binent et la science archéologiques qu’il met dans ses ouvrages. C’est un Flamand de la vieille école, attardé dans le dix-neuvième siècle. — M. Leys a, dans M. Lies, un imita
teur ou plutôt un copiste de sa manière. Si M. Lies parvient un jour à être lui-même, la critique aura sans doute à s’oc
cuper de lui. — Un peintre de genre très-habile, M. Willkms, appelle maintenant notre attention. M. Willems ap
partient plutôt à la France.qu’à la Belgique; et la même chose peut se dire des frères Stevens, de MM. Hamrnan et Verlat. L’Intérieur d’une boutique de soieries en 1660, reproduit ici par la gravure, est le morceau capital exposé par M. Willems. C’est une agréable peinture d’une exécu
tion soignée, sûre d’elle-même, procédant méthodiquement sans imprévu et sans entrain, et arrivant à un ensemble, harmonieux, où les figures, les étoffes sont également bien trai
tées, où la lumière est parfaitement distribuée; sur lequel la vue s’arrête avec plaisir ; et qui n’éveille, pour ainsi dire, aucune tentation de critique. Mais, en raison même de l’ha
bileté déployée dans cette peinture si complète, on voudrait y trouver quelque motif plus sérieux de contemplation, quelque attrait plus intime. Quoi qu’il en soit, ce tableau a un succès de vogue, ainsi que le tableau intitulé : Coquetterie, représentant une jeune femme en robe de satin blanc, tour
nant le dos au spectateur, et dont le joli visage, encadré d’une blonde chevelure qu’elle arrange, n’apparaît que réflé
chi par un miroir. Le peintre a mis dans cette toile toutes les délicatesses de pinceau que le titre justifiait. Toutefois
la taille est épaisse et le corps manque de souplesse. L’Heure du duel est une petite toile fine de ton, rappelant le genre de M. Meissonnier, sans la fermeté de rendu de cet artiste.
.— M. Alfred Stevens est un peintre coloriste qui cherche les aspects nets et vigoureux, mais qui abuse un peu des tons noirs. A la différence de M.VL Leys et Willems, qui em
pruntent au passé l’ampleur pittoresque de ses costumes, il aborde la réalité vulgaire de notre époque , et mérite d’occuper un des premiers rangs dans la phalange des pein
tres qui se consacrent à décrire le présent. L’Illustration donne le dessin de son tableau principal à l’Exposition : Ce qu’on appelle le vagabondage. Dans un autre tableau : Le premier jour de dévouement, il a représenté une jeune femme près d’engager ses bijoux chez un commissionnaire du mont-de-piété et pensant, tristement au sacrifice qu’elle s’apprête cà accomplir. Ailleurs il a peint la Sieste d’une vieille femme, une sorte de portière, ayant un fichu noir et un mouchoir noir sur la tête, les pieds posés sur une chauf
ferette, et assoupie au milieu de son travail, pendant que son chat joue à côté, d’elle avec son tricot. Ces diverses scènes sont rendues avec vérité. Mais à ce réalisme parfai
tement Contemporain, que certains critiques voudraient donner pour fondement à l’esthétique moderne, nous préférons, pour notre part, deux autres toiles de moindre di
mension du même artiste : la LectuPe et Souvenir de la patrie, représentant des types de savant et de soldat du quinzième et du seizième siècles, où i! ne se. montre pas moins coloriste, mais où sa peinture a un caractère plus dis
tingué et moins attristant. ·— Les quatre tableaux de M. Dillens forment une agréable illustration des habitants, des costumes et des mœurs de la Zélande. Deux d’entre eux, en particulier, présentant des scènes heureusement choi
sies, sont bien certainement destinés à être popularisés par la gravure, si ce n’est déjà fait. L’Illustration a déjà, dans le temps, publié le Droit de passage ; une jeune paysanne, au moment de traverser un petit pont de bois, renversant sa tête vers son fiancé qui va lui donner un baiser; elle re
produit l’autre aujourd’hui : un Bal à Goës. — Il n’y a pas de qualités pittoresques saillantes dans les tableaux de M. Madou, mais ses deux toiles : la Fête au château et les Troubles-fête ; ène flamande de la fin du dix-huitième siècle, sont pleines d’invention, d’esprit d’observa
tion, de bonhomie et de naturel. Tout un monde fourmille dans ces deux tableaux, d’un aspect tranquille, d’un effet de couleur et d’une exécution froides, mais où la variété et la vraisemblance des scènes et la connaissance parfaite du costume, nous dirions même des physionomies, à la fin
du siècle dernier, forment un spectacle longtemps récréatif pour la curiosité.. — Dans un genre de peinture tout diffé
