Quant au boudoir, on rêverait difficilement quelque chose, déplus calme et de plus frais, de plus coquet et de plus noble en même temps que cette pièce tendue, meubles, pla
fonds et panneaux de moire antique de Lyon, aux couleurs favorites de S. M. l’Impératrice (rose pâle et gris de perle).
Dans les moindres détails de la passementerie comme dans la coupe des lambrequins et des pentes, dans le confortable des sièges comme dans /agencement des draperies, la bro
derie â la main des rideaux de mousseline, l’opulente frange d’or des grands rideaux de velours grenat doublés de satin blanc, les bois sculptés et écussonnés des fauteuils et des sièges, — dans le choix des meubles enfin, ici une jardinière de citronnier avec médaillons et camées de vieux Sèvres; là un serre-papier de malachite, ayant appartenu au premier empereur, près d’une coupe de Klagmann en argent ciselé, qui est une merveille, et d’une glace de Venise encadrée de cristal de roche, — tout a été prévu, soigné, caressé avec une opulence de recherches, une minutie d’exécution, un luxe d’accessoires et une délicatesse de goût dont la plume ne peut donner l’idée, et qui justifient à la ibis l’empressement du public et les suffrages si compétents que LL. MM.
serait regrettable que la tapisserie, surtout, fût perdue pour la France ; et elle le sera infailliblement si elle passe la Manche pour se rendre à Londres, où nous avons ouï dire qu’on se proposait de faire une exhibi
tion payante du salon et du boudoir, tels qu’ils figurent au palais de l’Industrie.
L’Angleterre ne laissera pas échapper cette occasion de compléter ses magnificences de Itamptoncourt, de Windsor et de Buckingham-Pa
lace. L’aiguille ici a vaincu le pinceau, non pas seule
ment sous le rapport de l’exécution, qui est prodi
gieuse, mais au point de vue de l’intelligence, de l’imagi
nation et de la fécondité des motifs : on dirait qu’un de ces Flamands de génie que le grand roi traitait de ma
gots , a voulu prouve]1 à Louis XIV qu’il se trompait, et que même avec des ma
gots on peut faire de l’art et de la vie. Rien de capricieux, de spirituel, de co
loré, d’éblouissant comme
ces Chinois et ces Chinoises de fantaisie , empereurs, mandarins,cultivateurs,dan
seurs, artistes, savants,si théâtralement em
bouffons, si a-
dorablement guindés, sen
tant leur grand siècle d’une lieue, et à qui il ne manque que la perru
que et le vertugadin pour redevenir des portraits histo
détachant sur un fouillis de fleurs et d’animaux fantas
ques, et faisant pâlir, tant ils sont riches de tons et de lu
mière , le fond miroitant d’or et de soie qui les porte. Ce qu’il a fallu de soins,detemps, de goût, de patience et de fi
nesse artistique pour dessiner et pour rendre de la sorte ces
tes, ou bien ces fauteuils et ce canapé à sujets de chasse et de fêtes pastorales, madame de
Caylus seule pourrait nous le dire : car elle a dû travailler à cette merveille, la seule chose qui, avec ses Souvenirs, les œuvres de sa tante et les tragédies de Racine, nous restent encore de l’ancien Saint-Cyr.
selle de 1855 (1).
