ainsi que dix escadrons russes se sont repliés devant quatre escadrons turcs que le général d’Allonville avait lancés contre eux. Le jour suivant les mêmes manœuvres ont été renouvelées sans plus de succès. lie manque d’eau en avant de Sacfc, et la difficulté de s’entretenir de fourrage, ont décidé le général à rentrer, le 29, à Eupatoria. Les alen
tours de cette place, jusqu’à une grande distance, ont été complètement abandonnés par les Russes.
Voici un extrait de l’ordre général publié par le maréchal Pélissier après la prise de Kinburn :
«La journée du 17 octobre, dit le maréchal, dans laquelle la flotte et l’armée ont été si heureuses d’associer de nou
veau leurs efforts pour le même but, ajoute encore à la gloire, à la renommée des armes alliées.
«Elle a terrifié les Russes, qui dans leur désespoir ont dès le lendemain fait sauter le fort d’Otchakolf et Irois bat
teries rasantes qui l’entouraient. Kinburn enti e nos mains devient une menace importante contre Nicolaïeff et Khersom
Les troupes ne restent pas inactives, car on écrit de Balaclava à l Opinione de Turin, qu’elles s’exercent au tir tous les jours. Les Français ont établi un tir dans la plaine voisine de la Tchernaïa, mais non entièrement à l’abri des boulets russes, afin d’habituer leurs conscrits à tirer tranquillement sous le feu de l’ennemi.
«Les alliés ne paraissent pas disposés à ne regarder la Crimée que comme un champ de bataille ; les travaux que l’on y fait prouvent que l’on veut la garder. Les Anglais exé
cutent à Balaclava des travaux gigantesques. Des milliers de Turcs, venus en grande partie de Constantinople et du littoral voisin, des Tartares, des Piémontais et d’autres sont payés par l’Angleterre à raison de 3 francs par jour, outre les rations de vivres du soldai ; ils oiit avec eux un grand nombre de bêtes de somme. On débarque dans la baie une quantité immense de matériaux. Des régiments entiers, pendant ce temps, sont occupés à des travaux d’art plus importants.
« Le long de la rive de la baie on a fait un quai sur lequel les plus gros bâtiments à voiles et à vapeur débar
quent les vivres de l’armée sans l’aide de canots, tant l’eau est profonde tout près de la terre. En un mot, on réunit à Balaclava un matériel immense qui suffirait, non pas pour une armée de 25 à 30,000 hommes, mais même pour une armée de 100,000 hommes. Assurément on ne ferait pas toutes ces dépenses si l’on songeait à évacuer plus tard la Crimée. Nous avons maintenant de bons habillements de laine avec lesquels nous pourrons affronter l’hiver. »
Par le paquebot l Euphrate, on a des nouvelles de Constantinople du 29. Les. journaux de cette ville annon
cent que la garde impériale s’embarquera le 5 novembre pour rentrer en France, et que, le 10, l’amiral lîruat est at
tendu à Constantinople, d’où il partira également pour la France. L’amiral Pellion doit maintenir le blocus de Cherson et du Dniéper. Les amiraux Pellion et Stewart ont re
monté le Bug, et se sont assurés que cette rivière pourrait porter des vaisseaux chargés. Le général Levaillant a été nommé gouverneur de Sébastopol. Le général Bazaine, après avoir détruit les villages qui se trouvent sur la presqu’île de Kinburn, se préparait à rentrer à Kamiesch.
Il se fait, du reste, du côté des armées alliées de grands préparatifs pour passer l’hiver. Le maréchal Pélissier avait remanié les divisions françaises: la première et la seconde sont descendues dans la vallée de Balaklava; la troisième a quitté la Tchernaïa et occupe le camp ; la quatrième a été envoyée à Eupatoria. La division du général d’Allonville est revenue à Baïdar.
Le Moniteur universel a publié un rapport du commandant français du blocus des ports de la mer Blanche. Ce do
cument, daté du 29 octobre, et qui annonce la fin de cette lointaine campagne, terminée par l’intensité du froid, fait connaître les pertes considérables éprouvées par le com
merce des provinces septentrionales de la Russie. Soixante navires caboteurs russes, d’un tonnage d’environ 900 tonnaux, ont été détruits, et des 600 navires neutres, jaugeant en moyenne 120,000 tonneaux, qui d’habitude entrent dans la mer Blanche, aucun n’a essayé d’y pénétrer pendant le séjour des croiseurs anglo-français.
