ruse Flamand le vendit 600 ëcus.
De notre temps, où l’on cherché à renouveler la con
ception de toutes choses, on a voulu contester la réa
lité des genres en peinture, et prétendre qu il n’y avait poinld’autre division à faire que celle entre la bonne et la mauvaise peinture. Nous accordons que l’on conteste la justesse des termes de peinture d’histoire, de gen
re, etc., expressions mal faites et qui manquent de clarté et de précision com
me presque tout le langage de l’art; mais, quelles que soient les dénominations qu’on adopte, il faut recon
naître qu’il y a une grande peinture, ou l’on vise à la beauté idéale, et une petite ayant pour but, excessivement variable, tantôt l’imi
tation de la nature, tantôt tels ou tels agréments d’as
pect qui ne tiennent qu’à des qualités secondaires.
La grandeur géométrique de la toile reste tout à fait en dehors de cette estima
tion. La. toute petite toile du palais Pitti, où Raphaël a peint la Vision d’Ezéchiel, est de la grande et idéale peinture ; une foule de
grandes toiles, au contraire, ne sont que de la très-petite peinture de genre. N’effaçons pas des limites légitimes,
et ne confondons pas des choses qui sont profondément séparées. D’un côté, à ne comparer de part et d’autre que des clfcfs-d’œuvre, est ce qu’il y a de sain, de puis
sant, d’élevé, de Civilisateur; de l’autre, ce qui, sans élever l’àme, caresse le sentiment, charme la pensée, ou simplement récrée et séduit les yeux. Ces deux formes se sont trouvées en regard dans l’histoire de l’art moderne
avec une incontestable supériorité : l’une est celle de la peinture italienne; l’autre constitue presque uniquement la peinture flamande et hollandaise. L’école française, à son tour, développe dans le genre proprement dit une grande variété de talents et de manières. Nous allons le suivre à l’Exposition universelle, à travers ses manifestations si diverses, et lui apporter toute notre attention, malgré le caractère secondaire de cette forme de l’art, parce qu’elle répond bien aux besoins de la société moderne et qu’elle s’a
dapte merveilleusement à ses sentiments et à ses caprices. Yvant d’arriver aux peintres réalistes et populaires, nous rencon
trons d’abord une petite troupe errante sur les confins des deux gen
res et que nous désignerons sous le nom de fantaisistes.·1
LES FANTAISIS TES. — En tète de cette petite é- cole nous nom
merons M. IIamon, talent fin, ingénieux, et qui a acquis de la po
pularité par deux compositions ex
posées aux Salons de 1852 et 1853 : la Comédie hu
maine et Ma sœur n’y estpas.
La première de
ces compositions réalise en peinture ce qu’on dé
signe sous le nom il’humour en littéral lire; cet indéfinissable mé
lange de naïveté, de délicatesse, de sérieux et do frivolité, qui semble ne faire qu’ef
fleurer la pensée, cl, en excitant celle d’autrui, caché celle de l’auteur sous le masque de l’ironie.
Dans cette légère peinture, presque monochrome, où les ligures sont plutôt indiquées
Salon de 1855. — Henri III et le duc de Guise, tableau par M. Comte.
que peintes, l’artiste, on le sait, a représenté un petit théâtre de Guignol, antique; et les marionnettes, au lieu de polichinelle et du diable, nous montrent Minerve por
tant sa lance avec la maladresse brutale du héros calabrais,
et victorieuse de l Amour pendu à une potence, et de Bacchus, assommé et les bras pendants sur le devant du théâ
tre. Une troupe de marmots, et parmi eux Socrate, assistent à la représentation. A droite du théâtre s’avancent les poêles; à gauche, les guerriers. Dans un coin est Diogène, te
nant en main sa lanterne et qui retourne à son tonneau, n’ayant pas trouvé un homme. Nous n insisterons pas da
vantage sur ce tableau de M. Ilainon ; il a été reproduit dans l Illustration du 8mai 1852; et nous avons proposé notre interprétation de cette œuvre singulière qui manque de clarté sous le rapport de l’idée et pèche par insuffisance sous le rapport pittoresque, mais qui, nonobstant toutes les bonnes raisons que, peut lui objecter la critique, en a par devers elle une suffisante de consolation : elle intéresse et elle plaît. — L’autre composition : Ma sœur n’y est pas, a
Une halte d’aventuriers au Nouveau-Mexique, tableau par M. Bourgoin.
