jaillir du sol français les quatorze armées de la République !
Ah ! cette fois, c’est le Journal officiel qui nous inonde de nouvelles.
Les voici dans leur navrante accumulation. Le territoire envahi.
Trois généraux obligés de céder au nombre.
Le corps du maréchal Mac-Mahon coupé de l’armée principale.
Forbach et Wissembourg à moitié incendiés. Metz menacé.
Les Chambres convoquées pour jeudi. L’état de siège proclamé à Paris.
L’armement de fortifications poussé à outrance. En un mot, la patrie en danger !
Et partout, aux coins de rue, aux kiosques, devant les affiches, sur les boulevards, partout des milliers de citoyens, dans un état qui témoigne tout à la fois de la stupeur et du désir de la veu-geance.
Nous avons parcouru les principaux centres, la place de la Bastille, l’Hôtel-de-Ville, les boulevards, le passage de l’Opéra, et partout nous n’a vons entendu qu’une seule et même exclamation.
— Allons ! C’est l’heure delà patrie en danger! A la France de se lever tout entière pour qu’il ne sorte pas un Prussien de tous ceux qui sont entrés !
Il y a des frémissements dans l’air! Aux armes ! Aux armes !
Des armes et au feu ! C’est le cri général.
Mais les commentaires, il faut aussi les entendre. Ecoutez !
Dans un groupe :
« Comment ! La division dn général Douay est surprise ! Lecorps du maréchal Mac-Mahon est sur
pris ! Le corps du général Frossard est surpris !...
Ah ! c’est nous qui avons aussi le droit d’être surpris de tant d’incapacité ! » Dans un autre groupe :
« Comprend-on quelque chose à un tel plan de campagne. Nous avons huit corps d’armée qu’on dissémine de telle sorte qu’ils se laissent égorger, les uns après les autres, sans se prêter secours ! De telle sorte que nous avons trois cent mille soldats et pas une armée ! »
Dans tous les groupes :
« Quels soldats que les nôtres ! Des lions ! A quatre contre un, ils luttent toute une journée, et avec ces hommes de fer nous sommes battus ! A qui la faute ? »
Le soir, l’émotion grandit encore avec la foule sur les boulevards. Les journaux du soir, les dé
pêches, les détails, les incidents font bondir les cœurs !
Que veulent ces foules indignées ? Que demandent ces masses à chaque minute grossissantes?
Ce qu’elles demandent? Tenez, nous copions textuellement les notes que nous avons recueillies.
Au coin du boulevard Montmartre. — « Ce qu’il nous faut, dit un garde national, entouré d’une foule attentive, ce qu’il nous faut, c’est un homme ! Et je n’en vois pas ! Sauvons-nous nous-mêmes ! »
Les assistants applaudissent avec frénésie.
Sur la place du nouvel Opéra. — « Nous ne pouvons plus attendre ! Que faire d’un ministère qui convoque les députés pour jeudi, quand les mi
nutes sont des siècles ! C’est demain que les Chambres devraient s’ouvrir ! Toujours à côté, ces hommes d’État ! »
Près des Tuileries. — Ce ne sont pas les soldats qui font défaut. C’est le pouvoir qui n’a pas su les conduire !
C’est vrai ! c’est vrai ! répondent les auditeurs.
Sur la place de la Bastille. — Un Tyrtée déclame des vers patriotiques et, comme refrain, le peuple crie : Aux armes ! Aux armes !
Impossible de saisir autre chose que l’exaltation d’un peuple ivre d’enthousiasme pour la délivrance de sa patrie !
Et toujours, comme bouquet de ce feu d’artifice, nous avons, à la fin de la soirée, devant l’hôtel de M. Émile Ollivier, les sommations, les tambours, Jes commissaires (le police, les charges
de la force armée, et les mille accidents d’une pression violente contre des masses compactes,
qui ne savent plus où se réfugier devant les cafés qui se ferment et les rues complétementobstruées. Ah ! nos ministres ont une singulière manière de comprendre et de faire tressaillir la fibre populaire !
Paris, de lassitude, se calme et s’endort, mais avec un cauchemar dans l’esprit, et en se disant : A demain !
Lundi. — Pas d’autres nouvelles que cet éternel télégramme qui nous revient trois fois par jour de Metz : « L’armée se concentre. » — Misère et malheur ! que n’a-t-elle commencé par là ?
Les cœurs sont toujours ulcérés, et on lit avec avidité les détails que les correspondances envoient sur les sanglantes journées du 4 et du 6.
