et que les Français et les Anglais les abandonneraient alors.
La Gazette de Breslau, parle de conférences secrètes qui se tiendraient à Vienne entre les cabinets d’Autriche et de Prusse. Ce journal prétend que les représentants de l’Autriche auprès des grandes puissances, les chefs des ambas
sades de Saint-Pétersbourg, de Londres et de Berlin, et M. de Prokerch, dont la nomination à l’internonciation de Constantinople a eu lieu il y a trois jours, attendent à Vienne le résultat de ces conférences. Il n’est pas douteux, ajoutet-il, que l’alliance du 2 décembre est entrée dans une nou
velle phase de dévéloppement qui resserrera encore les liens d’amitié qui exis ten t en tre l’Autriche e L la France : c’est ce que prouve l’affaire de Naples. — On a été très-satisfait à Vienne, dit la Gazette de la Bourse, que le prince Murat ait été dé
savoué par le Moniteur, et M. de Lubner est, assure-t-on, chargé d’exprimer au ministre étranger de France la gratitude du gouvernement autrichien pour cette nouvelle garan
tie donnée au maintien de l’ordre en Italie. — l Ols-Deutch- Post croit savoir que les puissances occidentales n’ont pas élevé leurs prétentions sur les quatre points, et qu’elles ne demandent qu’une indemnité de guerre.
En Espagne, les députés continuent à ne pas vouloir se présenter à la chambre : le choléra, qui sévit en ce moment à Madrid d’une manière cruelle, entre pour beaucoup dans leur absence; les députés présents, au nombre de cent, ap
partiennent presque tous à l’opposition, et ont dernièrement fait tous leurs efforts pour exciter une brouille entre les ma
réchaux O’Donnel et Espartero , en faisant courir le bruit que la reine allait abdiquer en faveur de la jeune princesse des Asturies,et ils espéraient, en excitant les désirs des ma
réchaux vers une régence, discréditer leur dévouement à la reine et l’influence qu’ils ont sur le parti raisonnable du
pays. Mais cette manœuvre dut échouer devant la fermeté et la bonne intelligence des maréchaux.
La prorogation du parlement anglais au 11 décembre est officiellement annoncée. Des troubles sans grande importance ont éclaté à Londres, malgré des réunions nombreu
ses dans Hyde-Park. au sujet de l’élévation du prix du pain dans la capitale. Le ministre des colonies, sir W. Molesworth, est mort à Londres cette semaine.
Paulin.
Courrier de Paris.
Enfin Paris se réveille, mais son réveil est douloureux : nous avons des nouvelles tristes qui sont toujours de tristes nouvelles. L’élégiaque octobre est pâle comme un beau soir d’automne, et novembre a coutume de ressusciter avec un crêpe à son chapeau. Le jour des Morts, quel anniversaire mélancolique et touchant pour ceux qui ont la mémoire du cœur, tandis que, pour les indifférents et les curieux, ce n’est qu’un spectacle à voir comme tous les autres, un Longchamp funèbre où circule l’élégance en robe de deuil, et où le désespoir se montre parfois en grande toilette.
Glissons ici, n’appuyons pas, car il serait peu convenable de répéter avec les méchantes langues que des regrets si bien attifés ne sont, chez certaines veuves inconsolables, qu’un moyen de parvenir à être plus tôt consolées. Ne pleu
rerait-on si fastueusement ce cher mort que pour captiver quelque vivant ? L’histoire, — une histoire d’hier, — prouve que telle Artémise tourne aisément à la matrone d’Ephèse. La nôtre avait fait la commande d’un mausolée pour éterni
ser sa douleur, et précisément le pauvre défunt n’aura qu’une simple pierre fort peu commémorative. On ne veut plus entendre parler du monument, qui reste sur les bras de l’architecte, ni de la statue en marbre, dont on ne saurait que faire. La noble veuve n’attend plus que les délais de rigueur pour se remarier, et le monde s’étonne un peu de cette douleur qui a tourné si court. Et comme il est néces
saire de motiver à ses yeux ce brusque changement de température conjugale, on en est venu à chercher noise à la mémoire, du défunt : ses qualités, mensonge ; ses vertus, illusion ; on ne l’aimait d’ailleurs que sous bénéfice d’in
ventaire, et de l’inventaire fait après décès il résulte qu’il était indigne de cet amour. Artémise avait été trompée pour une danseuse, il n’y a pas de Mausole ou de mausolée qui puisse tenir contre une pareille découverte.
