tion naturelle, outre celui de détourner la contemplation d’un riche et bel ensemble d’architecture, nous en signale
rons un dernier, bien plus grave à notre avis. Lors du nivellement de la cour et de son fractionnement en petits jardi
nets triangulaires, l’exhaussement du sol qui s’ensuivit, quelque faible qu’il fût, suffit pour rendre sensible l’impression d’un abaissement général des façades environnantes. Cette impression de diminution de hauteur des bâti
ments s’exagère encore aujourd’hui par l’érection sur une base élevée elle-même, d’une statue équestre colossale. Celle-ci devient ainsi pour l’œil du spectateur, qui la ren
contre partout se profilant sur les façades, un terme de comparaison inévitable, une sorte d e- t ilon de mesure, qui affaiblit les proportions des divers membres de l’ar


chitecture et annihile leurs détails.


Quand il n’y avait pas de statue dans celte cour, quelque chose dominait majestueusement au milieu de la richesse monotone de ces quatre façades : c’étaient les six cariatides colos
sales sculptées par Sarrasin à l’étage supérieur du pavillon du centre. Qu’on voie si elles n’ont pas perdu de leur importance aujourd’hui !
Maintenant, si nous considérons le modèle de. la statue en bronze de François Ier, composé par M. Cle sin
ger, nous ne la trouvons pas en har
monie avec le style de l’architecture des quatre façades qui l’enveloppent. Ce style, à l’exception des cariatides de Sarrasin, est d’une élé
gance fleurie et d’un goût tempéréaveclesquelscontrastel’allure un peu théâtrale, la manière flam
boyante de cette statue.
Les anciens, qui avaient un sentiment plus juste que les modernes des con
ditions extérieures du beau, donnaient en général à leurs statues éques
tres une attitude voisine du repos. Les modernes, Irouvant ce beau statique trop froid, ont recherché le beau mouvementé.
C’est ainsi que l’on en est venu jusqu’au tour de force de la statue de Louis XIV, sur la place des Vic
toires, où le cheval de bronze, pour accomplir la témérité d’enlever ses jambes de devant, est obligé de pren
dre son point d’appui sur sa queue plantée en terre.M. Cle
singer a évité les excentrici
tés puériles. 11 semble s’ètre inspiré, pour son cheval, de celui de M. Marochetti, sur la place Saint
Charles, à Turin. Mais il a voulu lui donner plus de mouvement ; il l’a présenté au milieu d’une cour
bette, infléchi sur ses jarrets de derrière, dont les lignes anguleuses rapprochées se composent d’une façon disgracieuse. Un autre inconvénient de cette al
lure c’est qu’en le regardant du côté sud, le cheval manque d’aplomb et semble entraîné comme s’il al
lait tomber en arrière. Tous les objets libres flottent au vent, rejetés dans une même direction : les glands qui pendent aux harnais, la queue du che
val , les plumes de la toque. Le cheval est court et ramassé, épais et lourd de poitrail ; l’artiste a voulu modeler un animal puissant pour porter ce géant. La ligure de François I offrait des difficultés au sta
tuaire ; cette tête ribaude, ce visage allongé, ce long nez pointu, ne sont pas, il faut le reconnaître, d’un caractère bien sculptural. A un autre point de vue, l’armure de fer dont l’artiste a revêtu le rival de Charles-Quint n’a que des brisures, et ne se prête pas aux inflexions; et même ici, du côté du sud, le corps du cavalier forme une ligne d’une roideur extrême. La toque dont François I est coiffé rompt l unité de costume militaire qui est un des mérites de la belle statue équestre de Colleoni, sur la place saints Jean et Paul, il Venise, et de celle d’Emma
miel-Philibert, à Turin, toutes les deux bardées de 1er de la tète aux pieds. Ici ce n’était pas l’homme de guerre seulement qu’il s’agissait de montrer, mais aussi le protecteur des lettres et des arts, et, selon moi, il eût peut-être fallu écarter toute cette ferraille, si roide, si nue, et qui est si pauvre de forme, si étriquée, surtout quand on voit la ligure de dos, et revêtir d’un costume de cour, plus ample et plus sou
ple, ce roi de qui date la cour en France ; l’épée eût suffi il rappeler l’esprit aventureux de ce prince che
valeresque. M. Clesinger s’est, avec raison, inspiré du portrait de François 1 , par Titien, que possède
Inauguration de la nouvelle église de St-Eugène, dans le Faub.-Poissonnière. Statue équestre de François Ier, pour la cour du Louvre. par M. Clesinger.
