ne visait point à la science. Mais il avait bien mieux que la science. La nature lui avait donné ce qu’elle refuse parfois aux plus savants, de l’invention mélodique, de la grâce et du charme. Homme d’esprit d’ail
leurs , et homme de cœur, il laisse à ceux qui l’ont connu un regret profond et durable, et l’on pardon
nera, je l’espère, à la Chronique, de répéter aujourd’hui ce que le Cour
rier de Pmis a déjà dit il y a huit jours, et de s’associer à des sentiments qu’il a si bien exprimés.
G. Hecquet.
P. S. L’éditeur Lemoine vient de publier un Album pour le piano, qui se distingue par une idée nou
velle. Jusqu’à présent l’album de ce genre était un recueil de morceaux d’un seul et môme auteur, de M. tel ou tel ; celui-ci se compose de morceaux de plusieurs auteurs diffé
rents : MM. Ascher, Gutmann, Lysberg, Ravina et Wehle ont concouru à l’œuvre. Au lieu d’un seul vin tiré d’un même tonneau, l’acheteur aura un assortiment de vins provenant de différents crus et des plus re
nommés, de ceux qu flattent le plus le goût des vrais gourmets.
Les pèlerins de la Mecque.
Le port d’Alger présentait, dans le courant du mois dernier, le spectacle souvent décrit, mais toujours curieux, du retour des pèlerins de la Mecque. On n’est pas un vrai croyant si on n’a pas accompli, une fois dans sa vie, ce pieux pèlerinage. Beaucoup le font chaque an
née afin de trafiquer, soùs prétexte de remplir un devoir religieux. C’est un trait des mœurs musulmanes, surtout parmi les Arabes.
Les deux navires qui viennent de mouiller dans le port d’Alger ramenaient les dévots de cette dernière espèce ; ils apportaient des tapis, des étoffes, des chapelets bénits et des armes assez ri
ches; mais la douane les attendait, et, sans égard pour l’origine de ces précieuses reliques, et peut-être aussi en pré
voyance de leur destination possible, elle fit main basse sur les armes et sur la poudre, et le tout fut confisqué et transjxirté au bureau. Ceux qui n’apparte
naient pas à la province d’Alger, n ayant pas encore débarqué leurs marchandises, s’empressèrent de regagner leur navire, et firent voile vers un port plus hospitalier.
Quant aux pèlerins des provinces d’Alger, ils furent parqués dans des hangars appartenant à la douane, afin d’acquitter les droits que l’on prélève sur les objets de commerce autres que les armes con
fisquées ; là ils attendent les acheteurs, car, pour la plupart, il leur serait impos
sible de payer les droits avant d’avoir vendu leurs marchandises. Ces hommes, presque tous vieux, exténués de fatigue, enveloppés dans leurs burnous jadis blancs et neufs, couchés sur la terre et dormant du sommeil du juste ; d’autres en groupes, préparant le couscous, d’au
tres , plus civiüsés, déchiquetant des choux jusqu’au trognon et se préparant à faire la soupe, et cela gravement, sans rien dire : — voilà le tableau.
Quelle différence avec nos réunions ! Il y avait-là de deux cents à deux cent cin
quante. personnes, et vous auriez, comme I on dit en France, entendu une souris trotter.
Dans un autre groupe ce sont des hommes fumant et échangeant par inter
valle quelques mots ; plus loin, d’autres pliant leurs marchandises, puis enfin les moins fatigués se dirigeant vers la porte, afin d’aller chercher les provisions et tâ
chant de dérober quelques menus objets au regard scrutateur du douanier en faction.
En parcourant ces différents groupes, je me dirigeai vers les hangars, et j’aper
çus, sous un amas de burnous, de tapis, de toile, quelque chose qui remuait : c’é tait un échantillon de la plus belle moi
tié du genre kabyle, allaitant son enfant,
espèce de petit singe , grêle et chétif comme sa nourrice. Cette femme était là presque nue, laissant apercevoir sa poitrine maigre et décharnée, et s’inquiétant fort peu de ce qui se passait autour d’elle.
