Ils ne sont, point joyeux; ils ont même l’humeur fort aca
riâtre, el je pense que c’est l’eau (forcée) qui les a aigris à ce poinl. Singulière confrérie que celle-là, et singulière con
ception de l’auteur, si elle-est apocryphe! S’il avait voulu glorifier le travail honnête et la pauvreté (1ère, ce qui serait louable, il eût été du moins nécessaire, de les montrer ré
compensés. Mais point : Antoine demeure gueux comme Lazare, el Lazare comme. Antoine; ils restent obscurs l’un comme, l’autre. Alors, n’est-ce qu’une ironie, contre la mé
diocrité triomphante? On ne’sâit; mais si la portée du livre n’est suffisamment indiquée ni en explication ni en action, il reste à Al. Alürger le mérite singulier d’avoir du moins une forme naturelle et enjouée, beaucoup d’esprit, précieux legs des bohèmes buveurs de vin, et de la sensibilité qu’où sent vraie, et qui se passe des fleurs douteuses du lyrisme
et de la rhétorique. Mèmè pour ne s’eu pas servir, AI. Mürger crée des personnages qui vivent : de, ce nombre sont le peintre industriel Francis, homme faible et artiste médiocre,
comme il y en a tant ; le prolixe AI. Bridoux, et surtout le vieux et bourru Esculape qui raccommode la grand-mère des Buveurs d eau. Tout cela grouille et fait lire avec, in
térêt les récits de AI. Alürger, bien qu’on ne sache pas où ils vont. Un peu plus d’efforts, et cet écrivain, qui a si bril
lamment débuté, occupera, sans risque de la perdre, une des places les plus distinguées dans nos lettres. Le but vaut bien la peine d’un peu de concentration et d’étude, soit en
dehors, soit au dedans de a Bohème, sur laquelle toutefois l’auteur ne peut se flatter de vivre littérairement jusqu’à l’âge de Fonnelle.
A huitaine, connue on dit aif palais, pour une foule d’autres romans qui attendent plus ou moins patiemment leur tour d’introduction et d’audience.
Félix Mornand.
Carte de la mer d’Azof.
Ce lac intérieur d’eau salée, connu dans l’antiquité sous le nom de Palus-Atéotides, et à notre époque sous le nom
de mer d’Azof, à peine cité, par les anciens géographes, et rarement exploré par les anciens navigateurs, a acquis tout à coup une grande renommée, et, à cause de son impor
qui n’en aura pas plus d’intérêt, parce que ce sera ou un fait des plus ordinaires de. la vie, ou un fait tout individuel qui n’aura de valeur que sous l’optique gros
sissante de la personnalité, du souvenir ou de l’impression intime.
C’est, je crois, ce qui es! arrivé, à Al. Louis Ulbaeli. t! déclare son histoire vraie. C est aujourd’hui à qui n’inventéra point ; je l’en crois donc sur parole. Gela ne fait rien au lecteur. Ce qui lui importe, c’esl que l’histoire, vraie ou non, lui semble telle, et, en outre, le saisisse, l’émeuve,
l’intéresse. Le fait vrai traité par AI. l lbach est-il dans ces conditions? Il ne nous semble vraiment pas. Une espèce de double amour, de partage moral dans un cœur de jeune homme entre une fiancée charmante qu’il adore, et, — tranchons le mot, — une vieille femme— qu’il admire, ce dont celle dernière ne se console pas ; la passion tardive et croissante, puis le désespoir, et enfin l’agonie et la mort de celle-ci, voilà toute la conception, je me trompe, toute, la réalité du livre, et l’auteur a si bien de lui-même et
d’instinct jugé le peu de richesse de ce fonds-là, qu’il s’est vu contraint (Préface) d’en laire comme une sorte de symbole qu’il appelle « le duel de l’amour idéal et de l’amour des sens, » ou bien encore l opposition du « mythe de Psyché »
et rie. la légende «d’une sainte Thérèse laïque. » Tout cela,
la main sur la conscience, est un peu ambitieux, à propos de deux bourgeoises de Provins, et d’une histoire d’un in
térêt assez restreint , faite pour plaire, non à la généralité, mais surtout, si ce n’est exclusivement, à cet le classe mal
heureuse de, femmes incomprises et affligées de la maladie nerveuse que croit par intervalles avoir Suzanne Duchemin : en quoi elle ne se trompe guère.
