de citer visent toutes plus ou moins à une coloration chaude et à des tons solides; les deux suivantes, de M. Lewis, qui méritent d’être signalées comme les productions les plus curieuses de l’exposition des aquarellistes, sont au contraire conçues dans les tons clairs, lumineux et blancs qui domi
nent si souvent dans la peinture anglaise. / e Harem, d’un bey est d’une hardiesse et même temps d’une patience d’exécution extraordinaires. Le bey, jeune et beau, repose sur un divan au milieu d’une vaste salle fermée par des grillages du travail le plus délicat, à travers lesquels circule l’air et glisse la lumière, et dont l’ombre se projette sur différentes parties du tableau, et entre autres sur le pelage d’une gazelle, comme un surcroît de labeur volontairement ajouté par l’artiste à une tâche déjà immense. Ses femmes sont mollement étendues autour de lui sur des coussins, el
regardent avec un air de suprême dédain ou de moquerie, une jeune esclave à la peau cuivrée et d’un caractère de beauté sauvage, qu’on expose nue aux regards du bey. Cette aquarelle, rehaussée de gouache, où les objets s’enlèvent clair sur clair avec un sentiment harmonieux, a l’aspect brillant d’un transparent; le minutieux travail des détails n’y nuit pas à l’ensemble. Cette dernière observation s ap
plique également à une autre composition heureuse : Le scribe arabe au < aire. L’aquarelle du Jour de Pâques à
Rome est dans un ton plus chaud. Une foule de paysans des environs de Home sont réunis sur la place de Saint-Pierre, autour de laquelle les galeries du Bernin n’existent pas en
core. — Les paysagistes mériteraient à leur tour de fixer notre attention, par le sentiment qui les entraîne plutôt vers l’effet pittoresque que vers la réalité naïve, ainsi que par les particularités du procédé, qui ne se dissimule pas assez; nous aurions voulu jeler aussi un coup d’œil sur les miniaturistes, d’une grande habileté, mais dont tes ouvrages ne montrent pas l’art anglais sous un point de vue nou
veau; l’espace, qui nous manque, nous force à borner ici notre examen. — Par le même motif nous passerons au
jourd’hui sous silence les ouvrages de sculpture, dont le nombre s’élève à près de quatre-vingts, nous réservant de citer les plus remarquables, dans un article général consa
cré à celte branche de l’art, que le climat et le puritanisme semblent repousser également, et dont, par cela même, le développement est d’autant plus surprenant en Angleterre.
A. J. DU Pays.


Courrier de Paris.


Les chants ont cessé, Paris éteint ses becs de gaz, démolit ses arcs de triomphe et il va rentrer dans son silence automnal. De cetle semaine fabuleuse, où l’enthousiasme a été encore plus grand que la fatigue, il ne reste plus rien, si ce n’est un souvenir ineffaçable et des multitudes de ré
cits. On en ferait aisément un in-folio, car la description a coulé à pleins bords, et tout ce bonheur, recueilli goutte à goutte, fera la joie et l’envie de nos derniers neveux. Combien de Dangeau officieux, — je ne dis pas officiels, —sus
cités par la circonstance, ont tout raconté et qui peut-être n’ont rien vu ! mais la fiction a eu beau faire, elle est res
tée au-dessous de la réalité. Ne vivons-nous pas dans des temps merveilleux où l’histoire peut défier la fable dans ses inventions les plus étonnantes? Seulement, madame la Fantaisie, n’allez pas, dans votre enivrement des choses présen
tes , donner d’abominables crocs-en-jambe au passé : on finirait par vous accuser d’étourderie. Et puisque vous voulez absolument trouver des piécédents à cette royale et gra
cieuse visite, ne remontons pas, s’il vous plaît, plus haut que le camp du Drap d’or. Fouiller Monstrelet et lui em
prunter deux colonnes de citations à propos de l’accueil fait au roi Henri Vt, en l/j.31, par les Parisiens, cerles l’em
prunt est peu français et peu constitutionnel. L’entrée du monarque anglais ne fut pas l’entrée d’un ami et d’un allié, mais celle d’un conquérant ; et en le fêtant nos pères eu
rent la douleur de fêter un usurpateur et un maître. La fantaisie, er quête du neuf qu’elle croit découvrir dans le vieux qu’elle exhume, semble justifier ici une des plus cruelles exagérations de Voltaire à l’endroit des Parisiens, qu’il représente comme « ayant toujours besoin d’admirer quelque chose et d’adorer quelqu’un, et n’ayant souci que de leurs plaisirs. « Maudits soient les annalistes,, ces grands fâcheux qui désenchantent de tout. On dirait que toute splendeur les chagrine. Ce même Voltaire n’a-t-il pas traité Versailles de colifichet fastueux?Saint-Simon n’y voit qu’un prétexte à dépenser beaucoup d’argent; les poètes eux-mèmes s’en mêlent, et Delille s’écrie, dans le Poème des Jardins :
Les rois sont condamnés à la magnificence ;


On attend autour d’eux l effort de la puissance, Et leur Versaille enfin est un usurpateur


Qui doit obtenir grâce à force de grandeur.
