Inauguration
d’un temple protestant.
Monsieur le Directeur,
Votre recueil, si abondamment riche en images et ré
cits des fêtes catholiques, jubilés, processions, pèlerinages, etc., n’en renferme au
cuns, je crois, relatifs au culte protestant, professé cepen
dant par une notable partie, de nos compatriotes. L’ouver
ture d’un temple de ce rite à Vlonlilly, prèsCondé, me procure l’occasion de vous met
tre à même de combler cette lacune.
Condé, l’une des premières parmi les villes de la Nor
mandie, accueillit la déforme à sa naissance, et plusieurs fois les protestants y tinrent des assemblées provinciales.


Ils y fondèrent un collège, y élevèrent un temple, au ha


meau des îles, et établirent de nombreux prêches dans les paroisses limitrophes, où
de zélés, d’ardents pasteurs allaient catéchiser les nou
veaux convertis, faire de nom
breux prosélytes, et bientôt Condé devint le centre du mouvement réformateur en basse Normandie. Mais, à la révocation de l’édit de Nan
tes. les temples ayant été dé
truits, les ministres réformés proscrits et le nouveau culte sévèrement interdit, beau
coup de religionnaires s’expatrièrentpour conserver leur liberté de conscience ou fuir les persécutions, et le nom
bre des dissidents se trouva réduit de plus de moitié.
Ceux qui restèrent continuèrent néanmoins à enten
dre leurs pasteurs et à pratiquer l’exercice de leur religion, loin des regards de leurs implacables persécuteurs, dans des lieux écar
tés, dans quelques chaumières ignorées, appropriées aux besoins de la circonstance.
C’est l’un de ces anciens temples, vieille et infime masure cou
verte en chaume, qui jusqu’à ce jour avait été consacrée à leur culte, que remplace celui dont l’inauguration avait lieu dimanche dernier.
Cette cérémonie, d’une simplicité toute puritaine, n’offre rien de particulier que sa simplicité même, contrastant vivement avec le monument, l’éclat pittoresque, la pompe des fêles du catholicisme.
A dix heures du matin les religionnaires, précédés de plusieurs ministres vêtus de longues robes noires, sont partis processionnellement de la demeure de leur pas
teur, M. Gourjeon. Arrivés en face du nouveau temple, le cortège y a pénétré avec un calme et pieux empressement, au milieu d’une double haie de curieux accourus pour assister à la cérémonie. ·— M. le pasteur de l’église de Caen a monté dans la chaire et annoncé aux fidèles que le temple était ouvert à leurs prières et consacré à la gloire de Dieu ; puis l’otfice cal
viniste a commencé au mil ieu d’un religieux recueillement; les priè
res et les exhortations se sont succédé, alternant avec les cantiques sacrés, avec lé chant grave et austère des psaumes éveillant les jeu
nes échos, retentissant pour la première fois sous les voûtes so
nores du nouveau temple. Puis, par une dernière hymne, l’assem
blée, debout, émue, a remercié le Dieu de bonté et de miséricorde, qui aime également tous ses en
fants, et appelé ses bénédictions sur la maison qui venait de lui être consacrée.
A midi, un banquet a réuni, dans l’ancien temple, les pasteurs, les membres du Consistoire et du Conseil presbytéral, et un certain
Inauguration d’un temple protestant à Condé-sur-Noireau. Rude, sculpteur.
nombre d’invités. Adeux heures a commencé l’office du soir, où chacun des pasteurs a développé éloquemment des textes bibliques choisis pour la circonstance.
t’ai l’honneur, etc.


J. LECŒUR.




Nécrologie.


FRANÇOIS RUDE, STATUAIRE.
Les beaux-arts et la France viennent de faire une perle regrettable. M. François llude a été enlevé, le 3 novembre, par une mort presque instan
tanée , survenue à la suite d’un accès de toux. Il était né à Dijon le à janvier 178à, et conservait encore, malgré son
âge de 71 ans, une vigueur de corps et d’esprit qui lui permettait d entreprendre de longs et difficiles travaux, auxquels il n’a pas eu le temps de mettre la dernière main.
Du moins il put recevoir du suffrage des artistes des di
verses nations, la première


médaille d’honneur, juste récompensedeson talent. Avant


de rappeler les principales productions sorties de son ci
seau, il faut surtout signaler dans l’éminent artiste l’al
liance d’un beau talent et d’un grand caractère, plein de désintéressement et d’in
dépendance. Dédaigneux des moyens par lesquels s’obtien
nent souvent la vogue et la popularité, il ne voulut pas se plier aux exigences de son temps ; il vécut seul, confiné dans son art, et au milieu de sa famille et de ses élèves.
Les commencements de sa carrière furent pénibles. Comme un grand nombre d’artistes, Rude eut à traverser les épreuves difficiles que le manque de fortune oppose fréquemment au génie. Fils d’un poêlier, il fut d’a­
bord artisan. Sa vocation pour le dessin s’étant prononcée, il dut se livrer à celte étude, tout en continuant à travailler dans la bouti
que de son père. Encouragé par M. Devosges, directeur de l’école de dessin de Dijon, qui avait su apprécier ses heureuses disposi
tions, il futenvoyéà Paris en 1807, et entra dans l’atelier de M. Cartelier. F,n 1809, il remportait le 2e grand prix de sculpture, et en 18Î2 il obtint le 1er grand prix de Rome. M. Denon le dissuada de partir pour l’Italie, et lui com
manda des travaux; entre autres, des bas-reliefs pour un obélisque destiné au terre-plein du Pont- Neuf. A la restauration des Bour
bons, il suivit en exil, à Bruxelles, une personne à laquelle il était at


taché par des liens de famille ; el


là il mena une vie laborieuse et d( s plus difficiles, donnant des leçor s de dessin, ou exécutant plusieurs travaux de sculpture soit à Bruxel
les, soit au château deTervuerer, situé à deux lieues de cette ville;
il s’y rendait à pied chaque jour en partant à trois ou quatre hei - res du matin,et, après avoir dom é sa journée au travail, il regagna t
à pied sa demeure, et là il consr - crait sa soirée au dessin ou à dus études par lesquelles il étendad l’horizon de son intelligence. Rude rentra en France en 1827, et fut successivement chargé de diveis travaux. Il exécuta, à l’arc de triomphe de l’Etoile, une portitn du bas-relief continu de la fri;o du grand entablement, du côté de Neuilly, et plus tard le trophée ou groupe allégorique colossal faisai t face à Paris, et intitulé : le VA - part (1792). Ce groupe, de beau
coup le plus remarquable des quatre, est plein de verve et d’élar.
Les figures des guerriers français marchant à la défense de la patrie, et revêtus du costume anti
que pourobéiraux exigences d’une tradition conventionnelle , sont