Ce réalisme, qui consiste à repousser l invention, esl, on en conviendra, un peu simple el nu. C’est pour l’exécu
tion que Al. Llbach a réservé sa fantaisie. Ali-lyriques, mifamilières, les lettres où les divers personnages expliquent, sans agir, leurs sentiments intimes, sont les fioritures passionnées, volontiers élégantes, assez distinguées, mais in
finiment peu réelles d’un thème trop peu ample, el en même temps invraisemblable, comme l’est 1res-souvent la réalité. On n’écrit guère de celle sorte, si ce n est dans
certains romans de Al Saud, qui ne sont pas précisément ses meilleurs, et dont elle-même fait assez bon marché, et avec toute raison, dans Y Histoire de ma vie. 11 me semble que c’est le procédé inverse qu il faudrait suivre : mettre la fantaisie, c’est-à-dire, et pour parler net, l’imagination dans le plan de. son livre (on ne demande pas pour cela de fan
tastiques aventures), et dépenser son réalisme, c’est-à-dire toule la franchise possible d’exécution, dans sa mise en scène, dans la peinture au vif et au vrai de ses personna
ges. M. Llbach a, selon moi, renversé la proposition : son histoire est vraie et n’en a point l air, et ses héros qui ont vécu ont toute la mine et l’allure de personnages du roman.
Double inconvénient, et qui tient encore moins à l’absence d’invention qu’au défaut de simplicité suffisante dans le langage. Sancla simvli,citas ! mais, pour monter ou des
cendre jusqu’à toi, il faut rompre, avec les svmbolictùes, les poétiques, les manifestes et toutes mièvreries de ce genre.
Est-ce que les immortels conteurs, Le Sage, l’abbé Prévost, Bernardin de Saint-Pierre, Goldsmitli, AValler Scott, ont connu toutes ces choses-là?Est-ce à dire qu’ils n’aient rien prouvé, rien appris? Bien au contraire ; mais leurs profes
sions de foi el leurs préfaces sont tout au long écrites dans leur œuvre, et là seulement. C’esl la bonne méthode : un livre n’est pas un théorème, et ce qu’il démontre, il le doit enseigner, non par formules, mais par une impression
profonde, décisive, durable, nette, gravée dans l’àme du lecteur.
Dans sa précaution inquiète de tout défendre, de tout spécifier à l’avance, M. Llbach s’est efforcé d’établir que la forme épistolaire, celle qu’il à choisie, était la préférable, et il a cherché à prouver, d’après Balzac, què la forme dialoguée était de toutes, comme art, la plus méprisable et la plus facile. Nous ne savons où Ba zae, dont la justesse d’esprit était le moindre défaut, cl dont la clairvoyance affectait beaucoup celle de ces presbytes qui découvrent au loin ce que personne ne voit, et, en revanche, ne voient pas ce qui crève les yeux à tous, nous ne savons où Balzac, qui a tant usé de la forme dialoguée, a pris cette étrange idée-là. Je voudrais bien savoir s’il est dans l’art français quelque chose de supérieur à Molière, qui n’a que du dialogue. Il est ex
trêmement facile, je l’avoue, d’écrire de plats entretiens, mais il ne l’est pas moins d’écrire de fades lettres, et, pour nous résumer, loutes formes sont-bonnes, à la condition d’ê tre supérieurement réussies, c’est-à-dire d’exprimer exacte
ment la pensée, de rendre précisément l’effel voulu, et rien de plus.
Que Al. Llbach veuille bien me remettre toutes ces reflexions et toutes ces rigueurs. Elles lui prouveront du moins que je l’ai lu et ne le traite point vulgairement. Il y a, je le crois, chez ce jeune écrivain, l’étoffe d’un artiste; mais sa personnalité propre n’est point encore dégagée, au moins dans Suzanne Duchemin. Cela viendra, je n’en doute pas,
mais il faut laisser de côté les arguments ambitieux pour de très-petites histoires; ne pas craindre d’être inventif, alors qu’il s’agil d’inventer, et naturel, quand il faut peindre; par quoi l’auteur atteindra à tout son desideratum. : un ra
tionnel et harmonieux compromis entre ce qu’on nomme le réalisme et la fantaisie, je ne sais pourquoi aux prises.