On lit dans le Fremdenblatt, de Vienne, « que les alliés, après avoir opère les sondages nécessaires dans le Bug et le Dniéper, ont procédé il y a trois, jours, dit-on, à la destruction des batteries côtières. Ils se sont convaincus qu’il se
rait impossible aux Russes de rendre impraticable l’entrée de l’embouchure du Bug jusqu’aux chantiers de Nicolaïeff en y coulant des bateaux ; ils ont donc pu s’avancer avec leurs bateaux à vapeur plats, leurs bombardes et leurs chaloupes canonnières, et s’apprêter à attaquer les ouvrages de Nico
laïeff. On dit que le général Bazaine doit établir sur un des points delà rive une redoute, pour y soutenir la flottille et pour contribuer au bombardement de Nicolaïeff. »
On apprend aussi de Hambourg que, lundi dernier, l’ordre est arrivé cà Kiel de faire revenir immédiatement en Angleterre tous les vaisseaux de ligne de la flotte de la Baltique. Quatre de ces vaisseaux ont déjà quitté Kiel.
Voici ce qu’un journal allemand raconte de la résolution prise par l’empereur Alexandre, au sujet des pleins pouvoirs conférés au prince Gortschakoff, relativement à la conservation ou à l’abandon de la Crimée :
« L’empereur Alexandre, après avoir mûrement pesé les conclusions d’un rapport très-détaillé que le prince Gorts
chakoff lui a envoyé sur sa demande expresse, a décidé de remettre au choix du prince Gortschakoff, suivant les cir
constances et sans qu’une responsabilité lui soit imposée à cet égard, d’abandonner la Crimée ou de la défendre tant qu’il lé jugerait. convenable ; néanmoins il doit ménager l’armée dans les conditions indiquées par le rapport. L’em
pereur a fait transmettre ces pouvoirs spéciaux au prince Gortschakoff par deux de ses généraux auxquels le prince doit communiquer sa résolution définitive, et qui doivent l’assister. L’empereur approuve d’avance toutes les mesu
res du prince, et fera appuyer ses opérations par l’armée du sud du général Luders, qui restera, à cet effet, à Nicolaïeff.
On assure qu’une copie de ces décisions a été transmise au ministre de la guerre Dolgorukoff. On en a également donné avis à la famille impériale. Le général Gortschakoff a annoncé, en conséquence, qu’il n’abandonnerait pas Volontairement la Ciimée. »
On croit du reste, à Vienne, que l’ambassade russe sait, à n’en pas douter, que l’évacuation des forts du Nord et de la Crimée entière est résolue, et qu’on cherche à y préparer l’opinion publique en la présentant comme volontaire.
L’empereur Alexandre vient de lancer un nouveau manifeste, disant qu’il était indispensable de porter ses armées à un effectif complet pour repousser les tentatives ultérieures de l’enngmi.
A cet efi el, il est ordonné, 1“ d’opérer une levée générale dans l’empire, dans la proportion de 10 hommes sur 1,000 âmes, sur la base de l ukase réglementaire, et qu’il a adressé à ce sujet au sénat dirigeant, en exceptant les gouverne
ments :1e PsSow, de Poltawa, de Tehèrnigoff, de Karkovv, d’Ickaterinoslaw, de Cherson et de Tauride; 2” de prendre aussi pour cette levée 10 hommes par 1,000 âmes parmi les Israélites tenus au service; 3“ de commencer cette levée le 15 novembre et de la terminer le 15 décembre 1855.
Malgré cette nouvelle levée dans l’empire russe, l’espérance de la paix a repris, dans ces derniers temps, une as
sez grande consistance. Cette espérance est surtout basée sur la présence à Paris de MM. de Beussen et Van-der-Pforden.
« L Empereur, disent la Patrie et le Constitutionnel, a reçu plusieurs fois ces hommes d’Etat avéc une haute dis
tinction. L’un et l’autre ont eu de nombreuses conférences avec le comte Walewski, et il est difficile de supposer que ces conférences n’aient pas eu pour objet spécial la question d’Orient.»
Quelque désir que nous ayons nous-mème de voir ces espérances se réaliser, nous nous bornons à les enregistrer ; après tant de déceptions de ce côté, nous ne devons plus nous réjouir que des faits accomplis.
Comme complément de ce que l’on sait déjà sur les bonnes dispositions des populations de l’Union américaine en
vers la Russie, plusieurs journaux américains publient le texte d’une dépêche très-importante qui aurait été adressée au gouvernement américain par le ministre des Etats-Unis à Saint-Pétersbourg. D’après cette dépêche, un ambassadeur extraordinaire partirait prochainement de Russie pour les Etats-Unis.
