moyen le plus digne et le moins humiliant pour leur amour-propre, en organi
sant, à leur bénéfice, et presque exclusivement a- vec leur concours, une soirée musicale et chorégra
phique , de façon que le produit de cette soirée fût considéré par les prisonniers , non comme une au
mône, mais comme une juste rémunération de leurs talents divers.
Par le temps qui court, de virtuoses et de jeunes prodiges, un compte ren
du n’appelle plus guère l’attention ; cependant,
grâce aux éléments tout particuliers qui compo
saient la soirée de mardi, les lignes suivantes mériteront peut-être une exception .
En dehors des artistes français, et notamment de 51. Rémy, 1er prix du Con
servatoire , qui se faisait entendre sur le violon, le programme se composait de trois chœurs russes et d’une ronde cosaque chantée par les prisonniers.
L’affiche annonçait comme intermède de danse te Trign n il lui, pas comique,exé
cuté par quatre Russes au son de la Uni ni a y ha, instrument fabriqué tout ex
près pour la circonstance par un prisonnier. — Le soldat russe est tellement rompu aux habitudes de la discipline, que le temps lui-même n’enlève rien à cette roideur automatique que le knout et les leçons de l’instructeur lui ont fait contracter. — Qu’il chante ou qu’il danse, il ne s’écarte guère de l’attitude réglementaire, et il conserve soigneusement le petit doigt sur là coulure de. In culotte, la tête haute et les épaules effacées. Cette atti
tude a si bien pénétré, tout son être, qu’il ne la perd jamais.
Aussi le groupe des chanteurs, qui comptait 20 prisonniers, est-il entré tout militairement sur le théâtre dressé dans le Cirque. Après avoir fait front devant le public, et lorsque tous les yeux ont été lixés à quinze pas, une voix gutturale de haute-contre est sortie du groupe : c’était celle, du soliste de la troupe, qui a chanté une phrase.
Ronde cosaque chantée par un chœur de prisonniers russes.
plus originale que mélodieuse, reprise bientôt par le chœur. 11 ne faut pas chercher de dessin bien arrêté dans les airs nationaux rus
ses, mais cependant l’harmonie en est satisfaisante, les trois parties s’y enchaînent bien, et l’on ne saurait disconvenir que, comme arrangement de voix, ces airs ont quelque valeur. Pour juger du mé
rite de l’exécution, il faut tenir compte de certaines conditions de position. Ainsi les prisonniers qui chantaient ces choeurs appartien
nent tous à la classe la plus intime de la société, et ils n’ont reçu aucune instruction musicale. On ne saurait donc les mettre un in
stant en comparaison avec nos orphéonistes, qui sont pour la plupart plus ou moins musiciens, qui ont des. répétitions fréquentes, et qui
profitent des leçons d’excellents maîtres ; mais, en constatant leur infériorité dans ce cas, il est au moins juste de reccnna’tre qu’ils
possèdent à un certain degré cet instinct musical inné qu’on accorde, non sans raison, à la nation al
lemande. Leurs attaques sont toujours vigoureuses, franches, et jamais ils ne détonent. Dans la ronde cosaque, qui se compose d’une espèce de glousse
ment humain très-vif et d’une exécution fort difficile, il a été possible d’apprécier ce sentiment mu
sical naturel qui s’étend certainement jusqu’à la racefinlandaise, dont la plu
part de ces hommes sont issus. En somme, si les prisonniers russes ne peu
vent être comparés aux élèves de nos écoles de chant, ils sont, sous le rapport musical, infiniment mieux organisésquela plu
part des habitants (le nos campagnes, braillards dis
cordants, que nous enten
dons hurler à tue-tête : Mourir pour te pairie,
de façon à vous donner envie de fuir cette même patrie.
Le croquis fait par M. Rion , au moment même de l’exécution, est d’une grande vérité. L’artiste n’a point omis de faire figurer le chef (l’orchestre, qui conduit les chœurs en bat
tant la mesure avec le pouce de la main droite, qu’il laisse tomber dans la main gauche. Une particularité à indiquer encore, c’est que le groupe des chanteurs russes compte plusieurs sopranos chantant en fausset et dont l’organe ne manque pas d’étendue.
Après avoir dit ce que nous pensons de ces hommes en matière musicale, il nous reste à en parler au point de vue chorégraphique.
Nous avons besoin, pour le faire consciencieusement, de ne point nous rappeler qu’il y a quelques jours seulement, la séduisante Concepcion dansait au Havre, et que dans la Trignnnka, que nous offraient mardi les prisonniers russes, l’emploi de première danseuse était confié à un énorme gajllard , d’une laideur inouïe, possesseur d’interminables moustaches, et emprisonné du col à la cheville dans l’horrible capote moscovite» Écartant donc le souvenir
La trigannka, danse exécutée par les prisonniers russes au son de la balalayka.