A Wissembourg, les Prussiens étaient 70,000 contre 17,000 Français. A Reischoffen, ils étaient 140,000 contre 33,000 ! Quatre contre un !
Et quels ennemis ! On annonce qu ils ont tiré sur les ambulances de Forbach. On affirme qu’un régiment, après avoir levé la crosse en l’air pour se rendre, a tiré à bout portant sur nos soldats ! Attendons les explications des états-majors prussiens.
Mais Paris, consterné, énumère en pleurant nos pertes. L’échec de Mac-Mahon est terrible, désastreux. Quatre mille prisonniers ! trente canons! six mitrailleuses! deux drapeaux!
Et l’on souligne dans toutes les discussions de la rue, ces mots d’une dépêche de l’Empereur :
— « Pour nous soutenir ici, il faut que Paris et la France consentent à de grands efforts de patriotisme. »
Là-dessus, on hésite, on craint, on doute, et l’idée seule d’une marche des Prussiens sur Paris électrise la population. Ici, on annonce que les enrôlements volontaires se multiplient à Paris et dans toutes les villes de France. Là, on apprend que des milliers de citoyens se font inscrire pour travailler aux fortifications. Plus loin, dans un groupe, nous entendons citer un atelier de l’un de nos faubourgs qui comprend, entre patrons, employés, ouvriers, soixante-quinze citoyens. Au
jourd’hui, l’atelier est fermé et les soixante-quinze citoyens se sont tous enrôlés !
N’oublions pas la Bourse. Dans une minute d’emportement irréfléchi, on avait crié samedi :
A bas la Bourse ! Mais il n’y a pas à redouter une telle mesure.
La Bourse est entourée par la garde nationale et la garde municipale, et la rente peut se livrer à son petit jeu de bascule. Mais il s’agit bien de hausse et de baisse. Le 3 pour cent fait comme tout le monde : il attend, immobile, palpitant, la bataille imminente qui est annoncée depuis hier.
A cinq heures on s’arrache, comme toujours, les journaux du soir.
Pas de nouvelles ! Rien !
Dans la soirée, même animation des groupes, même acharnement à courir après les informa
tions, et, en même temps, même entêtement des ministres à mettre entre eux et le peuple une double et triple ceinture de baïonnettes.
Qu’importe ? Les motions les plus radicales volent de bouche en bouche. On est unanime pour demander la chute du ministère Ollivier. On parle d’une proposition qui doit être présen
tée par la gauche, en vue de constituer un comité de défense nationale. On proclame la nécessité de nommer un autre généralissime. Des actes Et en avant !
Et l’on se sépare, en se donnant rendez-vous pour lelendemain, à l’ouverture du Corps législatif.
Mardi. — Rien encore du côté de Metz.
Mais les nouvelles reçues depuis vingt-quatre heures sont plus rassurantes. On sait que les corps d’armée de Bazaine, Lamirault, Félix Douay,
Canrobert, sont intacts. On calcule, et l’on se dit : que la concentration des divisions va mettre entre les mains du maréchal Bazaine 130,000
hommes et 120,000 sous le, commandement du maréchal Mac-Mahon.
Pourquoi, d’ailleurs, n’aurait-on pas confiance ? Les journaux anglais reconnaissent eux-mêmes que les Prussiens étaient six fois plus nombreux que les Français, et que les pertes ont été égales des deux côtés. Six contre un ! C’est tout simple
ment épique, et nos pantalons rouges peuvent revendiquer le mot glorieux de Tacite : — « Us s’en allaient pleurant, parce que la victoire leur échappait, sans être vaincus ! »
A l’ouverture du Corps législatif, foule immense.
Blouses et paletots s’unissent étroitement pour demander que l’on répare le temps perdu.
Les députés de la gauche sont acclamés. M. Jules Ferry reçoit de chaleureuses félicitations.
— Nous sommes sûrs de vaincre, dit l’honorable représentant. Mais du calme, je vous en supplie ! du calme !
Le Corps législatif est entouré par la garde nationale, la ligne, des cuirassiers et des sergents de ville. Toujours la peur !
Les soldats sont salués par deux cris : Vive la ligne ! A la frontière !
Un général qui passe est accueilli par le même cri : A la frontière !
La foule est morne et calme. Elle attend silencieusement les résolutions de l’Assemblée, quand tout à coup, un reflux des premières lignes de ci
toyens signale une charge de cavalerie de la garde, municipale. Une charge dans ces masses pacifiques!... Ah! vraiment, il est temps que le ministère abandonne un pouvoir qu’il n’a que trop longtemps occupé !