Celte question nous a entraînés un peu loin. Orne reste bien peu d’espace pour parler ici de M. Laurent-Pichat, auteur de Cartes sur table, et de AL Alürger, auteur des Buveurs d eav. Que ces messieurs veuillent bien pour aujour
d’hui me pardonner mon laconisme forcé : à une prochaine occasion qu’ils sont bien gens à me fournir, je tâcherai de faire mieux.
AL Laurent-Pichat n’a pas émis de préface. C’est déjà-quelque chose. Mais voyez comme, la critique, « ce coureur ou cette coureuse, qui, désespérant d’atteindre au but, se couche
ment, sur les impressions d un fou. Mais ce fou est un vrai fou. Il se croit le premier ministre d’Espagne (à Saint-Péters
bourg) , et rêve, pense, agit, écrit en conséquence. Chez Gérard, rien de semblable. Il était un fou sérieux et logique dans ses excentricités les plus grandes. Il y avait duel fla
grant et perpétuel en lui entre l’insanité et la raison. Bien que, l’une l’opprimât, il la jugeait de l’autre, tour à tour s v abandonnant, tour à tour la réprimant de toutes ses forces qui finirent par y faillir, et entreprenant de la décrire connue chose naturelle, comme phénomène moral, en lui donnant
la forme translucide, sereine et rationnelle de l’art. C’est à cela qu’il échoua complètement dans Aurélie, qu’il se plai
gnait (bêlas!) de. ne pouvoir pas finir. Le désespoir le prit probablement de ne pouvoir se-tirer d une entreprise aussi fabuleuse, et le chagrin, la honte de perdre une impossible gageure, la misère aidant, le menèrent vraisemblablement où l’on sait. Puis cette ombre de comédienne qui planait sans cesse sur sa vie ravagée, et devenait plus obsessive
surtout dans les derniers temps, contribua sans doute aussi à l’appeler comme, l’abîme. Quel beau roman il y aurait à composer, mais pour un vrai et grand écrivain seulement, sur ce duel à outrance, et â mort, entre cette personnalité poétique et cette cantatrice médiocre comme femme, bien qu’au-dessus de la moyenne de sa classe, détruisant sans le v ouloir une existence supérieure, et tuant le corps après l àme, dix ans après sa propre mort !
Gérard, qui raisonnait son aliénation, par un douloureux privilège, attachait tant amour-propre a ne la point laisser soupçonner, que lui, si bienveillant, ne pardonnait point aux amis dévoués qui l’avaient vu et soigné dans ses crises trop fréquentes. Je me rappelle qu’ayant, l’année dernière, à ren
dre compte de .Silriu, un de ses plus charmants écrits, mais où le nuage final et cérébral prenait déjà des proportions inquiétantes, je comparai sa raison à un de ces ballons cap
tifs qui s’élancent vers l’infini, d’habitude et de préférence,
mais sans perdre pour cela terre. C’était tout justement à quoi il prétendait. Aussi, de tous les compliments bien méri
tés et bien sincères que je lui adressai, nul ne lui fut plus sensible. 11 me le témoigna, lui si peu prodigue d’effusion et d autographes, par une lettre où la chaleur du remercîment me prouvait combien j’avais touché juste.
il ne m’eût pas été possible de lui faire la même joie, à propos d Aurélie ou le Rêve et ta ( ie. L’équilibre, encore gardé, entre terre et ciel, dans Sihna, et quelques autres compositions récentes, est tout à fait rompu dans cette der
nière. On y sent que la fin s’avançait à grands pas, et que le dénoûmenl ne pouvait guère être autre : ou le cabanon, ou la morgue. On n’a pas eu tort, toutefois, de réunir ces pages brisées et désolées, en y réunissant quelques autres productions de l’auteur. Elles resteront comme une triste curiosité littéraire. On ferait mieux pourtant, et je m’é
tonne que ce n’ait point encore eu lieu, d éditer ses Nuits de Paris, publiées dans ce recueil même, en y adjoignant les quelques dernières impressions vagabondes que je rappelais tout à l’heure. On aurait là un volume bizarre et éton
nant, où ne se trouverait juste de singularité que ce qu il en faut pour créer la fantaisie (la vraie), juste aussi le grain de folie indispensable à l’artiste.
