on a savamment imaginé le mélange naïf des deux ser
vices en une seule gamelle.
Il en résulte une sorte de turlutaine de pain, de pommes de terre, de faillots, de gourganes, etc. : là-dessous se trouve ensevelie la bro
chette à la marque du plat, qui retient les morceaux de lard ou de bœuf, pièces de résistance du re


pas. Naturellement,


pour que le potagerata soit déclaré réussi, la cuillerdoit s’y tenir « au port d’armes. »
Ajoutez la distribution du pain ou des galettes de bis
cuit, gamelles et bi
dons au centre du cercle, et le couvert est mis.
Quelquesminutes après il se produit un final de ferblanterie : les instru
ments , en groupes serrés, grattent vai
nement le fond des gamelles , chacun n’a plus qu’à quit
ter la place en met
tant sa cuiller dans sa poche... quand
parfois le cri : Au rabiot ! au rabiot ! vient rendre quelque espoir aux estomacs encore inassouvis.
Cette fois il n’est plus question de défilé ni de numéro d’ordre : tout le monde se précipite, ou envahit à tout ha
sard la cuisine, les marmites, sont prises d’assaut, et les premiers arrives, attrapent quelques méchants restes qui gratinaient au fond des chaudières,
Après ce dernier épisode^ le repas est bien fini. Vient le tour des pipes, cigarettes, chibouques, etc. : c’est la sieste.
On voit sortir alors de certaines poches des jeux de cartes dont Balzac seul aurait su définir la crasse. Le bezigue est en grande faveur. Il y a aussi quelques jeux excentriques dont les combinaisons nous échappent. Ce sont de petits cailloux, de petits morceaux de bois qui manœuvrent sur
tualions le moins confortables, des
plaisirs considérés en temps ordinaire comme superflus.
Le croirait-on ? il y a spectacle à bord. Les loustics ont emporté des marionnettes, parfois même ils les confec
tionnent sur place.
Le théâtre est un box, une stalle de chevaux : c’est Gui
gnol au complet ; rien ne manque à la troupe, ni costu
mes, ni accessoires, ni figurants; il y a même des doublui es ; on ne redoute ni indispositions ni accidents : le direc
teur n’est jamais embarrassé! Le chat savant, dont on a pompeusement an
noncé les débuts, a été mangé la veille par un zouave intelligent; il est remplacé immédiate
ment par un affreux petit barbet, sorti on ne sait d’où, artiste éminent et sur
tout trop maigre pour passer comestible.
On fait pourtant
une annonce des infortunes duxchat, et on prie le public de vouloir bien excuser cette indisposition subite.
La représentation commence; le public est empressé, compacte; Polichinelle paraît,et, tout comme Muo Rachel, il est accueilli par trois salves d’applaudissements : « Chapeau bas ! chapeau bas ! silence ! silence ! à la porte ! » On réclame l’intervention du commissaire,; enfin le silence s’établit.
Alors roule une avalanche de lazzis, de balourdises, de coq-à-l’àne en paroles et en actions, que Charles Nodier n’eût pas manqué de recueillir soigneusement; nous nous sommes contenté d’en rire comme des fous, de ce rire ner
veux et inextinguible dont la tradition est perdue depuis la mort d’Odry.


Il y a encore le combat de coqs, exercice bizarre qui


Types et physionomies de l’armée d’Orient. — Prologue. — Le diner à bord.
une espèce d’échiquier tracé par terre ; ce sont encore des morceaux de fd venant faire dormant à un même centre et
courant les uns après les autres. Dans toutes ces parties l’honneur n’est pas seul engagé : les petits et même les gros sous roulent sur le tapis; mais quand une pièce de cin
quante centimes se hasarde dans les enjeux, tout le monde se retourne, étonnement général, tableau : «Bien certaine
ment ce n’est pas un des habitués : c’est sans doute M. de Rothschild qui est venu là incognito par curiosité.
Nous n’avons pas tout dit sur les plaisirs de la sieste. En principe, le Français, si empêché qu’il soit, s’arrange tou
jours pour traîner avec soi un attirail qui lui permette nonçeulement, commg nous venpnsjle le. voir, de ne pas laisser rouiller ses vices/ mà$ TisêiWFde se procurer, dans les si
Le rabiot.


La sieste.