Exposition universelle de 1855 (1).
TROPHÉE DES ORNEMENTS ECCLÉSIASTIQUES DE LA BELGIQUE.
Malgré le caractère exclusivement utilitaire et commercial de sa très-sérieuse exposition, la Belgique a pourtant des produits, peu nombreux, il est vrai, mais profondé
ment remarquables, qui attestent dans son industrie pro
prement dite autant de sentiment de l’art et du grand luxe qu’il en faut pour occuper la place élevée que lui as
signe déjà l’admiration publique. Nous ne parlons ni de ses dentelles incomparables, ni de ses draps, ni de ses belles armes, ni de ses toiles, — chefs-d’œuvre de goût, de con
science et de bon marché, dignes pendants des merveilles de peinture qu’elle a envoyées au palais des Beaux-Arts; nous ne voulons mentionner aujourd’hui que ses orne


ments ecclésiastiques, dont la richesse inouïe, le style émi


nemment catholique et la quantité considérable rappellent les splendides Chapitres du temps de la domination espa


gnole, et semblent être, dans la vitrine du Transept où


M. Joseph Van-Halle les expose, moins le trophée d’une industrie particulière qu’une espèce de musée sacerdotal composé à plaisir dans les trésors historiques de Burgos, de Tolède, de Milan ou d’Aix-la-Chapelle.
Bien ne saurait donner une idée de cette profusion d’aubes en dentelles de Malines, de chasubles, d’étoles, de dalmatiques, de chapes, de camails, de manipules, en bro
cart, en lampas ou en velours, rehaussés de pierreries et d’or et ornés de broderies d’une abondance de tons et d’unejinesse d’exécution à défier la plus exacte peinture.
A n’en juger que par les pièces cotées, dont les chiffres varient de mille à cinquante mille francs, — les plus chè
res sont aussi les plus nombreuses, — il doit y avoir là pour plus d’un million de valeur. L’or, dans cette monta
gne de magnificences, n’est que l’accessoire banal et com
mun de la soie élevée à la perfection suprême du pinceau le plus délicat. Des figures entières, des sujets religieux formant tableau se détachent, comme les antiques iconologies byzantines, sur des fonds d’or et d’émail, au rebours de nos gracieuses étoffes de Lyon dont la soie forme la chaîne et la trame, et qui brillent surtout par la légèreté aérienne de leur ornementation.
Trois statues plus grandes que nature, sculptées en bois par Geefs et revêtues d’ornements évalués à des sommes fabuleuses, méritent une description spéciale, quoique sommaire. Sous un dais, style Renaissance, sculpté, doré et brodé en or fin sur velours de Gênes (prix : 20,000 fr.), le Christ, l’auréole d’or au front, la chape byzantine sur l’épaule, tout resplendissant de diamants et de lumières,
remet les clefs du royaume des cieux à Pie IX, successeur de saint Pierre. La robe intérieure est de damas d’argent orné de pierres fines ; le manteau, en lampas d’or pon
ceau ; des inscriptions, tantôt en ivoire, tantôt en argent, tantôt en or, ge lisent et rappellent les paroles évangé
liques : — Pdsce oves meus ; — Tu es Petrus, etc. ; — Ego sum via, veritas et vita. L’étoile, l’agrafe du manteau, le tapis, les panneaux scintillent d’or et de pierreries
A la droite du Christ, sur un prie-Dieu en velours cramoisi aux armes pontificales, est agenouillé le pape Pie IX, revêtu d’une chape littéralement papale , qui a coûté, deux ans de travail, employé quinze mille pierres et deux mille cinq cents grammes de filet d’or, et qui est, ainsi que la chasuble, brodée en soie et or à passer, avec figures allégoriques représentant l’Annonciation, au milieu du chaperon, —dans les parements de la chape, ou bande de l’orfroi, l’image de Dieu le Père; dans l’agrafe de face, celle de Marie, mère de Dieu, et sur les côtés de l’orfroi, dans de riches médaillons sur fond d’argent, d’admirables broderies représentant les grands docteurs de l’Eglise, saint Thomas d’Aquin, saint Bernard, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Grégoire et saint Augustin. La tiare et la chaire de saint Pierre sont auprès du souverain pontife.
En face du saint-père, le cardinal Sterckx, archevêque actuel de Malines et primat de la Belgique, dans de splen
dides ornements, évalués deux cent cinquante mille fr., enrichis de diamants et de rubis ; de l’autre côté du baldaquin, l’héroïque archevêque de Paris, victime des jour
nées de Juin, et l’archevêque àctuel d’Utrecht, MgrZwysen (ces deux dernières figures sont momentanément absentes), complètent ce remarquable entassement de richesses. Il faut remarquer que la vitrine renferme en ou
tre de quoi changer trois fois les costumes, et que M. Van Halle doit faire tour à tour figurer dans son exposition saint François de Sales, saint Charles Borromée, saint Ignace de Loyola, Bossuet, Fénelon, les cardinaux Ri
chelieu et d’Amboise, et les archevêques actuels de Paris et de Fribourg, tous reproduits, ainsi que les figures que nous venons de mentionner, dans la fidélité de leur res
semblance et de leurs costumes consacrés par l’histoire ou la liturgie.
En face du trophée, deux produits plus modestes, mais très-remarquables comme valeur artistique, un dais de bois de chêne sculpté, avec statue de la Vierge, dans le style du quatrième siècle, par M. Dumon, de Bruges, et un autel de bois sculpté, pur genre gothique, par MM. Goyers, de Louvain, forment, avec quelques broderies placées dans la travée du premier étage, le complément de l’exposition ecclésiastique belge. Nous avons re
marqué que chacune des deux pièces sculptées en question n’est cotée que cinq mille francs; bon marché véritablement fabuleux, quand on le compare au prix de quel


ques grands meubles analogues de notre ébénisterie pari


sienne, qui sont loin d’avoir un égal mérite, ainsi que nous l’avons vu dans notre précédent article.
Ch. P. Magne.
(1) Voir les numéros 638. 640. 643. 644, (646, 646, 647, 648, 649, 650,
661, 652, 653, 664, 655, 657, €58 et 659.
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