pus d’une gaielé folle. Qu’y faire ? En ce mo
ment le monde ne subit aucun ridicule élégant. Saui les distractions sus
dites, qui ne consistent encore qu’en prépara
tifs, l’approche de l’hi
ver ne se révèle que par ses brouillards. Les sa
lons fermés, on ne se voit que dans les théâ
tres. Où trouver une fêle à signaler, une mode à décrire, un mariage impossible ou autre à ra
conter? Est-ce que le moment approche où il
faudra comprendre aussi les petites nouvelles dans la grande catégorie des choses qui s’en vont ou
même qui n’existent plus? car, en dépit de l’industrie et de ses mer. veilles, nous avons trèspeu de ces choses qui faisaient le bonheur de nos bons aïeux. Si c’est là un paradoxe, comme je l’espère bien, raison de plus pour garder l’a­
nonyme à son auteur.
D’abord, nous disait cet homme toqué, en France il y a décidément trop de gens d’esprit pour qu’il nous en reste en
core beaucoup. Ajoutez que, dans le naufrage de ses anciens privilèges, l’esprit n’a guère con
servé que ses dangers. En morale, il y aurait bien quelque chose à dire de l’honnêteté publique, s’il n’était malséant et encore plus ri
dicule de trancher du
Caton. Seulement il est permis de croire, d’après certains considérants de la justice, que ce niveaulà a fléchi comme tous les autres, et qu’on ne trouve plus guère de scrupule à faire tout ce qui n’est pas expressément défendu par le Co
de. On a tant glorifié la matière aux dépens de l’âme qu’elle devait finir par échapper à cette tu
telle. Ne parlons pas de nos adolescents qui sont déjà vieux à vingt ans, et des femmes qui sont
encore jeunes àsoixante,, car il résulterait de l’in
ventaire qu’il n’y a plus de jeunes gens ni de vieilles femmes, comme si l’espoir de l’avenir devait nous manquer en même temps que la con
solation du passé. Ainsi parlait ce docteur noir,
en inventant pas mal d’anecdotes, comme autant de prétendues piè
ces à l’appui ; mais les arts, la science, l’indus
trie , on vous défie bien
d’y trouver à redire et de contester ses progrès. — Ali oui, parlons-en , reprit-il de plus belle
En peinture, on n’aime plus que la charge, de même qu’en musique on
ne se passionne plus que pour le bruit. Quant à la littérature, ne troublons l’agonie de per
sonne. L’histoire de tous les temps n’offre pas d’exemple d’un avorte
ment plus magnifique.
Pour l’industrie, ne me condamnez pas à des re
dites, on ne démontre pas l’évidence. Lequel de ses produits n’a-t-on pas falsifié ? c’est un ad
mirable cadavre que l’annonce elle-même ne peut plus embaumer. Et que penser d’une cer
taine science qui sait rendre toute pourriture inodore! — Vous avouerez du moins qu’on fabrique de charmants bi
joux, des meubles miraculeux et de fort beaux tissus,
— de magnifiques assurément, et votre Exposition en est encombrée; mais ce sont autant de précieux échantillons qu’on a bien de la peine à retrouver dans la consommation, comme si on les eût fabriqués tout exprès pour la circon
stance et en manière de spécimen qui sert à écouler autre chose. — Voyez-vous la calomnie ! Mais l’auditoire s’impatiente ; changeons de dossier.
Voici quelques menues nouvelles, qui peut-être ne sont plus d’une extrême nouveauté. Telle est la disparition de l’excellent Villars, du Gymnase; absence dont le mystère s’est douloureusement éclairci. Après d’actives recherches,
son corps a été retrouvé dans la rivière, au bas Meudon. Il s’est dit que deux somnambules, consultées à la fois, — il y a donc encore des somnambules, et on les consulte. —au
raient déclaré, l’une, qu’elle le voyait au fond de la Seine, et l’autre, qu’il était dans une situation relativement bonne.
Villars, dont on aimait le talent, et dont le caractère était estimé de tous, n’a pas laissé un seul mot d’adieu à la vie ni à personne, et c’est pourquoi il faut laisser tomber sur les causes probables de ce triste événement le voile que l’inlortuné lui-même y a jeté.
Un événement, qui n’a rien de funèbre heureusement, mais qui attriste beaucoup les amis de la bonne comédie, c’est la retraite prochaine de M. Samson. Si l’éminent comé
dien, dont le talent n’a pas vieilli, a la modestie de croire que le Théâtre-Français peut se passer de ses services, le Théâtre-Français connaît trop bien ses intérêts pour ne pas retenir son pensionnaire ; on se persuade aussi que les bra