Avons-nous dit que dans ce jour funèbre l’industrie fait aussi sa réclame au Père-Lachaise même, intra rnuros, quoiqu’on ait chassé tous les marchands du temple de la mort. Différents fournisseurs, ·— cette profession est sans pitié, — vous y proposent leurs articles au plus extrême bon marché, depuis l’article de première nécessité pour celui que vous pleurez, jusqu’à l’article....... de journal, où
seront célébrées ses vertus. On y débite aussi çà et là des consolations pour les vivants, témoin cette invitation expres
sive, charbonnée sur la porte de maint cabaret : «Au retour du cimetière, on boit à l’heure. »
Par la même occasion, permettez-nous de dénoncer l’incartade suivante à l’indignation des honnêtes gens. J’ai vu certainement quelque part la reproduction de cette vieille enseigne figurant un danseur très-lestement entrelacé par sa danseuse, laquelle exécute par dessus sa tète un pas évidem
ment prohibé, tandis qu’on lit au bas de l’exercice : Leçons de danse et de bonne tenue.
Autre chose. Le grand gala donné par l’industrie à l’hôtel du Louvre n’a pas encore profité à l’établissement. Les visi
teurs abondent et les locataires s’abstiennent. Ce spécimen du bien-être qui les attend dans cet Eden des étrangers n’était pas encourageant. On n’y circulait, bien plus, on n’y aura festoyé qu’à la force du poignet. Beaucoup de convives ont dû subir l’humiliation de se voir arracher littéralement les morceaux de la bouche : la consommation n’y était qu’un gaspillage ; on a eu trop de monde, désagrément qui peut-être ne se renouvellera plus de longtemps. C’est de l’enthousiasme à réchauffer et un prospectus à refaire, y compris celui-ci, dont la rédaction est équivoque ; nous en aver
tissons charitablement les fondateurs. « Le prix, dit ce prospectus très-ponctuel mais bien mal ponctué, est fixé, poulies salons de 6 fr. à 20 fr., et pour les chambres de 2 fr.
à 10 fr. par jour. » Que signifie ce galimatias, sinon qu’un appartement de 6 fr. avec salon coûte 20 fr., et qu’une chambre de 2 fr. en coûte 10. L’économie de virgules est fâcheuse; nous supposons du moins que l’annonce a voulu dire : le prix est fixé, pour les salons, de 6 à 20 fr., et,
pour les chambres, de 2 à 10 fr. par jour. Autrement ce compte d’hôtelier rappellerait trop exactement celui de la cuisinière : un pain d’un sou, deux sous.
Cherchez ailleurs quelque autre diversion à la question d’Orienl, et vous allez trouver la taxe. Depuis qu’au moyen de cette grande mesure, la population semble un peu
rassurée sur sa nourriture, MM. les bouchers sont accusés d’en paralyser les bons effets. Ils ont adopté une manière de découper leur marchandise qui forme un mélange odieux d’os et de chairs meurtris que les consommateurs se disputent entre eux : c’est la réjouissance qui leur est ren
due sous la forme du songe d’Athalie. Et ils ne sont pas les seuls à regretter l’ancien régime, car cette révolution a fait bien du tort aux cuisinières : n’a-t-elle pas endommagé l’anse du panier? Et la taxe des chiens; quoi! disent ceux qu’elle intéresse, la viande est rare et chère, et c’est ce moment-là que vous choisissez pour pousser au massacre de tant d’innocents, car le chien a beau être l’emblème de la fidélité et l’ami intime de l’homme, le décret qui fait de ces animaux autant de contribuables troublera beaucoup cette intimité. Sauf Médor, le chien de chasse, de garde ou de berger ; sauf encore Miette la favorite, le reste de la race y passera, et alors, à défaut debeefsteack, que de chiensteack introduits frauduleusement dans la consommation.
