la banlieue et des campagnes environnantes qui rentrent précipitamment à Paris.
Sur toutes les routes, à toutes les portes, des milliers de voitures. Un déménagement et un emménagement à faire croire à la fin du monde ! Mouvement qui rappelle le mot célèbre appliqué aux villes assiégées : « Ceux qui sont dedans voudraient être dehors, et ceux qui sont dehors voudraient être dedans. »
Et dans ce va-et-vient incessant, observez, je vous prie, le flot des approvisionnements qui monte. Que de farines! Que de bestiaux Que de fourrages ! Que de victuailles !
Il y a au bois de Boulogne 20,000 bœufs, 150,000 moutons, 5,000 vaches, un nombre pro
portionné de veaux, et il en arrive encore tous les jours.
La halle au blé est pleine; les halles centrales sont pleines; la manutention est pleine, et la Ville vient de mettre à la disposition des cultiva
teurs, dans les divers arrondissements de Paris, cent mille mètres de terrains libres! Paris aura du fer et du pain. Confiance !
Un mot pourtant, au sujet de ces approvisionnements. Conformément à l’invitation faite par M. Alfred Blanche, faisant à l’Hotel-de-Ville l’intérim de M. Chevreau, chaque ménage fait, en vue de l’arrivée des Prussiens, de larges provisions.
Eh bien ! croiriez-vous que devant cette multiplicité d’achats, il y a des marchands, — les mar
chands du Temple, — Qui n’ont songé, à l’heure du péril, qu’à profiter de l’occasion ! Il y a aussi des propriétaires qui, dans les malheurs de la patrie,
ne songent qu’à faire rentrer leurs termes, et qui ont le courage d’exécuter de malheureux locataires /
Nous dirons à ces propriétaires et à ces boutiquiers : — Oui, la propriété est sacrée ; oui le principe de la liberté du commerce est sacré, et personne ne songe à vous imposer le maximum.
Mais vous aussi, vous vous devez à la patrie, et c’est spéculer sur ses désastres que de faire en ce moment de l’achat et de la vente une question de gros sous.
Souvenez-vous du sergent de Montmirail.
Un vieux sergent, couvert de balafres, conduisait un peloton de grenadiers. Le reste de tout un bataillon !
Noir de poudre, mourant de faim, il entre dans une maison et demande à manger pour lui et ses compagnons. Le commerçant livre ce qu’il demande en disant :
— C’est vingt francs !
— Vingt francs? répond le grognard. Je n’ai seulement pas vingt cartouches dans ma giberne.
Et il s’en va en grommelant. C’est pourtant, dit-il, pour défendre ces cocos là que j ai fait la guerre pendant quinze ans et que je suis couvert de cicatrices !
Une minute après, il revient sur ses pas.
— Et si j’étais un sergent de Blüclrer, dit-il au commerçant, combien demanderiez-vous ?
— Oh ! rien, répond le commerçant.
— Eh bien . dit le sergent, aujourd’hui, pour une fois, moi, vieux soldat français, je vous de
mande de me traiter aussi bien qu’un sergent de Bliicher !
Et il sort en emportant les vivres !
Lundi, 29 août.
Une éclaircie! Pardon : deux éclaircies! Et on sjen aperçoit à la physionomie de Paris.
On a passé la semaine à se demander si Mac- Mahon avait rejoint Bazaine, et les informations les plus formelles ne permettent plus le moindre doute à cet égard.
Or, la jonction de Bazaine et de Mac-Mahon, c’est pour Paris l’assurance de la victoire.
Et puis, on dirait que « notre Fritz » ne connaît plus le chemin de Paris. Le voilà qui chevauche par Suippes du côté de Slenay. C’est qu’évidemment « notre Fritz » a senti l’inconvénient d’avoir dans le dos le chassepot de Mac-Mahon !
Et le siège de Paris? Ah! mais que « notre
Fritz » n’aille pas nous la faire, celle-là ! les rôles sont distribués, la pièce est répétée, on a frappé les trois coups, le rideau se lève, et c’est aux Prussiens à entrer en danse !
« Notre Fritz » doit savoir combien, nous autres Parisiens, nous aimons les premières !
L’arrêté du général Trochu, qui force tous les Prussiens à sortir sous trois.jours de Paris, met les têtes en ébullition, et l’on ne parle que d’espionnage.
