Monsieur, j’ai l’honneur de vous adresser ci-inclus quelques dessins de tjqies et costumes russes pris sur les lieux, et qui auront peut-être pour vos lecteurs le mérite de l’à-propos.
11 y a vraiment beaucoup à dire et à crayonner sur ce pays. Le pay san russe a été fait jusqu ici ou trop
bien peigné, par politesse envers cette puissance, ou trop sauvage, pour la dé
nigrer. La Russie attend encore, son Callot ; et celui qui pourra peindre le pay
san russe avec esprit et vérité trouvera une ample récolte de choses originales et inconnues ; d’ori
peaux, de baillons, degrasses fourrures, portées par riiomine du peuple avec une aisance remarquable,
une insouciance presque orientale, et par-dessus tout avec un tel bonheur de formes, que ce serait à croire que le paysan luimême a la conscience de l’art, et qu’il a étudié le moyen de se draper natu- Hlement dans ses lambeaux pour la plus grande
Types et costumes russes. Soldats russes préparant leur repas.
beauté de son apparence en guenilles et la plus com
plète harmonie avec tout ce qui l’entoure.
Les années que l’étranger passe en Russie, si ac
cidentées qu’elles soient, ne sont point des années dépourvues d’intérêt. La Russie est un pays qu’on aime à voir, et à revoir quand on l’a connu, tant elle a des qualités (pii ra
chètent ses défauts et même ses vices, car elle en
•I en vôi> .noir.
Sentinelle russe.Paysan.
intelligibles aux personnes de bonne volonté, vous fe
rez bien d’écrire au bas les sujets. Commençons par les soldats : à tout seigneur tout honneur.
Soldats à la fontaine, préparatifs d’un festin. Un grand baquet sous la fontaine, où plongent et na
gent des cœurs de bœufs, ceaux dont le détail serait peu appétissant, et que les soldats s’occupent à net
toyer. C’est une diversion
aux choux qui formentleur grand ordinaire, choux aigres, qui sont moins désa
gréables peut-être que le parfum qui s’en exhale.
Soldat dans l’exercice de ses fonctions sur les rem
parts, revêtu d’une sorte de manteau en loques, doublé d’une fourrure idem, et chaussé de doubles sou
liers sur un sol neigeux. A côté de lui sa guérite, plus
un canon, plus une croix noire, recouverte d’un cha
piteau. La croix a pour but de l’exhorter à la patience.
Paysans russes en costume d’hiver, pelisse de mouton formant doublure,
col et bonnet de fourrure,Marchands de cochons à Pétersbourg. — D’après les croquis de M. d’Henriet.
mais d’autre sorte. Le paysan de droite est un mar
chand finnois, type plus rusé et plus trompeur que les autres. Tous ces gens, qui paraissent misérables, vivent insouciants et comme heureux. B
Un marchand de cochons sur la place de la Sennaia, à Pëtersbourg. C’est le rendez-vous oii de tout l’empire viennent af
fluer à vil prix le gibier, la volaille et les poissons ve
nus même du Volga, comme le sterlet. Les cochons sortentde leurs nat
tes leurs museaux gelés. C’est à Noël et à Pâques,
après les carêmes, qu’ont lieu ces concours de provi
sions de toute sorte. Dans le croquis ci-dessus, l’af
faire se traite entre deux Irons Russes, dont l’un dé
sire se décarêmer, chose assez agréable pour eux après la rigueur de leur régime religieux.
Ces dessins, comme vous le verrez, n’ont d’autre valeur que leur vérité.
Veuillez agréer, etc.
D’Heniuet.
Septembre 1855.
Paysan.