ment si cruel, Pt répand sur la cité entière un profond sentiment de deuil, était un simple citoyen.
“·. Avocat, il a exercé trente ans son ministère devant la justice. C’est parce que nous avons partagé les travaux de sa vie, parte que nous l’avons compté entre nos chefs des plus émi
nents, que m’est échu, au nom de mon ordre,
l’honneur bien douloureux ! hélas ! de lui dire un suprême adieu.
« Au moment oii sa tombe se ferme, ou la terre nous reprend ce qu’il y eut en lui de périssable, je viens v ius entretenir de son intelli
gence, dé son âme, qui ne périssent pas ; puisse ma parole vraie, quoique pieusement amie, vous peindre fidèlement, pour la consolation de la la
mifié qui pleure, pour l édification de tons, cette vie qui fut une lutte sans repos et sans trêve pour le devoir, cette vie simple et grande, comme est la vertu.
« Alphonse Paillet est né le 17 novembre 1796; il est mort le 10 novembre , quand l’a­ mour des siens se proposait à fêter l’anniversaire de sa naissance.
« Son père était notaire à Soissons, homme de bien, et le fils, dans ses causeries familières,
aimait à raconter les enseignements de probité rigide qu’il avait reçus de lui.
.i 11 fut envoyé à Paris pour faire ses études au lycée Charlemagne, qui lui a donné bien des couronnes.
« Cependant, après qu il eut conquis tous les grades, et consacré ses premières années à la cléricature, il revint à Soissons et y fit ses débuts d’avocat.
« Du vieux praticien , dont fi a gardé toujours un souvenir reconnaissant, devina dans ses débuts son brillant avenir, et l’encouragea a rechercher un plus vaste champ d’épreuves.
« Il s’était marié, il était père; son patrimoine était léger. Il vint courageusement à Paris. Il
était modeste ; mais la modestie est une pudeur qui n’ûte pas au talent la conscience de sa force.
« Paillet fut inscrit, au barreau de Paris en décembre 1824.
« Dans ce même temps, un acte abominable, ou de fureur ou de démence, venait de terrifier la ville. Un homme avait égorgé deux jeunes enfants ; cet homme était livré à la justice cri
minelle, et la famille vint confiera Paillet cetle difficile défense.
h L’attention publique était vivement excitée, les magistrats les plus élevés suivaient l audience. Paillet, qu’animait une conviction pro
fonde, voulait arracher le monomane à l’échafaud. Son talent se rév éla dès lors avec tous ses germes de logique puissante, de raison élevée, de langage pur et correct qui, plus tard, devaient lui donner le premier rang.
«Vais, dans cette carrière, la pente est rude et longue à gravir. Paillet, malgré l’éclat de sa première plaidoirie, resta huit ou dix ans à se faire connaître, à se faire accepter. Le patrimoine du jeune avocat s’était peu a peu dépensé ; les épreuves avaient été cruelles : son cou -
rage fut infatigable. Nous le vîmes marcher d’un pas ferme sur cette route péniblement frayée. C’était en 1831. La clientèle s’attachait à lui pour ne l’abandonner plus. On avait jugé le maître : sa famille du barreau lui tendait la main pour le porter à sou faite. — Il fut élu bâtonnier par le suffrage d’une majorité considérable.
« Depuis cette époque, on l’a vu toujours au prêtai* r rang, au criminel comme au civil. Les plus grandes causes sont venues à lui, et il n’a été inférieur à aucune.
« Dois-je ici vous parler des richesses merveilleuses de son intelligence? Que vous dirai-je? Exposait-il la cause ·. il n’y avait plus de Complications, de ténèbres; il trouvait un fil dans tous les dé
dales, une clarté pour toutes les ombres. Et, quand fi dis
cutait, quelle solidité dans ir savoir, quelle sagacité dans le jugement, quelle dialecti
que puissante, inévitable dans la lutte !
« Mais je ne songe qu’au v beautés de son intelligence ; — vous me reprochez d’ou blier celles de son cœur.
« Que pouvez-vous appre-n - dre? Son cœur n’est-fi pas,
depuis trente ans, un livre ouvert devant les magistrats, devant ses rivaux, devant tous, pour tous,?...
« Oui, l’orateur qui tous les jours, à la barre, dans I; s luttes les plus diverses sur les intérêts qui divisent les hommes, sur les devoirs sa
crés de la famille, sur les lois éternelles de la morale, faii
sans cesse l’émission de sa pensée, l’expansion de ses sentiments, celui-là réalise le vœu du philosophe.
