Le lendemain, toute la rédaction du journal se rangeait de l’avis de Rochefort, et la Marseillaise cessait de paraître.
Parisiens, mes frères, plus de fausse alerte. C’est travailler pour les Prussiens. N’ayez en ce moment d’autre cauchemar que celui de l’inva
sion. Montrons contre l’ennemi l’unité d’action que l’ennemi montre contre nous.
Les Prussiens.
Toujours les Prussiens! Comment en serait-il autrement? Le bruit des armées prussiennes est aujourd’hui l’accompagnement obligé du belliqueux orchestre que nous entendons à Pans.
Les voici à Reims, à Laon, à Montmirail. Trois armées de front !
Et les trembleurs vous glissent dans le tuyau de l’oreille : — « Savez-vous qu’ils ont en main une force colossale? Savez-vous que cette force
est d’une cohésion qui double sa valeur? Savezvous qu’ils se vantent de pouvoir enfermer Paris, à dix lieues à la ronde, dans un cercle infranchissable d’un million d’hommes? »
A quoi il faut répondre : — « C’est à nous de faire ce que faisaient les Romains, qui n’hésitaient pas à s’approprier les procédés des barbares qui leur paraissaient bons.
« Les Prussiens sont patriotes, unis, disciplinés. Soyons patriotes, unis, disciplinés, et nous aurons raison de leurs armées.
» Que prouve la victoire de cette première campagne? Une seule chose : c’est que les généraux prussiens ont su constamment appliquer l’apho
risme de guerre qui dit : Tout l’art de la guerre consiste à se montrer le plus fort sur un point donné.
» Au nombre opposons le nombre : et la balance se rétablira en notre faveur.
» Démosthènes disait : L’action, l’action, l’action! Disons, nous : Le nombre, le nombre, le nombre ! Tout est là!
Dimanche 11 septembre
Un souvenir à ceux qui tombent.
L’ambulance est aujourd’hui l’un des grands devoirs imposés à notre patriotisme : et plus la lutte devient effroyable, plus ce devoir devient impérieux.
Paris n’y faillira pas.
L’ambulance montre son drapeau dans tous les quartiers, et nous le voyons flotter triomphalement au dôme des Tuileries.
Eh! mon Dieu, oui. Une pensée pieuse a consacré au traitement de nos blessés le palais doré de
celui qui a mis la France à deux doigts de sa perte. En 1848, les envahisseurs des Tuileries vou
laient en faire un Hôtel pour les Invalides civils. En 1870, nous en faisons une ambulance.
En ce moment, on ne pouvait mieux faire.
Le jour où l’on a hissé le drapeau de la société générale de secours, un garde national s’est écrié :
— Voilà tout ce que le locataire de ce palais nous a laissé, une infirmerie !
Nous ne voulons pas étaler ici le douloureux tableau des membres coupés et des plaies béantes.
S’il faut aux blessés des chirurgiens, il faut au pays des Tyrtées qui le poussent à la bataille. Mais nous ne pouvons nous dispenser, à propos de nos glorieux mutilés, de faire un suprême appel à cette pitié française, qui a toujours tendu la main à toutes les infortunes.
Sachons mesurer notre fraternité à nos souffrances, et n’irnitons pas ce général du bon vieux temps qui, apprenant qu’un brave de son armée
venait d’avoir les deux bras emportés, lui fît tout simplement remettre une pièce de monnaie. Ce qui fit dire au brave soldat manchot :
Donnons des deux mains, donnons tous les jours, donnons sans compter; nous donnerons
moins encore que ceux qui ont donné leur sang ! 1
Les on dit.
Nous n’avons pas la prétention d’énumérer tous les on dit qui passent. Autant compter les feuilles qui tombent. Ne mentionnons que les bruits sérieux.
On dit que les puissances, décidées à s’opposer à l’omnipotence de la Prusse, négocient très-activement les moyens de conclure la paix.
On dit que le Czar aurait écrit au roi Guillaume : — « Mon cher oncle, je désire la paix- Trois cent mille hommes de mon armee attendent votre réponse, derrière la Vistule. »
On dit que l’Autriche, qui n’attendait pour se prononcer qu’à connaître les résolutions de la Russie, mettrait trois cent nulle hommes à notre disposition, à la condition d’émettre un emprunt en France.