Après un laps de temps convenable, la Russie déclarerait entièrement libre l’entrée des mers et des ports qui sont aujourd’hui les théâtres de la guerre. Avec l’état actuel de blocus par les flottes alliées, cette déclaration n’a pas grande valeur ; mais plus tard elle en aurait une très-grande. C’est encore là du reste une nouvelle dont il faut attendre la confirmation.
L’affaire du différend élevé entre l’Angleierre et les Etats- Unis au sujet des enrôlements occupe beaucoup la presse anglaise ; seulement on est obligé de remarquer que le lan
gage de cette dernière s’est bien humanisé à l’égard des Etats-Unis. Dans les différents .journaux parvenus jus
qu’ici, les formules les plus obséquieusessontemployées pour détourner les susceptibilités américaines, et les instances les plus vives sont adressées au ministre Clarendon pour qu’il ait à prouver au peuple américain, par l’organe de M. Buchanan , toute l’injustice des insinuations soigneusement propagées au détriment du gouvernement anglais. Tous ces ef
forts pour replâtrer le différend en train de se manifester ont été provoqués par l’aigreur, pour ne pas dire l’hostilité qui a dicté les pièces émanées du gouvernement américain dans les dernières contestations avec la Grande-Bretagne.
Les symptômes de mauvais vouloir se trouvent confirmés par l’annonce dans le New-York-Herald d’une ambassade extraordinaire russe dont nous avons parlé plus haut.
A Londres, tlyde-Park, dimanche dernier, a été encore le théâtre de rassemblements* de mouvements tumultueux, de sorties furibondes contre le gouvernement et contre ceux qui, « ne travaillant jamais, jouissent des biens de ce
monde, tandis que ceux qui travaillent manquent de tout sur la terre; » déclamations souvent interrompues par une pluie de mottes de gazon que les gamins en belle humeur faisaient tomber sur les orateurs et sur leur auditoire. Quel
ques curieux, que l’on a pris pour des boulangers, ont été cruellement traités. Le désordre est devenu tel que l’on a fait entrer dans la partie de la promenade ou se passaient ces scènes une grande quantité d’agents de police, dont un certain nombre à cheval. Ces derniers ont empêché la foule de stationner dans Park-Lane, et par conséquent de briser les fenêtres des hôtels voisins, comme il lui est arrivé de le faire le dimanche précédent. Plusieurs arrestations ont eu lieu.
On lisait celte semaine dans le Moniteur :
Le gouvernement russe a fait réparer à grands frais une des églises d’Athènes qui lui a été cédée pour les usages de ses nationaux. Il y a peu de jours, le roi et la reine de Grèce, en revénantde la promenade, sont entrés dans celte église sous le prétexte d’examiner les travaux qui venaient d’être terminés. Leurs Majestés y ont trouvé réunis tout le clergé desservant, les chantres et le personnel de la légation de Russie en uniformes. Un service solennel a été aussitôt cé
lébré, et, après des prières adressées au ciel pour le succès des Russes contre les ennemis de la foi orthodoxe, un Te Deum a été chanté. D’après VIndépendance belge, celte circonstance aurait eu encore plus de gravité, et révélerait une situation des plus sombres. Le peuple lui-même, pre
nant part à la démonstration de la royauté dès qu’il aurait eu connaissance de la démarche de ses souverains, se serait répandu en groupes tumultueux dans la capitale, poussant les cris les plus hostiles aux puissances occidentales. L’autorité n’aurait réussi qu’à grand’peine à calmer l’effervescence populaire.
Kars, toujours resserré, compte sur un prochain ravitail lement. Le général Williams a tout organisé pour une défense opiniâtre.
Le ministre des finances de Vienne a envoyé, le lundi 5 novembre, l’avis de la ratification par l’Empereur de la concession de la banque commerciale et industrielle ac
cordé à la maison Rotshchild, aux princes Furstemberg et Schwarzemberg, Auesperg, comte Chotek et Louis de llaler.
Par une décision du 31 octobre 1855, M. le vice-amiral Trehouart a été nommé au commandement en chef de l’escadre de la Méditerranée.
Paulin.
Courrier de Paris.
Celte rentrée de novembre ne sera pas des plus mémorables, si ce n’est .pour les habitués de la salle des Pas- Perdus, qui ont eu la distraction des mercuriales. Partout ailleurs la conversation languit, et, en attendant les petits bonheursde l’hiver, on en combat les désagréments chez soi.
