LE NOUVEAU MINISTERE


Est-ce un ministère? Non, c’est un comité de défense nationale.
Il n’a pas d’opinion et -n’a pas le droit d’en avoir ; il n’appartient ni à la majorité ni à la minorité; il appartient à la Chambre, il appartient au pays.
Le jour où, par malheur, ils se souviendraient gu’ils ont été membres d’un parti, les nou
veaux ministres ne seraient plus rien. Il en est dont les noms, à d’autres époques, auraient sou
levé les colères d’une moitié de la Chambre ; il en est qui n’au
raient pas réuni vingt voix il y a quinze jours. Ils ont aujourd’hui runanimité, toujours l’unani
mité, et pourvu qu’ils conservent leur activité, leur énergie, l’una
nimité leur sera toujours acquise jusqu’à la fin.
Tâche glorieuse, mais terrible responsabilité! Devant eux, ils ont une page d’histoire, toute blanche, encore, et de laquelle
sont effacés tous les préjugés et tous les souvenirs. Nul ne se rappelle et 11e doit se rappeler ce qu’ils ont pu faire, ce- qu’ils ont pu dire, ce qu’ils ont pu pen
ser avant le 10 août. Ce qu’ils
feront viendra s’inscrire sur la page, toute vierge, qui leur est réservée. Us y peuvent tracer les plus glorieux états de service qu’il soit donné à des hommes de
posséder dans leur passé : le salut du pays !
« Mon ministère? je ne sais pas où il est! » disait
mes, des ressources, des hommes à prendre pour les jeter sur
le champ de bataille où sera sauvée la France. Ce 11’est pas de tel ou tel service qu’ils ont la direction ; ce n’est pas de nos ins
titutions politiques, ce n’est pas de la dynastie, ce n’est pas de
l’Empire qu’ils ont charge ; c’est du pays, c’est de la Nation, c’est de la France !
Autour d’eux, la Chambre s’est réunie, serrée. La Chambre, issue du suffrage universel, repré
sentant — seule à cette heure — la Nation tout entière. C’est la Nation qui les entoure, et ils en portent le drapeau ; ils sont « la , garde » de ce drapeau.
En eux est le Gouvernement ; non pas le Gouvernement indi
rect, mais le pouvoir directement délégué, presque directement exercé. Leur ministère est com
me une dictature : la dictature de la résistance, la dictature contre l’invasion.
C’est au pays qu’ils ont à répondre de leurs actes. Ils lui doivent la sincérité, la véracité, le courage, le travail incessant. Qu’ils soient à la hauteur de leur devoir et, quoi qu’il puisse arriver, ils seront dès maintenant et à jamais, pour tous les Français, honorés et respectés.
« J’ai pris un portefeuille, comme j aurais pris un fusil pour la bataille, » a dit un autre ministre.
Eh bien ! oui; c est comme cela qu’il faut l’entendre.
Quel sera leur succès et quel sera leur destin? 11 n’est donné à personne de le prévoir. Toutefois,-leurs premiers actes sont de
l’un d’eux, et il avait raison. Le ministère de chacun d’eux; il est partout; partout où il y a des ar
M. LE BARON JÉROME DAVID, ministre des travaux publics. D’après la photographie de M. Franck.
M. CLÉMENT DUVERNOIS, ministre de l agriculture et du commerce.M. BUSSON-BILLAUT, ministre présidant le Conseil d État D’après les photographies de M. Franck.