Glissons ici un mot sérieux avant d’enregistrer d’autres propos qui ne le sont guère. Il ne faut pas se lasser de par
cèdent avec une persévérance si déplorable. On a fait un glorieux almanach avec ce titre : une victoi re par jour ; au train dont va la locomotive, sa légende est toute faite : un accident par jour. Lundi dernier, l’administration du chemin de fer de Lyon a informé les journaux qu’un train ex
trapé le lendemain matin, près de Fontainebleau, un train de bestiaux qui le précédait. Le· choc a été terrible, et seize personnes ont été tuées. La circulation a été promptement rétablie, ajoute la note, qui apparemment ne trouve plus autre chose à dire. Cette fois encore, à qui s’en prendre ? Ce n’est pas au feu qui donne l’impulsion à la machine,
quoiqu’on l’accuse d’être un agent peu rassurant ; ce n’est pas davantage au frein, qui ne sera jamais assez puissant pour le retenir, à moins que l’autorité n’exige que les com
pagnies se montrent plus attentives aux recherches et aux efforts des inventeurs ; il n’y a eu ni déraillement ni distrac
tion d’aiguilleur, mais deux-trains se sont trouvés lancés sur la même voie avec la chance possible et même certaine, — l’événement l’a prouvé, — de se rencontrer. Il n’y a donc plus pour les coupables qu’à chercher dans le règlement un refuge contre les foudres de la justice. Or on ne connaît guère au susdit règlement d’éditeur responsable, et voilà pourquoi, sauf quelques mois de prison qui ne peuvent échoir qu’à des subalternes, les hauts patrons de l’entreprise en sont quittes pour une amende et des dom
mages et intérêts que paye la communauté. J’ai entendu faire ce raisonnement captieux, et probablement injuste , à un éprouvé de ces accidents. Il disait, à propos de cette dernière catastrophe : « Dans leur malheur, ces Mes
sieurs ont de la chance, vu que les seize victimes étaient de simples conducteurs de bestiaux ; mettez à leur place de grands personnages ou même des notaires, et l’événement devenait ruineux. On dirait que, tout aveugle qu’il est, le règlement sait choisir son monde, et qu’il ne tue pas les plus riches; ça coûte trop cher. »
MUe Itachel, — ceci n’est plus du tragique, — est, diton, à la veille de nous revenir, après une campagne malheureuse. Soit que les Américains n’aient pas la fibre dramatique, soit tout autre cause, ils lui refusent assez obsti
nément leurs dollars, ce signe ostensible de l’admiration. Nous avons eu là-bas des recettes qui ont fait pleurer noLre dignité. Peut-être beaucoup de Yankees s’étaienl-ils per
suadés que la tragédie française se chantait, puisqu’ils ont prié la tragédienne de leur chanter la Marseillaise, ou tout au moins le Sire de Framboisy; au pis-aller, ils se seraient contentés d’un air de guitare, mais MUe Itachel ne joue plus de cette musique-là. On attend aussi, de diverses contrées lointaines, d’autres revenants qui peut-être n’y étaient pas allés ; et puisque cette phrase vous paraît obscure, il faut l’éclaircir. Apprenez donc, puisque vous l’ignorez, que l’hi
ver a ses fausses rentrées comme l’été a ses faux absents ; combien d’artistes en effet, musicastres et autres, qui, après avoir tourmenté quelque piano de banlieue, renLient en ville tout essouflés comme s’ils arrivaient du bout du monde, rassassiés d’applaudissements et d’écus, et comme éreintés de leur gloire. Tel journal spécial sonne en leur honneur la fanfare du retour, et, leur dressant un itiné
raire fantastique, les gratifie des plus grands succès dans telle ou telle ville, où leur nom n’a jamais pénétré. Gom
ment Paris ne fêterait-il pas un artiste, — appelons-le Trombolino, — que Londres ou Berlin ont si bien accueilli? et qui, cédant aux sollicitations pressantes de ses amis, voudra bien se faire entendre cet hiver à la salle trois étoi
les? C’est là un genre qu’on se donne et une comédie que joue l’innombable famille des Trombolinos. Après l’industrie et la peinture, n’est-il pas temps d’ailleurs que la musique ait son exposition ?
Un moment même, on avait parlé de procurer le même honneur à la littérature, comme si elle ne jouissait pas d’une exposition permanente, au théâtre et dans le journal.
11 avait été question d’un large cadre à lui ouvrir et qu’elle aurait rempli de son mieux; cette espèce de concours eût été
suivie d’un couronnement et de récompenses métalliques, car c’est là le point, maintenant que les Muses battent monnaie et dérogent jusqu’à l’industrie. Pour célébrer ses merveilles, — les merveilles de l’industrie, — on eût faci
lement recruté des écrivains de bonne volonté et même de talent, mais l’inspiration ou plutôt l’affaire a manqué, et de toute cette levée de boucliers littéraires, il n’est resté que le steeple-chase aux prix Véron. Donner l’essor aux aiglons du métier, aider les inconnus à §e faire connaître, et, le cas échéant, les aider à vivre, le but élait louable, et voilà qu’on désespère de l’atteindre. La concurrence est décidé
ment trop grande, et qui pis est, c’est une concurrence de médiocrités. Un seul poète a touché le but; quant aux pro
sateurs, qu’on ne compte plus que par milliers, aucun d’eux ne tient la corde, et il serait fort question de les distancer tous. Ainsi, cette prime offerte par la Société des gens de lettres n’a pas alléché les talents sérieux, et elle aura té
moigné une fois de plus de la décadence de la profession, puisque c’en est une. Voulez-vous cependant qu’elle rede
vienne ce qu’elle fut autrefois, un sacerdoce? eh bien ! laissez-ià vos prix, qui n’encouragent que le métier. Ne dressez pas vos jeunes confrères à courir après la fortune, c’est à elle à venir les chercher. Quand nos pères intellectuels, les hommes de lettres du dix-huitième siècle, habitaient des galetas, — dit Ludwig Bœrn, ·— les rois montaient pour les voir ; depuis que les nôtres occupent des appartements dorés à la façon des parvenus, ce ne sont plus que des laquais qui viennent chez eux pour leur remettre des invita
tions lithographiées pour tout le monde, et remplies de tel ou tel nom pris au hasard. En descendant les étages, ce sont précisément les étages de leur gloire que les écrivains ont descendu (c’est toujours notre Allemand qui parle).