On dit quéle prince de Saxe se serait écrié, au bruit de nos derniers coups de canon : — « Ce sont les derniers soupirs delà grande nation! » — Et un journaliste a répondu avec raison : « Le prince confond l’Empire avec la France. »
On dit. enfin, que les États-Unis nous expédient trois cent mille fusils, et que dix mille volontaires américains viennent sceller de leur sang l’étroite union des deux républiques sœurs.
En effet, ces deux mots, États-Unis d’Amérique, États-Unis d’Europe, ne montrent-ils pas l idéal politique .du siècle ?
Les manifestes.
Les manifestes continuent à se produire.
Nous avons déjà eu le manifeste de la section parisienne de l’Internationale à la démocratie allemande, celui de Victor Hugo aux Allemauds, ce
lui de M. Edgard Quinet à l’Allemagne, et enfin celui de la Ligue internationale de la paix au roi Guillaume.
Que de choses à dire sur ces manifestes! Mais le moment de la critique n’a pas encore sonné. C’est l’heure de l’action, et nous ne devons pas songer à autre chose.
Écoutez ce que dit Victor Hugo aux Allemands :
« Jules Favre vous l’a dit éloquemment, et tous nous vous le répétons : Attendez-vous à une résistance indignée.
« Vous prendrez la forteresse, vous trouverez l’enceinte ; vous prendrez l’enceinte, vous trouve
rez la barricade ; vous prendrez la barricade, et peut-être alors qui sait ce que peut conseiller le
patriotisme en détresse ? vous trouverez l’égoùt miné faisant sauter des rues entières. Vous aurez à accepter cette condamnation terrible : prendre Paris pierre par pierre, y égorger l’Europe sur place, tuer la France en détail, dans chaque rue, dans chaque maison; et cette grande lumière, il faudra l’éteindre âme par âme. Arrêtez-vous.
« Allemands, Paris est redoutable. Soyez pensifs devant Paris. Toutes les transformations lui sont possibles. Ses mollesses vous donnent lamesure de ses énergies; on semblait dormir, on se réveille; on tire l’idée du fourreau comme l’épée, et cette ville, qui était hier Sybaris, peut être demain Saragosse.
« Parvînt-on, ce qui est malaisé, à le démolir matériellement, on le grandirait moralement. En ruinant Paris, vous le sanctifieriez. La dispersion des pierres fera la dispersion des idées. Jetez Paris
aux quatre vents, vous n’arriverez qu’à faire de chaque grain de cette cendre la semence de l’a venir.
« Ce sépulcre criera : Liberté, Égalité, Fraternité ! Paris est ville, mais Paris est âme. Brûlez nos édifices, ce ne sont que nos ossements; leur fumée prendra forme, deviendra énorme et vi
vante, et montera jusqu’au ciel ; et l’on verra à jamais sur l’horizon des peuples, au-dessus de nous, au-dessus de vous, au-dessus de tout et de tous, attestant notre gloire, attestant votre honte, ce grand spectre fait d’ombre et de lumière : Paris. »
Les Teutons, soldats de la force, entendront-ils la voix des Français, soldats de l’idée ? Hélas ! il faut b en le reconnaître. La Prusse ne cédera qu’à
la force, soit à la force de l’armée française, soit à la force de l’intervention européenne.
Les départements.
Les départements vont bien.
Bordeaux, Toulouse, Lyon, Marseille, ont voté un crédit spécial pour les frais de cette levée patriotique.
A Marseille, en deux jours, on a compté 17,000 volontaires.
A Lyon, les engagés s’enrôlent, comme en 93, sur la place publique, au bruit du canon qui tonne de minute en minute.
Des femmes et des jeunes filles se sont enrôlées. La France se lève !
Vite des armes, à l’exercice et au feu ! Lundi 13 septembre.
Laon.
Paris s’éveille, en apprenant que le trait d’héroïsme, déjà raconté la veille par les journaux, est pleinement confirmé.