Il faut bien en essuyer les plâtres, qui sont les courants d’air, l’éclairage réfractaire, les cheminées récalcitrantes. Les fumeurs seuls s’accommodent d’une situation qui fa
vorise leur exercice favori; mais les délicats s’ennuient, et ces dames, plus ou moins délaissées par leurs maris pour le club ou pour l’affaire Chaumoritel, se livrent avec fu
reur à la rêverie et à la broderie. Aussi ce qu’il y a de moins visible à Paris, c’est la Parisienne. Elle a renoncé au spectacle, c’est trop province ; aux fêles du sport, c’est trop demi-monde ; et même au voyage de l’Exposition univer
selle, c’est trop cohue. Elle attend toujours le premier rayon de soleil qui, venant à s’insinuer entre deux averses,
lui permettra de courir à ses vieilles amours, la toilette et ses emplettes. Parisienne ou non, toute femme est fort at
tentive aux conquêtes de cette branche de l’industrie, et elle en a toujours favorisé les progrès dans tous les sens. Quel
ques-unes, ou plutôt le plus grand nombre, s’étonnent qu’aucune femme n’ait été appelée à figurer dans le jury des récompenses. N’y a-t-il pas certains produits d’un art fallacieux et tout féminin, qui échappe à la compétence des hommes ? Aussi parle-t-on d’un comité de dames, — l’his
toriette n’est pas un conte, — en voie de formation pour décerner ses médailles d’honneur. Cet officieux et charmant jury s’est donné pour mission de réparer les bévues du jury officiel, qui n’aurait pas même accordé une mention honorable aux plus brillants travaux de la fée aux aiguilles.
Ce grand spectacle de l’Exposition ne sera plus donné que deux ou trois fois ; mais, s’il ferme en gros, on va vous le rendre en détail. Divers marchands, acquéreurs de ces di
vers produits, les étaleront dans leurs magasins, entrée li
et on vous promet partout et ailleurs encore la monnaie de la grosse pièce. Il n’y a guère d’appartement confortable où l’on ne voie quelqu’un de ces échantillons plus ou moins couronnés, mais que le propriétaire est fier de mon
trer à ses amis pour leur faire envie. «Venez donc dîner avec nous demain, très-cher, nous aurons... mais chut,
c’est une surprise. » Et l’invité de se dire : il s’agit sans doute de quelque célébrité ? Rossini ou l’andarin Genaro?... et il se trompe. Cet homme affriandé n’aura ni Lambert ni Molière, mais on lui exhibera au dessert un service en porcelaine ou quelque plaqué aux pièces innombrables et orné de sa marque de fabrique.
Un autre détail plus important à signaler, c’est que le chiffre des récompenses a été réduit outrageusement pour
les intéressés : cent trente médailles au lieu de quatre cents, et encore ce tiers n’est-il pas un tiers bien solide ou conso
lidé, puisqu’on parle de lë réduire à cent. Quant au concert, leur dédommagement et le nôtre, ce sera la véritable exposition des exécutants. Cette brillante armée d’instrumen
tistes, au nombre de douze cents, est décidément confiée à VL Berlioz. Seulement, la fête devant avoir plusieurs lende
mains, M. Félicien David lui est adjoint somme lieutenant. Ensuite viendra le tour des orphéonistes sous la conduite de M. Gounod ; il va sans dire que des artistes de toutes les nations joueront leur partie dans ce grand concert européen. On a calculé que l enceinte du palais pouvait contenir quarante mille personnes assises, et tel serait le chiffre des in
Quand les chants auront cessé, que fera-t-on du monument? Les utilitaires ont répondu qu’on y mettrait la Bourse, dont 1’empiàcement actuel ne suffit plus aux besoins de son monde, et voilà que toutes sortes de projets s’échafaudent déjà sur cette éventualité en l’air. On dit même que certaine spéculation, qui n’a jamais lâché la proie pour l’om
bre, serait tentée de jeter ses griffes sur les Champs-Elysées afin d’y planter des maisons ou tout au moins des actions.
A ce propos, vous aurez lu peut-être dans votre journal que
le Crédit mobilier venait d’être concédé aux plus grands - seigneurs de la Bohème, mais remarquez bien qu’il s’agit du Crédit mobilier de Vienne (Autriche), que l’annonce en est venue directement, et que la malice seule pourrait y trouver prétexte à équivoque , et aussi injustement qu’ailleurs.
Autre singularité.. Différents organes de l’opinion publique, qui s’emploient avec un zèle louable à la rassurer sur la question des subsistances, tiennent parfois sous cette ru
brique commerciale : prix des marchandises, un langage où ne se retrouvent plus les sentiments d’humanité qui hono
rent le premier-Paris. On y constate la hausse des blés, une calamité, dans les mêmes termes que l’amélioration des fonds publics. Sans le vouloir et sans qu’on s en doute, on reproduit plus ou moins cette circulaire de la spéculation : « Les bruits de baisse qui circulent par suite de l’arrivage de nouveaux blés ont provoqué une dépréciation momen
tours de cette place, jusqu’à une grande distance, ont été complètement abandonnés par les Russes.