Des citoyens sont renversés. D’autres sont foulés aux pieds. Quelques-uns sont plus ou moins grièvement blessés. Ah ! les ministres devraient être là, pour entendre les cris de fureur et les malédictions qui éclatent contre eux comme des tonnerres !
Voilà les encouragements réservés aux volontaires et aux patriotes !
La place de la Concorde, les quais et les abords de la Chambre sont dégagés. Mais dans les cœurs quel levain de haine !
C’est assez dire avec quels applaudissements frénétiques est saluée la chute du ministère Olli
vier. Ce pouvoir à béquilles, ce ministère invalide n’a jamais été pour la France qu’une carapace !
Mercredi. — De la frontière, rien encore ! ’
Toutefois, il y a une accalmie dans les esprits. L’opinion envisage virilement la situation, et à forces égales elle croit à une victoire.
L’élan des populations peut-il faire douter du salut ? Toutes les villes proposent des volontaires à Paris.
L’arrivée de Changarnier à Metz et sa participation à la guerre produisent une impression favorable.
La nomination du maréchal Bazaine comme commandant en chef de l’armée de Metz paraît un gage assuré de la revanche que l’on attend.
Viendra-t-elle aujourd’hui, cette revanche? lies heures et les minutes se passent, et le soir arrive sans que le pays puisse se dire encore vengé.
La victoire n’est pas encore venue Nous n’a vons que le nouveau ministère, composé par le général comte de Palikao.
Pas de souvenirs irritants ! Attendons à l’œuvre ceux qui montent au pouvoir pour chasser l’é
tranger. Mais il nous sera permis du moins de constater ici que ce ministère est loin d’avoir pro
voqué l’enthousiasme. Pourquoi donc se tourner vers le pôle arctique, quand le pays vole au pôle antarctique ?
Jeudi. — Même incertitude, même impatience, même anxiété.
Le regard de toute la France est tourné vers la frontière. Que de palpitations dans cet inconnu !
Mais la Prusse peut compter qu’elle a devant elle toute la France debout !
Henri Cozic.
Ah ! cette fois, c’est le Journal officiel qui nous inonde de nouvelles.
Les voici dans leur navrante accumulation. Le territoire envahi.
Trois généraux obligés de céder au nombre.
Le corps du maréchal Mac-Mahon coupé de l’armée principale.
Forbach et Wissembourg à moitié incendiés. Metz menacé.
Les Chambres convoquées pour jeudi. L’état de siège proclamé à Paris.
L’armement de fortifications poussé à outrance. En un mot, la patrie en danger !
Et partout, aux coins de rue, aux kiosques, devant les affiches, sur les boulevards, partout des milliers de citoyens, dans un état qui témoigne tout à la fois de la stupeur et du désir de la veu-geance.
Nous avons parcouru les principaux centres, la place de la Bastille, l’Hôtel-de-Ville, les boulevards, le passage de l’Opéra, et partout nous n’a vons entendu qu’une seule et même exclamation.
— Allons ! C’est l’heure delà patrie en danger! A la France de se lever tout entière pour qu’il ne sorte pas un Prussien de tous ceux qui sont entrés !
Il y a des frémissements dans l’air! Aux armes ! Aux armes !
Des armes et au feu ! C’est le cri général.
Mais les commentaires, il faut aussi les entendre. Ecoutez !
Dans un groupe :
« Comment ! La division dn général Douay est surprise ! Lecorps du maréchal Mac-Mahon est sur
pris ! Le corps du général Frossard est surpris !...
Ah ! c’est nous qui avons aussi le droit d’être surpris de tant d’incapacité ! » Dans un autre groupe :
« Comprend-on quelque chose à un tel plan de campagne. Nous avons huit corps d’armée qu’on dissémine de telle sorte qu’ils se laissent égorger, les uns après les autres, sans se prêter secours ! De telle sorte que nous avons trois cent mille soldats et pas une armée ! »
Dans tous les groupes :
« Quels soldats que les nôtres ! Des lions ! A quatre contre un, ils luttent toute une journée, et avec ces hommes de fer nous sommes battus ! A qui la faute ? »
Le soir, l’émotion grandit encore avec la foule sur les boulevards. Les journaux du soir, les dé
pêches, les détails, les incidents font bondir les cœurs !
