signifier les décisions des tribunaux judiciaires ou administratifs, sont suspendus pendant la durée de la guerre :
1° Au profit de ceux qui résident dans un département investi ou occupé par l’ennemi, alors
même que l’occupation ne s’étendrait pas à tout le département;
2° Au profit de ceux dont l’action doit être exercée dans ce même département contre des personnes qui y résident.
Les effets de commerce prorogés au 10 septembre sont de nouveau prorogés au 10 octobre.
Un crédit d’un million est ouvert au ministère de l’intérieur pour fournir des bons de viande aux gardes nationaux de service à Paris qui en feront la demande.
La taxe de la viande est rétablie à Paris pendant la durée du siège.
La librairie et l’imprimerie sont reconnues libres.
Le gouvernemement provisoire a décrété que la ville de Tout a bien mérité de la patrie.
M. Thiers a été chargé d’une commission diplomatique à Londres, à Saint-Pétersbourg et à Vienne.
M. Senard a été chargé d’une mission diplomatique en Italie.
A l’heure où la France se condamne à tant de sacrifices pour soutenir la guerre, le gouverne
ment provisoire pourrait bien, d’un seul trait de plume, réaliser de larges économies par des suppressions et des réductions depuis longtemps indiquées par l’opinion.
A la suppression du budget de la liste civile, du Sénat et du Conseil privé, le gouvernement provisoire pourrait se hâter d’ajouter :
La suppression de la garde impériale, incorporée à l’armée, du service des titres au ministère de la justice, de la censure dramatique, du bureau de la presse, des commissaires du gouvernement près des chemins de fer et des compagnies, des inspections générales qui sont de vraies sinécures, la réduction des gros traitements, du conseil d’É- tat, etc., sont autant de mesures qui seraient bien accueillies et qui allégeraient le fardeau de la trésorerie nationale.


POLITIQUE EXTÉRIEURE.


Nous le disons dans un article spécial, les négociations tentées en faveur de la paix et l’in
tervention des neutres en faveur de la France sont les questions capitales qui se discutent dans toutes les chancelleries.
On sait que depuis la publication de son manifeste, M. Jules Favre est en relations suivies avec les ambassadeurs d’Angleterre, d’Autriche, de Saint-Pétersbourg, d Italie, d’Espagne, de Tur
quie, le nonce du Pape et les ministres des États- Unis et de Suisse.
Les États-Unis et la Russie sont considérés comme les États qui agissent le plus résolûment en faveur de l’acceptation d’un armistice et de la conclusion de la paix. Une dépêche de Washing
ton, en date du 11 septembre, ne laissait à cet égard aucun doute.
M. Bancroft, ministre américain à Berlin, avait expédié à Washington une dépêche relative à une intervention des États-Unis entre la France et la Prusse. Cette dépêche a été prise en considération.
M. Bancroft reçut pour instructions de continuer les négociations en vue de la paix. Les États- Unis, pour éviter toute apparence de vouloir in
tervenir dans les affaires de l’Europe, ne pouvaient pas agir de concert avec d’autres nations; néan
moins, si leurs bons offices étaient demandés par les belligérants, les États-Unis seraient très-heu
reux de les prêter, afin de ramener la paix entre deux puissances auxquelles les États-Unis sont liés par une amitié traditionnelle.
Toutefois, ces premières démarches des États- Unis n’ont pas abouti. L Électeur libre a déclaré que M. Washburn, ministre des États-Unis à Pa
ris, vient de recevoir la réponse de son gouverne
ment à la demande qu’il lui avait adressée par voie télégraphique, afin d’être autorisé à intervenir officieusement entre les puissances belligérantes.
Le gouvernement des États-Unis aurait répondu qu’en présence des dispositions de la Prusse, toute démarche actuelle était inutile. M. de Bismark se refuse, pour le moment, à toute intervention.
Il fallait s’y attendre. L’homme qui a dit : la force prime le droit ne doit être disposé à céder qu’à la force.
Autre fait qui montre que la France, de son côté, tient compte de ces dispositions bienveil
lantes et qu’elle veut s’en faire un appui, soit pour nogocier la paix, soit pour continuer la guerre. M. Thiers est parti le 12 pour l’Angleterre, avec une mission qui doit le conduire tour à tour à Londres, à Saint-Pétersbourg et à Vienne.
Le choix du Gouvernement provisoire ne pouvait être plus habile. On sait que M. Thiers jouit en Europe de toute l autorité et de tout le respect que donnent le talent, le caractère et l’expérience consommée des affaires. M. Thiers réussira-t-il à obtenir des cabinets de l’Europe, au
tre chose, que des témoignages de sympathie et des offres de médiation impuissante ? On peut en douter, en préseoce de l’attitude jusqu’à présent passive des puissances.
Un seul événement grave mérite d’être signalé dans la politique étrangère européenne. C’est l’entrée de l armée italienne dans les États du pape et le départ de Pie IX de Rome. Ce l’ésultat était prévu, et rien ne prouve mieux l’intensité de la crise que nous traversons, que le silence avec lequel la presse européenne laisse passer ce dernier acte du drame qui emporte le pouvoir temporel.
JOURNAUX ÉTRANGERS
Il importe de faire entendre ici un écho de la presse étrangère. Ces courtes citations feront comprendre, mieux que nos commentaires, l’impres
sion qu’ont produite à l’étranger la circulaire de Jules Favre et les prétentions de la Prusse.
La Times, même en présence de l’ambition exorbitante de la Prusse, continue à se montrer hos
tile à la France. Le vœ victis de l’armée prussienne n’a pas même éclairé le journal de la Cité.