Voici un extrait de l’ordre général publié par le maréchal Pélissier après la prise de Kinburn :
«La journée du 17 octobre, dit le maréchal, dans laquelle la flotte et l’armée ont été si heureuses d’associer de nou
veau leurs efforts pour le même but, ajoute encore à la gloire, à la renommée des armes alliées.
«Elle a terrifié les Russes, qui dans leur désespoir ont dès le lendemain fait sauter le fort d’Otchakolf et Irois bat
teries rasantes qui l’entouraient. Kinburn enti e nos mains devient une menace importante contre Nicolaïeff et Khersom
Les troupes ne restent pas inactives, car on écrit de Balaclava à l Opinione de Turin, qu’elles s’exercent au tir tous les jours. Les Français ont établi un tir dans la plaine voisine de la Tchernaïa, mais non entièrement à l’abri des boulets russes, afin d’habituer leurs conscrits à tirer tranquillement sous le feu de l’ennemi.
«Les alliés ne paraissent pas disposés à ne regarder la Crimée que comme un champ de bataille ; les travaux que l’on y fait prouvent que l’on veut la garder. Les Anglais exé
cutent à Balaclava des travaux gigantesques. Des milliers de Turcs, venus en grande partie de Constantinople et du littoral voisin, des Tartares, des Piémontais et d’autres sont payés par l’Angleterre à raison de 3 francs par jour, outre les rations de vivres du soldai ; ils oiit avec eux un grand nombre de bêtes de somme. On débarque dans la baie une quantité immense de matériaux. Des régiments entiers, pendant ce temps, sont occupés à des travaux d’art plus importants.
« Le long de la rive de la baie on a fait un quai sur lequel les plus gros bâtiments à voiles et à vapeur débar
quent les vivres de l’armée sans l’aide de canots, tant l’eau est profonde tout près de la terre. En un mot, on réunit à Balaclava un matériel immense qui suffirait, non pas pour une armée de 25 à 30,000 hommes, mais même pour une armée de 100,000 hommes. Assurément on ne ferait pas toutes ces dépenses si l’on songeait à évacuer plus tard la Crimée. Nous avons maintenant de bons habillements de laine avec lesquels nous pourrons affronter l’hiver. »
Par le paquebot l Euphrate, on a des nouvelles de Constantinople du 29. Les. journaux de cette ville annon
cent que la garde impériale s’embarquera le 5 novembre pour rentrer en France, et que, le 10, l’amiral lîruat est at
tendu à Constantinople, d’où il partira également pour la France. L’amiral Pellion doit maintenir le blocus de Cherson et du Dniéper. Les amiraux Pellion et Stewart ont re
monté le Bug, et se sont assurés que cette rivière pourrait porter des vaisseaux chargés. Le général Levaillant a été nommé gouverneur de Sébastopol. Le général Bazaine, après avoir détruit les villages qui se trouvent sur la presqu’île de Kinburn, se préparait à rentrer à Kamiesch.
Il se fait, du reste, du côté des armées alliées de grands préparatifs pour passer l’hiver. Le maréchal Pélissier avait remanié les divisions françaises: la première et la seconde sont descendues dans la vallée de Balaklava; la troisième a quitté la Tchernaïa et occupe le camp ; la quatrième a été envoyée à Eupatoria. La division du général d’Allonville est revenue à Baïdar.
Le Moniteur universel a publié un rapport du commandant français du blocus des ports de la mer Blanche. Ce do
cument, daté du 29 octobre, et qui annonce la fin de cette lointaine campagne, terminée par l’intensité du froid, fait connaître les pertes considérables éprouvées par le com
merce des provinces septentrionales de la Russie. Soixante navires caboteurs russes, d’un tonnage d’environ 900 tonnaux, ont été détruits, et des 600 navires neutres, jaugeant en moyenne 120,000 tonneaux, qui d’habitude entrent dans la mer Blanche, aucun n’a essayé d’y pénétrer pendant le séjour des croiseurs anglo-français.