D’après les croquis de M. E. Rion.
sant, à leur bénéfice, et presque exclusivement a- vec leur concours, une soirée musicale et chorégra
phique , de façon que le produit de cette soirée fût considéré par les prisonniers , non comme une au
mône, mais comme une juste rémunération de leurs talents divers.
Par le temps qui court, de virtuoses et de jeunes prodiges, un compte ren
du n’appelle plus guère l’attention ; cependant,
grâce aux éléments tout particuliers qui compo
saient la soirée de mardi, les lignes suivantes mériteront peut-être une exception .
En dehors des artistes français, et notamment de 51. Rémy, 1er prix du Con
servatoire , qui se faisait entendre sur le violon, le programme se composait de trois chœurs russes et d’une ronde cosaque chantée par les prisonniers.
L’affiche annonçait comme intermède de danse te Trign n il lui, pas comique,exé
cuté par quatre Russes au son de la Uni ni a y ha, instrument fabriqué tout ex
près pour la circonstance par un prisonnier. — Le soldat russe est tellement rompu aux habitudes de la discipline, que le temps lui-même n’enlève rien à cette roideur automatique que le knout et les leçons de l’instructeur lui ont fait contracter. — Qu’il chante ou qu’il danse, il ne s’écarte guère de l’attitude réglementaire, et il conserve soigneusement le petit doigt sur là coulure de. In culotte, la tête haute et les épaules effacées. Cette atti
tude a si bien pénétré, tout son être, qu’il ne la perd jamais.
Aussi le groupe des chanteurs, qui comptait 20 prisonniers, est-il entré tout militairement sur le théâtre dressé dans le Cirque. Après avoir fait front devant le public, et lorsque tous les yeux ont été lixés à quinze pas, une voix gutturale de haute-contre est sortie du groupe : c’était celle, du soliste de la troupe, qui a chanté une phrase.
Ronde cosaque chantée par un chœur de prisonniers russes.
plus originale que mélodieuse, reprise bientôt par le chœur. 11 ne faut pas chercher de dessin bien arrêté dans les airs nationaux rus
ses, mais cependant l’harmonie en est satisfaisante, les trois parties s’y enchaînent bien, et l’on ne saurait disconvenir que, comme arrangement de voix, ces airs ont quelque valeur. Pour juger du mé
rite de l’exécution, il faut tenir compte de certaines conditions de position. Ainsi les prisonniers qui chantaient ces choeurs appartien
nent tous à la classe la plus intime de la société, et ils n’ont reçu aucune instruction musicale. On ne saurait donc les mettre un in
stant en comparaison avec nos orphéonistes, qui sont pour la plupart plus ou moins musiciens, qui ont des. répétitions fréquentes, et qui
profitent des leçons d’excellents maîtres ; mais, en constatant leur infériorité dans ce cas, il est au moins juste de reccnna’tre qu’ils
possèdent à un certain degré cet instinct musical inné qu’on accorde, non sans raison, à la nation al
lemande. Leurs attaques sont toujours vigoureuses, franches, et jamais ils ne détonent. Dans la ronde cosaque, qui se compose d’une espèce de glousse
ment humain très-vif et d’une exécution fort difficile, il a été possible d’apprécier ce sentiment mu
sical naturel qui s’étend certainement jusqu’à la racefinlandaise, dont la plu
part de ces hommes sont issus. En somme, si les prisonniers russes ne peu
vent être comparés aux élèves de nos écoles de chant, ils sont, sous le rapport musical, infiniment mieux organisésquela plu
part des habitants (le nos campagnes, braillards dis
cordants, que nous enten
dons hurler à tue-tête : Mourir pour te pairie,
de façon à vous donner envie de fuir cette même patrie.
Le croquis fait par M. Rion , au moment même de l’exécution, est d’une grande vérité. L’artiste n’a point omis de faire figurer le chef (l’orchestre, qui conduit les chœurs en bat
tant la mesure avec le pouce de la main droite, qu’il laisse tomber dans la main gauche. Une particularité à indiquer encore, c’est que le groupe des chanteurs russes compte plusieurs sopranos chantant en fausset et dont l’organe ne manque pas d’étendue.
Après avoir dit ce que nous pensons de ces hommes en matière musicale, il nous reste à en parler au point de vue chorégraphique.
Nous avons besoin, pour le faire consciencieusement, de ne point nous rappeler qu’il y a quelques jours seulement, la séduisante Concepcion dansait au Havre, et que dans la Trignnnka, que nous offraient mardi les prisonniers russes, l’emploi de première danseuse était confié à un énorme gajllard , d’une laideur inouïe, possesseur d’interminables moustaches, et emprisonné du col à la cheville dans l’horrible capote moscovite» Écartant donc le souvenir
La trigannka, danse exécutée par les prisonniers russes au son de la balalayka.
D’après les croquis de M. E. Rion.