Alors tous ces pauvres riches d’esprit occupaient une place si élevée dans l’estime de leurs contemporains qu’ils n’a
vaient qu’à laisser tomber leurs écrits, et tout le monde accourait pour les ramasser. Aujourd’hui qu’ils se sont mis au niveau de tous, et qu’ils subissent l’opinion publi
que au lieu de la faire, ils ne recueillent qu’une curiosité distraite et pleine de dédain. Aussi le temps approche où ce n’est plus aux auteurs qu’il faudra offrir des primes pour faire des livres, mais bien au public pour le déterminer à les lire. Bref, il est vrai, — disait encore cet impitoyable Franco-Germain, — que l’écrivain parisien mérite d’être en
couragé, c’est à la condition qu’on découragera le plus pos
sible les gens de métier, autrement dit les faiseurs, car si trop souvent encore l’esprit meurt de faim à Paris, tel mé
tier, soi-disant littéraire et dramatique, nourrit fort bien son homme et ne l’expose guère qu’à mourir d’indigestion.
A propos de littérature sérieuse, on peut bien vous donner cette intéressante nouvelle, que M. Tliiers a terminé sa grande Histoire du Consulat, et que le premier de ces derniers volumes est mis en vente aujourd’hui même. Nous publions plus loin la préface que l’auteur a écrite en tête de ce volume, et qui est un morceau que tout le monde va lire avec un grand intérêt. Il y a aussi une Histoire du Direc
toire de la façon de M. de Barante, ouvrage qui fait du bruit et autour duquel nous prendrons la liberté d’en faire un peu nous-même, à une autre place. Après l’histoire, si la fable peut vous plaire, vous lirez certainement un char
mant volume que l’Académie vient de couronner. A l’exem
ple du grand fabuliste, M. Léon Halévy, dans ses Fables nouvelles, dit de bonnes et piquantes vérités aux hommes, raison de plus pour mettre son recueil dans les mains des enfants.
Et le théâtre? Toujours même disette de nouveautés; nos écrivains vaudevillisants laissent sommeiller leur musette.
Un seul aura soutenu l’honneur du drapeau; c’est un acte de bonne volonté et de gentille façon qui se joue aux Varié
tés sous ce titre pastoral : Rose des bois. Enfant de l’amour, et d’un amour de haute lignée qui s’est débarrassé de sa faute en l’enfouissant au village, llose des Bois a grandi entre sa nourrice et son fieu, gros garçon aussi bête que joufflu, et qui s’est mis à l’aimer avec extravagance. Rose des Bois n’est pas ingrate, d’autant mieux que dans un de ses mo
ments lucides Eustache lui a sauvé la vie ; et le mariage serait bâclé tout de suite, si ce n’étaient les prétentions du voisin, LM. le baron de n’importe quoi. Cet homme ridicule as
pire à la main de la fillette, qu’il n’a jamais vue. Mais quelle est la surprise de l’intrus à l’aspect d’une Rose des Bois qui a de la barbe, une voix de chantre, un poignet formidable et tout ce qui s’ensuit. Cet Eustache travesti en rosière, c’est M. Lassagne, l’espoir d’un comique, et la rosière, c’est MUe Scriwaneck, une Déjazet numéro deux.
Philippe Busoni.
P. S. Un passage de notre dernier Courrier mentionnait l’accident arrivé, il y a quelques jours, sur la ligne de l’Ouest, et où nous disions qu’un aiguilleur, laissé en fac
tion pendant seize heures, était la cause innocente du mal, a donné lieu à une réclamation de l’administration en cause.
Cet aiguilleur, affirme-t-elle, avait pris le service à 6 heures trois quarts, et l’accident est arrivé à 7 heures et demie.
Nous faisons droit à la réclamation, en ajoutant, pour notre propre justification, que nous n’avons fait que transcrire l’assertion d’un autre journal. En pareille circonstance, nous répétons parfois ce qui se trouve imprimé ailleurs, nous ne l’inventons jamais.
Petropawloski.