Le nom susmentionné de la Revue de Paris m’amène à dire quelques mots trop sucrints de l’œuvre, récente de deux ries écrivains, de deux des directeurs de ce recueil.
Suzanne Dvc’ emin, par AI. Louis Llbach, est un roman par lettres, précédé d’une Préfacé à mon gré un peu so
lennelle, bien que j’en approuve extrêmement les tendances et la devise : « L’art doit être utile! c’est la règle, suprême. »
Puis, ni fantaisie ni réalisme, outrés. C est le juste pendant du tlès-juste mot d’ordre philosophique: «Ni scepticisme, ni panthéisme. »
Mais, de même que la grammaire se fait d’après les chefsd œuvre, non les chefs-d’œuvre d’après les grammaires
et les arts poétiques, de même ces espèces de manifestes par lesquels une génération littéraire annonce qu’elle en va démolir une autre ne sont pas des plus probants. La dé
monstration d un art nouveau se tire assez facilement de
l’œuvre, pourvu qu’elle soit éminente; mais il faut que celleci précède. Ce n’est même pas un procédé fort habite que de
crier au public :C.are! Attention! On va vous en percer d’une autre. Si peu intelligent qu’il soit quelquefois, si pa
resseux qu’il soit toujours, il n’y a pas besoin de lui frotter l’oreille avec tant de. vessies emmanchées de. bâtons, et, si le
mets nouveau est excellent, il s en apercevra bien, de luimême.
Je dis cela en général, parce que messieurs de, la Revue de Paris, qui oih le beau défaut d’être fougueux et jeunes, me paraissent un peu prodigues de préfaces et de pro
grammes. Nous ne les blâmons point de vouloir rénover,
tant s’en faut; mais pas tant de fanons et d’étendards, que nous ne pouvons suivre sur parole : prenez tout bonne
ment le flambeau de, l’exemple, du talent et du succès, et veuillez bien marcher devant.
Pour en revenir à M. Llbach, son livre est beaucoup plus réaliste, et en même temps beaucoup plus fantaisiste qu’il ne le croit. Est-ce à dire qu’il ait réuni tous les points? Ce n’est pas ma pensée, je l’avoue, et je m’en explique.
Le realis ne, tel qu’en effet on le pratique beaucoup trop aujourd hui, ne consiste point précisément, ni surtout ab
solument, à peindre des canards dans une mare, du fu
mier dans une cour, ou autre sujet ignoble : il consiste à prendre un fait vrai, un fait crû, dont on a été témoin ou acteur, et que l on croit, parce qu’il nous a frappé, tout propre à émotionner l’univers. Ce que M. Courbet, souvent mieux inspiré, pense voir dans le dos d’une grosse baigneuse sale, on peut aussi l’imaginer trouver dans un ordre do choses ou d’idées beaucoup plus relevé, mais
en travers du chemin pour empêcher les autres d’arriver » (connue disait l’autre jour un jeune, romancier bien peu content, et, il est vrai, n’ayant guère sujet de l’être), voyez
comme la critique a l’esprit tortu. ,l’aurais souhaité, non pas une esthétique en règle, mais un petit, bout de préface, un tout petit malheureux bout, en tète de Cartes sur table, pour m’en expliquer le dessous. Je ne. comprends pas très-bien ce titre alambiqué du Bourgeois fantôme, l’une des cartes mi
sés sur table, ni même très-bien non plus celui du Secret de Polichxn-llê, sous lequel s’annonce le principal récit, la carte triple, le brelan carré du volume. La faute en est sans doute à mon intelligence. Diable d affaire au reste que
le choix d’un titre, ou d un joli nom de baptême ! Ne prenons pas garde à cela. Le S eretde Polichinelle, donc, est l’his
toire, qui me semble fort réaliste aussi, d un jeune homme investi tout à. coup d’une fortune considérable, et ayant à
lutter, s il luttait, contre toutes les avidités de la terre. Le sujet n est pas neuf, et c’est bien, à ce titre, un sujet de Po
lichinelle. Mais le détail a de la distinction et ne manque pas parfois de ce naturel qui est à nos yeux la qualité suprême.