Il est certain que la population allemande de Paris est très-considérable, et qu avec les pra
tiques de M. de Bismark on pouvait tout redouter d’un pareil milieu. Ne disait-on pas déjà que les deux quartiers principalement fréquentés par cette population, la Villette et la barrière de Fontainebleau, étaient le refuge d une société se
crète qui, à l’heure favorable, devait former une division prussienne,
Les faits abondent. Chacun raconte, avec va
riantes, l’histoire de l’amiral qui a visité avec, deux gendarmes le fort d’Aubervilliers, l’histoire du baron de Katkoves qui habitait Dijon, l’his
toire du neveu de M. de Bismark, arrêté par M. Frontin aux Champs-Elysées, l’histoire de Hardt qui a subi la mort en prononçant ce dernier mot : Pour la patrie !
Il appartenait à la Prusse d’élever l’espionnage à la hauteur d’une institution. Ce n’est pas en France que la Prusse pourrait trouver un espion dans l’armée. Et dire que des officiers prussiens s’abaissent jusque-là !
Qu’ils nous permettent de fleur adresser ce souvenir du premier Empire. Un espion habile, un protée, venait de rendre à l’armée un service de premier ordre. Il était parvenu à s’introduire dans Mayence déguisé en prince anglais, et le rapport qu’il adressa à l’Empereur était si impor
tant, qu’un général ne put s’empêcher de s’écrier : — Il mérite la croix d’honneur !
— Jamais! riposta l’Empereur. Faites-lui donner 80,000 fr., mais ne parlez jamais de la croix de la Légion d’honneur pour cet homme-là!
Mardi, 30 août.
Quelles nouvelles de l’armée? C’est la question qu’on entend partout.
Et-partout l’on entend répéter : On se bat, on s’est battu, on se battra. C’était hier, c’est aujourd’hui, c’est pour demain.
On sait que Bazaine et Mac-Mahon s’apprêtent. On sait que le prince royal vole au secours du prince Frédéric-Charles, et l’on s’attend, bien en
tendu, à la grande journée qui fera pencher cette première campagne du côté de la Prusse ou du côté de la France.
Des informations courent bien çà et là, comme autant de feux follets, dans l’ombre qu’on fait au
tour de nous, et ces informations permettent d’affirmer que, depuis plusieurs jours, les armées qui sont en présence ont eu plusieurs combats d’avant-postes. Dame! les paquets d’allumettes se
touchent, et naturellement le frottement les. met en feu1
Toutefois, l’opinion générale est qu’il n’y a pas eu de grande bataille. Patience ! Elle ne se fera pas longtemps attendre.
Mais, au fur et à mesure que nous avançons, la confiance grandit. Allons ! il y a encore du bleu dans notre ciel !
Confiance, parce que l’immobilité des deux armées prussiennes autour de Metz et le mouve
ment de recul du prince royal démontrent que déjà l’invasion est blessée à l’aile !
Confiance, parce que la concentration de nos deux armées, commandées par deux hommes tels que Bazaine et Mac - Ma-hon, va doubler nos forces!
Confiance, parce que sous l’impulsion énergique du comte de Palikao et sous le coup de l’é
motion patriotique qui saisit la France, on sent enfin que le pays se lève !
Nous avons bien, comme point noir, les dépêches prussiennes; mais ces dépêches nous ont appris, depuis longtemps, que tous les-Gascons
N’était-ce pas une gasconnade que ce télégramme du roi Guillaume annonçant à la reine Augusta, comme une grande victoire, la déroute de Borny?
Une autre gasconnade, cette dép êche annonçant la capitulation de Phalsbourg, qui résiste toujours héroïquement!
Encore une gasconnade, cette dépêche annonçant que le maréchal Bazaine était enfermé dans Metz, et que le manque de subsistances allait le forcer à se rendre.
Mensonge, rapacité, cruauté, telle est, jusqu’à présent, l’histoire de l’invasion.
Mensonge ! Nous venons de le prouver.
Rapacité ! Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le récit des réquisitions faites et de traverser les pays envahis. Ces contrées ont l’aspect d’une cam
Cruauté ! Nous en avons la preuve dans les fusillades de paysans et de citoyens défendant leurs foyers. Bien mieux. La chancellerie de M. de Bis
mark est allée jusqu’à informer, par un document officie], les gouvernements étrangers que les ar
mées prussiennes fusilleraient les prisonniers des corps-francs, non reconnus par le ministère de la guerre et non commandés par des officiers français.