Malgré notre désir de reproduire tout ce qui est digne de mémoire parmi les événements contemporains, et de le faire avec l’à-propôs qui donne du prix à ces sortes de re
présentations historiques, il n’est pas toujours en notre pouvoir de hâter les communications ; et les distances vaincues par l’électricité pour les nouvelles sommaires, sont encore une cause d’empêchement à l’envoi rapide de la cor
respondance et des dessins. On dit pourtant que le télé
La Gazette de Breslau, parle de conférences secrètes qui se tiendraient à Vienne entre les cabinets d’Autriche et de Prusse. Ce journal prétend que les représentants de l’Autriche auprès des grandes puissances, les chefs des ambas
sades de Saint-Pétersbourg, de Londres et de Berlin, et M. de Prokerch, dont la nomination à l’internonciation de Constantinople a eu lieu il y a trois jours, attendent à Vienne le résultat de ces conférences. Il n’est pas douteux, ajoutet-il, que l’alliance du 2 décembre est entrée dans une nou
velle phase de dévéloppement qui resserrera encore les liens d’amitié qui exis ten t en tre l’Autriche e L la France : c’est ce que prouve l’affaire de Naples. — On a été très-satisfait à Vienne, dit la Gazette de la Bourse, que le prince Murat ait été dé
savoué par le Moniteur, et M. de Lubner est, assure-t-on, chargé d’exprimer au ministre étranger de France la gratitude du gouvernement autrichien pour cette nouvelle garan
tie donnée au maintien de l’ordre en Italie. — l Ols-Deutch- Post croit savoir que les puissances occidentales n’ont pas élevé leurs prétentions sur les quatre points, et qu’elles ne demandent qu’une indemnité de guerre.
En Espagne, les députés continuent à ne pas vouloir se présenter à la chambre : le choléra, qui sévit en ce moment à Madrid d’une manière cruelle, entre pour beaucoup dans leur absence; les députés présents, au nombre de cent, ap
partiennent presque tous à l’opposition, et ont dernièrement fait tous leurs efforts pour exciter une brouille entre les ma
réchaux O’Donnel et Espartero , en faisant courir le bruit que la reine allait abdiquer en faveur de la jeune princesse des Asturies,et ils espéraient, en excitant les désirs des ma
réchaux vers une régence, discréditer leur dévouement à la reine et l’influence qu’ils ont sur le parti raisonnable du
pays. Mais cette manœuvre dut échouer devant la fermeté et la bonne intelligence des maréchaux.
La prorogation du parlement anglais au 11 décembre est officiellement annoncée. Des troubles sans grande importance ont éclaté à Londres, malgré des réunions nombreu
ses dans Hyde-Park. au sujet de l’élévation du prix du pain dans la capitale. Le ministre des colonies, sir W. Molesworth, est mort à Londres cette semaine.
Paulin.
Courrier de Paris.
Enfin Paris se réveille, mais son réveil est douloureux : nous avons des nouvelles tristes qui sont toujours de tristes nouvelles. L’élégiaque octobre est pâle comme un beau soir d’automne, et novembre a coutume de ressusciter avec un crêpe à son chapeau. Le jour des Morts, quel anniversaire mélancolique et touchant pour ceux qui ont la mémoire du cœur, tandis que, pour les indifférents et les curieux, ce n’est qu’un spectacle à voir comme tous les autres, un Longchamp funèbre où circule l’élégance en robe de deuil, et où le désespoir se montre parfois en grande toilette.
Glissons ici, n’appuyons pas, car il serait peu convenable de répéter avec les méchantes langues que des regrets si bien attifés ne sont, chez certaines veuves inconsolables, qu’un moyen de parvenir à être plus tôt consolées. Ne pleu
rerait-on si fastueusement ce cher mort que pour captiver quelque vivant ? L’histoire, — une histoire d’hier, — prouve que telle Artémise tourne aisément à la matrone d’Ephèse. La nôtre avait fait la commande d’un mausolée pour éterni
ser sa douleur, et précisément le pauvre défunt n’aura qu’une simple pierre fort peu commémorative. On ne veut plus entendre parler du monument, qui reste sur les bras de l’architecte, ni de la statue en marbre, dont on ne saurait que faire. La noble veuve n’attend plus que les délais de rigueur pour se remarier, et le monde s’étonne un peu de cette douleur qui a tourné si court. Et comme il est néces
saire de motiver à ses yeux ce brusque changement de température conjugale, on en est venu à chercher noise à la mémoire, du défunt : ses qualités, mensonge ; ses vertus, illusion ; on ne l’aimait d’ailleurs que sous bénéfice d’in
ventaire, et de l’inventaire fait après décès il résulte qu’il était indigne de cet amour. Artémise avait été trompée pour une danseuse, il n’y a pas de Mausole ou de mausolée qui puisse tenir contre une pareille découverte.