Seulement les personnages discourent trop : on aimerait à les voir plus agir, sauf a jaser un peu moins. La fable est longue, parfois un peu confuse; elle n’aboutit pas, et l’on ne voit pas de dénoûmenl qui satisfasse. Le défaut de com
position est sensible; et l’on cherche en vain ce qu’a voulu
prouver l’auteur. A-t-il conté pour conter, ou exhaler des souvenirs? Je l’ignore; mais la science me, paraît lui avoir manqué pour élever ses contes ou souvenirs à la hauteur de l’art. Le tableau n est guère qu’une ébauche, un projet infiniment développé. Il se rattache à la manière de. Balzac, qui me semble avoir déteint sur M. Laurent-Pichat, comme U lia et Jacques sur AI. Llbach. On croit souvent créer dans la jeunesse, alors qu’on ne fait que suivre de. loin. La vanité des oriflammes n’a qu’un temps. Plus tard on recon
naît son erreur. Ces messieurs sont gens d’esprit et de style; ils ont le noble goût des lettres, et s’apercevront bien, quant et quant, à l’user, de ce qui leur manque en
core. il me peinerait fort de les contrister, si mon opinion Signifiait quelque chose, maïs je suis pleinement rassuré à cet égard. Je la dis toutefois, et toujours franchement, à ceux qui me font l’honneur de me la demander; car j ai la. rage qui tenait le barbier du roi Midas : il m’est impossible de ne pas exprimer loute ma pensée;je la dirais aux roseaux même. Mais je, n ai pas, en revanche, l’amour-propre de croire qu’on doive être de mon avis, et je serais enchanté si le public el mes confrères donnaient torl à mon jugement sur les présentes œuvres de MM. Laurent-Pichat et Llbach ;
bien plus encore, si leurs futures productions justifiaient les espérances que, nonobstant mes duretés, j’aime à placer en tous deux.
AI. Henri Alürger ne s’est poinl non plus piqué d invention dans ses Biweurs d’eau. Il semble que la folle du logis soit mise pour quelque méfait à l index, Itomanesquemenl
parlant, il n’y a, pour ainsi dire, pas de sujets dans les trois saynètes qui composent le nouveau volume de l’auteur rie ta t le de Bohême et du lionhom ne Jadis. Le livre, en son ensemble, ne paraît pas avoir d’autre fin que de peindre une classe particulière et laborieuse de bohèmes qui seraient
tes Buveurs d - av. Ce ciub artistique, digne succursale de la Société de tempérance du révérend père Matthcws,
exïsle-t-il au vrai? H est probable : car à quoi bon l’ouvrage sans cela ? Mais il fait peu parler de lui, et je crains que ces ascètes du pinceau et de l’ébauchoir n obtiennent pas de si
tôt les honneurs du grand-prix de Rome ou la médaille d’or. Ils ne sont, point joyeux; ils ont même l’humeur fort aca
riâtre, el je pense que c’est l’eau (forcée) qui les a aigris à ce poinl. Singulière confrérie que celle-là, et singulière con
ception de l’auteur, si elle-est apocryphe! S’il avait voulu glorifier le travail honnête et la pauvreté (1ère, ce qui serait louable, il eût été du moins nécessaire, de les montrer ré
compensés. Mais point : Antoine demeure gueux comme Lazare, el Lazare comme. Antoine; ils restent obscurs l’un comme, l’autre. Alors, n’est-ce qu’une ironie, contre la mé
diocrité triomphante? On ne’sâit; mais si la portée du livre n’est suffisamment indiquée ni en explication ni en action, il reste à Al. Alürger le mérite singulier d’avoir du moins une forme naturelle et enjouée, beaucoup d’esprit, précieux legs des bohèmes buveurs de vin, et de la sensibilité qu’où sent vraie, et qui se passe des fleurs douteuses du lyrisme
et de la rhétorique. Mèmè pour ne s’eu pas servir, AI. Mürger crée des personnages qui vivent : de, ce nombre sont le peintre industriel Francis, homme faible et artiste médiocre,
comme il y en a tant ; le prolixe AI. Bridoux, et surtout le vieux et bourru Esculape qui raccommode la grand-mère des Buveurs d eau. Tout cela grouille et fait lire avec, in
térêt les récits de AI. Alürger, bien qu’on ne sache pas où ils vont. Un peu plus d’efforts, et cet écrivain, qui a si bril
lamment débuté, occupera, sans risque de la perdre, une des places les plus distinguées dans nos lettres. Le but vaut bien la peine d’un peu de concentration et d’étude, soit en
dehors, soit au dedans de a Bohème, sur laquelle toutefois l’auteur ne peut se flatter de vivre littérairement jusqu’à l’âge de Fonnelle.