On lit dans le Fremdenblatt, de Vienne, « que les alliés, après avoir opère les sondages nécessaires dans le Bug et le Dniéper, ont procédé il y a trois, jours, dit-on, à la destruction des batteries côtières. Ils se sont convaincus qu’il se
rait impossible aux Russes de rendre impraticable l’entrée de l’embouchure du Bug jusqu’aux chantiers de Nicolaïeff en y coulant des bateaux ; ils ont donc pu s’avancer avec leurs bateaux à vapeur plats, leurs bombardes et leurs chaloupes canonnières, et s’apprêter à attaquer les ouvrages de Nico
laïeff. On dit que le général Bazaine doit établir sur un des points delà rive une redoute, pour y soutenir la flottille et pour contribuer au bombardement de Nicolaïeff. »
On apprend aussi de Hambourg que, lundi dernier, l’ordre est arrivé cà Kiel de faire revenir immédiatement en Angleterre tous les vaisseaux de ligne de la flotte de la Baltique. Quatre de ces vaisseaux ont déjà quitté Kiel.
Voici ce qu’un journal allemand raconte de la résolution prise par l’empereur Alexandre, au sujet des pleins pouvoirs conférés au prince Gortschakoff, relativement à la conservation ou à l’abandon de la Crimée :
« L’empereur Alexandre, après avoir mûrement pesé les conclusions d’un rapport très-détaillé que le prince Gorts
chakoff lui a envoyé sur sa demande expresse, a décidé de remettre au choix du prince Gortschakoff, suivant les cir
constances et sans qu’une responsabilité lui soit imposée à cet égard, d’abandonner la Crimée ou de la défendre tant qu’il lé jugerait. convenable ; néanmoins il doit ménager l’armée dans les conditions indiquées par le rapport. L’em
pereur a fait transmettre ces pouvoirs spéciaux au prince Gortschakoff par deux de ses généraux auxquels le prince doit communiquer sa résolution définitive, et qui doivent l’assister. L’empereur approuve d’avance toutes les mesu
res du prince, et fera appuyer ses opérations par l’armée du sud du général Luders, qui restera, à cet effet, à Nicolaïeff.
On assure qu’une copie de ces décisions a été transmise au ministre de la guerre Dolgorukoff. On en a également donné avis à la famille impériale. Le général Gortschakoff a annoncé, en conséquence, qu’il n’abandonnerait pas Volontairement la Ciimée. »
On croit du reste, à Vienne, que l’ambassade russe sait, à n’en pas douter, que l’évacuation des forts du Nord et de la Crimée entière est résolue, et qu’on cherche à y préparer l’opinion publique en la présentant comme volontaire.
L’empereur Alexandre vient de lancer un nouveau manifeste, disant qu’il était indispensable de porter ses armées à un effectif complet pour repousser les tentatives ultérieures de l’enngmi.
A cet efi el, il est ordonné, 1“ d’opérer une levée générale dans l’empire, dans la proportion de 10 hommes sur 1,000 âmes, sur la base de l ukase réglementaire, et qu’il a adressé à ce sujet au sénat dirigeant, en exceptant les gouverne
ments :1e PsSow, de Poltawa, de Tehèrnigoff, de Karkovv, d’Ickaterinoslaw, de Cherson et de Tauride; 2” de prendre aussi pour cette levée 10 hommes par 1,000 âmes parmi les Israélites tenus au service; 3“ de commencer cette levée le 15 novembre et de la terminer le 15 décembre 1855.
Malgré cette nouvelle levée dans l’empire russe, l’espérance de la paix a repris, dans ces derniers temps, une as
sez grande consistance. Cette espérance est surtout basée sur la présence à Paris de MM. de Beussen et Van-der-Pforden.
« L Empereur, disent la Patrie et le Constitutionnel, a reçu plusieurs fois ces hommes d’Etat avéc une haute dis
tinction. L’un et l’autre ont eu de nombreuses conférences avec le comte Walewski, et il est difficile de supposer que ces conférences n’aient pas eu pour objet spécial la question d’Orient.»
Quelque désir que nous ayons nous-mème de voir ces espérances se réaliser, nous nous bornons à les enregistrer ; après tant de déceptions de ce côté, nous ne devons plus nous réjouir que des faits accomplis.
Comme complément de ce que l’on sait déjà sur les bonnes dispositions des populations de l’Union américaine en
vers la Russie, plusieurs journaux américains publient le texte d’une dépêche très-importante qui aurait été adressée au gouvernement américain par le ministre des Etats-Unis à Saint-Pétersbourg. D’après cette dépêche, un ambassadeur extraordinaire partirait prochainement de Russie pour les Etats-Unis.
Après un laps de temps convenable, la Russie déclarerait entièrement libre l’entrée des mers et des ports qui sont aujourd’hui les théâtres de la guerre. Avec l’état actuel de blocus par les flottes alliées, cette déclaration n’a pas grande valeur ; mais plus tard elle en aurait une très-grande. C’est encore là du reste une nouvelle dont il faut attendre la confirmation.