Il va sans dire que l’autorisation du ministre de la guerre a été immédiatement donnée. Mais re
marquez comment la fourberie prussienne sait se jouer des hommes et des choses : « Non comman
dés par des officiers français. » N’est-ce pas se moquer du monde? Est-ce que la sanction du mi
nistre accordée au corps ne sanctionne pas en même temps son organisation, et, par consé
quent, la nomination de ses commandants et de ses officiers?
A bas les masques ! Ce qu’a voulu M. de Bismark, c’est se réserver la faculté de fusiller ou de ne pas fusiller.
Mais alors, voyez à quoi l’on arrive. Il n’y a plus de lois de la guerre; car l’armée française,
par représailles, déclarera qu’elle ne reconnaît plus aucun uniforme pour l’armée ennemie, et nous arriverons ainsi à faire une guerre sans quartier. La mort, la mort, rien que la mort !
C est donc une guerre de Gomanches ou de Peaux-Rouges que M. de Bismark veut faire à la France. Nous estimons, nous, que tout citoyen qui défend sa patrie a le droit d’être traité en soldat. C’est la loi du patriotisme, de l’humanité, de la civilisation, et c’est en la proclamant que la France se montrera encore plus grande que la Prusse !
Victoire !
Le maréchal Bazaine a attaqué, à Courcelles, sur la route de Metz à Saint-Avold, un fort campe
ment prussien. L’ennemi a été taillé en pièces et a subi des pertes considérables.
Ce n’est encore là qu’un à-compte. Mais voilà bientôt la France à la tête de quatre armées, et le jour du solde à payer par les Prussiens ne peut plus se faire attendre !
Émotion douloureuse à la nouvelle dos souffrances courageusement supportées par la ville de Strasbourg.
La bibliothèque, — un trésor ! — est perdue. Une église est abattue. Un hôpital est brûlé. La cathédrale, — une des gloires du monde ! — est endommagée.
Mais Strasbourg résiste toujours. C’est la patrie de ce Kléber qui disait, en apprenant en Égypte L’incendie de la flotte française à Aboukir : —
« Mes amis, c’est le moment d’agir comme les anciens, et de faire de grandes choses ! »
Paris ne perd pas une minute.
On fait entrer l’eau dans les fossés.
Ordre est donné par le général Trochu de faire tomber toutes les maisons, tous les bâtiments de la zone militaire.
Apparie on du billet de 25 fr. émis par la Ban
que de France.
Sur toutes les routes, à toutes les portes, des milliers de voitures. Un déménagement et un emménagement à faire croire à la fin du monde ! Mouvement qui rappelle le mot célèbre appliqué aux villes assiégées : « Ceux qui sont dedans voudraient être dehors, et ceux qui sont dehors voudraient être dedans. »
Et dans ce va-et-vient incessant, observez, je vous prie, le flot des approvisionnements qui monte. Que de farines! Que de bestiaux Que de fourrages ! Que de victuailles !
Il y a au bois de Boulogne 20,000 bœufs, 150,000 moutons, 5,000 vaches, un nombre pro
portionné de veaux, et il en arrive encore tous les jours.
La halle au blé est pleine; les halles centrales sont pleines; la manutention est pleine, et la Ville vient de mettre à la disposition des cultiva
teurs, dans les divers arrondissements de Paris, cent mille mètres de terrains libres! Paris aura du fer et du pain. Confiance !
Un mot pourtant, au sujet de ces approvisionnements. Conformément à l’invitation faite par M. Alfred Blanche, faisant à l’Hotel-de-Ville l’intérim de M. Chevreau, chaque ménage fait, en vue de l’arrivée des Prussiens, de larges provisions.
Eh bien ! croiriez-vous que devant cette multiplicité d’achats, il y a des marchands, — les mar
chands du Temple, — Qui n’ont songé, à l’heure du péril, qu’à profiter de l’occasion ! Il y a aussi des propriétaires qui, dans les malheurs de la patrie,
ne songent qu’à faire rentrer leurs termes, et qui ont le courage d’exécuter de malheureux locataires /
Nous dirons à ces propriétaires et à ces boutiquiers : — Oui, la propriété est sacrée ; oui le principe de la liberté du commerce est sacré, et personne ne songe à vous imposer le maximum.
Mais vous aussi, vous vous devez à la patrie, et c’est spéculer sur ses désastres que de faire en ce moment de l’achat et de la vente une question de gros sous.
Souvenez-vous du sergent de Montmirail.
Un vieux sergent, couvert de balafres, conduisait un peloton de grenadiers. Le reste de tout un bataillon !
Noir de poudre, mourant de faim, il entre dans une maison et demande à manger pour lui et ses compagnons. Le commerçant livre ce qu’il demande en disant :
— C’est vingt francs !