Le général Théremin du Hame, cédant au vœu des habitants qui ne voulaient pas défendre la ville, a rendu la citadelle aux Prussiens, et au moment où le major prussien, accompagné de ses officiers et d’un bataillon, prenait possession du fort, une détonation épouvantable a fait sauter une partie de la forteresse, l’état-major prussien, les soldats et le général français.
C’est un sergent du génie, seul confident du commandant de la forteresse, qui a mis le feu à la poudrière.
Le général Théremin du Hame, par un prodige inouï, n’a pas péri dans l’explosion. On saura par lui le nom du brave sergent qui s’est immolé pour venger son pays. Le général, grièvement blessé, est gardé à vue à l’hôtel de ville de Laon.
Yoilà l’exemple à suivre!
Et cet exemple est suivi. Voyez les villes de Toul, de Schlestadt, de Metz, de Strasbourg, de Verdun, de Phalsbourg, de Thionville, de Soissons. Le brave commandant Taillant, de Phals
bourg, n’a-t-il pas dit, il y a vingt-cinq jours, que si les Prussiens montaient jamais sur les remparts il se ferait sauter avec eux? Confiance, et raidissons-nous.
La capitulation de Sedan, c’était la chute de l’Empire.
L’explosion vengeresse de Laon, c’est la République qui se lève pour sauver le pays !
Encore Sedan.
Le cœur saigne au souvenir de cette terrible catastrophe. Pauvres soldats! Pauvres nations!
Écoutez ce poignant épisode de ces trois journées, rapporté par un membre du parlement an
glais qui raconte au Times la bataille à laquelle il a assisté.
« C’était affreux de voir tant de douleurs que je pouvais si peu soulager. J’en fis asseoir un, en lui donnant son sac pour oreiller; j’en tournai un autre sur le côté : je couvris la tête d’un troisième avec un morceau d’étoffe, pour l’abriter contre les ardeurs du soleil; je mis un morceau de chemise de toile sur la blessure d’un homme; je dé
boutonnai la tunique d’un autre qui étouffait; je
retirai la bottine du pied blessé d’un autre; je donnai à tous un peu de cognac, puis je m’assis au milieu de mes amis et je causai avec eux.
« Qu’ils étaient reconnaissants! qu’ils étaient polis, au milieu de leurs souffrances, surtout un
pauvre soldat français! Et ce qui me touchait encore davantage, avec quelle tendre bienveillance ils s’aidaient mutuellement, Français et Allemands, tous ensemble !
— Mais, monsieur, me demanda un pauvre soldat français, les Prussiens sont-ils des chrétiens ?
— Certainement, lui dis-je.
— Eh bien ! alors, me dit mon pauvre ami en soupirant profondément (il était grièvement blessé
Parisiens, mes frères, plus de fausse alerte. C’est travailler pour les Prussiens. N’ayez en ce moment d’autre cauchemar que celui de l’inva
sion. Montrons contre l’ennemi l’unité d’action que l’ennemi montre contre nous.
C’est l’unique moyen d’en venir à bout.
Les Prussiens.
Toujours les Prussiens! Comment en serait-il autrement? Le bruit des armées prussiennes est aujourd’hui l’accompagnement obligé du belliqueux orchestre que nous entendons à Pans.
Les voici à Reims, à Laon, à Montmirail. Trois armées de front !
Et les trembleurs vous glissent dans le tuyau de l’oreille : — « Savez-vous qu’ils ont en main une force colossale? Savez-vous que cette force
est d’une cohésion qui double sa valeur? Savezvous qu’ils se vantent de pouvoir enfermer Paris, à dix lieues à la ronde, dans un cercle infranchissable d’un million d’hommes? »
A quoi il faut répondre : — « C’est à nous de faire ce que faisaient les Romains, qui n’hésitaient pas à s’approprier les procédés des barbares qui leur paraissaient bons.
« Les Prussiens sont patriotes, unis, disciplinés. Soyons patriotes, unis, disciplinés, et nous aurons raison de leurs armées.
» Que prouve la victoire de cette première campagne? Une seule chose : c’est que les généraux prussiens ont su constamment appliquer l’apho
risme de guerre qui dit : Tout l’art de la guerre consiste à se montrer le plus fort sur un point donné.
» Au nombre opposons le nombre : et la balance se rétablira en notre faveur.