La République reste, pour le grand journal anglais, solidaire et responsable des actes de l’em
pire et doit en subir les fatales conséquences. Qui s’est opposé à la guerre? demande le Times. Une faible minorité, tandis que la droite tout entière, expression des votes des grands centres de popu
lation, acclamait la déclaration des hostilités. Le Times, qui condamne les agissements de l’empire, feint d’ignorer ou d’oublier la puissance des can
didatures officielles, dont le triomphe a été une affaire d’antichambre, de corruption et d’intimi
dation. Le Times fait encore tort à sa mémoire et surtout à son discernement, en disant que la droite représentait les villes populeuses, industrielles et commerçantes. »
Ce langage du Times, après quarante ans d’é­ troite alliance entre la France et l’Angleterre, inspire à tous les plus tristes réflexions.
Le New-York Herald, qui ne nous est guère favorable habituellement, publie un long article rela
tif à la conclusion de la paix, dont voici la pensée générale :
« Français et Allemands se réunissent ici sur une même terre et sont regardés comme nos frères. Beaucoup d’entre eux occupent dans nos rangs des positions élevées dans la vie sociale et même politique, et jouissent du bien-être qui nous aide à construire notre empire de l’avenir. Un des actes les plus opportuns et les plus glorieux sans doute pour ce grand gouvernement serait, à notre
avis, de s’offrir comme intermédiaire désintéressé pour le rétablissement de la paix entre deux nations dont il est le ferme et sincère ami. «
En Russie, tous les journaux s’élèvent avec énergie contre la toute-puissance de la Prusse sur
le continent. C’est l’opinion unanimement soutenue par tous les journaux ; ils ne font ainsi que refléter la politique du gouvernement, qui se pro
nonce de plus en plus contre tout traité de paix qui porterait atteinte à l’intégrité de notre territoire.
A Berlin, c’est autre chose. La Prusse se croit déjà sûre de partager nos dépouilles, comme on peut le voir par certains articles pleins d’insolentes déclarations.
La Correspondance Zeidler, une sorte de gazette semi-officielle, vient de donner une nouvelle qui produit une grande sensation, même en Allemagne.
Le roi Guillaume vient d’appeler à son quartier général le ministre d’État Delbruck, président de la chancellerie de la Confédération du Nord.
On en conclut qu’il s’agirait déjà de savoir à qui appartiendraient les conquêtes faites en France. Comment les répartir entre les quatre ou cinq armées prussienne, saxonne, bavaroise, badoise ou wurtembergeoise?
La Prusse s’est déjà fait offrir Strasbourg par Bade, qui ne pourrait pas le garder; mais il reste
encore Metz, Thionville, et d’autres places, — comme pommes de discorde — qui ne sont pas encore cueillies.
Mais tous les journaux de Berlin ne montrent pas cet orgueil et cette arrogance. Qu’on en juge par la citation que nous empruntons à l Avenir de Berlin. L’article de l Avenir est intitulé : Vœ victoribus! Il est dû à la plume de M. Jacob Yenedey, dont la parole est très-écoutée de la démocratie allemande.
« En»notre qualité d’Allemands, nous considérons comme un devoir de protester dès aujour
d’hui contre l’orgueilleuse attitude de la Prusse,
et de déraciner l’ivraie avant qu’elle ait eu le temps de croître.
« Vis-à-vis de la France, cette outrecuidance est tout au moins inconvenante. A l’ennemi qui com
bat, le combattant doit le respect. Celui qui tout en maniant le glaive crache au visage de l’ennemi n’est pas un adversaire chevaleresque. Nous som
mes certains que pas un soldat allemand, pas un officier allemand ne fait cela dans le combat.
« Au reste, qui s’oublie à ce point, sinon nos philistins, nos moutons devenus enragés et nos journalistes réactionnaires, ceux-là même que l’on voit d’ordinaire humblement agenouillés devant les gouvernants?
« Lorsque aujourd’hui nous entendons dire gaillardement : « Il faut que la France soit rendue
pour toujours inoffensive, il faut que l’Alsace, la Lorraine et la Bourgogne lui soient arrachées, » nous espérons, nous avons même l’assurance que l’esprit allemand, que la nation allemande, s’ins
pirant de la prudence et du sentiment de l’hon
neur, n’offrira à la France vaincue rien qui dût la déshonorer pour toujours, et faire d’elle l’ennemie mortelle de l’Allemagne et l’alliée naturelle de nos ennemis. »
En résumé, les sympathies de tous les pays civilisés nous sont désormais acquises. Mais ces sympathies n’ont encore produit jusqu’à présent que des vœux stériles. Si l’Europe ne doit avoir pour nous que des paroles de commisération et de pitié, qu’elle le dise nettement, et la France saura du moins qu’elle ne doit prendre conseil que de son énergie et de son désespoir.
A l’heure où nous mettons sous presse, on continue néanmoins à regarder les négociations di
plomatiques comme plus actives que jamais.
M. Thiers aurait été favorablement accueilli à Londres et invité à y rester jusqu’à samedi. La Russie, de son côté, maintiendrait, pour la con
clusion de la paix, le principe de l’intégrité de
notre territoire. Enfin, l’Autriche se montrerait disposée à intervenir en faveur de la France, comme la France est intervenue en faveur de l’Autriche après Sadowa. Mais quel sera le dernier mot de ces négociations? Nul ne peut le sa
voir, et l’Europe ne paraît pas comprendre encore qu’en défendant la France elle se défend elle-même.
Aug. Marc.