Ea prenant le commandement en chef de l’armée, l’Empereur a fait paraître une proclamation dans laquelle il affirme une fois de plus la distinc
tion fondamentale que la guerre actuelle a pour Lut de faire prévaloir entre la Prusse et l’Allema
gne. La proclamation rend également hommage à la valeur de l’armée prussienne. Mais cet esprit d’équité peut-il avoir raison de l’intraitable orgueil et de l insigne mauvaise foi du gouvernement de Berlin ?
11 est permis d’en douter, en voyant avec quelle duplicité M. de Bismark a essayé de faire du pro
jet de traité, écrit en 1866. par M. Benedetti, la preuve des convoitises de la France à l’égard de la Belgique.
Cette discussion a eu trop de retentissement pour 11e pas être résumée brièvement ici.
Il s’agit, comme on sait, de l’annexion éventuelle et à certaines conditions de la Belgique à là France, comme conséquences d’une alliance offensive et défensive entre la France et la Prusse.
C’est en 1865 que les pourparlers eurent lieu et que le projet de traité fut écrit par M. Benedetti;
et notre ambassadeur à Berlin a publié sur ce point, une lettre des plus explicites, qui nous fait
toucher du doigt le procédé machiavélique du ministre prussien. Voici les passages importants de cette lettre :
« Au moment de la conclusion de la paix de Prague, écrit-il, et en présence de l’émotion que soulevait en France l’annexion du Hanovre, de la
Hesse électorale et de la ville de Francfort à la Prusse, M. de Bismark témoigna de nouveau le plus vif désir de rétablir l’équilibre rompu par ces acquisitions. Diverses combinaisons, respec
tant l’intégrité des États voisins de la France et de l’Allemagne, furent mises en avant : elles de
vinrent l’objet de plusieurs entretiens, pendant lesquels M. de Bismark inclinait toujours à faire prévaloir ses idées personnelles.
« Dans une de ces conversations, et afin de me rendre un compte exact de ses combinaisons, j’ai consenti à les transcrire en quelque sorte sous sa dictée. La forme, non moins que le fond, démon
tre clairement que je me suis borné à reproduire un projet conçu et développé par lui. M. de Bis
mark garda cette rédaction, voulant la soumettre au roi. De mon côté, je rendis compte, en subs
tance, au Gouvernement impérial, des communications qui m’avaient été faites.
« L’Empereur les repoussa dès qu’elles parvinrent à sa connaissance. »
Voilà la vérité, et comme le fait judicieusement remarquer M. Benedetti, si l’initiative d’un pareil traité eût ôté prise par le gouvernement français,
le projet aurait été libellé par le ministère, et il n’aurait pas eu à en produire une copie écrite de sa main : il eût été d’ailleurs autrement rédigé,
et il aurait donné lieu à des négociations qui eussent été simultanément poursuivies à Paris et à Berlin.
Le tort de notre diplomatie a été de croire que l’audacieux ministre, qui venait de rompre l’an
cien équilibre européen, pourrait sérieusement prêter la main à la moindre combinaison favorable à nos intérêts. La politique dfi pangerma
nisme, poursuivie par M. de Bismark, ne peut arriver à son couronnement que par l’abaissemen t de la France; et il était vraiment naïf d’attendre,
pour notre présent comme pour notre avenir, la moindre sollicitude de notre plus cruel ennemi.
Cette réserve faite, il est clair que M. de Bismark 11’a cherché, en réalité, qu’à tendre à notre diplomatie un piège de sa façon. Montagne ou grain de mil, pour M. de Bismark tout est bon. Et quant aux projets d’envahissement et de con
quête, l’homme des annexions allemandes devrait apercevoir la poutre qu’il a dans l’œil, avant de signaler la paille qu’il entrevoit dans le nôtre.
Chaque document qui se publie ne fait d’ailleurs qu’attester la rectitude de notre conduite. Ainsi
le cabinet anglais vient de publier les 124 dépêches que les diplomates anglais ont écrites, dans l’espace de vingt jours, sur cette question de la can
didature du prince de Hohenzollern. Eh bien !
ce témoignage impartial du Foreign-Office de Londres confirme le refus du roi de Prusse de sanctionner, sur la demande de lord Granville, la renonciation définitive du prince Léopold à toute candidature au trône d’Espagne. La Prusse tenait décidément à nous enlacer dans ses ré
seaux. A nous, pays du suffrage universel, à mettre à néant cette vieille politique d’asservisse
ment, en rendant les nationalités à leur libre expansion.