Eh bien, si jamais Versailles mérita toute amnistie pour les milliards qu’il a coûtés et pour ceux qu’il coûtera en


core, c’est dans cette soirée, de samedi, où la France a reçu si


splendidement l’Angleterre; mais nous n’en pourrions être que l’historiographe insuffisant, et d’ailleurs le crayon du dessinateur va vous faire voir à merveille ce que notre plume mal taillée vous montrerait encore plus mal.
Quant à la fête de l’Hôtel de ville, mille récits en ont déjà couru à sa gloire; mais enfin nous y étions, et présence oblige. A l’intérieur, huit mille invités circulant sans con
fusion dans ces salles immenses, et au dehors cent mille spectateurs officieux, groupés sur toutes les avenues de ce palais d’Armide, voilà pour le personnel. C’est que la place de Grève et ses alentours étaient le foyer d’une illumination gigantesque, véritable incendie organisé qui envoyait des éblouissemenlsjusque dans les quartiers lointains; tous les feux de l’enfer éclairaient notre marche vers les merveilles du paradis. Car, le seuil franchi, commençait un grand
toile d’intérieur que lady Jane Cray et Royer Ascltam.— La blancheur mate des carnations finit par prendre l’aspect du marbre dans le tableau de M. Fkith : Pope faisant la
cour à lady Marie Wortley Montagne, qui accueille par un éclat de rire de soubrette la déclaration ridicule du poëte malingre el si follement fourvoyé. Le même artiste a mis une couleur plus animée dans une Scène tirée du
Bourgeois gentilhomme, bonne interprétation de notre Molière, franche et gaie; échange intellectuel de politesse avec les peintres français, qui réussissent quelquefois aussi de leur côlé à interpréter le sombre génie de Shakspeare.
— Avec M. Webster il n’y a pas un moment d’hésitation à avoir, on est en pleine Angleterre ; l’artiste se plaît à peindre les scènes populaires dans leur aspect naïf. Sa cou
leur est fluide, délayée, mais harmonieuse, un peu à la manière des Flamands. Celle harmonie est une qualité qui mérite d’être notée dans les peintures anglaises modernes,
où i! y a si fréquemment antagonisme de teintes vives et claires. Le Jeu de billion représente une troupe d’enfants villageois courant, se culbutant, riant ou faisant la grimace pour quelques horions reçus dans la mêlée. A cette loile nous préférons la réunion de rustiques paroissiens chantant de leur mieux à un Chœur d église de village. Les physionomies laborieusement attentives de ces difettanti inexpérimentés sont vulgaires, et quelques-unes même d’une lai
deur assez, comique ; mais cela ne va pas jusqu’à la charge. Cela semble pris sur nature. Cette peinture est d’une cou
leur blonde qu’on retrouve dans le tableau intitulé tes Vents contraires, où de jeunes enfants agenouillés autour d’un baquet rempli d’eau, soufflent chacun de son côté sur un de ces bienheureux esquifs primitifs,formés d’un copeau de bois pour coque et d’une allumette enfilée dans un morceau de papier pour mât et voilure, que l’enfance a tant de plai
sir à lancer dans les hasards d’une navigation dont son imagination agrandit sans fin les bornes. AL Webster a en
core exposé un petit tableau agréable, mais auquel on peut, comme au précédent, reprocher un peu de mollesse: la Marchande de cerises et Deux tètes réunies dans un même cadre, bonnes et respectables figures d’une dame âgée et d un vieux monsieur, peintes sur fond sombre d’un ton clair et fin très-agréable. — Al. Goadall offre aussi une couleur blonde harmonieuse, avec une pâle moins creuse,
une touche plus franche, mais avec un abus fâcheux des luisants, dans le Bal au bénéfice de la veuve ; il y a dans cette toile, où les mêmes types de tètes se répètent trop, une figure de matelot dansant avec un entrain plein de gaieté, qui est une chose aussi heureuse d’invention que spirituellement rendue. — M. Phillip a vu sous un jour clair, mais avec une lumière blafarde, une scène du sud de l’Espagne que nos peintres en France se seraient crus dans l obligation de chauffer à l’ardeur d’un soleil rutilant. In Ecrivain public, à Séville, est installé devant sa petite ta
ble, tournant Je dos au spectateur et lui montrant la belle fleur rouge brodée au milieu de sa veste. Il écrit sous la dictée d’une jeune femme qui se cache à moitié sous son éventail. Un gamin déguenillé, appuyé contre la table,
prend indiscrètement sa part de la confidence, ou plutôt n’écoute rien , tant il est absorbé dans son admiration devant le talent du calligraphe. Celte toile plaît par un senti
ment de vérité, qu’on retrouve également dans un Baptême presbytérien, scène paisible d’intérieur, où M. Phillip, autorisé par la différence du climat et les habitudes pittores