Que veulent ces foules indignées ? Que demandent ces masses à chaque minute grossissantes?
Ce qu’elles demandent? Tenez, nous copions textuellement les notes que nous avons recueillies.
Au coin du boulevard Montmartre. — « Ce qu’il nous faut, dit un garde national, entouré d’une foule attentive, ce qu’il nous faut, c’est un homme ! Et je n’en vois pas ! Sauvons-nous nous-mêmes ! »
Les assistants applaudissent avec frénésie.
Sur la place du nouvel Opéra. — « Nous ne pouvons plus attendre ! Que faire d’un ministère qui convoque les députés pour jeudi, quand les mi
nutes sont des siècles ! C’est demain que les Chambres devraient s’ouvrir ! Toujours à côté, ces hommes d’État ! »
Et toujours des applaudissements !
Près des Tuileries. — Ce ne sont pas les soldats qui font défaut. C’est le pouvoir qui n’a pas su les conduire !
C’est vrai ! c’est vrai ! répondent les auditeurs.
Sur la place de la Bastille. — Un Tyrtée déclame des vers patriotiques et, comme refrain, le peuple crie : Aux armes ! Aux armes !
Impossible de saisir autre chose que l’exaltation d’un peuple ivre d’enthousiasme pour la délivrance de sa patrie !
Et toujours, comme bouquet de ce feu d’artifice, nous avons, à la fin de la soirée, devant l’hôtel de M. Émile Ollivier, les sommations, les tambours, Jes commissaires (le police, les charges
de la force armée, et les mille accidents d’une pression violente contre des masses compactes,
qui ne savent plus où se réfugier devant les cafés qui se ferment et les rues complétementobstruées. Ah ! nos ministres ont une singulière manière de comprendre et de faire tressaillir la fibre populaire !
Paris, de lassitude, se calme et s’endort, mais avec un cauchemar dans l’esprit, et en se disant : A demain !
Lundi. — Pas d’autres nouvelles que cet éternel télégramme qui nous revient trois fois par jour de Metz : « L’armée se concentre. » — Misère et malheur ! que n’a-t-elle commencé par là ?
Les cœurs sont toujours ulcérés, et on lit avec avidité les détails que les correspondances envoient sur les sanglantes journées du 4 et du 6.
A Wissembourg, les Prussiens étaient 70,000 contre 17,000 Français. A Reischoffen, ils étaient 140,000 contre 33,000 ! Quatre contre un !
Et quels ennemis ! On annonce qu ils ont tiré sur les ambulances de Forbach. On affirme qu’un régiment, après avoir levé la crosse en l’air pour se rendre, a tiré à bout portant sur nos soldats ! Attendons les explications des états-majors prussiens.
Mais Paris, consterné, énumère en pleurant nos pertes. L’échec de Mac-Mahon est terrible, désastreux. Quatre mille prisonniers ! trente canons! six mitrailleuses! deux drapeaux!
Et l’on souligne dans toutes les discussions de la rue, ces mots d’une dépêche de l’Empereur :
— « Pour nous soutenir ici, il faut que Paris et la France consentent à de grands efforts de patriotisme. »
Là-dessus, on hésite, on craint, on doute, et l’idée seule d’une marche des Prussiens sur Paris électrise la population. Ici, on annonce que les enrôlements volontaires se multiplient à Paris et dans toutes les villes de France. Là, on apprend que des milliers de citoyens se font inscrire pour travailler aux fortifications. Plus loin, dans un groupe, nous entendons citer un atelier de l’un de nos faubourgs qui comprend, entre patrons, employés, ouvriers, soixante-quinze citoyens. Au
jourd’hui, l’atelier est fermé et les soixante-quinze citoyens se sont tous enrôlés !
N’oublions pas la Bourse. Dans une minute d’emportement irréfléchi, on avait crié samedi :
A bas la Bourse ! Mais il n’y a pas à redouter une telle mesure.
La Bourse est entourée par la garde nationale et la garde municipale, et la rente peut se livrer à son petit jeu de bascule. Mais il s’agit bien de hausse et de baisse. Le 3 pour cent fait comme tout le monde : il attend, immobile, palpitant, la bataille imminente qui est annoncée depuis hier.
A cinq heures on s’arrache, comme toujours, les journaux du soir.
Pas de nouvelles ! Rien !
Dans la soirée, même animation des groupes, même acharnement à courir après les informa
tions, et, en même temps, même entêtement des ministres à mettre entre eux et le peuple une double et triple ceinture de baïonnettes.