rent, M. Mathysen a peint, avec un coloris assez fort et
d’un pinceau fin mais laborieux : la Toilette du coquillard et du malingreux. On ne comprend pas par quelle erreur de perspective il a fait de ces deux truands de la cour des Miracles deux géants, et transformé en nains les autres per
sonnages qui les assistent dans leur déguisement. — Nous citerons encore de feuCouLON, élève de MM. Picot et Eu
gène Isabey : un Abbé du dix-huitième siècle ; le Premier cheveu blanc, etc... ; de M. Dyckmans : une Brodeuse,
peinture finie, léchée, qui réjouit un certain nombre de liourgeois et même des souverains ; de M. de Braekeleer,
qui a de la célébrité : T Ecole de village et le Jour de Saint- Thomas, deux toiles d’une exécution froide, fausse, mono
tone et appartenant au genre grotesque; des effets de nuit de M. Van Çchendel ; nous signalerons enfin à Eattenüon un tableau de M. Paternostre : le Guet-apens-, épisode des guerres civiles du moyen âge, placé un peu trop haut, mais dans lequel il y a des qualités de facture et de couleur.
M. Joseph Stevens jouit d’une juste renommée comme peintre d’animaux. Un métier de chien (Souvenir des rues de Bruxelles), appartenant au musée de Rouen, a déjà été précédemment publié par l’Illustration ; elle reproduit au
jourd’hui un Episode du marché aux chiens, à Paris, grande toile dont ta facture est énergique, la couleur triste mais vigoureuse, et dont les animaux sont traités avec vé
rité et en même temps une vulgarité intentionnelle. L’artiste se montre ici en quelque sorte le Courbet des chiens. L Intrus est un chien bien charpenté, d’un dessin ferme et vi
vant, qui s’approche d’une chaise où se dresse en colère une chatte qui nourrit ses petits. Un mur blanc en plein so
leil attire trop la vue ; il n’est pas peint : il est maçonné, truellé; ét. ses sâillitâsj supérieures à ce qu’elles seraient dans
la réalité, rompent l’harmonie relative du relief. Nous reprocherons un peu de lourdeur à la Bonne mère. Nous avons parlé du charmant tableau de la Surprise, _ et l’Il
lustration l’a reproduit au Salon de 1853. Le Philosophe sans le savoir, titre bizarre, suggéré par un passage de Rabelais, représente un chien des rues faisant effort pour briser un os trop fort qu’il tient dans sa gueule, et contre lequel il rassemble tous ses efforts avec une vérité cle pose parfaitement comprise. — M. Verlat, dont nous avons cité précédemment un tableau d’histoire, a exposé un grand tableau déjà connu : Buffles attaqués par un tigre, et deux jolies toiles d’une exécution spirituelle et facile : Es
poir : un Renard guettant des perdreaux, et Déception; le Canard échappé, le renard ne lient que la queue. — Ci
tons encore de M. Robbe : la Campine, grand paysage avec bestiaux.
Le, paysage n’est pas en progrès dans l’école belge. M. Fourmois, jeune artiste dont nous avions salué les suc
cès et presque les débuts à l’exposition de Bruxelles 1851, a envoyé trois tableaux, qui ne justifient pas les espérances que son Moulin à eau avaient fait concevoir. Il semble, à l’exemple de quelques-uns de nos paysagistes, vouloir s’a­
bandonner à une facture lâchée, qui seule est déjà de nos jours une recommandation, et comme un cachet d’un bon sentiment de peinture moderne, auprès de certaines person
nes. Pour notre part, nous ne trouvons un accent cle nature ni dans la Mare, effet du matin, ni dans le tableau indiqué sous le simple nom de Paysage. — Une Gravière aban
donnée, par M. de Kniff, présente une bonne étude de terrain, bien éclairée et d’un aspect vrai. — Nous citerons encore deux Paysages de M. Piéron; des marines de MM. Clats et Le Don, des intérieurs et des vues de M. Van Moer, et de M. Stroobant le Pont Saint-Jean à. Bruges, reproduit ici par la gravure.
A l’étudier à l’exposition de Bruxelles, disions-nous en 1851, l’école cle peinture belge, parcjlt manifestement divisée en deux camps: l’ancienne école, qui s’énerve, dans une stérile rivalité avec le passé, et la jeune, école, qui déserte les pénates et rapporte les doctrines étrangères. A la pre
mière, de beaucoup la plus nombreuse (cette proportion doit tendre de plus en plus à s’intervertir), appartiennent, à part quelques ouvrages de mérite, ces œuvres sans inspira
tion et sans vitalité, ces tièdes productions d’une habileté, superficielle, cet art mitoyen et banal qui compte aussi en France un si grand nombre d’adeptes, et constitue pour ses élus une sorte d Eden monotone, où aime à s’assoupir leur admiration. Quant à la seconde, nous éprouvons un peu d’embarras à dire noire pensée. L’art belge tient à sa vertu autochthone. S’il avouait u ne alliance, ce serait peut-être avec. l’Allemagne et l’Angleterre, mais il consentirait difficile
