Duprez ou de l’Alboni. Les Barêmes de la sociélé lui ont fait son compte, et, tous frais payés, il en résultera pour elle et ses annexes un bénéfice net de cent mil


lions. Quelle recette! mais aussi quel concert ! C est bien le moins que tous ces exé


cutants payent leur plaisir. Je crains seulement pour la sociélé qu’elle n’ait un peu enflé les choses, et que son arithmétique ne soit pas aussi forte que sa musique.
Un autre inventeur plus modeste s’en tient à réformer, non pas la raison, mais la rime. Il en veut à notre rime féminine, qui n’existe qu’en vertu de IV muet.
Cette malheureuse voyelle lui a fait prendre en grippe jusqu’à ses propres vers, — car l’auteur est un lauréat des Jeux floraux, — et il en demande la suppression. «Je conviens, dit-il avec une certaine autorité, que le beuglement du taureau a son charme, mais à condition de n’ètre pas perpétuel; or cet horrible e muet fait qu’en lisant mes vers, je beugle toujours. » Oh! les charmants et inutiles cher
cheurs de riens que vous êtes, vos inventions, qui ne font de mal à personne, nous semblent bien préférables à ces trouvailles d’un mécanisme tellement ingénieux qu’il anéantira des milliers d’hommes d’un seul coup.
Ai-je dit et nous appartient-il de dire que la réouverture des Italiens est prochaine sous une nouvelle direction? M. Caizado est un imprésario éprouvé et habile, sa compagnie est une troupe d’élite; des artistes inconnus à Paris, mais qui s’y feront connaître, figurent dans le bataillon des anciens. Inutile d’insister sur le répertoire : ce sera toujours ce répertoire de chefs-d’œuvre exécuté par des chanteurs de primo cartelLo. Et non-seulement la nouvelle direction veut prendre son public par l’oreille, elle entend bien aussi le séduire par les yeux. La salle, mise à neuf, rafraîchie, repeinte et rembourrée, offrira un coup d’œil éblouissant.
L’éclairage ou plutôt l’illumination se montre déjà avec un art qui fera bien valoir les diamants et les toilettes. La beauté modeste ne pourra plus se dérobe dans l’ombre. Dans cette inondation de gaz, on n’en verra que mieux, il est vrai, les
visages ravagés et les grâces qui ont fait leur temps-; mais oseriez-vous préférer les ténèbres quand le laid relève, le beau et lui sert de repoussoir? Ainsi donc, vous pouvez compter que trois fois la semaine et tout le long de cet hiver, la bonne musique vous dédommagera tout à fait de la mauvaise, publique ou particulière, qui peut se commettre ailleurs.
Le théâtre, tous les théâtres, contents de leur sort et de la recette, ajournent à l’envi leurs nouveautés; mais on peut s’attendre, avant la fin de ce mois, aux plus agréables surprises. D’abord, c’est M“c Arnould-Plessis qui va reparaître dans tout l’éclat de son talent et de sa beauté. Au bout de dix années de succès et même de triomphes à l’étranger, Mmc Plessis rentre dans les domaines de son emploi : les grandes coquettes. Célimène, Araminthe, Elmire, Sylvia, soyez toutes les bien ve
nues dans sa personne ! Mlle Plessis vient prendre aussi un très-beau rôle dans une comédie nouvelle de MM. Paul Foucher et Uégnier, l’Amour sur les chemins.
La nouveauté de l’Odéon, qui rouvre demain, c’est un drame de (leorges Sand, Favilla, autrement dit le Joueur de violon, et l’Odéon, qui devient de plus en plus littéraire et populaire, compte naturellement sur un grand succès. Au Gym
nase, le Demi-Monde, et à la Porte-Saint-Martin, Paris, ont toujours la vogue,
une vogue inépuisable, c’est bien entendu; mais le Vaudeville, qui est un peu le revers de la médaille, a laissé partir, sans l’avoir joué, un certain Comte de Kœnigsmark, et tic sait quand reviendra. A propos de Kœnigsmark, on peut bien citer Malbrouck. Afin de peloter en attendant quelque grande partie, le Vaudeville a repris Bouffé à son voisin des Variétés, et Bouffe rejoue le Gamin de Paris de tout son cœur et mieux que jamais. On conte que dans ce rôle admirable du ga
min, le charmant comédien aurait donné lieu tout récemment à un quiproquo des plus flatteurs pour son talent si plein d’illusions. Cela rappelle tout à fait l’anec
dote concernant Préville, qui était le Bouffé de son temps, de même que Bouffé est le Prévillc du nôtre. Et puisque cette anecdote vous est probablement inconnue, la voici :
Un cavalier du régiment de Conti, en semestre à Paris, enchanté de Préville, qui venait de jouer le dragon Maugrebleu dans les Vacances d’un procureur, at
tendit l’acteur à la porte du spectacle pour lui sauter au cou et lui adresser ce compliment : « Ah! Monsieur Préville, si quelque mâtin s’avisait de vous faire du mal, que j’aurais du plaisir à le remoucher! » Quelques jours après, l’affiche annonçant le Mercure galant et Préville dans cinq rôles différents, l’admirateur ac
court ; mais à la vue de Préville dans l’uniforme du fantassin Larissole : « Ah ! le chien, s’écrie-t-il, il a quitté la cavalerie! »
Et pour terminer enfin par quelque autre souvenir du passé, — un passé, qui remonte à la semaine dernière, -— on vous recommande le Théâtre des Zouaves du théâtre des Variétés, pièce d’un grotesque délicieux, jouée par les meilleurs comiques de l’endroit et qui vous fera rire à chaudes larmes.
Philippe Busoni.