— Vingt francs? répond le grognard. Je n’ai seulement pas vingt cartouches dans ma giberne.
Et il s’en va en grommelant. C’est pourtant, dit-il, pour défendre ces cocos là que j ai fait la guerre pendant quinze ans et que je suis couvert de cicatrices !
Une minute après, il revient sur ses pas.
— Et si j’étais un sergent de Blüclrer, dit-il au commerçant, combien demanderiez-vous ?
— Oh ! rien, répond le commerçant.
— Eh bien . dit le sergent, aujourd’hui, pour une fois, moi, vieux soldat français, je vous de
mande de me traiter aussi bien qu’un sergent de Bliicher !
Et il sort en emportant les vivres !
Lundi, 29 août.
Une éclaircie! Pardon : deux éclaircies! Et on sjen aperçoit à la physionomie de Paris.
On a passé la semaine à se demander si Mac- Mahon avait rejoint Bazaine, et les informations les plus formelles ne permettent plus le moindre doute à cet égard.
Or, la jonction de Bazaine et de Mac-Mahon, c’est pour Paris l’assurance de la victoire.
Et puis, on dirait que « notre Fritz » ne connaît plus le chemin de Paris. Le voilà qui chevauche par Suippes du côté de Slenay. C’est qu’évidemment « notre Fritz » a senti l’inconvénient d’avoir dans le dos le chassepot de Mac-Mahon !
Et le siège de Paris? Ah! mais que « notre
Fritz » n’aille pas nous la faire, celle-là ! les rôles sont distribués, la pièce est répétée, on a frappé les trois coups, le rideau se lève, et c’est aux Prussiens à entrer en danse !
« Notre Fritz » doit savoir combien, nous autres Parisiens, nous aimons les premières !
L’arrêté du général Trochu, qui force tous les Prussiens à sortir sous trois.jours de Paris, met les têtes en ébullition, et l’on ne parle que d’espionnage.
Il est certain que la population allemande de Paris est très-considérable, et qu avec les pra
tiques de M. de Bismark on pouvait tout redouter d’un pareil milieu. Ne disait-on pas déjà que les deux quartiers principalement fréquentés par cette population, la Villette et la barrière de Fontainebleau, étaient le refuge d une société se
crète qui, à l’heure favorable, devait former une division prussienne,
Les faits abondent. Chacun raconte, avec va
riantes, l’histoire de l’amiral qui a visité avec, deux gendarmes le fort d’Aubervilliers, l’histoire du baron de Katkoves qui habitait Dijon, l’his
toire du neveu de M. de Bismark, arrêté par M. Frontin aux Champs-Elysées, l’histoire de Hardt qui a subi la mort en prononçant ce dernier mot : Pour la patrie !
Il appartenait à la Prusse d’élever l’espionnage à la hauteur d’une institution. Ce n’est pas en France que la Prusse pourrait trouver un espion dans l’armée. Et dire que des officiers prussiens s’abaissent jusque-là !
Qu’ils nous permettent de fleur adresser ce souvenir du premier Empire. Un espion habile, un protée, venait de rendre à l’armée un service de premier ordre. Il était parvenu à s’introduire dans Mayence déguisé en prince anglais, et le rapport qu’il adressa à l’Empereur était si impor
tant, qu’un général ne put s’empêcher de s’écrier : — Il mérite la croix d’honneur !
— Jamais! riposta l’Empereur. Faites-lui donner 80,000 fr., mais ne parlez jamais de la croix de la Légion d’honneur pour cet homme-là!
Mardi, 30 août.
Quelles nouvelles de l’armée? C’est la question qu’on entend partout.
Et-partout l’on entend répéter : On se bat, on s’est battu, on se battra. C’était hier, c’est aujourd’hui, c’est pour demain.
On sait que Bazaine et Mac-Mahon s’apprêtent. On sait que le prince royal vole au secours du prince Frédéric-Charles, et l’on s’attend, bien en
tendu, à la grande journée qui fera pencher cette première campagne du côté de la Prusse ou du côté de la France.
Des informations courent bien çà et là, comme autant de feux follets, dans l’ombre qu’on fait au
tour de nous, et ces informations permettent d’affirmer que, depuis plusieurs jours, les armées qui sont en présence ont eu plusieurs combats d’avant-postes. Dame! les paquets d’allumettes se
touchent, et naturellement le frottement les. met en feu1
Toutefois, l’opinion générale est qu’il n’y a pas eu de grande bataille. Patience ! Elle ne se fera pas longtemps attendre.