le Louvre ; à la loque trop plate il a dû ajouter un panache flottant, sans quoi cette longue figure de lion Quichotte jo
vial eût semblé coiffé du fameux armet de Mambrin. Dans l’intention d’en corriger la forme aplatie, il lui a donné un pli onduleux, et il l’a placée obliquement sur la tête de François Ier; elle lui découvre le front d’un côté, mais, de l’autre, elle lui tombe trop sur les yeux. — Nous n’ajouterons pas d’autres observations de détails; nous nous bornerons à dire que la nouvelle statue équestre de M. Clesin
ger, si elle a une certaine franchise d’aspect et de la verve d’exécution, nous paraît manquer des qualités harmonieuses qui seraient nécessaires à l’emplacement auquel elle est
destinée. Comme beaucoup d’œuvres modernes, elle a été. conçue d’une manière plus pittoresque que sculpturale.
Si Ton voulait mettre un groupe de sculpture au centre de la cour du Louvre, nous pensons que ce groupe, au lieu de pyramider comme une sta
tue équestre, eût dû être bas, afin de laisser à l’architecture toute son im
portance et de ne rien lui enlever de sa hauteur. Quant aux statues éques
tres, nous pensons également qu’elles seraient mieux placées devant la co
lonnade du Louvre, où pourraient se. dresser les figures de François Ier et de Louis XIV, royales sentinelles de ce palais du Louvre, dont ils furent les créateur s. Chacun des jardins, de ce côté, pourrait en r ecevoir une ; ou,
mieux encore, si l’espace de la place élargie devant la colonnade jusqu’à l’é­
glise Saint-Gernrain-TAuxerrois était suffisant, el
les pourraient être élevées au milieu de cette place, un peu en avant de cha
cune des galeries de cette grande façade monumentale. Le terre-plein sur· le
quel elles seraient posées offrirait un r efuge aux piétons traversant la place ; refuge qu’il est indispensable d’établir sur les es
paces livrés à une grande circulation de voitures, et dont la nécessité se fait tellement sentir au milieu de la place du Carrousel.
A. J. Du Pays.
L’EGLISE ST-EUGENE.
Jeudi dernier a eu lieu l’inau
guration d’une nouvelle égli
se, placée sous l’invocation de saint Eugène , et qui s’élève dans un des terrains du Fau
bourg-Poisson
nière laissés disponibles par
la démolition des Menus-Plaisirs. Les travaux considérables entrepris dans ces dernier s temps par l’ad
ministration de la ville de Paris ne lui permettant pas de contribuer pour le moment à la construction des églises que nécessite la création de nouvelles parois
ses, cette charge incombe aux fabriques, qui n’ont point d’autres ressources que l’offrande des fidèles. De là toutes ces chapelles provisoires, et qui en ont bien l’air, car les poteaux y tiennent lieu de pilier s, t.’autel n’est qu’une simple pierre, comme dans les temps primitifs ; les tr ibunes sont on planches de sapin, et ainsi du reste. On ne saurait se procurer l’il
lusion d’une église à meilleur marché. Saint Eugène attendrait donc encore son monument dans une sim
ple chapelle, si un digne ecclésiastique, le curé de cette nouvelle paroisse, M. l abbé Coquand, ne s’était avisé qu’ert remplaçant par la fonte et le fer les arcs en pierre et les piliers des cathédrales, on s’épargne
rait des dépenses considérables : c’est ce programme très-difficile à exécuter qu’un habile architecte , M. lioileau, vient cependant de mener à bonne lin. L’édifice est construit dans le style du treizième siè
cle, avec les matériaux et les procédés économiques du dix-neuvième, nous en attestons celte vignette.
Sauf la pierre de taille des murs extérieurs, tout le l este, c’est-à-dire la nef et ses colonnades, les tribu
nes et leurs galeries, la voûte et ses arceaux, offre un amalgame très-ingénieux en fonte et en fer. En res
pectant la forme ogivale du moyen âge, l’architecte est resté créateur à sa manière, et on lui doit cer
tainement une œuvre originale et savante. Disons enfin que M. Boileau n’a eu que vingt mois pour la parachever, et ce n’est pas un compliment banal que nous lui adressons, vu qu’il ne s’agissait pas ici d’une de ces entreprises où, comme pour le sonnet d’Oronte, le temps ne fait rien à l’affaire.