A huitaine, connue on dit aif palais, pour une foule d’autres romans qui attendent plus ou moins patiemment leur tour d’introduction et d’audience.
Félix Mornand.
Carte de la mer d’Azof.
Ce lac intérieur d’eau salée, connu dans l’antiquité sous le nom de Palus-Atéotides, et à notre époque sous le nom
de mer d’Azof, à peine cité, par les anciens géographes, et rarement exploré par les anciens navigateurs, a acquis tout à coup une grande renommée, et, à cause de son impor
tance politique, il est devenu un des points les plus inté
qui n’en aura pas plus d’intérêt, parce que ce sera ou un fait des plus ordinaires de. la vie, ou un fait tout individuel qui n’aura de valeur que sous l’optique gros
sissante de la personnalité, du souvenir ou de l’impression intime.
C’est, je crois, ce qui es! arrivé, à Al. Louis Ulbaeli. t! déclare son histoire vraie. C est aujourd’hui à qui n’inventéra point ; je l’en crois donc sur parole. Gela ne fait rien au lecteur. Ce qui lui importe, c’esl que l’histoire, vraie ou non, lui semble telle, et, en outre, le saisisse, l’émeuve,
l’intéresse. Le fait vrai traité par AI. l lbach est-il dans ces conditions? Il ne nous semble vraiment pas. Une espèce de double amour, de partage moral dans un cœur de jeune homme entre une fiancée charmante qu’il adore, et, — tranchons le mot, — une vieille femme— qu’il admire, ce dont celle dernière ne se console pas ; la passion tardive et croissante, puis le désespoir, et enfin l’agonie et la mort de celle-ci, voilà toute la conception, je me trompe, toute, la réalité du livre, et l’auteur a si bien de lui-même et
d’instinct jugé le peu de richesse de ce fonds-là, qu’il s’est vu contraint (Préface) d’en laire comme une sorte de symbole qu’il appelle « le duel de l’amour idéal et de l’amour des sens, » ou bien encore l opposition du « mythe de Psyché »
et rie. la légende «d’une sainte Thérèse laïque. » Tout cela,
la main sur la conscience, est un peu ambitieux, à propos de deux bourgeoises de Provins, et d’une histoire d’un in
térêt assez restreint , faite pour plaire, non à la généralité, mais surtout, si ce n’est exclusivement, à cet le classe mal
heureuse de, femmes incomprises et affligées de la maladie nerveuse que croit par intervalles avoir Suzanne Duchemin : en quoi elle ne se trompe guère.
Ce réalisme, qui consiste à repousser l invention, esl, on en conviendra, un peu simple el nu. C’est pour l’exécu
tion que Al. Llbach a réservé sa fantaisie. Ali-lyriques, mifamilières, les lettres où les divers personnages expliquent, sans agir, leurs sentiments intimes, sont les fioritures passionnées, volontiers élégantes, assez distinguées, mais in
finiment peu réelles d’un thème trop peu ample, el en même temps invraisemblable, comme l’est 1res-souvent la réalité. On n’écrit guère de celle sorte, si ce n est dans
certains romans de Al Saud, qui ne sont pas précisément ses meilleurs, et dont elle-même fait assez bon marché, et avec toute raison, dans Y Histoire de ma vie. 11 me semble que c’est le procédé inverse qu il faudrait suivre : mettre la fantaisie, c’est-à-dire, et pour parler net, l’imagination dans le plan de. son livre (on ne demande pas pour cela de fan
tastiques aventures), et dépenser son réalisme, c’est-à-dire toule la franchise possible d’exécution, dans sa mise en scène, dans la peinture au vif et au vrai de ses personna
ges. M. Llbach a, selon moi, renversé la proposition : son histoire est vraie et n’en a point l air, et ses héros qui ont vécu ont toute la mine et l’allure de personnages du roman.
