courcit la tige à volonté. Le pelloir ou avant-soc. marche, comme son nom l’indique, en avant du contre et du grand soc et du grand versoir. Il a pour travail de lever et verser à gauche une très-petite tranche de gazon, que. la large et profonde tranche de terre levée ensuite par le grand versoir viendra recouvrir en versant dans le sens opposé. C’est une manière préliminaire de tâter légèrement et d’attaquer le sol avant l’action décisive : cela contribue beaucoup à assurer la régularité d’un labeur. Le pelloir est adopté pres
que généralement en Angleterre et en Belgique ; c’est bien à tort qu’il est très-rarement employé en France : on évite, ainsi les bavures qui déshonorent un sillon, et l’on prépare au coutre et au grand soc un terrain libre, de ces mille or
dures qui trop souvent s’attachent à eux, leur formant une enveloppe maudite dont le laboureur ne parvient à les dé
barrasser qu’en arrêtant l’attelage, en quittant les mancherons de la charrue et en perdant beaucoup de temps.
L’opinion des laboureurs français, et même celle de hauts personnages agronomes, et notamment deM. de Gasparin,
s’est montré surtout favorable à une charrue de VI. Bin— gham, fabriquée dans le haut Canada, et qui ressemble, beaucoup aux charrues anglaises. Elle est très-fine et trèslégère de forme ; les mancherons sont Beaucoup plus longs qu’à l’ordinaire, ce qui rend la charrue plus facile à ma
nier à cause de la longueur des bras du levier. — Les Américains ne tarderont pas à être en mécanique les professeurs de la vieille Europe.
En voyant la belle construction si soignée de ces charrues dont toutes les pièces sont en fer, ce qui leur donne, à la fois plus de solidité et de légèreté, on se prend à regret
ter que notre législation sur les fers ne nous permette pas d’obtenir cet le matière première à meilleur marché. Ce serait cependant là la base indispensable pour tout, perfec
tionnement à introduire dans les instruments-de l’agriculture.
Les charrues anglaises étaient pourvues d’un avant-train léger, qui le plus souvent ne s’emploie pas; partout où le laboureur a quelque habileté, il préfère le supprimer, et les charrues fonctionnent le plus ordinairement comme araires.
Le concours de Trappes a de nouveau mis en relief avec la plus grande évidence les avantages de l’araire sur la charrue à avant-train. L’araire est plus économique dans sa construction, plus solide, et dépense moins de force pour la traction : on a calculé qu en adoptant son usage, on pourrait supprimer dans nos fermes le tiers des animaux de tra
vail. — C’est avec l’araire qu’on fait le meilleur labour, un labour irréprochable. —· Malheureusement l’araire exige d’abord un constructeur habile, et ensuite un conducteur toujours attentif.
L’araire exige une construction savante, une harmonie parfaite dans toutes ses parties. Une charrue à avant-train ,
d’une construction défectueuse, marchera mal, mais elle marchera ; tandis qu’un araire dont Page est trop long ou trop court, trop haut ou trop bas, dont le soc plonge ou se relève, n’ira pas l’espace de dix mètres sans qu’on soit obligé d’arrêter. 11 en résulte que la charrue à avant-train peut être faite par le premier charron venu ; mais que pen
dant longtemps encore, la construction des araires ne pourra être entreprise que dans les grandes fabriques.
L’afaire n’exige pas de la part du conducteur plus de force, ainsi qu’on s’est plu quelquefois à le dire, car on voit, dans les fermes-écoles et dans les colonies d’enfants, l’araire conduite avec la plus grande facilité par des ouvriers de treize, a quinze ans ; mais cet ouvrier doit être constamment attentif à sa besogne, et voilà ce qu’on aura peine à obtenir d’ouvriers qui auront débuté par la charrue à avant-train, derrière laquelle ils se sont habitués à marcher en flâneurs, rêvant à toute autre chose qu’au sillon qu’ils doivent tracer.
L’araire s’introduit sans la moindre opposition dans les pays neufs, où il n’y a pas d anciennes habitudes dé paresse ou
d’insouciance à vaincre. Les Américains, qui ne visaient qu’à bien faire, et qui avaient le choix entre les deux systèmes, n’ont pas hésité un moment pour adopter l’araire.