Avons-nous dit que dans ce jour funèbre l’industrie fait aussi sa réclame au Père-Lachaise même, intra rnuros, quoiqu’on ait chassé tous les marchands du temple de la mort. Différents fournisseurs, ·— cette profession est sans pitié, — vous y proposent leurs articles au plus extrême bon marché, depuis l’article de première nécessité pour celui que vous pleurez, jusqu’à l’article....... de journal, où
seront célébrées ses vertus. On y débite aussi çà et là des consolations pour les vivants, témoin cette invitation expres
sive, charbonnée sur la porte de maint cabaret : «Au retour du cimetière, on boit à l’heure. »
Par la même occasion, permettez-nous de dénoncer l’incartade suivante à l’indignation des honnêtes gens. J’ai vu certainement quelque part la reproduction de cette vieille enseigne figurant un danseur très-lestement entrelacé par sa danseuse, laquelle exécute par dessus sa tète un pas évidem
ment prohibé, tandis qu’on lit au bas de l’exercice : Leçons de danse et de bonne tenue.
Autre chose. Le grand gala donné par l’industrie à l’hôtel du Louvre n’a pas encore profité à l’établissement. Les visi
teurs abondent et les locataires s’abstiennent. Ce spécimen du bien-être qui les attend dans cet Eden des étrangers n’était pas encourageant. On n’y circulait, bien plus, on n’y aura festoyé qu’à la force du poignet. Beaucoup de convives ont dû subir l’humiliation de se voir arracher littéralement les morceaux de la bouche : la consommation n’y était qu’un gaspillage ; on a eu trop de monde, désagrément qui peut-être ne se renouvellera plus de longtemps. C’est de l’enthousiasme à réchauffer et un prospectus à refaire, y compris celui-ci, dont la rédaction est équivoque ; nous en aver
tissons charitablement les fondateurs. « Le prix, dit ce prospectus très-ponctuel mais bien mal ponctué, est fixé, poulies salons de 6 fr. à 20 fr., et pour les chambres de 2 fr.
à 10 fr. par jour. » Que signifie ce galimatias, sinon qu’un appartement de 6 fr. avec salon coûte 20 fr., et qu’une chambre de 2 fr. en coûte 10. L’économie de virgules est fâcheuse; nous supposons du moins que l’annonce a voulu dire : le prix est fixé, pour les salons, de 6 à 20 fr., et,
pour les chambres, de 2 à 10 fr. par jour. Autrement ce compte d’hôtelier rappellerait trop exactement celui de la cuisinière : un pain d’un sou, deux sous.
Cherchez ailleurs quelque autre diversion à la question d’Orienl, et vous allez trouver la taxe. Depuis qu’au moyen de cette grande mesure, la population semble un peu
rassurée sur sa nourriture, MM. les bouchers sont accusés d’en paralyser les bons effets. Ils ont adopté une manière de découper leur marchandise qui forme un mélange odieux d’os et de chairs meurtris que les consommateurs se disputent entre eux : c’est la réjouissance qui leur est ren
due sous la forme du songe d’Athalie. Et ils ne sont pas les seuls à regretter l’ancien régime, car cette révolution a fait bien du tort aux cuisinières : n’a-t-elle pas endommagé l’anse du panier? Et la taxe des chiens; quoi! disent ceux qu’elle intéresse, la viande est rare et chère, et c’est ce moment-là que vous choisissez pour pousser au massacre de tant d’innocents, car le chien a beau être l’emblème de la fidélité et l’ami intime de l’homme, le décret qui fait de ces animaux autant de contribuables troublera beaucoup cette intimité. Sauf Médor, le chien de chasse, de garde ou de berger ; sauf encore Miette la favorite, le reste de la race y passera, et alors, à défaut debeefsteack, que de chiensteack introduits frauduleusement dans la consommation.