La loi relative à la publication des nouvelles de guerre, si bien ap pelée la loi du silence, a provoqué une entrevue entre les directeurs des principaux journaux et le ministre de la justice.
M. Émile Ollivier, accompagné de M. Ghevandier de Yaldrôme, a bien voulu promettre que le gou
vernement n’userait qu’a vecla plus grande modération de cette loi rigoureuse, en disant que les lois dures appliquées doucement valaient mieux que les lois douces appliquées sévèrement.
Autre question importante, pour laquelle la Prusse vient encore de frapper à la porte de l’Angleterre. Nous parlons de la houille, dont le gou
vernement de Berlin aurait voulu à tout prix faire une contrebande de guerre.
« Nous espérons, dit la Gazette de la Croix, que « l’Angleterre ouvrira les yeux à la lumière, et « qu’elle verra clair dans cette tactique de la « France, qui consiste à ne point classer les houil« les anglaises parmi lés articles de contrebande « de guerre. L’Allemagne attend de l’Angleterre « qu’elle fera son devoir. Sans les charbons de « Newcastle, la flotte française ne saurait tenir « dans la Baltique. »
La Prusse se sent blessée à l’aile. Incapable de protéger suffisamment son commerce, la Prusse s’était empressée de réclamer des conventions maritimes dont l’exécution était toute à son avan
tage. Par un sentiment de générosité que nous n’avons pas hésité à approuver, le gouvernement français avait accordé ce qu’on lui demandait. Gela ne suffisait pas à notre ennemi. Notre ma
rine est restée son cauchemar. Elle voudrait, sinon la paralyser, au moins gêner ses mouve
ments, en éveillant les susceptibilités d’une nation amie. Elle s’empresse de déclarer les houilles « contrebande de guerre, » et voudrait voir l’Angleterre suivre son mot d’ordre. -
Mais cette question de commerce nous montre, comme la question diplomatique, la grande politique de M. de Bismark une fois de plus en dé
faut. L’Angleterre lui prouvera, que le cabinet de Londres n’est pas à sa merci, et elle gardera ran
cune au ministre qui a voulu l’atteindre dans une des sources les plus productives de sa richesse, l’exportation du charbon.
Le Danemark vient d’annoncer qu’il observerait la neutralité pendant la guerre ; mais cette neu
tralité ne sera pas de longue durée. Les Prussiens espéraient une réponse hostile à la demande qu’ils avaient formulée, afin de se précipiter immédiate
ment sur le Jutland, qu’ils auraient saccagé et pillé. Puis ils auraient bloqué Copenhague. Le Danemark avait donc intérêt à attendre notre dé
cision et à ne pas donner l’occasion de se laisser écraser par un excès de témérité qui aurait été fatal au pays. Mais cette réponse est-elle le dernier mot du gouvernement danois dans la guerre? Les événements nous rapprendront.
Les renseignements-quinous faisaientpressentir une grave résolution du gouvernement français, relativement à l’occupation de Rome, sont confir
més. L’ordre de rappeler les troupes françaises vient d’être donné par l’Empereur. En même temps que le duc de Gramont confirmait ai; nonce,
Mgr Ghigi, l’évacuation immédiate de Civita- Vecchia/M. de Banneville, qui connaissait depuis quelques jours déjà lés intentions de son gouver
nement, a reçu l’ordre d’en faire au Saint-Siège la notification officielle. Le roi d’Italie se chargera.
en exécution de la convention de septembre, de faire respecter le territoire pontifical sur les frontières italiennes. Aug. Marc.
Jeudi, 4 juillet.
La guerre est engagée. Les hostilités ont commencé, et la première bataille est un succès pour nos armes. Nous ne pouvons qu’enregistrer aujour
d’hui les deux dépêches officielles rendant compte de l’affaire de Saarbruck. A huitaine, les détails et les dessins.
Metz, 2 août, 4 h. 30.
Le secrétaire particulier de l’Empereur à S. Exc. le ministre de l’intérieur :
« Aujourd hui, 2 août, à onze heures du matin, les troupes françaises ont eu un sérieux engagement avec les troupes prussiennes.
« Notre armée a pris l’offensive, franchi la frontière et envahi le territoire de la Prusse.
« Malgré la force de la position ennemie, quelquesuns de nos bataillons ont suffi pour enlever les hau
teurs qui dominent Saarbruck et notre artillerie n’a pas tardé à chasser l’ennemi de la ville. L’élan de nos troupes a été si grand que nos pertes ont été légères.