Accident sur le chemin de fer de l’Ouest.


Le chemin de fer de Versailles, rive gauche, qui fait maintenant partie du réseau des lignes fusionnées de l’Ouest, a été, dimanche dernier, le théâtre d’un déplorable accident.
Le train de voyageurs: parti à six heures et demie de Versailles n’était plus qu’il un kilomètre de la gare du boulevard Montparnasse, lorsque, par suite d’une fausse manœuvre d’aiguille, il se trouva engagé sur la même voie que le train D de marchandises, qui partait dans la direction opposée. U était alors 7 heures 15 minutes.
Due rencontre était inévitable. Lu vain les mécaniciens et les serre-freins essay èrent de prévenir le choc : le train de voyageurs heurta violemment le train de marchandises.


Le fourgon de bagages fut littéralement broyé, un wagon de troisième classe brisé, et deux autres wagons gravement endommagés.


Parmi les voyageurs que contenaient ces deux wagons, neuf ont été tués sur le coup ou atteints de blessures mortelles auxquelles ils n’ont pas tardé à succomber. Dix-sept autres ont été plus ou moins grièvement blcss és. On ne connaît pas le nombre de ceux qui ont été plu6 ou moins contusionnés.
Les mécaniciens et les chauffeurs des deux trains, qui sont ordinairement les premières victimes de ces accidents, ont échappé au danger, et n’ont reçu que de simples contusions.
L’accident a eu lieu entre le passage dit de la Procession et le pont des Bœufs, sur le territoire de la commune de Plaisance, à la sortie de la gare des marchandises du chemin de fer de l’Ouest.
Aux premiers cris d’alarme, M. le docteur Saint-Macary, médecin de l’administration du chemin de fer, et plusieurs médecins de Vaugirard et des environs, sont accourus pour donner les premiers soins aux blessés. Lesagensde l’autorité, prévenus de l’accident, se sont immédiatement rendus sur les lieux. Les blessés ont été, sur leur demande, transportés à leur domicile par les soins de l’administration, assistée des agents de la Compagnie.
Au moment où l’on s’empressait de faire venir une locomotive de secours de, la gare des marchandises, un des hommes d’équipe a été mortellement atteint par le choc de la machine, et transporté à l’hospice dans un état désespéré.
Dans la soirée, une première enquête a été ouverte par M. Monval, commissaire de police du 10e arrondissement, assisté par un officier de paix.
Le lendemain de très-bonne heure, M. le procureur impérial Lascoux et un de MM. les juges d’instruction du tribunal de la Seine ont procédé à une information judiciaire.
M. Flachat, ingénieur en chef des lignes de l’Ouest, M. Blavier, ingénieur en chef du contrôle, et plusieurs membres du conseil d’administration, s’étaient rendus, de leur côté, sur les lieux, pour procéder à une enquête administrative.
Ce récit, communiqué aux journaux, semble féliciter la Compagnie de ce que le service n’a pas été interrompu. C’est un sentiment moins calme qui nous domine toutes les fois que des malheurs de ce genre appellent notre intérêt ; et les Compagnies ne sont pas l’objet de noire sollicitude. Un autre récit, dû à un témoin oculaire, et qui a porté secours aux victimes avec un dévouement intrépide, exprime mieux notre pensée ; mais nous ne reproduisons de ce récit que la mention de deux noms signalés par notre honorable correspondant à la reconnaissance publique ; ce sont les noms de (leux ouvriers : Théodore Person, serrurier, boulevard d’Enfer, n° 16, et Procureur (François-Sébastien), forgeron, rue de la Procession, n 98.
Paulin.
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1855.


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