ques admises, est revenu aussi complètement que possible à la couleur blafarde qui plaît à nos voisins. — AL Knight fait exception à ce goût dans ses A’aufrageurs, habitants des côtes éloignées, qui dans le Bon vieux temps attiraient par des feux trompeurs des navires en détresse sur des bri
sants, assassinaient les naufragés et pillaient les navires. — A sa chaude et rouge couleur et à sa manière mélodrama
tique, il faut opposer un tableau d’assez grande dimension, datant de 1837 et le seul à l’Exposition qui puisse donner une idée du faire de l’ancienne école anglaise. Ce tableau de AL Hurlstone représente avec une couleur harmonieuse et une exécution facile et lâchée, de jeunes paysans italiens jouant à ta Morra. — Le Rendez-vous de chasse d’Ascot, par Al. Grant, est encore un produit tout indigène, et une des toiles curieuses de l’Exposition anglaise. L’on peut sou
vent voir à l’étalage des marchands de gravures de nos boulevards de grandes estampes anglaises coloriées, repré
sentant des courses et des chasses, avec une multitude de cavaliers en habits rouges, rendus avec toute la crudité du coloriage. Si l’on avait posé comme programme de tripler la dimension de. ces images, et de peindre à l’huile leur vaste horizon de paysage, en mêlant à la multitude de chevaux et de chiens, qui du moins se prêtent à l’harmonie, celle des chasseurs en habit écarlate, couleur aussi violente que le mot qui la désigne ; si chacune des têtes des gentlemen riders devait être rendue avec une exactitude scrupuleuse de manière à ce qu’en la détachant de la toile on pût l’en
cadrer et l’accrocher dans un salon, comme une miniature ; si de plus toutes ces tètes disséminées à des plans très-di
vers et peintes avec une touche vive et spirituelle devaient s’harmoniser dans l’ensemble du tableau et concourir à un
effet général... certes, le problème eût paru insoluble. Il a été pourtant résolu avec une grande habileté dans le tableau de M. Grant; la seule inégalité à y signaler est dans la différence de rendu des animaux qui ne sont pas suffisamment étudiés. M. Grant, du reste, est un portraitiste distingué, comme l’attestent son joli et fa
cile Portrait de M “ Beciuclerk et le grand Portrait de lord John Russell. — Nous citerons encore les ta
bleaux suivants : M. Egg, Première rencontre de Pierre te Grand et de Catherine (future impératrice) ; Henriette- Marie de France secourue dans l’infortune par le car
dinal de Retz. —M. Hook, Bayard recevant chevalier le fils du connétable de Bourbon. — M. Stone : la Remon
trance ; vieille, vieille histoire !—M. Salomon : Brunetla et Philis (sujet tiré du Spectateur). — M. Uwiss : une
Veuve napolitaine pleurant son enfant ; le Sculpteur d’images. — M. Coi>E : un portrait naïf: llorence Cope. — M. El.moue : une Scène de controverse religieuse sous louis XIV. — Al. Collins; Souvenir de Bethléem, ou M1 de Chantal portant des secours à une pauvre femme en couches dans une masure, peinture dépourvue d’harmonie, mais conçue dans un sentiment naïf. — AL Roberts a exposé plusieurs tableaux, parmi lesquels l Intérieur de l é­
glise de Saint-Étienne, à Vienne, se fai 1 remarquer par la liberté de la touche et la bonne enlenle du clair-obscur.
La recherche de l’effet et la fantaisie dominent dans les paysages anglais de l’Exposition universelle. M. Danby s’attache à peindre les effets de lumière au déclin du jour, dans son tableau de Calypso pleurant le départ d’Ulysse, dé
coration fantastique rappelant l’art mensonger des keepsakes, et dans le Canon du soir, tiré d’un navire dont la mâture se dessine en noire silhouette sur un ciel illuminé des dernières clartés du soleil. — La Tamise en aval de Greenwich, par M. Holland, est un petit tableau manquant de vérité, mais fin de ton, d’un aspect vif et singu
lier. —M. Dyne a peint d’une couleur claire, transparente comme les aquarelles, et d’une manière facile, mais égale
ment sans vérité : Heidelberg et le < ollége d’Eton. Ce der
nier tableau est d’un aspect tranquille, d’un ton gris, léger et harmonieux. — Al. Stanfield a exposé plusieurs ta
bleaux, dont quelques-uns d’assez grande dimension : la Bataille de Roveredo, el Troupes françaises passant à gué la Magra (1796), bien entendues comme disposition, facilement exécutées, et visant à l’effet; le Château d’is
chia, vu du môle, et le Fort de Tilbury, appartiennent au genre des marines, et sont peints avec habileté, mais avec froideur, et d’une couleur monotone. -— Hêtres el fougères, par M. Anthony : c’est peut-être le seul paysage réaliste. de l’exposition anglaise. — Citons encore, de Al. Ten
dant : une Rivière en Angleterre; de AI. Oakes, Vallée de Sanno.r, île d’Arran (Ecosse) ; de AL Linnel, deux pay
sages où il se montre imitateur d’Iluysmans; de M. Lee : le Braconnier, l’Orage sur un lac, tableaux d’un aspect vif, mais un peu sèchement exécutés; de AI. Hulme : une Gorge du pays de Galles.