eu un juste succès par la naïveté de deux charman
tes ligures d’enfants ; nous ne reviendrons pas non plus sur les critiques que nous avons présentées dans l Illustration du 16 juillet 1853. — Le tableau le plus important que M. Ilamon ait exposé celle année est un pendant au précédent ; il est intitulé : Ce n’est pas moi. Deux petits enfants ont, dans leurs ébats, brisé en morceaux une jolie statueUe de l’Amour ; hon
teux et inquiets des suites de leur maladresse, ils se cachent derrière une porte qui s’ouvre et par laquelle arrive, attirée par le bruit, une sœur aînée, grande jeune fille, qui se montre irritée de cet attentat contre la statue du dieu d’a
mour, maii dont la sévérité sera bientôt désarmée, sans qu’il soit besoin des efforts mensongers d’une autre petite fille qui, pour détour
ner la colère des deux cou
pables, donne, le fouet à une. poupée chargée d’assu
mer la responsabilité du dégât, fl y avait dans cette petite scène enfantine et naïve des éléments de succès, puisqu’elle les conser
ve, malgré le maniérisme auquel s’abandonne l’artiste. Les figures d’enfants ont perdu la précision de la forme qu’ils ont dans : Ma sœur n’y est pas. L’exécution devient molle et indécise; les yeux petits et ronds cherchent l’expression plus qu’ils ne la trouvent; quant à la couleur, la teinte lo
cale disparaît dans une sorte de sauce blonde générale. — Les Orphelins, dont la gravure paraîtra dans le prochain numéro, sont également d’une exécution trop efféminée. — La Gardeuse d’enfants et ses marmots groupés avec l’in
signifiance niaise du jeune âge autour d’un tas de sable, sont moins faits encore; cela tourne à l’image. ·— L’Amour et son troupeau est une de ces données vagues, dans les
quelles se comptait fauteur ; les vers suivants, empruntés à Leconte de fiTsle, et inscrits en bas du cadre, servent de commentaire explicatif:
De leur plainte irritant la lugubre harmonie, Lui-même consumé du mal qu’il fait subir, Il chassait à travers l’étefidue infinie,
Ceux qui, sachant aimer, n’en ont pas su mourir.
Dans celle petite ébauche dé
colorée, il n’y a que l’Amour qui semble participer à la vie ; il s’est fait un fouet de son arc, et fustige son troupeau de pâles victimes qui cheminent d’un
air assez malade et ont l’air de se demander ce que leur veut donc cet enragé petit dieu.
C’est aussi un peu ce que se deman
de le spectateur, en dépit de la légende, et il de
manderait de plus que la figure de l’Amour, qui est heureuse de mou
vement, fùtmieux dessinée. Le ta
lent de M. Ilamon, tout con
ventionnel qu’il soit, a une grâce originale et exer
ce une attraction qui lui ont con
quis une place distinguée dans notre école mo
derne ; il ne faut pas qu’il la com
promette en exa
gérant les lacunes qui se trouvent déjà dans son sys
tème de peinture, et en ajoutant à la décoloration qu’il affecte des formes de plus en plus évanouissan
tes. — M. Toul- MOUCHE a de l’ai
De notre temps, où l’on cherché à renouveler la con
ception de toutes choses, on a voulu contester la réa
lité des genres en peinture, et prétendre qu il n’y avait poinld’autre division à faire que celle entre la bonne et la mauvaise peinture. Nous accordons que l’on conteste la justesse des termes de peinture d’histoire, de gen
re, etc., expressions mal faites et qui manquent de clarté et de précision com
me presque tout le langage de l’art; mais, quelles que soient les dénominations qu’on adopte, il faut recon
naître qu’il y a une grande peinture, ou l’on vise à la beauté idéale, et une petite ayant pour but, excessivement variable, tantôt l’imi
tation de la nature, tantôt tels ou tels agréments d’as
pect qui ne tiennent qu’à des qualités secondaires.
La grandeur géométrique de la toile reste tout à fait en dehors de cette estima
tion. La. toute petite toile du palais Pitti, où Raphaël a peint la Vision d’Ezéchiel, est de la grande et idéale peinture ; une foule de
grandes toiles, au contraire, ne sont que de la très-petite peinture de genre. N’effaçons pas des limites légitimes,
et ne confondons pas des choses qui sont profondément séparées. D’un côté, à ne comparer de part et d’autre que des clfcfs-d’œuvre, est ce qu’il y a de sain, de puis
sant, d’élevé, de Civilisateur; de l’autre, ce qui, sans élever l’àme, caresse le sentiment, charme la pensée, ou simplement récrée et séduit les yeux. Ces deux formes se sont trouvées en regard dans l’histoire de l’art moderne
avec une incontestable supériorité : l’une est celle de la peinture italienne; l’autre constitue presque uniquement la peinture flamande et hollandaise. L’école française, à son tour, développe dans le genre proprement dit une grande variété de talents et de manières. Nous allons le suivre à l’Exposition universelle, à travers ses manifestations si diverses, et lui apporter toute notre attention, malgré le caractère secondaire de cette forme de l’art, parce qu’elle répond bien aux besoins de la société moderne et qu’elle s’a
dapte merveilleusement à ses sentiments et à ses caprices. Yvant d’arriver aux peintres réalistes et populaires, nous rencon
trons d’abord une petite troupe errante sur les confins des deux gen
res et que nous désignerons sous le nom de fantaisistes.·1
LES FANTAISIS TES. — En tète de cette petite é- cole nous nom
merons M. IIamon, talent fin, ingénieux, et qui a acquis de la po
pularité par deux compositions ex
posées aux Salons de 1852 et 1853 : la Comédie hu
maine et Ma sœur n’y estpas.
