a présenté un tout autre caractère, et les votes de la Chambre ont provoqué des résolutions importantes.
Procédons par ordre. M. Emile Ollivier est monté à la tribune pour faire aux députés la même communication que M. de Parieu aux sénateurs.
Mais l’attitude de la Chambre a dû lui faire dire que l’heure de la longanimité était passée. Chaque mot fait partir une riposte, et quand le garde des sceaux dit que nos soldats ont déployé un héroïsme sublime : — Oui, des lions conduits par des ânes! comme disait Napoléon, s’est écrié M. Guyot-Montpayroux.
— Eufln, s’est écrié le ministre en terminant, si nous n’avons plus votre confiance, renvoyezuous, mais de suite et sans phrase, car ce qu’il faut avant tout, ce n’est pas pérorer, ce n’est pas discuter, c’est agir !
La question de cabinet, posée par trois ordres du jour motivés, a été tranchée par l’adoption de l’ordre du jour présenté par M. Clément Duvernois, et ainsi conçu :
« La Chambre, décidée à soutenir un cabinet capable de pourvoir à la défense du pays, passe à l’ordre du jour. »
L’adoption de cet ordre du jour, c’est la condamnation du ministère, et M. Émile Ollivier de
mande a la Chambre de vouloir bien suspendre la séance pendant un quart d’heure.
A son retour, il annonce qu’après le vote de la Chambre, les ministres ont présenté leur démission à l’impératrice-régente, et qu’avec l’assenti
ment de l’Empereur elle a donné mission à M. le général comte de Palikao de composer un nouveau cabinet.
Le ministère du 2 janvier a vécu ! L’histoire lui demandera un compte sévère de ses actes.
Mentionnons maintenant les projets qui ont occupé l’assemblée.
Eu premier lieu, la gauche démocratique, par l’organe de M. Jules Favre, a présenté deux propositions : l’une relative à l’armement des ci
toyens et à l’organisation de la garde nationale, conformément à la loi de 1831 ; l’autre relative à la formation d’un comité de défense nationale, nommé par le Corps législatif. Les deux propositions seront examinées par la Chambre.
En second lieu, le ministre a présenté un projet de loi relatif à l’augmentation de notre force armée. Ce projet de loi n’est que l’application des décrets et du rapport que nous avons exposé plus haut. La Chambre, d’ailleurs, paraît disposée à présenter, au sujet de ce projet de loi, divers amendements.
La séance de mercredi commence par des propositions et des votes que nous devons enregistrer.
Le crédit de 4 millions affecté aux familles des gardes mobiles est porté à 23 millions.
La Chambre vote avec enthousiasme des remerciements à l’armée et déclare qu’elle a bien mérité de la patrie.
Plusieurs propositions, faites par un certain nombre de députés, ont pour but de proroger l’é­ chéance des effets de commerce.
Mais l’événement capital de la journée est la formation du ministère. L’opinion, comme la Chambre, attendait impatiemment la publication de ce grand acte.
Voici la composition du nouveau cabinet :
Guerre, le comte de Palikao. — Affaires étrangères, La Tour-d’Auvergne. — Intérieur, Chevreau.
— Justice. Grandperret. — Marine, Rigault de Genouilly. — Finances, Magne. — Travaux publics, Jérôme David. — Instruction publique, Brame. — Commerce, Clément Duvernois. — Président du conseil d Etat, Busson-Billault.
Pas de polémique ! Attendons les actes. Contentons-nous de constater qu’à l’heure où le pays
tout entier déplore les trop grandes attributions du pouvoir personnel, le chef du ministère ne paraît avoir eu d’autre préoccupation que de grouper dans le nouveau cabinet les partisans les
plus fermement attachés au maintien de ces prérogatives.


Une première faute !,


D’un autre côté, le premier acte du ministère est malheureux. De chaque poitrine s’échappe en ce moment ce cri vainqueur : Que tous les Français s’unissent, et la France est sauvée !
Eh bien ! au lieu de faire appel à cette union fraternelle, gage de la victoire, le ministère com
mence par supprimer le Réveil vile Rappel, et cette mesure a le malhenr de rappeler à tous les esprits les divisions qui ont toujours été le fléau de la France.
Encore une fois, le premier et le dernier mot de la politique est aujourd’hui l’organisation
immédiate de la défense du pays,.et ce doit être là l’unique souci du ministère, s’il veut, suivant le mot de i’un de ses membres, « faire grand ! »
Ainsi une feuille gouvernementale n’a-t-elle pas annoncé qu’il y a en ce moment 36,Ü00 hommes
de troupes à Paris ? Il serait difficile de formuler contre le gouvernement un grief plus redoutable que celui-là.
La place de ces 36,000 hommes n’est pas à Paris: elle est à la frontière, devant l’ennemi. Quelle responsabilité le gouvernement n’encourrait-ii pas devant la France, si un nouvel échec nous affligeait; qui sait si ces 36,000 hommes ne décideraient pas de la victoire ?
Passons donc aux actes qui ont pour but de réparer les fautes commises.
La loi destinée à pourvoir à la défense nationale a été adoptée par le Corps législatif dans la séance de mercredi, et voici les neuf articles qui composent cette mesure de salut public :
« Article lor. — Le Corps législatif a voté à l’u­ nanimité des remerciements à nos armées, et déclare qu’elles ont bien mérité de la patrie.
