soir. Les dragons assiègent encore la cantine, où,
pour dix sous, la cantinière leur remplit leur Bi
don de vin qui mousse gaiement au goulot du Bidon plein.
A la gare, le 62° de ligne, tout à l’heure arrivé, se masse. Lès soldats appuien t la crosse de leur chassepot à terre, et calant leur sac avec le canon du fusil, se reposent ainsi un moment. On fait l’appel. A travers les grilles de Lois du chemin de fer, les soldats en garnison a Metz re
trouvent dans les rangs et saluent des anciens ca
marades. — D’où venez - vous ?
De Paris. — Où allez - vous ? — Nous n’en sa
vons rien ! — En route !
Le tambour bat et le régiment tout entier s engouffre
dans la porte Ser- • penoise, tandis que des ouvriers crient : Vive la ligne !
La nuit est venue. Dans la cour de l’hô,tel de l’Eu
rope, où nous sommes descendus avec le maré
chal Bazaine., beaucoup d’offi
ciers, de généraux en tenue de campagne. Un mou


vement, une co


hue, puis tout se tait, et, dans Metz endormie, onu’entend plus que le roulement éternel des caissons et le bruit des régiments qui passent.
Je vais aller du côté, de l’ennemi. Sous ma fenêtre, tandis que j’écris, le maréchal Ba
zaine essaie son cheval de campa
gne. Ses aides dé camp lisent les journaux sur ia terrasse où les verveines éclatent au
tour des aloès. Le maréchal est en tenue de campa
gne, en képi, avec un crachat sur la poitrine et la mé
daille du Mexique. Je quitterai Metz ce soir.
Ici, à quelques lieues de la ligne de la Sarre, que les Prussiens peu
vent,franchir,mon sang bat plus vite et je comprends les angoisses et les résolutions des gens de 92, à qui l’on annonçait
F envahissement de la patrie. Ja
mais la France ne s’est trouvée, com
me aujourd’hui, depuis l’invasion, en face d’un ad
versaire aussi ter
rible. Choc de deux races. La résolution et l’a­
lacrité françaises contre le sang - froid du Germain. Je ne doute point du résultat du combat en voyant nos soldats passer, ces fils de fer
miers, ces petits paysans, ces ouvriers, ces laboureurs en unifor
me , — simples soldats de la li
gne, soldats de qua
tre sous, comme les appelait un prince de Prusse et qui, humbles, sans forfanterie, décidés, lancés, sont les meilleurs soldats du monde.
Non, je ne doute point. — Chère France, dans cette partie douloureu
se et dwisive, tu mets pour enjeu ce.que tu n’as ja


mais refusé à per


sonne, ni à tes maîtres, ni à tes alliés; France du sacrifice et du dé
vouement , pays dont le nom même est beau, Fran
ce des volontaires intrépides, France de Hoche et de Marceau, tu don
nes sans compter ton sang, ta réso
lution, ta fermeté, ta vaillance, tout ce qui, grâce à toi, a fait avancer le monde par l’i­
dée et a fait recu
ler l’ennemi par le courage. Al
lons ! la nation
existe toujours, et elle n’a pas oublié cette vertu qui fait les hommes et qui fait les peuples : Je dévouement.
J. Claretie.
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