La nuit venue, tous ces hommes se groupèrent auprès des restes fumants de leur maigre festin, et vous nedistinguiez plus de formes ; c’étaient des sacs de toile que l’on aurait jetés pêle-mêle ; ils attendaient ainsi le lendemain pour tâ
cher d’écouler les marchandises en leur possession, afin de retourner dans leur montagne, en rêvant peut-être au hou heur de revoir leurs familles.
Gaildrau.
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leurs , et homme de cœur, il laisse à ceux qui l’ont connu un regret profond et durable, et l’on pardon
nera, je l’espère, à la Chronique, de répéter aujourd’hui ce que le Cour
rier de Pmis a déjà dit il y a huit jours, et de s’associer à des sentiments qu’il a si bien exprimés.
G. Hecquet.
P. S. L’éditeur Lemoine vient de publier un Album pour le piano, qui se distingue par une idée nou
velle. Jusqu’à présent l’album de ce genre était un recueil de morceaux d’un seul et môme auteur, de M. tel ou tel ; celui-ci se compose de morceaux de plusieurs auteurs diffé
rents : MM. Ascher, Gutmann, Lysberg, Ravina et Wehle ont concouru à l’œuvre. Au lieu d’un seul vin tiré d’un même tonneau, l’acheteur aura un assortiment de vins provenant de différents crus et des plus re
nommés, de ceux qu flattent le plus le goût des vrais gourmets.
Les pèlerins de la Mecque.
Le port d’Alger présentait, dans le courant du mois dernier, le spectacle souvent décrit, mais toujours curieux, du retour des pèlerins de la Mecque. On n’est pas un vrai croyant si on n’a pas accompli, une fois dans sa vie, ce pieux pèlerinage. Beaucoup le font chaque an
née afin de trafiquer, soùs prétexte de remplir un devoir religieux. C’est un trait des mœurs musulmanes, surtout parmi les Arabes.
Les deux navires qui viennent de mouiller dans le port d’Alger ramenaient les dévots de cette dernière espèce ; ils apportaient des tapis, des étoffes, des chapelets bénits et des armes assez ri
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naient pas à la province d’Alger, n ayant pas encore débarqué leurs marchandises, s’empressèrent de regagner leur navire, et firent voile vers un port plus hospitalier.
Quant aux pèlerins des provinces d’Alger, ils furent parqués dans des hangars appartenant à la douane, afin d’acquitter les droits que l’on prélève sur les objets de commerce autres que les armes con
fisquées ; là ils attendent les acheteurs, car, pour la plupart, il leur serait impos
sible de payer les droits avant d’avoir vendu leurs marchandises. Ces hommes, presque tous vieux, exténués de fatigue, enveloppés dans leurs burnous jadis blancs et neufs, couchés sur la terre et dormant du sommeil du juste ; d’autres en groupes, préparant le couscous, d’au
tres , plus civiüsés, déchiquetant des choux jusqu’au trognon et se préparant à faire la soupe, et cela gravement, sans rien dire : — voilà le tableau.
Quelle différence avec nos réunions ! Il y avait-là de deux cents à deux cent cin
quante. personnes, et vous auriez, comme I on dit en France, entendu une souris trotter.
Dans un autre groupe ce sont des hommes fumant et échangeant par inter
valle quelques mots ; plus loin, d’autres pliant leurs marchandises, puis enfin les moins fatigués se dirigeant vers la porte, afin d’aller chercher les provisions et tâ
chant de dérober quelques menus objets au regard scrutateur du douanier en faction.
En parcourant ces différents groupes, je me dirigeai vers les hangars, et j’aper
çus, sous un amas de burnous, de tapis, de toile, quelque chose qui remuait : c’é tait un échantillon de la plus belle moi
tié du genre kabyle, allaitant son enfant,
espèce de petit singe , grêle et chétif comme sa nourrice. Cette femme était là presque nue, laissant apercevoir sa poitrine maigre et décharnée, et s’inquiétant fort peu de ce qui se passait autour d’elle.
La nuit venue, tous ces hommes se groupèrent auprès des restes fumants de leur maigre festin, et vous nedistinguiez plus de formes ; c’étaient des sacs de toile que l’on aurait jetés pêle-mêle ; ils attendaient ainsi le lendemain pour tâ
cher d’écouler les marchandises en leur possession, afin de retourner dans leur montagne, en rêvant peut-être au hou heur de revoir leurs familles.
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