«L’engagement, commencé à 11 heures, était terminé à une heure.
« L’Empereur assistait aux opérations, et le Prince impérial, qui l’accompagnait partout, a reçu sur le premier champ de bataille de la campagne le baptême du feu.
« Sa présence d’esprit, son sang-froid dans le danger, ont été dignes du nom qu’il porte.
« L’Empereur est rentré à Metz à 4 heures. »
3 août.
A la suite de l’affaire d’hier, le corps du général Frossard s’est rendu maître des hauteurs qui do
minent Saarbruck et des débouchés de la Sarre. Les batteries de l’artillerie ennemie, qui avaient pris position sur la gauche de Saarbruck, ont été forcées d’éteindre leurs feux.
Les troupes campent sur les positions dont elles se sont emparées.
Nos soldats ont supporté avec une grande énergie les fatigues d’une marche dans un pays acci
denté. Leurs chefs se plaisent à constater leur
calme, leur intrépidité et leur confiance de plus en plus grande dans leurs armes.
Depuis trois semaines, la France a la lièvre; avant trois semaines, espérons-le, la victoire l’en aura guérie. «
Fièvre belliqueuse, enthousiaste, patriotique, dont l’intensité prouve aux moins clairvoyants que le cœur de la France est toujours aussi ardent, aussi grand que par le passé, et qui présage un glorieux chapitre de plus aux Gesta Deiper Fraiicos ! *
Horrible est la guerre, atroce est cette boucherie humaine qui fauche dans sa tige d’innombrables générations! Quelle qu’en soit l’issue, a dit le poète,
La guerre met toujours une patrie en deuil !
Pleurons donc et glorifions ceux qui tombent martyrs de la patrie, mais ne nous laissons pas aller trop complaisamment à l’excès des fausses théories humanitaires. La guerre n’a jamais rien fondé, disent les amis de la paix, et l’histoire ap
prend que la guerre est l’origine de tous les grand s peuples, et que la France surtout ne s’est fondée et maintenue que par la guerre !
Sans dédaigner les forces de la Prusse, on peut dire que le sentiment d’une lutte gigantesque n’a pas seulement dicté tant d’engagements volon
taires, tant d’héroïques sacrifices, dans tous les rangs de la société française, mais encore et sur
tout le souvenir et la rancune des violences sauvages exercées pendant l’invasion par les soldats de Blricher.
tion fondamentale que la guerre actuelle a pour Lut de faire prévaloir entre la Prusse et l’Allema
gne. La proclamation rend également hommage à la valeur de l’armée prussienne. Mais cet esprit d’équité peut-il avoir raison de l’intraitable orgueil et de l insigne mauvaise foi du gouvernement de Berlin ?
11 est permis d’en douter, en voyant avec quelle duplicité M. de Bismark a essayé de faire du pro
jet de traité, écrit en 1866. par M. Benedetti, la preuve des convoitises de la France à l’égard de la Belgique.
Cette discussion a eu trop de retentissement pour 11e pas être résumée brièvement ici.
Il s’agit, comme on sait, de l’annexion éventuelle et à certaines conditions de la Belgique à là France, comme conséquences d’une alliance offensive et défensive entre la France et la Prusse.
C’est en 1865 que les pourparlers eurent lieu et que le projet de traité fut écrit par M. Benedetti;
et notre ambassadeur à Berlin a publié sur ce point, une lettre des plus explicites, qui nous fait
toucher du doigt le procédé machiavélique du ministre prussien. Voici les passages importants de cette lettre :
« Au moment de la conclusion de la paix de Prague, écrit-il, et en présence de l’émotion que soulevait en France l’annexion du Hanovre, de la
Hesse électorale et de la ville de Francfort à la Prusse, M. de Bismark témoigna de nouveau le plus vif désir de rétablir l’équilibre rompu par ces acquisitions. Diverses combinaisons, respec
tant l’intégrité des États voisins de la France et de l’Allemagne, furent mises en avant : elles de
vinrent l’objet de plusieurs entretiens, pendant lesquels M. de Bismark inclinait toujours à faire prévaloir ses idées personnelles.
« Dans une de ces conversations, et afin de me rendre un compte exact de ses combinaisons, j’ai consenti à les transcrire en quelque sorte sous sa dictée. La forme, non moins que le fond, démon
tre clairement que je me suis borné à reproduire un projet conçu et développé par lui. M. de Bis
mark garda cette rédaction, voulant la soumettre au roi. De mon côté, je rendis compte, en subs
tance, au Gouvernement impérial, des communications qui m’avaient été faites.