Pendant que les charrues manœuvraient sur un point de la propriété de AI. Dailly, on conduisait vers un endroit plus éloigné la faneuse anglaise de M. Smith, qui esl une vieille connaissance pour les curieux qui ont assisté il y a quelques années aux expériences faites sur les champs de l’Institut agronomique de Versailles. Elle a fonctionné, cette fois aussi bien que je l’avais vu fonctionner souvent sous la conduite des élèves. Cette, machine est inscrite dans le ca
talogue officiel de l’Exposition, sous le litre de machine à faucher le foin. Il faut se défier beaucoup des catalogues et du numérotage au palais de l’Industrie. Cette machine de M. Smith est un perfectionnement d’une machine inventée, dès 1816, par AI. Robert Salmon de \\ olmr», dont la Mai
son rustique du dix-neuvième siècle a donné la description.
C’était, dans le principe, une carcasse de cylindre armée de râteaux, et tournant autour de l’essieu des deux roues qui supportent l’appareil. Dans la faneuse de M. Smith, la char
pente cylindrique, qui porte les râteaux est divisée en deux parties de 1 mètre de long, qui ont chacune un mouvement indépendant. Une roue d’engrenage, placée contre le moyeu des roues, communique le mouvement de rotation aux deux cylindres. — Chaque cylindre a huit barres sur lesquelles sont fixés, à l aide de ressorts, des râteaux qui ont cinq dents : ce, qui fait en tout seize, râteaux portant ensemble quatre-vingts dents.—Les ressorts cèdent lorsque le terrain présente, des inégalités. — On peut régler à volonté la di
stance des dents par rapport à la terre. ·— Les moyeux communiquent à l’appareil un mouvement en sens contraire de celui des roues, de manière que les dents rasent le sol d’avant en arrière ; elles étendent et séparent les brins du fourrage, après les avoir vivement soulevés. — A Trappes, on a calculé qu’en moins de deux heures la machine ferait le même ouvrage qu’un homme en vingt-quatre heures. —
Comme ordinairement l’on emploie à ce travail les bras plus faibles de femmes et d’enfants, on peut dire que la ma
chine fait le. travail de vingt faneuses. En Angleterre, il arrive souvent qu’au lieu de la conduire avec un seul cheval et au pas, on y attelle deux chevaux que l’on fait trotter en conduisant en postillon. — Elle coûte 420 francs.
Pour rassembler le foin après qu’il a été fané, les Anglais ont plusieurs appareils, parmi lesquels nous citerons le râteau à dents d’acier de AI. Iloward, qui semble le plus estimé par leur société centrale d’agriculture. Le râteau, supporté sur deux roues basses et traîné par un cheval, ressemble à un long peigne dont les dents ont une légère courbure. A l’aide d’une charnière et d’un quart de cercle , on peut modifier là manière de ratisser, faire agir les poin
tes plus verticalement, ou appuyer plus ou moins sur le terrain. La barre de traverse, sous les dents, est disposée de façon à suivre toutes les ondulations du terrain. La charpente est en fer forgé ; les dents sont mobiles et indépen
dantes. Cet instrument peut être livré à 212 francs. — Nous
avons en France plusieurs inventions du même genre et depuis longtemps ; seulement elles ont peine à s’introduire dans la pratique.
A Trappes a fonctionné aussi une de nos vieilles connaissances , le rouleau piocheur de M. Guihal, ce lourd cylin
dre garni de fortes dents, ou, à vrai dire, de pioches, qui se creuse son chemin dans le sol avec une puissance incroyable. L’Illustration a donné le dessin, il y a plusieurs années, de sa dé fonceuse, qui portait l’idée primitive. Le rou
leau Guibal menace décidément de détrôner la pioche ; et, ce qui est plus curieux encore, voici que la bêche ellemême, ce vieil instrument qui date probablement d’avant le déluge, et que nos peintres ne manquent jamais de pla


cer dans les mains d’Abel, la bêche va céder le pas à la fourche.


En Angleterre, l’usage de la bêche tend chaque jour à disparaître : les fourches en acier Font remplacée partout. Elles ont l’avantage d’être fort légères, de pénétrer avec moins d’effort dans la terre, et de. faire, dans les terrains compactes ou gazonnés, plus d’ouvrage que la bêche. La poi
gnée a toujours un œil creusé dans le manche de l’outil, ce qui en rend le maniement plus facile. — Heureuse An
gleterre, où le fabricant d’outils agricoles se procure le fer et l’acier à bon marché ! Nos cultivateurs devraient avoir pour refrain ordinaire, lorsqu’ils s’adressent à l’administration : « Faites que nous ayons le fer à un prix raisonna
ble. n C’est là un des principaux éléments de la question du progrès agricole. SAINT-GERMAIN LEDUC.
Exposition universelle de l’industrie (1).
LES COLONIES FRANÇAISES.
Nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter au Moniteur de ta Flotte cette revue de l’Exposition des colonies françaises. C’est un sujet qui ne pouvait être mieux traité que. par cette, feuille spécialement consacrée à nos intérêts maritimes et coloniaux :
« Quand, en entrant dans la galerie-annexe par le côté le plus voisin du pont de la Concorde, on a traversé le tiers à peu près de cette belle avenue, surmontée d’un élégant dôme vitré, et qu’au milieu de mille machines, voitures, instru
ments, produits de toute nature, on a traversé tour à tour l’Angleterre, 1e. Canada, la Guyane anglaise, l’Amérique, la Belgique, une partie de la France, après avoir dépassé la re
présentation monumentale de l’exploitation des mines d’Anzin, et avant d’arriver à la riche exhibition de notre Algérie, on se trouve tout d’un coup devant un charmant bazar dont les vitrines élégantes, les tables et les étagères disposées avec goût, et l’ornementation générale, à la fois simple et gracieuse, vous arrêtent et vous attirent.
« Arrêtons-nous donc ; nous voici au milieu de nos établissements d’outre-mer, en face du contingent de notre ex
position coloniale; c’est dans ces quelques mètres carrés que sont groupés les principaux produits de nos Antilles, de la Guyane, de la Réunion, du Sénégal, de l’Inde et de l’O­ céanie.
« Avant d’examiner les détails, donnons un coup d’œil à l’ensemble :
« Devant nous, au milieu de la galerie, s’avance, comme une. sorte de promontoire, une grande et vasle table ovale, aux deux extrémités de laquelle, s’élance un portique original formé par quatre énormes défenses d’éléphants. Ces dé
fenses, envoyées par le Gabon, sont, disons-le tout de, suite, une des curiosités de la galerie-annexe. Cette grande table est divisée en quantité de pupitres vitrés qui renferment du
sucré de toutes les nuances et de toutes les colonies, du café, du chocolat, de la vanille, de l’indigo, de la gomme, de
la casse, du savon, du caoutchouc, de la cire, des bijoux sénégalais, et enfin un premier aperçu de la variété des produits de nos établissements d’outre-mer; au-dessus de ces casiers, qu’une inclinaison vers le sol permet de contem
pler à l’aise, et tout autour de, la table, règne une double étagère.
« Là, mille flacons, bouteilles, bocaux de, grandeurs et de formes différentes, vous présentent une foule de liqueurs co
loniales extraites delà canne ou des fruits inter tropicaux ; le tout est agréablement dominé par un massif rectangulaire, qui, s’élevant à la manière des terrasses italiennes, traverse la table dans le sens de sa longueur et l’arête de l’édi
fice; à chacun des deux bouts du rectangle figurent deux divinités indiennes, l’une en bois doré, l’autre en marbre, et dont la figure ébahie, la pose originale, semblent refléter le sentiment qu’inspirerait le spectacle, auquel ils assistent à leurs fervents disciples des bords de la rivière Gingy, de l’Arselar ou du Cavéry.
« Entre ces deux divinités, une singulière embarcation, avec son gréement et sa voilure rustique, nous donne une idée exacte, prise sur nature, des pirogues dans lesquelles


les noirs de File de la Réunion vont faire la pêche à des distances tissez grandes de la côte.


« Certes, ce premier reposoir de l’exposition coloniale exhibe une agréable collection de quelques-unes de nos richesses coloniales.
Ce n’est pas tout, cependant, et nous ne sommes qu’à la préface.
« A droite et à gauche de cet édifice principal, et séparées de lui par l’allee ouverte aux visiteurs, quatre grandes vi
trines s’offrent de chaque côté à nos regards, précédées aux quatre coins de ce quadrilatère par quatre trophées d’armes de l’Inde, du Sénégal, de la Guyane, etc. Elles sont séparées entre elles : les deux de gauche par une gracieuse sta
tue de l’impératrice Joséphine, due à l’habile ciseau de M. Du Bray, et celles de droite par un élégant bahut en
voyé par File de. la Réunion, sculpté par un artiste de la Colonie et avec dubois de la colonie; c’est là assurément un produit local, et il ne déparerait pas l’exhibition de Tahan.
« Dans les premières vitrines de gauche , nous apercevons une charmante collection de fruits coloniaux imités en cire avec une rare perfection, par M. Grimaud, de File de la Réunion, dans la seconde sont étendues avec, beaucoup d’art des étoffes fabriquées dans quelques-unes de nos co
lonies, et au milieu desquelles on distingue de beaux boubous sénégalais, sortes de chlamydes tissées d’or et de soie qui enveloppent les guerriers noirs de la tête aux pieds.