Nous avons parlé, dans notre premier article, de l’importance que I’aqüarf.lle a acquise en Angleterre. Les artistes de ce pays ont, dans ce genre, une véritable supériorité, par la puissance de ton, la vigueur de couleur qu’ils don
nent à leurs ouvrages, dont quelques-uns se rapprochent de la couleur à l huile par l’intensité et par la hardiesse et la grandeur des travaux qu’ils entreprennent. Quelques progrès que Cet art ait faits chez nous depuis le temps où l’aquarelle française n’était qu’un lavis léger, composé de teintes fausses el sans valeur, il y a beaucoup à apprendre encore pour nos peintres dans la galerie des aquarellistes anglais; et nous regrettons que les bornes de cet article, déjà long, ne nous permettent pas de leur consacrer un
examen étendu, comme ils le mériteraient. —Deux artistes doivent être cités à part pour le caractère exceptionnel de leur peinture, dans des styles, du reste, tout à fait diffé
rents : AI. Caltermole et M. W. Hun L. La manière libre dont ils touchent leurs figures contraste avec le procédé de mi
niaturiste qui domine trop souvent chez les autres peintres anglais. Le nom et les productions de M. Cattermole sont connus en France par les gravures et les vignettes qui l’ont popularisé auprès des amateurs. Il a onze aquarelles à l’Exposition. Ses petites compositions, dont les sujets sont empruntés au moyen âge ou à la renaissance, sont bien con
çues; ses figures ont de la tournure et du style; elles sont largement indiquées, et enlevées avec une franchise et une fermeté de touche singulières. — M. AV. Hunt, différent de, l’artiste de même nom dont nous parlons au commencement de cet article, a également exposé onze aquarelles. Ce ne sont plus ici des compositions compliquées, niais de simples figures, ou au plus des couples, reproduisant des types vul
gaires rendus avec naïveté. Elles ne sont pas faites, comme celles de M. Cattermole, pour ainsi dire à l’emporte-pièce; mais si le travail est pins cherché de détails, le pinceau n’est pas moins libre, et il se montre fort peu soucieux du fini, défaut trop fréquent des aquarellistes anglais. Plusieurs des aquarelles de Al. Hunt présentent la nature prise au vif et sous un aspect comique. Tels sont ces deux pauvres enfants aux laids visages rouges de froid, arrêtés par une froide ma
tinée ,au milieu d’une plaine couverte de neige, où souffle un vent glacé. L’un, les mains plongées dans ses goussets, s’abandonne avec inertie aux morsures aiguës de l’hiver;
l’autre, qui rapporte, sans doute pour son père malade, une bassinoire empruntée à un village voisin, ne pouvant plus supporter les douleurs de l’onglée, enroule ses mains dans sa blouse, et prend le parti de traîner sur la neige l’instrument dérisoire, dont i! a passé le manche sous son bras.
Je Joueur de cricket est un jeune garçon au mouvement plein de vigueur, et dont te type anglais est des plus prononcés.
Quelques aquarelles ont des dimensions d’une grandeur inusitée. M. IIaghe a mis une grande puissance d’effet el de couleur dans les < apucins à matines et dans la Salle d’audience à Bruges, dont la belle et célèbre cheminée est rendue d’une manière remarquable. — M. Corbould,
dans la Scène tirée du Prophète, de Meyerbeèr, semble avoir voulu lutter avec la peinture à l’huile. Toute celte vaste et pompeuse composition est montée de ton d’une ma
nière surprenante; les couleurs gommées dans les parties sombres semblent, tant elles sont profondes, former un vé
ritable empâtement. Le procédé égal de pointillé répandu dans les têtes refroidit l’effet de cette peinture colorée. Le procédé est plus libre et plus franc dans la Femme adul
tère, où les lypes des figures rappellent trop les keepsakes.
— Citons aussi deux remarquables aquarelles de Al. Haag : Une Soirée au château de I. al moral, fête de chasse pré
sidée par la reine Victoria; el la Famille royale gravissant le Lochnagar. — Les grandes aquarelles que nous venons