SOMMAIRE


Texte : A nos lecteurs. — Revue politique de la semaine. — Nos correspondances. — Courrier de Paris. — Correspon
dance de Metz. — La France et la Prusse : Forces militaires respectives des deux nations. — Frontières, places fortes, lignes de défense ; rôle des cliemins de fer. — Les Torpilles.
— Le desservant de Saint-Pabu, nouvelle (suite), par 11“ Élisa Franck. — Écrivains et journalistes à 1 imprimerie (suite). — La Haute-Cour de justice; correspondance de Blois. — Revue de la Bourse.
Gravures : La Guerre: Strasbourg: Les Badois replient le pont de bateaux du Rhin sur la rive allemande. — Concentration des troupes à Metz. — La déclaration de guerre : Séance du 15 juillet, au Sénat. — Le départ des troupes : La foule devant la gare du chemin de fer de l’Est. — Paris : Aspect des boulevards pendant la soirée. — La petite Bourse. — Les manifestations : Vive la guerre! Vive la paix!— Scène sur le boule
vard de Strasbourg. — Les Torpilles : Poso d’une torpille par une embarcation à vapeur. — Explosion d une grosse torpille.
— La Haute-Cour de justice : Vue de la cour du château de Blois; — Aspect de la salle des États pendant une audience. Carto du Grand-Duché de Luxembourg. — Échecs. — Rébus.


A NOS LECTEURS


L’émotion qui enfièvre les esprits dit assez combien chacun est frappé de la grandeur des événements qui se préparent.
Les deux premières nations militaires du inonde vont se trouver en présence; un million de combattants vont entrer en lice ;
et l’emploi de moyens de destruction inconnusjusqu’à présent donne à ce duel gigan
tesque un caractère que l’on chercherait en vain dans l’histoire des guerres antérieures.
Traduire avec vérité ce caractère particulier, mettre en relief d’une manière saisis
sante ces aspects nouveaux de la guerre actuelle, tel est le but que se propose l Illus
tration , et que, mieux que toute autre publication, elle est à même d’atteindre.
Seul journal illustré politique, VIllustration a seule le droit d’aborder toutes les questions, tous les événements, et d’en ren
dre compte d’une manière complète : grâce au développement donné à son cadre, elle est certaine de ne laisser à l’écart aucun détail intéressant.
Dès la première nouvelle de la possibilité d’un conflit, l’Illustration s’est empressée d’envoyer des correspondants sur tous les points importants. Pendant toute la durée
des hostilités, nos dessinateurs ne cesseront d’accompagner les différents corps d’ar
mée, et de nous fournir les informations les plus authentiques et les plus rapides.
Des cartes, des plans dressés avec le plus grand soin, permettront au lecteur de suivre les mouvements de troupes et les opérations militaires, en même temps que nos gravures lui donneront la représentation fidèle des faits.
En un mot, ! Illustration sera pour la guerre qui se prépare ce qu’elle a été pour celles d’Italie et de Crimée, l’histoire écrite et dessinée des événements.


SOUSCRIPTION PATRIOTIQUE




En faveur des Armées de Terre et de Mer




OUVERTE PAR LA PRESSE FRANÇAISE


L Illustration fait appel à tous ses lecteurs et s’inscrit pour la somme de 1,000 francs.
La parole est aux événements.
Vendredi dernier, M. de Gramont au Sénat et M. Émile Ollivier au Corps législatif, ont fait la communication qui était si impatiemment attendue et qui aboutissait à une déclaration de guerre.
Cette communication, délibérée en conseil et prononcée, dans les deux Chambres, à peu près dans les mêmes termes, nous a fait connaître la nature et le résultat des dernières négociations engagées avec le roi Guillaume à Ems. Il importe de résumer l’exposé de ces négociations, puisque l’histoire y attachera l’origine de la lutte gigantesque qui commence.
Les puissances de l’Europe ont généralement admis ta justesse de nos réclamations, au sujet de la candidature du prince de Hohenzollern au trône d’Espagne. Mais le cabinet de Berlin oppo
sa une ûn de non recevoir aux réclamations de la France, en prétendant qu’il ignorait l’affaire et que le gouvernement prussien y était resté complètement étranger.
M. de Gramont fut donc obligé de se tourner vers le roi Guillaume. Le roi confessa qu’il avait fait part du projet à M. de Bismark et qu’il avait autorisé le prince de Hohenzollern à accepter la candidature. Mais il ajouta qu’il était intervenu dans cette affaire comme chef de famille et non comme souverain. Voilà, sans contredit, une dis
tinction qui laisse bien loin derrière elle tous les distinguo des philosophes.
En attendant, notre gouvernement reçut de l’ambassadeur d’Espagne l’avis de la renonciation du prince de Hohenzollern. Ce désistement arriva le 12 j uillet, et nous vint du côté où on ne l’attendait certainement pas.
Notre ministre des affaires étrangères lit alors demander au roi Guillaume par M. Benedetti de s’associer à cette renonciation et de prendre l’en
gagement, si la couronne était de nouveau offerte au prince de Hohenzollern, de refuser cette auto