Double inconvénient, et qui tient encore moins à l’absence d’invention qu’au défaut de simplicité suffisante dans le langage. Sancla simvli,citas ! mais, pour monter ou des
cendre jusqu’à toi, il faut rompre, avec les svmbolictùes, les poétiques, les manifestes et toutes mièvreries de ce genre.
Est-ce que les immortels conteurs, Le Sage, l’abbé Prévost, Bernardin de Saint-Pierre, Goldsmitli, AValler Scott, ont connu toutes ces choses-là?Est-ce à dire qu’ils n’aient rien prouvé, rien appris? Bien au contraire ; mais leurs profes
sions de foi el leurs préfaces sont tout au long écrites dans leur œuvre, et là seulement. C’esl la bonne méthode : un livre n’est pas un théorème, et ce qu’il démontre, il le doit enseigner, non par formules, mais par une impression
profonde, décisive, durable, nette, gravée dans l’àme du lecteur.
Dans sa précaution inquiète de tout défendre, de tout spécifier à l’avance, M. Llbach s’est efforcé d’établir que la forme épistolaire, celle qu’il à choisie, était la préférable, et il a cherché à prouver, d’après Balzac, què la forme dialoguée était de toutes, comme art, la plus méprisable et la plus facile. Nous ne savons où Ba zae, dont la justesse d’esprit était le moindre défaut, cl dont la clairvoyance affectait beaucoup celle de ces presbytes qui découvrent au loin ce que personne ne voit, et, en revanche, ne voient pas ce qui crève les yeux à tous, nous ne savons où Balzac, qui a tant usé de la forme dialoguée, a pris cette étrange idée-là. Je voudrais bien savoir s’il est dans l’art français quelque chose de supérieur à Molière, qui n’a que du dialogue. Il est ex
trêmement facile, je l’avoue, d’écrire de plats entretiens, mais il ne l’est pas moins d’écrire de fades lettres, et, pour nous résumer, loutes formes sont-bonnes, à la condition d’ê tre supérieurement réussies, c’est-à-dire d’exprimer exacte
ment la pensée, de rendre précisément l’effel voulu, et rien de plus.
Que Al. Llbach veuille bien me remettre toutes ces reflexions et toutes ces rigueurs. Elles lui prouveront du moins que je l’ai lu et ne le traite point vulgairement. Il y a, je le crois, chez ce jeune écrivain, l’étoffe d’un artiste; mais sa personnalité propre n’est point encore dégagée, au moins dans Suzanne Duchemin. Cela viendra, je n’en doute pas,
mais il faut laisser de côté les arguments ambitieux pour de très-petites histoires; ne pas craindre d’être inventif, alors qu’il s’agil d’inventer, et naturel, quand il faut peindre; par quoi l’auteur atteindra à tout son desideratum. : un ra
tionnel et harmonieux compromis entre ce qu’on nomme le réalisme et la fantaisie, je ne sais pourquoi aux prises.
Celte question nous a entraînés un peu loin. Orne reste bien peu d’espace pour parler ici de M. Laurent-Pichat, auteur de Cartes sur table, et de AL Alürger, auteur des Buveurs d eav. Que ces messieurs veuillent bien pour aujour
d’hui me pardonner mon laconisme forcé : à une prochaine occasion qu’ils sont bien gens à me fournir, je tâcherai de faire mieux.
AL Laurent-Pichat n’a pas émis de préface. C’est déjà-quelque chose. Mais voyez comme, la critique, « ce coureur ou cette coureuse, qui, désespérant d’atteindre au but, se couche