ment à confesser que la France l’envahit. Pour nous, en vérité, loin d’attacher de l’importance à cet envahissement,
nous désirerions autant qu’il n’eût pas lien... Mais, nous sommes forcé de le reconnaître, il nous a été impossible, à l’exposition cle Bruxelles, cle trouver des traces marquées d’affinité anglaise ou allemande, tandis qu’au contraire l’assimilation française éclate çà et là cle, la manière la plus incontestable.·—Ce que nous disions alors à l’occasion de l’ex
position de Bruxelles, rien ne nous empêche cle le répéter aujourd’hui à l’Exposition universelle ; et nous nous croyons suffisamment fondé dans l’opinion que nous avons émise au commencement du présent article. A. J. Du Pays.
Paris, 20 novembre 1855.
A M. le Directeur du journal l’Illustration
Monsieur, dans un article de votre estimable journal, rempli pour moi d’une bienveillance extrême, il s’est glissé plusieurs inexactitudes, qu’il me serait agréable de voir rectifier.
Ainsi vous évaluez trop bas la rémunération qui m’était attribuée comme chef des travaux d’art de la Manufacture impériale de Sèvres.
Depuis 1851 mes appointements avaient, été élevés à 6,000 francs par an, et une distinction honorable m’avait été accordée.
Des considérations inutiles à expliquer m’ont engagé à quitter une position où la bienveillance de l’administration supérieure, ainsi que celle de M. Reynault, directeur de Sèvres, m’ont pénétré d’un sentiment de reconnaissance inaltérable.
Permettez-moi encore de dire que, si je suis heureux de la part que vous m’attribuez dans les succès de la Manufacture de Sèvres, je. désire cjue l’on sache bien qu’ils sont dus à la collaboration de vingt artistes, et que partager avec eux les éloges qui reviennent à l’œuvre collective est ma seule ambition.
Agréez, Monsieur, etc. Jules Diéterle.
Histoire de la réforme commerciale en Angleterre,
PAR richelot.
(Deuxième article. — Voir le n° 664.)
La commission d’enquête avait constaté que l’adhésion à la liberté des échanges de la part d’administrateurs expéri
mentés, d’habiles et opulents manufacturiers, était dictée par de puissants motifs d’intérêt national.
La richesse de la Grande-Bretagne, disait-on, repose sur le développement de ses fabriques et de son commerce. Si le placement de ses produits devient difficile et incertain, sa décadence commencera immédiatement. Or l’industrie manufacturière grandissait dans les deux mondes, et les expéditions anglaises se ressentaient de cette concurrence.
Ainsi, de 1827 à 1838, l’exportation des marchandises, exigeant beaucoup de main-d’œuvre, avait diminué dans une proportion sensible : le commerce en général ne s’était pas ralenti, mais le travail national était moins demandé et sérieusement menacé dans l’avenir.
Les Etats-Unis pour les cotonnades, l’association allemande pour les tissus de laine et la quincaillerie, se substi
tuaient peu à peu à l’Angleterre sur d’importants marchés où la fabrique, nationale se déclarait impuissante à lutter, non pour la qualité, mais pour le prix des produits.
Or c’était la Grande-Bretagne qui, en repoussant les blés, les farines, les bestiaux, les bois de construction, décès rivaux de fraîche date, avait contribué à pousser vers l’industrie manufacturière des populations essentiellement agricoles, qui ne se seraient attachées qu’à développer et per
fectionner la culture de leurs immenses territoires, si elles eussent pu compter sur un débouché habituel pour les produis du sol.
La cherté des subsistances augmentait en Angleterre les frais de production ; elle y provoquait l’émigration des ou
vriers, des directeurs d’usine, des capitaux, tandis que le bas prix des denrées alimentaires dans les pays qui en re
gorgeaient, fautp d’écoulement, leur permettait de fabriquer à meilleur marché.
La Grande-Bretagne jusqu’alors s’était soutenue, grâce a sa situation géographique, à l’heureux rapprochement de ses mines de houille et de fer. à l’immensilé de ses capi
taux : mais le moment approchait où, repoussée des deux continents par de nouvelles aggravations de tarif, impuis
sante à donner ses produits à des prix aussi réduits, elle verrait rapidement décliner et sa richesse et sa puissance.
Des modifications à la législation des céréales, la libre admission de toutes les substances alimentaires détermine