« Art. 2. — Tous les citoyens non mariés, ou veufs sans enfants ayant 25 ans accomplis et moins de 35 ans, qui ont satisfait à la loi du recrute
ment, et qui ne figurent pas sur les contrôles de la garde mobile sont appelés sous les drapeaux pendant la durée de la guerre actuelle.
« L’autorité militaire prendra d’urgence les mesures nécessaires pour qu’ils soient dirigés immédiatement sur les differents corps de l’armée.
« Art. 3. — Le crédit de 4 millions accordé par la loi du 24 juillet 1870 aux familles des soldats de l’armée et de la garde mobile, est porté à 25 mil
lions et s’appliquera aux familles des citoyens compris dans la disposition de l’article 2 de la présente loi.
« Art. 4. — Les engagements volontaires et les remplacements dans les conditions de la loi du 2 février 1868 pourront être admis pour les anciens militaires pendant la durée de la guerre, jusqu’à l’âge de 45 ans.
« Art. 5. — Les personnes valides de tout âge seront admises à contracter un engagement, pour la durée de la guerre, dans l’armée active.
« Art. 6. — Le contingent de la classe 1870 se compose de tous les jeunes gens inscrits sur les tableaux de recensement qui ne se trouveront
dans aucun des cas d’exemption ou de dispem ». prévus par la loi modifiée du 21 mars 1832.
« Art. 7. — Des conseils de révision seront or ganisés dans chaque département.
« Ils seront convoqués pour le tirage au sort et la formation du contingent de la classe de 1870.
« Il ne sera fait pour ladite classe qu’une seule publication des tableaux de recensement.
« Art. 8. — La durée du service des jeunes gens de la classe de 1870 prendra date du jour de la promulgation de la présente loi.
« Art. 9. — La présente loi sera exécutoire à partir du jour de sa promulgation. »
. Notre dernier mot est pour dire : Union et courage !
La France touche à l’une des minutes les plus critiques de son histoire.
11 s’agit de la prééminence sur le continent de la race latine ou de la race allemande.
Un échec, et nous restons au second rang !
Et alors pensons à la carte que l’abominable politique de M. de Bismark nous fera payer.
C’est la Lorraine et l’Alsace qu’on nous demandera.
Eh bien! cette Lorraine, la patrie de Jeanne d’Arc, cette Alsace, la patrie de Kléber, n’ont été reclamées par la Prusse que deux fois, aujourd’hui et en 1815.
Oui, en 1815, après l’entrée des alliés à Paris, les représentants de la Prusse, en faisant et refai
sant notre carte, exigeaient impérieusement la Lorraine et l’Alsace pour les faire rentrer dans le giron de l Allemagne.
L’empereur de Russie ne voulut jamais y consentir, et un matin le czar dit à M. de Richelieu, qui venait l’entretenir des affaires de la France :
— Tenez, voilà ce que la Prusse demande. Il ne manque à ce projet que ma signature. Mais vous pouvez compter, monsieur le duc, qu’elle y manquera toujours...
Aujourd’hui, la Prusse de Sadowa, la Prusse de M. de Bismark veut poser la même proposition insultante. C’est le thème qu’ont développé à la tribune de Berlin les députés chauvins de la politique pangermanique.
Eh bien! la France de.1870, la France opulente, armée, puissante, peut-elle valoir moins que la France exténuée, agonisante, épuisée des six coalitions!
En 1870, nous aurions moins de valeur contre la Prusse seule, qu’en 1815 contre toute l’Europe ameutée contre nous?
La France, reconnue comme la grande nation, peut-elle consentir à des revendications qui seraient pour elle la décadence ?
A la France de 1870 de répéter à ses vaillants soldats ce que la France de 1793 disait à ses volontaires sans pain.
Savez-vous comment Vergniaud, le député girondin, répondit aux insultes de la Prusse à la tribune législative ?
« Faites retentir dans toutes les parties de l’eni« pire ces mots sublimes : Vivre libre ou mourir !
« que ces cris se fassent entendre jusqu’auprès des « trônes coalisés contre vous, qu’ils leur appren
ti nent qu’on a compté en vain sur nos divisions « intérieures, qu’alors que la patrie est en danger,
» nous ne sommes plus animés que d’une seule
« passion, celle de la sauver ou de mourir pour « elle ; qu’enfin, si la fortune trahissait dans les
« combats une cause aussi juste que la nôtre, nos « ennemis pourraient bien insulter à nos cada« vres, mais jamais ils n’auraient un seul Fran« çais dans leurs fers. »
Encore un souvenir.
Le général Hoche, battu à Kaiserlautern, écrivait qu’il n’avait pu, avec 25,000 hommes, en battre 50,000 dans des conditions d’armement supérieures.
Et la Convention répondait au jeune général :
« Un revers n’est point un crime, lorsqu’on a tout fait pour mériter la victoire. Ce n’est pas par les événements que nous jugeons les hommes.
Notre confiance te reste. Rallie tes forces et marche! »
Hoche, encouragé, reprenait l’offensive et terminait par la victoire sa campagne inaugurée par une défaite.
Voilà l’exemple à suivre ! Et nous devons redoubler d’efforts, car les Prussiens sont tenaces, courageux, bien commandés et parfaitement administrés.
Aug. Marc.
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