La première de
ces compositions réalise en peinture ce qu’on dé
signe sous le nom il’humour en littéral lire; cet indéfinissable mé
lange de naïveté, de délicatesse, de sérieux et do frivolité, qui semble ne faire qu’ef
fleurer la pensée, cl, en excitant celle d’autrui, caché celle de l’auteur sous le masque de l’ironie.
Dans cette légère peinture, presque monochrome, où les ligures sont plutôt indiquées
Salon de 1855. — Henri III et le duc de Guise, tableau par M. Comte.
que peintes, l’artiste, on le sait, a représenté un petit théâtre de Guignol, antique; et les marionnettes, au lieu de polichinelle et du diable, nous montrent Minerve por
tant sa lance avec la maladresse brutale du héros calabrais,
et victorieuse de l Amour pendu à une potence, et de Bacchus, assommé et les bras pendants sur le devant du théâ
tre. Une troupe de marmots, et parmi eux Socrate, assistent à la représentation. A droite du théâtre s’avancent les poêles; à gauche, les guerriers. Dans un coin est Diogène, te
nant en main sa lanterne et qui retourne à son tonneau, n’ayant pas trouvé un homme. Nous n insisterons pas da
vantage sur ce tableau de M. Ilainon ; il a été reproduit dans l Illustration du 8mai 1852; et nous avons proposé notre interprétation de cette œuvre singulière qui manque de clarté sous le rapport de l’idée et pèche par insuffisance sous le rapport pittoresque, mais qui, nonobstant toutes les bonnes raisons que, peut lui objecter la critique, en a par devers elle une suffisante de consolation : elle intéresse et elle plaît. — L’autre composition : Ma sœur n’y est pas, a
Une halte d’aventuriers au Nouveau-Mexique, tableau par M. Bourgoin.
eu un juste succès par la naïveté de deux charman
tes ligures d’enfants ; nous ne reviendrons pas non plus sur les critiques que nous avons présentées dans l Illustration du 16 juillet 1853. — Le tableau le plus important que M. Ilamon ait exposé celle année est un pendant au précédent ; il est intitulé : Ce n’est pas moi. Deux petits enfants ont, dans leurs ébats, brisé en morceaux une jolie statueUe de l’Amour ; hon
teux et inquiets des suites de leur maladresse, ils se cachent derrière une porte qui s’ouvre et par laquelle arrive, attirée par le bruit, une sœur aînée, grande jeune fille, qui se montre irritée de cet attentat contre la statue du dieu d’a
mour, maii dont la sévérité sera bientôt désarmée, sans qu’il soit besoin des efforts mensongers d’une autre petite fille qui, pour détour
ner la colère des deux cou
pables, donne, le fouet à une. poupée chargée d’assu
mer la responsabilité du dégât, fl y avait dans cette petite scène enfantine et naïve des éléments de succès, puisqu’elle les conser
ve, malgré le maniérisme auquel s’abandonne l’artiste. Les figures d’enfants ont perdu la précision de la forme qu’ils ont dans : Ma sœur n’y est pas. L’exécution devient molle et indécise; les yeux petits et ronds cherchent l’expression plus qu’ils ne la trouvent; quant à la couleur, la teinte lo
cale disparaît dans une sorte de sauce blonde générale. — Les Orphelins, dont la gravure paraîtra dans le prochain numéro, sont également d’une exécution trop efféminée. — La Gardeuse d’enfants et ses marmots groupés avec l’in
signifiance niaise du jeune âge autour d’un tas de sable, sont moins faits encore; cela tourne à l’image. ·— L’Amour et son troupeau est une de ces données vagues, dans les
quelles se comptait fauteur ; les vers suivants, empruntés à Leconte de fiTsle, et inscrits en bas du cadre, servent de commentaire explicatif:
De leur plainte irritant la lugubre harmonie, Lui-même consumé du mal qu’il fait subir, Il chassait à travers l’étefidue infinie,
Ceux qui, sachant aimer, n’en ont pas su mourir.
Dans celle petite ébauche dé
colorée, il n’y a que l’Amour qui semble participer à la vie ; il s’est fait un fouet de son arc, et fustige son troupeau de pâles victimes qui cheminent d’un
air assez malade et ont l’air de se demander ce que leur veut donc cet enragé petit dieu.
C’est aussi un peu ce que se deman
de le spectateur, en dépit de la légende, et il de
manderait de plus que la figure de l’Amour, qui est heureuse de mou
vement, fùtmieux dessinée. Le ta
lent de M. Ilamon, tout con
ventionnel qu’il soit, a une grâce originale et exer
ce une attraction qui lui ont con
quis une place distinguée dans notre école mo
derne ; il ne faut pas qu’il la com
promette en exa
gérant les lacunes qui se trouvent déjà dans son sys
tème de peinture, et en ajoutant à la décoloration qu’il affecte des formes de plus en plus évanouissan
tes. — M. Toul- MOUCHE a de l’ai