Le salon et le boudoir de
S. M. l’impératrice.
Le Moniteur universel, qui, dans ses comptes-ren
dus des visites du prince Napoléon aux diverses classes de l’Exposition universelle, s’est rencontré plus d’une fois avec nos humbles articles, écrivait dernière
ment, à propos des deux
charmantes créations que nos dessins de ce jour reproduisent en partie :
« L’art du tapissier, si intimement lié à celui de l’é
béniste, n’est représenté au palais de l’Industrie que par les auteurs de ce salon et de ce boudoir de Sa Majesté rtmpératrice, qui, après les diamants de la Couronne, sont le grand spectacle at
tractif de la foule. Dans le salon, une tapisserie â l’ai
guille, brodée parles demoi
selles de Saint-Cyr, sous la direction de M“* de Maintenon, œuvre de haute valeur comme art et comme sou
venir, couvre les murs et les meubles, et lut
te de vivacité et de coloris avec un plafond peint par Despléchin. »
La feuille officielle eût pu ajouter que MM. Mégard et Jules Duval ,
propriétaires et auteurs de ce salon et de ce boudoir, quand ils eurent l’idée à la fois res
pectueuse et prévenante de faire de leur Exposition un
lieu de repos pour la souve
raine des Fran
çais, n’avaient littéralement
trouvé que les quatre murs tout nus de l’emplacement
dont ils ont fait une des plus heureuses et des plus déli
cates combinai
sons de l’art de la décoration moderne. Bon nombre de vi
siteurs s’imagi
nent,—et cette illusion, si nous ne nous trompons, a été partagée par d’augustes confian
ces, — que ce boudoir et ce salon de fées étaient une gracieuse surprise offerte à S. M. l’Impératrice par la Compa
gnie du palais ou par la Commission impériale. Il n’en est rien, absolument rien. Les deux tapissiers, qui ont dépensé là une centaine de mille francs, sont, jusqu’à présent, propriétaires uniques de tout ce que contiennent les deux piè
ces , sauf ce qu’ils n’avaient pas à exposer , puisqu’ils ne sont que tapissiers, c’est-à-dire un bonheur du jour, une table Louis XV et une garniture de cheminée, une toilette
et des candélabres en argent massif, appartenant à MM. Ilunt et Roskell, de Londres, une délicieuse statuette de M. Doriot, et négligemment jetés sur les consoles, un ou deux de ces bouquets de fleurs artificielles où le talent de MmeGuersant réussit à lutter avec la nature. Tout le reste est leur œuvre ou leur chose, depuis l’historique tapisserie de Saint- Cyr, belle et intelligente comme une peinture, jusqu’aux patères qui retiennent les embrasses, — depuis la porte si curieusement menuisée et dorée jusqu’aux marbres de la cheminée, aux cadres des glaces et aux moulures des pla
fonds. Et dans la prévision, sans doute, qu’ils auraient à en disposer après l’Exposition, ils ont pu, malgré les diffi
cultés de travail que leur opposaient l’exiguïté du local et l’irrégularité des fenêtres, monter leurs tentures de façon à les approprier un jour à un milieu plus convenable. Il
Dossier de fauteuil exécuté en tapisserie par les demoiselles de Saint-Cyr.
(1) Voir les numéros 638. 640. 643, 644 645, 646, 647, 648, 649, 650, 651, 652, 653, 654, 655, 657, 658, 659 et 660.
Le salon de l’impératrice.
fonds et panneaux de moire antique de Lyon, aux couleurs favorites de S. M. l’Impératrice (rose pâle et gris de perle).
Dans les moindres détails de la passementerie comme dans la coupe des lambrequins et des pentes, dans le confortable des sièges comme dans /agencement des draperies, la bro
derie â la main des rideaux de mousseline, l’opulente frange d’or des grands rideaux de velours grenat doublés de satin blanc, les bois sculptés et écussonnés des fauteuils et des sièges, — dans le choix des meubles enfin, ici une jardinière de citronnier avec médaillons et camées de vieux Sèvres; là un serre-papier de malachite, ayant appartenu au premier empereur, près d’une coupe de Klagmann en argent ciselé, qui est une merveille, et d’une glace de Venise encadrée de cristal de roche, — tout a été prévu, soigné, caressé avec une opulence de recherches, une minutie d’exécution, un luxe d’accessoires et une délicatesse de goût dont la plume ne peut donner l’idée, et qui justifient à la ibis l’empressement du public et les suffrages si compétents que LL. MM.
serait regrettable que la tapisserie, surtout, fût perdue pour la France ; et elle le sera infailliblement si elle passe la Manche pour se rendre à Londres, où nous avons ouï dire qu’on se proposait de faire une exhibi
tion payante du salon et du boudoir, tels qu’ils figurent au palais de l’Industrie.