» Démosthènes disait : L’action, l’action, l’action! Disons, nous : Le nombre, le nombre, le nombre ! Tout est là!
Dimanche 11 septembre
Ambulances et blessés.
Un souvenir à ceux qui tombent.
L’ambulance est aujourd’hui l’un des grands devoirs imposés à notre patriotisme : et plus la lutte devient effroyable, plus ce devoir devient impérieux.
Paris n’y faillira pas.
L’ambulance montre son drapeau dans tous les quartiers, et nous le voyons flotter triomphalement au dôme des Tuileries.
Eh! mon Dieu, oui. Une pensée pieuse a consacré au traitement de nos blessés le palais doré de
celui qui a mis la France à deux doigts de sa perte. En 1848, les envahisseurs des Tuileries vou
laient en faire un Hôtel pour les Invalides civils. En 1870, nous en faisons une ambulance.
En ce moment, on ne pouvait mieux faire.
Le jour où l’on a hissé le drapeau de la société générale de secours, un garde national s’est écrié :
— Voilà tout ce que le locataire de ce palais nous a laissé, une infirmerie !
Nous ne voulons pas étaler ici le douloureux tableau des membres coupés et des plaies béantes.
S’il faut aux blessés des chirurgiens, il faut au pays des Tyrtées qui le poussent à la bataille. Mais nous ne pouvons nous dispenser, à propos de nos glorieux mutilés, de faire un suprême appel à cette pitié française, qui a toujours tendu la main à toutes les infortunes.
Sachons mesurer notre fraternité à nos souffrances, et n’irnitons pas ce général du bon vieux temps qui, apprenant qu’un brave de son armée
venait d’avoir les deux bras emportés, lui fît tout simplement remettre une pièce de monnaie. Ce qui fit dire au brave soldat manchot :
— Le général croit sans doute que je n’ai perdu que ma paire de gants !
Donnons des deux mains, donnons tous les jours, donnons sans compter; nous donnerons
moins encore que ceux qui ont donné leur sang ! 1
Les on dit.
Nous n’avons pas la prétention d’énumérer tous les on dit qui passent. Autant compter les feuilles qui tombent. Ne mentionnons que les bruits sérieux.
On dit que les puissances, décidées à s’opposer à l’omnipotence de la Prusse, négocient très-activement les moyens de conclure la paix.
On dit que le Czar aurait écrit au roi Guillaume : — « Mon cher oncle, je désire la paix- Trois cent mille hommes de mon armee attendent votre réponse, derrière la Vistule. »
On dit que l’Autriche, qui n’attendait pour se prononcer qu’à connaître les résolutions de la Russie, mettrait trois cent nulle hommes à notre disposition, à la condition d’émettre un emprunt en France.
On dit quéle prince de Saxe se serait écrié, au bruit de nos derniers coups de canon : — « Ce sont les derniers soupirs delà grande nation! » — Et un journaliste a répondu avec raison : « Le prince confond l’Empire avec la France. »
On dit. enfin, que les États-Unis nous expédient trois cent mille fusils, et que dix mille volontaires américains viennent sceller de leur sang l’étroite union des deux républiques sœurs.
En effet, ces deux mots, États-Unis d’Amérique, États-Unis d’Europe, ne montrent-ils pas l idéal politique .du siècle ?
Les manifestes.
Les manifestes continuent à se produire.
Nous avons déjà eu le manifeste de la section parisienne de l’Internationale à la démocratie allemande, celui de Victor Hugo aux Allemauds, ce
lui de M. Edgard Quinet à l’Allemagne, et enfin celui de la Ligue internationale de la paix au roi Guillaume.
Que de choses à dire sur ces manifestes! Mais le moment de la critique n’a pas encore sonné. C’est l’heure de l’action, et nous ne devons pas songer à autre chose.
Écoutez ce que dit Victor Hugo aux Allemands :
« Jules Favre vous l’a dit éloquemment, et tous nous vous le répétons : Attendez-vous à une résistance indignée.