L’affaire du différend élevé entre l’Angleierre et les Etats- Unis au sujet des enrôlements occupe beaucoup la presse anglaise ; seulement on est obligé de remarquer que le lan
gage de cette dernière s’est bien humanisé à l’égard des Etats-Unis. Dans les différents .journaux parvenus jus
qu’ici, les formules les plus obséquieusessontemployées pour détourner les susceptibilités américaines, et les instances les plus vives sont adressées au ministre Clarendon pour qu’il ait à prouver au peuple américain, par l’organe de M. Buchanan , toute l’injustice des insinuations soigneusement propagées au détriment du gouvernement anglais. Tous ces ef
forts pour replâtrer le différend en train de se manifester ont été provoqués par l’aigreur, pour ne pas dire l’hostilité qui a dicté les pièces émanées du gouvernement américain dans les dernières contestations avec la Grande-Bretagne.
Les symptômes de mauvais vouloir se trouvent confirmés par l’annonce dans le New-York-Herald d’une ambassade extraordinaire russe dont nous avons parlé plus haut.
A Londres, tlyde-Park, dimanche dernier, a été encore le théâtre de rassemblements* de mouvements tumultueux, de sorties furibondes contre le gouvernement et contre ceux qui, « ne travaillant jamais, jouissent des biens de ce
monde, tandis que ceux qui travaillent manquent de tout sur la terre; » déclamations souvent interrompues par une pluie de mottes de gazon que les gamins en belle humeur faisaient tomber sur les orateurs et sur leur auditoire. Quel
ques curieux, que l’on a pris pour des boulangers, ont été cruellement traités. Le désordre est devenu tel que l’on a fait entrer dans la partie de la promenade ou se passaient ces scènes une grande quantité d’agents de police, dont un certain nombre à cheval. Ces derniers ont empêché la foule de stationner dans Park-Lane, et par conséquent de briser les fenêtres des hôtels voisins, comme il lui est arrivé de le faire le dimanche précédent. Plusieurs arrestations ont eu lieu.
On lisait celte semaine dans le Moniteur :
Le gouvernement russe a fait réparer à grands frais une des églises d’Athènes qui lui a été cédée pour les usages de ses nationaux. Il y a peu de jours, le roi et la reine de Grèce, en revénantde la promenade, sont entrés dans celte église sous le prétexte d’examiner les travaux qui venaient d’être terminés. Leurs Majestés y ont trouvé réunis tout le clergé desservant, les chantres et le personnel de la légation de Russie en uniformes. Un service solennel a été aussitôt cé
lébré, et, après des prières adressées au ciel pour le succès des Russes contre les ennemis de la foi orthodoxe, un Te Deum a été chanté. D’après VIndépendance belge, celte circonstance aurait eu encore plus de gravité, et révélerait une situation des plus sombres. Le peuple lui-même, pre
nant part à la démonstration de la royauté dès qu’il aurait eu connaissance de la démarche de ses souverains, se serait répandu en groupes tumultueux dans la capitale, poussant les cris les plus hostiles aux puissances occidentales. L’autorité n’aurait réussi qu’à grand’peine à calmer l’effervescence populaire.
Kars, toujours resserré, compte sur un prochain ravitail lement. Le général Williams a tout organisé pour une défense opiniâtre.
Le ministre des finances de Vienne a envoyé, le lundi 5 novembre, l’avis de la ratification par l’Empereur de la concession de la banque commerciale et industrielle ac
cordé à la maison Rotshchild, aux princes Furstemberg et Schwarzemberg, Auesperg, comte Chotek et Louis de llaler.
Le capital de la Banque est de 100 millions de. florins.
Par une décision du 31 octobre 1855, M. le vice-amiral Trehouart a été nommé au commandement en chef de l’escadre de la Méditerranée.
Paulin.
Courrier de Paris.
Celte rentrée de novembre ne sera pas des plus mémorables, si ce n’est .pour les habitués de la salle des Pas- Perdus, qui ont eu la distraction des mercuriales. Partout ailleurs la conversation languit, et, en attendant les petits bonheursde l’hiver, on en combat les désagréments chez soi.