risation. La demande était assurément légitime,


et elle avait pour but d’épargner à la France et à l’Europe le retour de pareilles secousses.
Le roi de Prusse refusa de prendre rengagement demandé, et déclara à M. Benedetti qu’il voulait, pour cela comme pour autre chose, se réserver la faculté de consulter les circonstances.
C’était aller au devant d’une rupture. Les négociations n’étaient pourtant pas abandonnées par M. de Gramont, quand on apprit coup sur coup à Paris que le roi de Prusse avait refusé de rece
voir notre ambassadeur, qu’il lui avait transmis ce refus par un adjudant de service, que le cabi
net de Berlin avait communiqué officiellement le
fait aux puissances, et que M. de Werther avait reçu ordre de prendre un congé.
Après l’intrigue, le refus d’admettre nos justes réclamations, après le refus, l’outrage ! C’était trop ! Depuis le coup d’éventail du dey d’Alger la France n’a pas subi une telle humiliation. Il ne restait plus qu’à rappeler notre ambassadeur et à
demander à l’épée de sauvegarder les intérêts et l’honneur de la France.
Cette déclaration a été accueillie au Sénat avec le plus vif enthousiasme, et la haute assemblée est allée solennellement à Saint-Cloud porter à l’Empereur l’expression de son patriotisme et de son entier dévouement.
Le voilà donc, ce jour que chacun prévoyait depuis Sadowa. Nous n’avons plus à justifier le con
flit que la Prusse a rendu inévitable. Il s’agit d’arracher l’Allemagne à la Prusse, et de la ren
dre à sa propre indépendance. Il s’agit pour la France de ne pas déchoir du rang qu’elle occupe en Europe.
Le pays tout entier l’a compris, et la France, comme Paris, a salué par de fiévreuses acclamations le départ de notre armée du Rhin.
Depuis la déclaration faite vendredi aux deux Chambres, les événements ont marché à pas de géant.
M. de Wimpfen, secrétaire de l’ambassade de Prusse à Paris, a été chargé de porter à Berlin la déclaration de guerre.
Et les projets de loi se sont succédé sans interruption au Corps législatif.
Énumérons les mesures principales votées relativement à l’armée et aux f nuances.
Pour l’armée, toutes les réserves et la garde mobile sont appelées au service actif. Sur la de
mande du ministre de la guerre, le contingent de 1870, récemment fixé à 90,000 hommes, est élevé à 140,000 hommes, et les opérations pour la formation de ce contingent auront lieu immédiatement après la promulgation de la loi votée.
Pour les finances, le ministre a demandé les crédits suivants : 440 millions pour la guerre, 60 millions pour la marine et 5 millions pour les finances. En outre le maximum des bons du tré
sor en circulation fixé, pour l’exercice 1870, à 150 millions est élevé à 500 millions.
Toutes ces lois, votées d’urgence par le Corps législatif, ne feront évidemment que traverser le Sénat pour recevoir sa sanction.
Au milieu de l’émotion générale, le budget a été voté au pas de course et la session touche à sa fin. Puisse-t-elle s’ouvrir bientôt pour enregistrer un bulletin de victoire !
A l heure qu’il est, tous les regards sont donc fixés sur le Rhin. Mais le rôle de la politique, est de prévoir, et à cet égard, il n’est pas un esprit sérieux qui ne cherche à se rendre compte du
rôle que joueront les puissances dans le conflit actuel.
La guerre no sera-t-elle qu’un duel entre la France et la Prusse? Les puissances intervien
dront-elles? Et, dans ce cas, quelles pourraient être nos alliances ?
Telle est la double question posée. Jusqu’à présent, aucun acte, aucun indice ne fait redou
ter l’agrandissement du champ de l’action. C’est du côté de la Russie que se tournent principale
ment les regards, et l’on se demande si la politique du panslavisme ne donnera pas la main à la politique du pangermanisme pour réaliser en
fin le testament du Czar. Rien, nous le répétons, ne fait prévoir cette perspective redoutable. A cette question, posée partout, il est facile de ré
pondre par une autre perspective rassurante. Il est clair que nous pourrions compter sur l’alliance de l’Autriche et de l’Italie, et dans ce cas les chances seraient plus qu’égalisées. Mais constatons que jusqu’à présent la Russie ne montre au
cun acte qui puisse nous faire apparaître un projet que l’Angleterre, de son côté, ne laisserait jamais accomplir.
Le conflit sera donc, nous l’espérons, localisé. La Prusse a, bien entendu, usé du bénéfice des conventions militaires qu’elle avait avec les États du Sud. Il fallait s’y attendre. Mais, comme com
pensation, nous aurons, pour l’attaquer en flanc,
l’alliance offensive et défensive du Danemark, qui vient d’acclamer, comme une journée de fête, la nouvelle de la déclaration de guerre.
La guerre sur le Rhin, tel est donc en ce mo