« U vit dans une maison de verre, chacun peut lire dans son âme ; et, je vous ; t -
Le général de Pontevès,
TUÉ A SÉBASTOPOL.
Jean-Baptiste-Edmond, comte de Poutevès, était né à Marseille le 24 juin 1803. Tl apparte
nait à l’une des plus anciennes et plus illustres familles de la Provence. Destiné de bonne heure à la carrière des armes, il fit ses études aux écoles militaires de la Flèche et de Saint-f :> r, d’où il sortit en 1824 pour entrer dans le Je de ligne, qu’il rejoignit en Espagne.
Il était sous-lieutenant dans la garde royale, lorsque éclata la révolution de 1830. Licencié avec ce corps, fi fut rappelé au service en 1831, et fit toutes les campagnes d’Afrique depuis
cette époque jusqu’en 1834. A la prise de Bougie, il fut cité à l’ordre du jour de l’armée pour une action d’éclat, et décoré de la Légion d’honneur,
Plus tard, en qualité de chef de bataillon, fi reçut le commandement du cercle deTiarct, poste de confiance, où fi se fit bientôt, remarquer par son aptitude administrative et l’as
cendant qu’il sut conquérir sur les populations arabes.
Nommé officier de la Légion d’honneur el lieutenant-colonel, il fut incorporé dans le 18 régiment de ligne, et fit en cette qualité le siège de Rome, où il obtint par sa belle conduite le grade de colonel et le commandement du Tu régiment de ligne.
Après avoir commandé pendant trois ans ce beau régiment, que tous ses amis se Souviennent de lui avoir vu quitter avec, tant de regrets, el avoir reçu la croix de commandeur de la Légion d’honneur, fi fut promu général de brigade, el
aussitôt après appelé au commandement d’une brigade de l’armée d’occupation à Rome.
Désigné pour commander une brigade active de la garde impériale, le général de Pontevès partit pour la Crimée. Déjà plusieurs fois, dans le service des tranchées, il avait été atteint de blessures légères, qu’il cherchait à cacher même aux officiers qui l interrogeaient.
Mais le 8 septembre, à l’attaque du petit .redan du Carénage, il fut frappé mortellement en conduisant à Passant la colonne qu’il commandait.
Atteint d’un éclat d’ohus à la tête et d’une halle qui lui brisa la colonne vertébrale, il tomba sans connaissance, et ce ne fut qu’à grand’peine et en courant d’immenses dangers que son aide de camp, le capitaine Lamy, put le ramener encore vivant dans tes tranchées.
Conduit à l ambulance du quartier général, il expira le lendemain à dix heures du soir, après avoir montré un calme, une résignation que la foi chrétienne et une angélique piété peuvent seules donner.
Le général de Pontevès était adoré des soldats 11 les aimait comme un père amie ses enfants. La bonté faisait
le f ond de son caractère, mais cette qualité ne nuisit jamais à l autorité de son commandement.
Comme homme privé, personne n’eut autant et de plus sincères amis. Aussi sa perte a-t-elle été vivement sentie dans l’armée comme dans le pays, car il avait su attirer au plus haut degré la sympathie, le respect, l affection de tout le monde.
. Son cœur, rapporté à Marseille, a reçu les honneurs dus à une si glorieuse dé
pouille. En voyant l’hommage qui lui était rendu, l’empres
sement, le recueillement de cette foule de parents, d’a­
mis , de militaires de tous grades qui le suivaient dans un silence respectueux, on
comprenait toute l’étendue de la perte que l’on venait de fai re et les regrets qu’elle de
vait laisser dans tous les cœurs.
A. DE SURIAN.
M. Paillet.
Nous avons déjà annoncé la mort de M. Paillet, et dil quelques mots de l’émotion que cette mort subite a causée au -palais et dans le pu
blic. En publiant aujourd’hui l’image de l’illustre avocat cl de l’honnête homme tant re
gretté de tous ceux qui l’ont connu, nous ne pouvons lui donner un meilleur cadre que le discours de Mc Bethmont, nu autre orateur également 1 mnoré de l’estime de ses confrères, discours prononcé par Me Marie, l auteur n’ayant pu assister, par suite d’une in
disposition , à la cérémonie funèbre, qui avait réuni un immense concours de pa
rents, d’amis , de magistrats et de confrères dù regrettable définit:
« Messieurs, a-t-il dit, celui dont la mort soudaine nous a frappés d’un saisisse
M. A: G. V. Paillet, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats.
Le général Pontevès.