« L’Empereur les repoussa dès qu’elles parvinrent à sa connaissance. »
Voilà la vérité, et comme le fait judicieusement remarquer M. Benedetti, si l’initiative d’un pareil traité eût ôté prise par le gouvernement français,
le projet aurait été libellé par le ministère, et il n’aurait pas eu à en produire une copie écrite de sa main : il eût été d’ailleurs autrement rédigé,
et il aurait donné lieu à des négociations qui eussent été simultanément poursuivies à Paris et à Berlin.
Le tort de notre diplomatie a été de croire que l’audacieux ministre, qui venait de rompre l’an
cien équilibre européen, pourrait sérieusement prêter la main à la moindre combinaison favorable à nos intérêts. La politique dfi pangerma
nisme, poursuivie par M. de Bismark, ne peut arriver à son couronnement que par l’abaissemen t de la France; et il était vraiment naïf d’attendre,
pour notre présent comme pour notre avenir, la moindre sollicitude de notre plus cruel ennemi.
Cette réserve faite, il est clair que M. de Bismark 11’a cherché, en réalité, qu’à tendre à notre diplomatie un piège de sa façon. Montagne ou grain de mil, pour M. de Bismark tout est bon. Et quant aux projets d’envahissement et de con
quête, l’homme des annexions allemandes devrait apercevoir la poutre qu’il a dans l’œil, avant de signaler la paille qu’il entrevoit dans le nôtre.
Chaque document qui se publie ne fait d’ailleurs qu’attester la rectitude de notre conduite. Ainsi
le cabinet anglais vient de publier les 124 dépêches que les diplomates anglais ont écrites, dans l’espace de vingt jours, sur cette question de la can
didature du prince de Hohenzollern. Eh bien !
ce témoignage impartial du Foreign-Office de Londres confirme le refus du roi de Prusse de sanctionner, sur la demande de lord Granville, la renonciation définitive du prince Léopold à toute candidature au trône d’Espagne. La Prusse tenait décidément à nous enlacer dans ses ré
seaux. A nous, pays du suffrage universel, à mettre à néant cette vieille politique d’asservisse
ment, en rendant les nationalités à leur libre expansion.
La loi relative à la publication des nouvelles de guerre, si bien ap pelée la loi du silence, a provoqué une entrevue entre les directeurs des principaux journaux et le ministre de la justice.
M. Émile Ollivier, accompagné de M. Ghevandier de Yaldrôme, a bien voulu promettre que le gou
vernement n’userait qu’a vecla plus grande modération de cette loi rigoureuse, en disant que les lois dures appliquées doucement valaient mieux que les lois douces appliquées sévèrement.
Autre question importante, pour laquelle la Prusse vient encore de frapper à la porte de l’Angleterre. Nous parlons de la houille, dont le gou
vernement de Berlin aurait voulu à tout prix faire une contrebande de guerre.
« Nous espérons, dit la Gazette de la Croix, que « l’Angleterre ouvrira les yeux à la lumière, et « qu’elle verra clair dans cette tactique de la « France, qui consiste à ne point classer les houil« les anglaises parmi lés articles de contrebande « de guerre. L’Allemagne attend de l’Angleterre « qu’elle fera son devoir. Sans les charbons de « Newcastle, la flotte française ne saurait tenir « dans la Baltique. »
La Prusse se sent blessée à l’aile. Incapable de protéger suffisamment son commerce, la Prusse s’était empressée de réclamer des conventions maritimes dont l’exécution était toute à son avan
tage. Par un sentiment de générosité que nous n’avons pas hésité à approuver, le gouvernement français avait accordé ce qu’on lui demandait. Gela ne suffisait pas à notre ennemi. Notre ma
rine est restée son cauchemar. Elle voudrait, sinon la paralyser, au moins gêner ses mouve
ments, en éveillant les susceptibilités d’une nation amie. Elle s’empresse de déclarer les houilles « contrebande de guerre, » et voudrait voir l’Angleterre suivre son mot d’ordre. -
Mais cette question de commerce nous montre, comme la question diplomatique, la grande politique de M. de Bismark une fois de plus en dé
faut. L’Angleterre lui prouvera, que le cabinet de Londres n’est pas à sa merci, et elle gardera ran
cune au ministre qui a voulu l’atteindre dans une des sources les plus productives de sa richesse, l’exportation du charbon.