Qu’importe ? Les motions les plus radicales volent de bouche en bouche. On est unanime pour demander la chute du ministère Ollivier. On parle d’une proposition qui doit être présen
tée par la gauche, en vue de constituer un comité de défense nationale. On proclame la nécessité de nommer un autre généralissime. Des actes Et en avant !
Et l’on se sépare, en se donnant rendez-vous pour lelendemain, à l’ouverture du Corps législatif.
Mardi. — Rien encore du côté de Metz.
Mais les nouvelles reçues depuis vingt-quatre heures sont plus rassurantes. On sait que les corps d’armée de Bazaine, Lamirault, Félix Douay,
Canrobert, sont intacts. On calcule, et l’on se dit : que la concentration des divisions va mettre entre les mains du maréchal Bazaine 130,000
hommes et 120,000 sous le, commandement du maréchal Mac-Mahon.
Pourquoi, d’ailleurs, n’aurait-on pas confiance ? Les journaux anglais reconnaissent eux-mêmes que les Prussiens étaient six fois plus nombreux que les Français, et que les pertes ont été égales des deux côtés. Six contre un ! C’est tout simple
ment épique, et nos pantalons rouges peuvent revendiquer le mot glorieux de Tacite : — « Us s’en allaient pleurant, parce que la victoire leur échappait, sans être vaincus ! »
A l’ouverture du Corps législatif, foule immense.
Blouses et paletots s’unissent étroitement pour demander que l’on répare le temps perdu.
Les députés de la gauche sont acclamés. M. Jules Ferry reçoit de chaleureuses félicitations.
— Nous sommes sûrs de vaincre, dit l’honorable représentant. Mais du calme, je vous en supplie ! du calme !
Le Corps législatif est entouré par la garde nationale, la ligne, des cuirassiers et des sergents de ville. Toujours la peur !
Les soldats sont salués par deux cris : Vive la ligne ! A la frontière !
Un général qui passe est accueilli par le même cri : A la frontière !
La foule est morne et calme. Elle attend silencieusement les résolutions de l’Assemblée, quand tout à coup, un reflux des premières lignes de ci
toyens signale une charge de cavalerie de la garde, municipale. Une charge dans ces masses pacifiques!... Ah! vraiment, il est temps que le ministère abandonne un pouvoir qu’il n’a que trop longtemps occupé !
Des citoyens sont renversés. D’autres sont foulés aux pieds. Quelques-uns sont plus ou moins grièvement blessés. Ah ! les ministres devraient être là, pour entendre les cris de fureur et les malédictions qui éclatent contre eux comme des tonnerres !
Voilà les encouragements réservés aux volontaires et aux patriotes !
La place de la Concorde, les quais et les abords de la Chambre sont dégagés. Mais dans les cœurs quel levain de haine !
C’est assez dire avec quels applaudissements frénétiques est saluée la chute du ministère Olli
vier. Ce pouvoir à béquilles, ce ministère invalide n’a jamais été pour la France qu’une carapace !
A demain, le ministère Palikao !
Mercredi. — De la frontière, rien encore ! ’
Toutefois, il y a une accalmie dans les esprits. L’opinion envisage virilement la situation, et à forces égales elle croit à une victoire.
L’élan des populations peut-il faire douter du salut ? Toutes les villes proposent des volontaires à Paris.
L’arrivée de Changarnier à Metz et sa participation à la guerre produisent une impression favorable.
La nomination du maréchal Bazaine comme commandant en chef de l’armée de Metz paraît un gage assuré de la revanche que l’on attend.
Viendra-t-elle aujourd’hui, cette revanche? lies heures et les minutes se passent, et le soir arrive sans que le pays puisse se dire encore vengé.
La victoire n’est pas encore venue Nous n’a vons que le nouveau ministère, composé par le général comte de Palikao.
Pas de souvenirs irritants ! Attendons à l’œuvre ceux qui montent au pouvoir pour chasser l’é
tranger. Mais il nous sera permis du moins de constater ici que ce ministère est loin d’avoir pro
voqué l’enthousiasme. Pourquoi donc se tourner vers le pôle arctique, quand le pays vole au pôle antarctique ?
Jeudi. — Même incertitude, même impatience, même anxiété.
Le regard de toute la France est tourné vers la frontière. Que de palpitations dans cet inconnu !
Mais la Prusse peut compter qu’elle a devant elle toute la France debout !
Henri Cozic.