vos du public sont des arguments irrésistibles auxquels M. Samson ne résistera pas. — U paraît très-certain que M lc Cruvelli va quitter l’Opéra, et que M e Stoltz serait au moment d’y rentrer. Si cette légère information vous était fournie ailleurs, veuillez supposer que je n’ai rien dit. C’est encore le mariage qui nous enlèverait Mlle Cruvelli, et Mm0 Stoltz nous serait rendue à la suite d’un divorce avec le Brésil. L’engagement transatlantique allait être signé, lors
que, s’avisant que le chiffre de la subvention n’était pas à la hauteur de son talent, la grande cantatrice aurait tout rompu, en disant à sa manière : « Au fait, le Brésil, ça n’est pas le Pérou. »
L’autre soir, au foyer d’un théâtre secondaire, l’ingénue qui tient l’emploi en chef et qui en joue les rôles depuis vingt ans, apparut tout à coup au milieu de ses compagnes, le corsage orné d’un magnifique bouquet de fleurs d’oran
ger. «Ah ça! Marion, lu vas donc le marier? — Comme vous dites; et c’est demain que B. me conduit à l’autel. — Quel hôtel? — Le sien, pardi ! — On le disait ruiné. — Du tout, puisqu’il est propriétaire de deux maisons, et bien hypothéquées encore. »
Autre comédienne qui vient de ressusciter à l’Odéon, la Raisin. Cette Itaisin, la perle des comédiennes de l’Iiôtel de
Bourgogne, était douée d’une rare beauté qui ne lui servit guère qu’à manquer sa fortune de théâtre. Distinguée pâl
ies grands seigneurs et les courtisans, elle, arriva très-vile ainsi à l’intimité des princes et des monarques. Le roi Charles 11 d’Angleterre l’honora de ses regards dans une tournée qu’elle était allée faire à Londres; elle compta parmi ses attachés le duc de Vendôme et ses amis ; les au
teurs faisaient des rôles tout exprès pour elle, les poêles élégiaques, qui sont parfois les poêles badins, la chantèrent à outrance; bref, il lui arriva d’ensorceler tout à fait le fils légitime du grand roi, le grand Dauphin , un assez bel homme que la Palatine a tant loué, pour sa bonne mine de prince allemand. Ce caprice royal, qui dura longtemps, n’eut aucun résultat pour la charmante Itaisin, si ce n’est qu’il l’enleva à sa profession, et elle dut se résigner à vivre de mortifications dans les petits appartements de Meudon.
C’est là que la comédie de l’Odéon vient de la prendre pour célébrêr une de ses escapades, qui a la couleur d’une belle action. Seulement la comédie, qui a bien le droit de ména
ger la mémoire des princes, fait une entorse à la chronique en substituant au fils de Louis XIV le duc d’Anlin dans l’histoire de la Itaisin. La comédie suppose que, sollicitée liai- ses anciens camarades de jouer dans une représentation à leur bénéfice, la Itaisin s’est échappée de Meudon et que Monseigneur n’en a rien su. Il est vrai que tout le monde,
— y compris le public, — a l’air de s’être entendu pour
lui conserver l’incognito. L’intrigue est légère et la pièce un peu longuette, mais elle est rimée avec beaucoup de verve et d’esprit. Il faut féliciter l’auteur, M. Itoger de Beauvoir, d’avoir trouvé ce prétexte aimable, la Itaisin, pour donner l’essor à sa fantaisie de poète.
Un très-brillant succès au théâtre de la Gaieté, le Médecin des enfants, c’est tout ce qu’il nous reste à constater aujourd’hui; cette pièce, de MM. Anicet Bourgeois et Dennery, vivra longtemps sur l’affiche, et un compte rendu viendra encore assez tôt la semaine prochaine.
Au sujet du grand dessin qui côtoie la petite chronique, un correspondant nous écrit: «Le Rhône a débordé! tel est le cri d’effroi qui, de Lyon à Tarascon et au delà, a re
tenti parmi les populations riveraines, car les digues sont impuissantes et le fleuve les a franchies. A Tarascon la basse ville est envahie. Entre Lyon et Valence, les convois de chemin de fer traversent l’inondation. A Avignon de même qu’à Lyon, l’eau commence à pénétrer dans les rues. Entre Avignon et Villeneuve, vaste espace qui forme le der
nier plan de. ce dessin, les deux bras du fleuve ont couvert entièrement l’île qui les sépare; c’est le même spectacle et la même désolation qu’en 18A0. Le courant du Rhône, qui
en temps ordinaire est de 1 mètre 50 centimètres, s’élève en ce moment à près de 5 mètres, et c’est dans la violence de ce torrent que se débat une poignée d’hommes, montés sur de frêles embarcations, afin d’arracher au fleuve quelques débris, leur unique et dernière ressource. »
Philippe Busoni.
D
é
b
o
r
d
e
m
e
n
t
d
u
R
h
ô
n
e
d
e
v
a
n
t
A
v
ig


io


n
,
v
u
e
p
r
i
s
e
o
u
R
o
c
h
e
r
d
u
D
o


m


.





D’


a
p
r
è
s
u
n
c
r
o
q
u
is
d
e


M


.
G
a
i
l
d
r
a
u
.