Il faut bien en essuyer les plâtres, qui sont les courants d’air, l’éclairage réfractaire, les cheminées récalcitrantes. Les fumeurs seuls s’accommodent d’une situation qui fa
vorise leur exercice favori; mais les délicats s’ennuient, et ces dames, plus ou moins délaissées par leurs maris pour le club ou pour l’affaire Chaumoritel, se livrent avec fu
reur à la rêverie et à la broderie. Aussi ce qu’il y a de moins visible à Paris, c’est la Parisienne. Elle a renoncé au spectacle, c’est trop province ; aux fêles du sport, c’est trop demi-monde ; et même au voyage de l’Exposition univer
selle, c’est trop cohue. Elle attend toujours le premier rayon de soleil qui, venant à s’insinuer entre deux averses,
lui permettra de courir à ses vieilles amours, la toilette et ses emplettes. Parisienne ou non, toute femme est fort at
tentive aux conquêtes de cette branche de l’industrie, et elle en a toujours favorisé les progrès dans tous les sens. Quel
ques-unes, ou plutôt le plus grand nombre, s’étonnent qu’aucune femme n’ait été appelée à figurer dans le jury des récompenses. N’y a-t-il pas certains produits d’un art fallacieux et tout féminin, qui échappe à la compétence des hommes ? Aussi parle-t-on d’un comité de dames, — l’his
toriette n’est pas un conte, — en voie de formation pour décerner ses médailles d’honneur. Cet officieux et charmant jury s’est donné pour mission de réparer les bévues du jury officiel, qui n’aurait pas même accordé une mention honorable aux plus brillants travaux de la fée aux aiguilles.
Ce grand spectacle de l’Exposition ne sera plus donné que deux ou trois fois ; mais, s’il ferme en gros, on va vous le rendre en détail. Divers marchands, acquéreurs de ces di
vers produits, les étaleront dans leurs magasins, entrée li
bre. Cette great exhibition aura bien d’autres succursales,
et on vous promet partout et ailleurs encore la monnaie de la grosse pièce. Il n’y a guère d’appartement confortable où l’on ne voie quelqu’un de ces échantillons plus ou moins couronnés, mais que le propriétaire est fier de mon
trer à ses amis pour leur faire envie. «Venez donc dîner avec nous demain, très-cher, nous aurons... mais chut,
c’est une surprise. » Et l’invité de se dire : il s’agit sans doute de quelque célébrité ? Rossini ou l’andarin Genaro?... et il se trompe. Cet homme affriandé n’aura ni Lambert ni Molière, mais on lui exhibera au dessert un service en porcelaine ou quelque plaqué aux pièces innombrables et orné de sa marque de fabrique.
Un autre détail plus important à signaler, c’est que le chiffre des récompenses a été réduit outrageusement pour
les intéressés : cent trente médailles au lieu de quatre cents, et encore ce tiers n’est-il pas un tiers bien solide ou conso
lidé, puisqu’on parle de lë réduire à cent. Quant au concert, leur dédommagement et le nôtre, ce sera la véritable exposition des exécutants. Cette brillante armée d’instrumen
tistes, au nombre de douze cents, est décidément confiée à VL Berlioz. Seulement, la fête devant avoir plusieurs lende
mains, M. Félicien David lui est adjoint somme lieutenant. Ensuite viendra le tour des orphéonistes sous la conduite de M. Gounod ; il va sans dire que des artistes de toutes les nations joueront leur partie dans ce grand concert européen. On a calculé que l enceinte du palais pouvait contenir quarante mille personnes assises, et tel serait le chiffre des in
vitations distribuées pour la cérémonie des récompenses.
Quand les chants auront cessé, que fera-t-on du monument? Les utilitaires ont répondu qu’on y mettrait la Bourse, dont 1’empiàcement actuel ne suffit plus aux besoins de son monde, et voilà que toutes sortes de projets s’échafaudent déjà sur cette éventualité en l’air. On dit même que certaine spéculation, qui n’a jamais lâché la proie pour l’om
bre, serait tentée de jeter ses griffes sur les Champs-Elysées afin d’y planter des maisons ou tout au moins des actions.
A ce propos, vous aurez lu peut-être dans votre journal que
le Crédit mobilier venait d’être concédé aux plus grands - seigneurs de la Bohème, mais remarquez bien qu’il s’agit du Crédit mobilier de Vienne (Autriche), que l’annonce en est venue directement, et que la malice seule pourrait y trouver prétexte à équivoque , et aussi injustement qu’ailleurs.
Autre singularité.. Différents organes de l’opinion publique, qui s’emploient avec un zèle louable à la rassurer sur la question des subsistances, tiennent parfois sous cette ru
brique commerciale : prix des marchandises, un langage où ne se retrouvent plus les sentiments d’humanité qui hono
rent le premier-Paris. On y constate la hausse des blés, une calamité, dans les mêmes termes que l’amélioration des fonds publics. Sans le vouloir et sans qu’on s en doute, on reproduit plus ou moins cette circulaire de la spéculation : « Les bruits de baisse qui circulent par suite de l’arrivage de nouveaux blés ont provoqué une dépréciation momen