Glissons ici un mot sérieux avant d’enregistrer d’autres propos qui ne le sont guère. Il ne faut pas se lasser de par
ler des malheurs causés par la locomotive, puisqu’ils se suc
cèdent avec une persévérance si déplorable. On a fait un glorieux almanach avec ce titre : une victoi re par jour ; au train dont va la locomotive, sa légende est toute faite : un accident par jour. Lundi dernier, l’administration du chemin de fer de Lyon a informé les journaux qu’un train ex
press, parti de Lyon le samedi à sept heures du soir, a rat
trapé le lendemain matin, près de Fontainebleau, un train de bestiaux qui le précédait. Le· choc a été terrible, et seize personnes ont été tuées. La circulation a été promptement rétablie, ajoute la note, qui apparemment ne trouve plus autre chose à dire. Cette fois encore, à qui s’en prendre ? Ce n’est pas au feu qui donne l’impulsion à la machine,
quoiqu’on l’accuse d’être un agent peu rassurant ; ce n’est pas davantage au frein, qui ne sera jamais assez puissant pour le retenir, à moins que l’autorité n’exige que les com
pagnies se montrent plus attentives aux recherches et aux efforts des inventeurs ; il n’y a eu ni déraillement ni distrac
tion d’aiguilleur, mais deux-trains se sont trouvés lancés sur la même voie avec la chance possible et même certaine, — l’événement l’a prouvé, — de se rencontrer. Il n’y a donc plus pour les coupables qu’à chercher dans le règlement un refuge contre les foudres de la justice. Or on ne connaît guère au susdit règlement d’éditeur responsable, et voilà pourquoi, sauf quelques mois de prison qui ne peuvent échoir qu’à des subalternes, les hauts patrons de l’entreprise en sont quittes pour une amende et des dom
mages et intérêts que paye la communauté. J’ai entendu faire ce raisonnement captieux, et probablement injuste , à un éprouvé de ces accidents. Il disait, à propos de cette dernière catastrophe : « Dans leur malheur, ces Mes
sieurs ont de la chance, vu que les seize victimes étaient de simples conducteurs de bestiaux ; mettez à leur place de grands personnages ou même des notaires, et l’événement devenait ruineux. On dirait que, tout aveugle qu’il est, le règlement sait choisir son monde, et qu’il ne tue pas les plus riches; ça coûte trop cher. »
MUe Itachel, — ceci n’est plus du tragique, — est, diton, à la veille de nous revenir, après une campagne malheureuse. Soit que les Américains n’aient pas la fibre dramatique, soit tout autre cause, ils lui refusent assez obsti
nément leurs dollars, ce signe ostensible de l’admiration. Nous avons eu là-bas des recettes qui ont fait pleurer noLre dignité. Peut-être beaucoup de Yankees s’étaienl-ils per
suadés que la tragédie française se chantait, puisqu’ils ont prié la tragédienne de leur chanter la Marseillaise, ou tout au moins le Sire de Framboisy; au pis-aller, ils se seraient contentés d’un air de guitare, mais MUe Itachel ne joue plus de cette musique-là. On attend aussi, de diverses contrées lointaines, d’autres revenants qui peut-être n’y étaient pas allés ; et puisque cette phrase vous paraît obscure, il faut l’éclaircir. Apprenez donc, puisque vous l’ignorez, que l’hi
ver a ses fausses rentrées comme l’été a ses faux absents ; combien d’artistes en effet, musicastres et autres, qui, après avoir tourmenté quelque piano de banlieue, renLient en ville tout essouflés comme s’ils arrivaient du bout du monde, rassassiés d’applaudissements et d’écus, et comme éreintés de leur gloire. Tel journal spécial sonne en leur honneur la fanfare du retour, et, leur dressant un itiné
raire fantastique, les gratifie des plus grands succès dans telle ou telle ville, où leur nom n’a jamais pénétré. Gom
ment Paris ne fêterait-il pas un artiste, — appelons-le Trombolino, — que Londres ou Berlin ont si bien accueilli? et qui, cédant aux sollicitations pressantes de ses amis, voudra bien se faire entendre cet hiver à la salle trois étoi
les? C’est là un genre qu’on se donne et une comédie que joue l’innombable famille des Trombolinos. Après l’industrie et la peinture, n’est-il pas temps d’ailleurs que la musique ait son exposition ?
Un moment même, on avait parlé de procurer le même honneur à la littérature, comme si elle ne jouissait pas d’une exposition permanente, au théâtre et dans le journal.
11 avait été question d’un large cadre à lui ouvrir et qu’elle aurait rempli de son mieux; cette espèce de concours eût été
suivie d’un couronnement et de récompenses métalliques, car c’est là le point, maintenant que les Muses battent monnaie et dérogent jusqu’à l’industrie. Pour célébrer ses merveilles, — les merveilles de l’industrie, — on eût faci
lement recruté des écrivains de bonne volonté et même de talent, mais l’inspiration ou plutôt l’affaire a manqué, et de toute cette levée de boucliers littéraires, il n’est resté que le steeple-chase aux prix Véron. Donner l’essor aux aiglons du métier, aider les inconnus à §e faire connaître, et, le cas échéant, les aider à vivre, le but élait louable, et voilà qu’on désespère de l’atteindre. La concurrence est décidé
ment trop grande, et qui pis est, c’est une concurrence de médiocrités. Un seul poète a touché le but; quant aux pro
sateurs, qu’on ne compte plus que par milliers, aucun d’eux ne tient la corde, et il serait fort question de les distancer tous. Ainsi, cette prime offerte par la Société des gens de lettres n’a pas alléché les talents sérieux, et elle aura té
moigné une fois de plus de la décadence de la profession, puisque c’en est une. Voulez-vous cependant qu’elle rede
vienne ce qu’elle fut autrefois, un sacerdoce? eh bien ! laissez-ià vos prix, qui n’encouragent que le métier. Ne dressez pas vos jeunes confrères à courir après la fortune, c’est à elle à venir les chercher. Quand nos pères intellectuels, les hommes de lettres du dix-huitième siècle, habitaient des galetas, — dit Ludwig Bœrn, ·— les rois montaient pour les voir ; depuis que les nôtres occupent des appartements dorés à la façon des parvenus, ce ne sont plus que des laquais qui viennent chez eux pour leur remettre des invita
tions lithographiées pour tout le monde, et remplies de tel ou tel nom pris au hasard. En descendant les étages, ce sont précisément les étages de leur gloire que les écrivains ont descendu (c’est toujours notre Allemand qui parle).