Mais, au fur et à mesure que nous avançons, la confiance grandit. Allons ! il y a encore du bleu dans notre ciel !
Confiance, parce que l’immobilité des deux armées prussiennes autour de Metz et le mouve
ment de recul du prince royal démontrent que déjà l’invasion est blessée à l’aile !
Confiance, parce que la concentration de nos deux armées, commandées par deux hommes tels que Bazaine et Mac - Ma-hon, va doubler nos forces!
Confiance, parce que sous l’impulsion énergique du comte de Palikao et sous le coup de l’é
motion patriotique qui saisit la France, on sent enfin que le pays se lève !
Nous avons bien, comme point noir, les dépêches prussiennes; mais ces dépêches nous ont appris, depuis longtemps, que tous les-Gascons
ne sont pas en France.
N’était-ce pas une gasconnade que ce télégramme du roi Guillaume annonçant à la reine Augusta, comme une grande victoire, la déroute de Borny?
Une autre gasconnade, cette dép êche annonçant la capitulation de Phalsbourg, qui résiste toujours héroïquement!
Encore une gasconnade, cette dépêche annonçant que le maréchal Bazaine était enfermé dans Metz, et que le manque de subsistances allait le forcer à se rendre.
Mensonge, rapacité, cruauté, telle est, jusqu’à présent, l’histoire de l’invasion.
Mensonge ! Nous venons de le prouver.
Rapacité ! Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le récit des réquisitions faites et de traverser les pays envahis. Ces contrées ont l’aspect d’une cam
pagne sur laquelle auraient passé des nuées de sauterelles !
Cruauté ! Nous en avons la preuve dans les fusillades de paysans et de citoyens défendant leurs foyers. Bien mieux. La chancellerie de M. de Bis
mark est allée jusqu’à informer, par un document officie], les gouvernements étrangers que les ar
mées prussiennes fusilleraient les prisonniers des corps-francs, non reconnus par le ministère de la guerre et non commandés par des officiers français.
Il va sans dire que l’autorisation du ministre de la guerre a été immédiatement donnée. Mais re
marquez comment la fourberie prussienne sait se jouer des hommes et des choses : « Non comman
dés par des officiers français. » N’est-ce pas se moquer du monde? Est-ce que la sanction du mi
nistre accordée au corps ne sanctionne pas en même temps son organisation, et, par consé
quent, la nomination de ses commandants et de ses officiers?
A bas les masques ! Ce qu’a voulu M. de Bismark, c’est se réserver la faculté de fusiller ou de ne pas fusiller.
Mais alors, voyez à quoi l’on arrive. Il n’y a plus de lois de la guerre; car l’armée française,
par représailles, déclarera qu’elle ne reconnaît plus aucun uniforme pour l’armée ennemie, et nous arriverons ainsi à faire une guerre sans quartier. La mort, la mort, rien que la mort !
C est donc une guerre de Gomanches ou de Peaux-Rouges que M. de Bismark veut faire à la France. Nous estimons, nous, que tout citoyen qui défend sa patrie a le droit d’être traité en soldat. C’est la loi du patriotisme, de l’humanité, de la civilisation, et c’est en la proclamant que la France se montrera encore plus grande que la Prusse !
Mercredi, 31 août.
Victoire !
Le maréchal Bazaine a attaqué, à Courcelles, sur la route de Metz à Saint-Avold, un fort campe
ment prussien. L’ennemi a été taillé en pièces et a subi des pertes considérables.
Ce n’est encore là qu’un à-compte. Mais voilà bientôt la France à la tête de quatre armées, et le jour du solde à payer par les Prussiens ne peut plus se faire attendre !
Émotion douloureuse à la nouvelle dos souffrances courageusement supportées par la ville de Strasbourg.
La bibliothèque, — un trésor ! — est perdue. Une église est abattue. Un hôpital est brûlé. La cathédrale, — une des gloires du monde ! — est endommagée.
Mais Strasbourg résiste toujours. C’est la patrie de ce Kléber qui disait, en apprenant en Égypte L’incendie de la flotte française à Aboukir : —
« Mes amis, c’est le moment d’agir comme les anciens, et de faire de grandes choses ! »
Paris ne perd pas une minute.
On fait entrer l’eau dans les fossés.
Ordre est donné par le général Trochu de faire tomber toutes les maisons, tous les bâtiments de la zone militaire.
Apparie on du billet de 25 fr. émis par la Ban
que de France.