L’Angleterre ne laissera pas échapper cette occasion de compléter ses magnificences de Itamptoncourt, de Windsor et de Buckingham-Pa
lace. L’aiguille ici a vaincu le pinceau, non pas seule
ment sous le rapport de l’exécution, qui est prodi
gieuse, mais au point de vue de l’intelligence, de l’imagi
nation et de la fécondité des motifs : on dirait qu’un de ces Flamands de génie que le grand roi traitait de ma
gots , a voulu prouve]1 à Louis XIV qu’il se trompait, et que même avec des ma
gots on peut faire de l’art et de la vie. Rien de capricieux, de spirituel, de co
loré, d’éblouissant comme
ces Chinois et ces Chinoises de fantaisie , empereurs, mandarins,cultivateurs,dan
seurs, artistes, savants,si théâtralement em
pressés, si majestueusement
bouffons, si a-
dorablement guindés, sen
tant leur grand siècle d’une lieue, et à qui il ne manque que la perru
que et le vertugadin pour redevenir des portraits histo
riques ; — se
détachant sur un fouillis de fleurs et d’animaux fantas
ques, et faisant pâlir, tant ils sont riches de tons et de lu
mière , le fond miroitant d’or et de soie qui les porte. Ce qu’il a fallu de soins,detemps, de goût, de patience et de fi
nesse artistique pour dessiner et pour rendre de la sorte ces
panneaux etces dessins de por
tes, ou bien ces fauteuils et ce canapé à sujets de chasse et de fêtes pastorales, madame de
Caylus seule pourrait nous le dire : car elle a dû travailler à cette merveille, la seule chose qui, avec ses Souvenirs, les œuvres de sa tante et les tragédies de Racine, nous restent encore de l’ancien Saint-Cyr.
Exposition univer
selle de 1855 (1).
Le salon et le boudoir de
S. M. l’impératrice.
Le Moniteur universel, qui, dans ses comptes-ren
dus des visites du prince Napoléon aux diverses classes de l’Exposition universelle, s’est rencontré plus d’une fois avec nos humbles articles, écrivait dernière
ment, à propos des deux
charmantes créations que nos dessins de ce jour reproduisent en partie :
« L’art du tapissier, si intimement lié à celui de l’é
béniste, n’est représenté au palais de l’Industrie que par les auteurs de ce salon et de ce boudoir de Sa Majesté rtmpératrice, qui, après les diamants de la Couronne, sont le grand spectacle at
tractif de la foule. Dans le salon, une tapisserie â l’ai
guille, brodée parles demoi
selles de Saint-Cyr, sous la direction de M“* de Maintenon, œuvre de haute valeur comme art et comme sou
venir, couvre les murs et les meubles, et lut
te de vivacité et de coloris avec un plafond peint par Despléchin. »
La feuille officielle eût pu ajouter que MM. Mégard et Jules Duval ,
propriétaires et auteurs de ce salon et de ce boudoir, quand ils eurent l’idée à la fois res
pectueuse et prévenante de faire de leur Exposition un
lieu de repos pour la souve
raine des Fran
çais, n’avaient littéralement
trouvé que les quatre murs tout nus de l’emplacement
dont ils ont fait une des plus heureuses et des plus déli
cates combinai
sons de l’art de la décoration moderne. Bon nombre de vi
siteurs s’imagi
nent,—et cette illusion, si nous ne nous trompons, a été partagée par d’augustes confian
ces, — que ce boudoir et ce salon de fées étaient une gracieuse surprise offerte à S. M. l’Impératrice par la Compa
gnie du palais ou par la Commission impériale. Il n’en est rien, absolument rien. Les deux tapissiers, qui ont dépensé là une centaine de mille francs, sont, jusqu’à présent, propriétaires uniques de tout ce que contiennent les deux piè
ces , sauf ce qu’ils n’avaient pas à exposer , puisqu’ils ne sont que tapissiers, c’est-à-dire un bonheur du jour, une table Louis XV et une garniture de cheminée, une toilette
et des candélabres en argent massif, appartenant à MM. Ilunt et Roskell, de Londres, une délicieuse statuette de M. Doriot, et négligemment jetés sur les consoles, un ou deux de ces bouquets de fleurs artificielles où le talent de MmeGuersant réussit à lutter avec la nature. Tout le reste est leur œuvre ou leur chose, depuis l’historique tapisserie de Saint- Cyr, belle et intelligente comme une peinture, jusqu’aux patères qui retiennent les embrasses, — depuis la porte si curieusement menuisée et dorée jusqu’aux marbres de la cheminée, aux cadres des glaces et aux moulures des pla
fonds. Et dans la prévision, sans doute, qu’ils auraient à en disposer après l’Exposition, ils ont pu, malgré les diffi
cultés de travail que leur opposaient l’exiguïté du local et l’irrégularité des fenêtres, monter leurs tentures de façon à les approprier un jour à un milieu plus convenable. Il
Dossier de fauteuil exécuté en tapisserie par les demoiselles de Saint-Cyr.
(1) Voir les numéros 638. 640. 643, 644 645, 646, 647, 648, 649, 650, 651, 652, 653, 654, 655, 657, 658, 659 et 660.
Le salon de l’impératrice.