Alors tous ces pauvres riches d’esprit occupaient une place si élevée dans l’estime de leurs contemporains qu’ils n’a
vaient qu’à laisser tomber leurs écrits, et tout le monde accourait pour les ramasser. Aujourd’hui qu’ils se sont mis au niveau de tous, et qu’ils subissent l’opinion publi
que au lieu de la faire, ils ne recueillent qu’une curiosité distraite et pleine de dédain. Aussi le temps approche où ce n’est plus aux auteurs qu’il faudra offrir des primes pour faire des livres, mais bien au public pour le déterminer à les lire. Bref, il est vrai, — disait encore cet impitoyable Franco-Germain, — que l’écrivain parisien mérite d’être en
couragé, c’est à la condition qu’on découragera le plus pos
sible les gens de métier, autrement dit les faiseurs, car si trop souvent encore l’esprit meurt de faim à Paris, tel mé
tier, soi-disant littéraire et dramatique, nourrit fort bien son homme et ne l’expose guère qu’à mourir d’indigestion.
A propos de littérature sérieuse, on peut bien vous donner cette intéressante nouvelle, que M. Tliiers a terminé sa grande Histoire du Consulat, et que le premier de ces derniers volumes est mis en vente aujourd’hui même. Nous publions plus loin la préface que l’auteur a écrite en tête de ce volume, et qui est un morceau que tout le monde va lire avec un grand intérêt. Il y a aussi une Histoire du Direc
toire de la façon de M. de Barante, ouvrage qui fait du bruit et autour duquel nous prendrons la liberté d’en faire un peu nous-même, à une autre place. Après l’histoire, si la fable peut vous plaire, vous lirez certainement un char
mant volume que l’Académie vient de couronner. A l’exem
ple du grand fabuliste, M. Léon Halévy, dans ses Fables nouvelles, dit de bonnes et piquantes vérités aux hommes, raison de plus pour mettre son recueil dans les mains des enfants.
Et le théâtre? Toujours même disette de nouveautés; nos écrivains vaudevillisants laissent sommeiller leur musette.
Un seul aura soutenu l’honneur du drapeau; c’est un acte de bonne volonté et de gentille façon qui se joue aux Varié
tés sous ce titre pastoral : Rose des bois. Enfant de l’amour, et d’un amour de haute lignée qui s’est débarrassé de sa faute en l’enfouissant au village, llose des Bois a grandi entre sa nourrice et son fieu, gros garçon aussi bête que joufflu, et qui s’est mis à l’aimer avec extravagance. Rose des Bois n’est pas ingrate, d’autant mieux que dans un de ses mo
ments lucides Eustache lui a sauvé la vie ; et le mariage serait bâclé tout de suite, si ce n’étaient les prétentions du voisin, LM. le baron de n’importe quoi. Cet homme ridicule as
pire à la main de la fillette, qu’il n’a jamais vue. Mais quelle est la surprise de l’intrus à l’aspect d’une Rose des Bois qui a de la barbe, une voix de chantre, un poignet formidable et tout ce qui s’ensuit. Cet Eustache travesti en rosière, c’est M. Lassagne, l’espoir d’un comique, et la rosière, c’est MUe Scriwaneck, une Déjazet numéro deux.
Philippe Busoni.
P. S. Un passage de notre dernier Courrier mentionnait l’accident arrivé, il y a quelques jours, sur la ligne de l’Ouest, et où nous disions qu’un aiguilleur, laissé en fac
tion pendant seize heures, était la cause innocente du mal, a donné lieu à une réclamation de l’administration en cause.
Cet aiguilleur, affirme-t-elle, avait pris le service à 6 heures trois quarts, et l’accident est arrivé à 7 heures et demie.
Nous faisons droit à la réclamation, en ajoutant, pour notre propre justification, que nous n’avons fait que transcrire l’assertion d’un autre journal. En pareille circonstance, nous répétons parfois ce qui se trouve imprimé ailleurs, nous ne l’inventons jamais.
Petropawloski.
Malgré notre désir de reproduire tout ce qui est digne de mémoire parmi les événements contemporains, et de le faire avec l’à-propôs qui donne du prix à ces sortes de re
présentations historiques, il n’est pas toujours en notre pouvoir de hâter les communications ; et les distances vaincues par l’électricité pour les nouvelles sommaires, sont encore une cause d’empêchement à l’envoi rapide de la cor
respondance et des dessins. On dit pourtant que le télé