Le Danemark vient d’annoncer qu’il observerait la neutralité pendant la guerre ; mais cette neu
tralité ne sera pas de longue durée. Les Prussiens espéraient une réponse hostile à la demande qu’ils avaient formulée, afin de se précipiter immédiate
ment sur le Jutland, qu’ils auraient saccagé et pillé. Puis ils auraient bloqué Copenhague. Le Danemark avait donc intérêt à attendre notre dé
cision et à ne pas donner l’occasion de se laisser écraser par un excès de témérité qui aurait été fatal au pays. Mais cette réponse est-elle le dernier mot du gouvernement danois dans la guerre? Les événements nous rapprendront.
Les renseignements-quinous faisaientpressentir une grave résolution du gouvernement français, relativement à l’occupation de Rome, sont confir
més. L’ordre de rappeler les troupes françaises vient d’être donné par l’Empereur. En même temps que le duc de Gramont confirmait ai; nonce,
Mgr Ghigi, l’évacuation immédiate de Civita- Vecchia/M. de Banneville, qui connaissait depuis quelques jours déjà lés intentions de son gouver
nement, a reçu l’ordre d’en faire au Saint-Siège la notification officielle. Le roi d’Italie se chargera.
en exécution de la convention de septembre, de faire respecter le territoire pontifical sur les frontières italiennes. Aug. Marc.
Jeudi, 4 juillet.
La guerre est engagée. Les hostilités ont commencé, et la première bataille est un succès pour nos armes. Nous ne pouvons qu’enregistrer aujour
d’hui les deux dépêches officielles rendant compte de l’affaire de Saarbruck. A huitaine, les détails et les dessins.
Metz, 2 août, 4 h. 30.
Le secrétaire particulier de l’Empereur à S. Exc. le ministre de l’intérieur :
« Aujourd hui, 2 août, à onze heures du matin, les troupes françaises ont eu un sérieux engagement avec les troupes prussiennes.
« Notre armée a pris l’offensive, franchi la frontière et envahi le territoire de la Prusse.
« Malgré la force de la position ennemie, quelquesuns de nos bataillons ont suffi pour enlever les hau
teurs qui dominent Saarbruck et notre artillerie n’a pas tardé à chasser l’ennemi de la ville. L’élan de nos troupes a été si grand que nos pertes ont été légères.
«L’engagement, commencé à 11 heures, était terminé à une heure.
« L’Empereur assistait aux opérations, et le Prince impérial, qui l’accompagnait partout, a reçu sur le premier champ de bataille de la campagne le baptême du feu.
« Sa présence d’esprit, son sang-froid dans le danger, ont été dignes du nom qu’il porte.
« L’Empereur est rentré à Metz à 4 heures. »
3 août.
A la suite de l’affaire d’hier, le corps du général Frossard s’est rendu maître des hauteurs qui do
minent Saarbruck et des débouchés de la Sarre. Les batteries de l’artillerie ennemie, qui avaient pris position sur la gauche de Saarbruck, ont été forcées d’éteindre leurs feux.
Les troupes campent sur les positions dont elles se sont emparées.
Nos soldats ont supporté avec une grande énergie les fatigues d’une marche dans un pays acci
denté. Leurs chefs se plaisent à constater leur
calme, leur intrépidité et leur confiance de plus en plus grande dans leurs armes.
Depuis trois semaines, la France a la lièvre; avant trois semaines, espérons-le, la victoire l’en aura guérie. «
Fièvre belliqueuse, enthousiaste, patriotique, dont l’intensité prouve aux moins clairvoyants que le cœur de la France est toujours aussi ardent, aussi grand que par le passé, et qui présage un glorieux chapitre de plus aux Gesta Deiper Fraiicos ! *
Horrible est la guerre, atroce est cette boucherie humaine qui fauche dans sa tige d’innombrables générations! Quelle qu’en soit l’issue, a dit le poète,
La guerre met toujours une patrie en deuil !
Pleurons donc et glorifions ceux qui tombent martyrs de la patrie, mais ne nous laissons pas aller trop complaisamment à l’excès des fausses théories humanitaires. La guerre n’a jamais rien fondé, disent les amis de la paix, et l’histoire ap
prend que la guerre est l’origine de tous les grand s peuples, et que la France surtout ne s’est fondée et maintenue que par la guerre !
Sans dédaigner les forces de la Prusse, on peut dire que le sentiment d’une lutte gigantesque n’a pas seulement dicté tant d’engagements volon
taires, tant d’héroïques sacrifices, dans tous les rangs de la société française, mais encore et sur
tout le souvenir et la rancune des violences sauvages exercées pendant l’invasion par les soldats de Blricher.