« A droite, de nombreux échantillons de tabacs en carottes ou en cigares, un charmant coffret en bois de. l’Inde, des manches de couteaux en dents d’éléphant, des étoffes, etc., meublent les deux grandes vitrines.
« Ces quatre vitrines (les deux de droite comme les deux de gauche) sont adossées à une autre partie du domaine co
lonial, qui correspond à l’espace placé sous l’espèce de bal


con qui court, on le sait, des deux côtés de l’annexe, d’un bout à l’autre de l’édifice.


« Contournons donc la statue de l’impératrice Joséphine, et doublons le trophée qui sert de. borne miliaire de ce. côté ; nous retrouvons dans cette, nouvelle enceinte la même disposition que dans la région que nous venons de quitter; seulement l’élévation de cette partie de l’édifice est moins grande, puisqu’on y a prélevé le balcon dont nous parlions tout à l’heure.
« C’est donc comme dans une espèce A’entre-pont ou de batterie de navire, avec de véritables sabords, que nous entrons.
« A notre droite, adossée aux deux vitrines de. l’allée du milieu et à la statue de l’impératrice Joséphine, une longue, table nous présente, une variété infinie de conserves de fruits de la Martinique et de, la Guadeloupe, puis du coton de toutes nuances, puis des conserves encore, et au-dessus un
élégant trophée composé exclusivement d’armes pacifiques et agricoles. On y voit, en effet, de magnifiques cannes à
sucre ; les plus belles proviennent de la plus jeune de nos colonies, de Mayotte; des cocos, des bambous, un métier à tisser du Sénégal, remarquable par sa simplicité ; des fils et filaments de toute nature, etc.
« Si nous nous retournons maintenant, nous trouvons de, nouvelles richesses en denrées coloniales : la fable qui nous fait face contient, en effet, du sucre, du café, des fruits con
servés, un ingénieux modèle de la belle sucrerie du Gol (à la Réunion); puis de l’autre côté, et appuyées au mur, deux élégantes tentes nous offrent ces charmants pagaras, ces jolies petites futilités en paille, en grains ou en coquillages, puis un nouveau contingent de, liquides coloniaux, tafias, aracks, vin de. canne.
« A l’étage qui domine cette galerie, même répétition dans la disposition des lieux, et un assortiment des plus va
riés d’objets de toilette de l’Océanie, de curiosité de la Guyane, etc.
« Traversons maintenant l’édifice dans le sens de sa largeur, et, en passant de nouveau devant les deux plus belles défenses d’éléphant qu’il soit possible d’imaginer, nous retrouvons, dans une seconde batterie éclairée par deux vé
ritables sabords (car nous sommes de nouveau ici sous le balcon, sous la galerie qui va d’un bout à l’autre de l’édi
fice en séparant sa hauteur en deux étages), une disposition analogue à celle que nous venons de quitter; c’est-à-dire, une grande table qui sépare l’espace en deux ; cette table réunit une collection fort curieuse des bois des colonies, collection à laquelle la Guyane, n’a envoyé malheureusement qu’un faible et incomplet échantillon, elle dont les ressources, en pareille matière, sont si considérables.
« D’un côté de ce groupe, auquel les connaisseurs font de. longues visites, nous trouvons adossé au buffet sculpté de File de la Réunion et aux vitrines qui l’entourent, un nouveau contingent de coton, de graines et d’écorces pro
pres à la médecine ou à la teinture ; puis, de l’autre côté , deux tentes aussi élégantes que celles que nous avons vi
sitées dans l’autre batterie nous présentent, des poteries, des objets fondus par les jeunes Malgaches qu’élèvent nos mis
sionnaires ; de superbes peaux, au milieu desquelles se fait remarquer une magnifique peau de singe à soie longue comme celle d’un griffon ; lin énorme tronc d’arbre pétrifié, etc., etc.
« Mais nous nous arrêtons. Cette énumération est déjà longue, et cependant elle est loin d’être complète : ce n’est, du reste, qu’une sorte d’introduction, car nous nous proposons de prendre une, à une nos colonies, et nous com
mencerons par la Martinique dans l’un de nos prochains numéros.
« Mais, avant d’arriver à ces intéressants détails, jetons encore un dernier coup d’œil à l’ensemble ; et nous en tirerons, dès à présent, la conviction que les colons sont dignement représentés à l’Exposition universelle.
« Quand on songe à ce qu’il a dû falloir de soins, de .persévérance, de prévoyance et de ténacité pour triompher’des
mille obstacles que devaient nécessairement rencontrer les(1) Voir les numéros 638, 640, 643, 644, 645, 646, 647, 648 et 649.