raient simultanément et la baisse de ces denrées dans l’em


pire britannique, et leur hausse dans les pays producteurs. U s’effectuerait ainsi un nivellement des prix, qui retirerait aux manufacturiers étrangers le seul avantage dont ils fus
sent en possession, sans diminuer pour la Grande-Bretagne, les causes de supériorité qui lui appartiennent presque exclusivement.


Le progrès industriel des deux continents se trouverait infailliblement arrêté au profil de l’Angleterre.


Telle était la série de déductions tirées de l’état particulier du Royaume-Uni, par lesquelles on arrivait à désirer la liberté des échanges, comme seul et unique moyen de sa
lut. Raisonnement admirablement juste; mais applicable a un peuple qui, faisant passer l’intérêt industriel avant tout, ne se préoccupait en aucune manière de sauvegarder son agriculture; qui, acceptant ce fai! incontestable de l insuf
fisance du soi à nourrir une population toujours croissante, s’en remettait à sa marine du soin de lui fournir les moyens d’alimentation.
L’Angleterre n’avait plus, en effet, la liberté du choix : il ne dépendait pas d’elle, en continuant à la propriété fon
cière la protection qui, à d’autres époques, avait permis de se passer de l’étranger, de proportionner la production agricole à ses besoins.
L’agriculture n’était pas restée étrangère au progrès ; elle produisait davantage et plus économiquement : ainsi, 25 fr.
1 hecto étaient, pour le blé,le prix moyen des dix dernières
années, alors qu’en 1815 on ne croyait pas pouvoir vendre’ sans perte au-dessous de 34 fr. Mais les forces produc
tives de la terre, sans être encore arrivées à leur terme, étaient loin de s’accroître aussi rapidement que la popula
tion. Aussi, malgré des droits élevés, la Grande-Bretagne avait importé en moyenne, pendant chacune des quatre, an
nées de 1838 à 1841, 7 millions d’hectolitres de froment, plus du septième de sa consommation totale.
La question ne consistait donc plus à décider si l’on admettrait ou non les blés étrangers, mais si, par le retrait des droits sur les substances alimentaires, on permettrait aux classes salariées de se. nourrir à meilleur marché.
Or l’Angleterre est le pays de l’Europe où la population ouvrière est relativement la plus nombreuse et la plus agglomérée, et où son existence était la plus misérable.
A celle époque, malgré le retrait de nombreuses prohibitions , malgré les dégrèvements successifs opérés dans le tarif des douanes, ce code était encore, de l’aveu même de l’administration, l’un des plus illibéraux du monde entier : aussi, en demandant la cessation de la protection dont jouis
saient les classes agricoles, en les abandonnant à toutes les chances d’une concurrence qu’elles ne paraissaient pas en mesure de soutenir, au moins quant à la production des céréales, la ligue leur offrait, comme dédommagement, l’abo
lition de tous les droits protecteurs pesant sur l’industrie.
Si le laboureur après la réforme devait livrer à un prix moins élevé ses blés, son beurre, ses bestiaux, il pourrait, d’un autre côté se procurer à meilleur marché les moyens d’engraissement de son bétail, les ustensiles nécessaires à son exploitation, les articles d’une consommation usuelle. On lui rendait ainsi la lutte plus facile, la transition moins pénible.
Quant à l’exportation, le même sentiment de sa supériorité industrielle avait amené une conclusion aussi libérale.
L’on déclarait qu’il y avait tout avantage pour l’Angleterre à permettre la libre sortie des houilles et surtout des machines. On attendait de cette faculté la cessation de l’émigration des ouvriers expérimentés allant construire à l’exté
rieur les mécaniques que l’on ne pouvait tirer toutes faites de l’Angleterre. L’on se flattait hautement que la supériorité, des fabricants nationaux, le meilleur marché compara
tif auquel ils pouvaient établir leurs machines, arrêteraient l’essor de cette fabrication en France, en Belgique, et dans les autres pays qui s’y adonnaient depuis peu. On voyait


dans l’avenir l’Angleterre transformée en un vaste atelier destiné à pourvoir de machines le monde civilisé.


Le libre échange n’était qu’un moyen d’arriver au monopole. La concurrence de la Grande-Bretagne, imposée ja
dis au Portugal et à l’Inde, avait tué l’industrie de ces deux contrées ; on espérait qu’elle annihilerait d’autres industries rivales.
Telles étaient les séduisantes promesses qui recrutaient de nombreux et ardents prosélytes à la ligue, pour la liberté commerciale. La question d’ailleurs cessa bientôt d’être exclusivement économique pour devenir politique et so


ciale, c’est-à-dire s’adressant à ce qu’il y a de plus inflammable dans les passions populaires.




En attaquant la protection accordée à l’agriculture, c’é-