« Vous prendrez la forteresse, vous trouverez l’enceinte ; vous prendrez l’enceinte, vous trouve
rez la barricade ; vous prendrez la barricade, et peut-être alors qui sait ce que peut conseiller le
patriotisme en détresse ? vous trouverez l’égoùt miné faisant sauter des rues entières. Vous aurez à accepter cette condamnation terrible : prendre Paris pierre par pierre, y égorger l’Europe sur place, tuer la France en détail, dans chaque rue, dans chaque maison; et cette grande lumière, il faudra l’éteindre âme par âme. Arrêtez-vous.
« Allemands, Paris est redoutable. Soyez pensifs devant Paris. Toutes les transformations lui sont possibles. Ses mollesses vous donnent lamesure de ses énergies; on semblait dormir, on se réveille; on tire l’idée du fourreau comme l’épée, et cette ville, qui était hier Sybaris, peut être demain Saragosse.
« Parvînt-on, ce qui est malaisé, à le démolir matériellement, on le grandirait moralement. En ruinant Paris, vous le sanctifieriez. La dispersion des pierres fera la dispersion des idées. Jetez Paris
aux quatre vents, vous n’arriverez qu’à faire de chaque grain de cette cendre la semence de l’a venir.
« Ce sépulcre criera : Liberté, Égalité, Fraternité ! Paris est ville, mais Paris est âme. Brûlez nos édifices, ce ne sont que nos ossements; leur fumée prendra forme, deviendra énorme et vi
vante, et montera jusqu’au ciel ; et l’on verra à jamais sur l’horizon des peuples, au-dessus de nous, au-dessus de vous, au-dessus de tout et de tous, attestant notre gloire, attestant votre honte, ce grand spectre fait d’ombre et de lumière : Paris. »
Les Teutons, soldats de la force, entendront-ils la voix des Français, soldats de l’idée ? Hélas ! il faut b en le reconnaître. La Prusse ne cédera qu’à
la force, soit à la force de l’armée française, soit à la force de l’intervention européenne.
Les départements.
Les départements vont bien.
Partout les enrôlés s’inscrivent en masses.
Bordeaux, Toulouse, Lyon, Marseille, ont voté un crédit spécial pour les frais de cette levée patriotique.
A Marseille, en deux jours, on a compté 17,000 volontaires.
A Lyon, les engagés s’enrôlent, comme en 93, sur la place publique, au bruit du canon qui tonne de minute en minute.
Des femmes et des jeunes filles se sont enrôlées. La France se lève !
Vite des armes, à l’exercice et au feu ! Lundi 13 septembre.
Laon.
Paris s’éveille, en apprenant que le trait d’héroïsme, déjà raconté la veille par les journaux, est pleinement confirmé.
Le général Théremin du Hame, cédant au vœu des habitants qui ne voulaient pas défendre la ville, a rendu la citadelle aux Prussiens, et au moment où le major prussien, accompagné de ses officiers et d’un bataillon, prenait possession du fort, une détonation épouvantable a fait sauter une partie de la forteresse, l’état-major prussien, les soldats et le général français.
C’est un sergent du génie, seul confident du commandant de la forteresse, qui a mis le feu à la poudrière.
Le général Théremin du Hame, par un prodige inouï, n’a pas péri dans l’explosion. On saura par lui le nom du brave sergent qui s’est immolé pour venger son pays. Le général, grièvement blessé, est gardé à vue à l’hôtel de ville de Laon.
Yoilà l’exemple à suivre!
Et cet exemple est suivi. Voyez les villes de Toul, de Schlestadt, de Metz, de Strasbourg, de Verdun, de Phalsbourg, de Thionville, de Soissons. Le brave commandant Taillant, de Phals
bourg, n’a-t-il pas dit, il y a vingt-cinq jours, que si les Prussiens montaient jamais sur les remparts il se ferait sauter avec eux? Confiance, et raidissons-nous.
La capitulation de Sedan, c’était la chute de l’Empire.
L’explosion vengeresse de Laon, c’est la République qui se lève pour sauver le pays !
Encore Sedan.
Le cœur saigne au souvenir de cette terrible catastrophe. Pauvres soldats! Pauvres nations!
Écoutez ce poignant épisode de ces trois journées, rapporté par un membre du parlement an
glais qui raconte au Times la bataille à laquelle il a assisté.
« C’était affreux de voir tant de douleurs que je pouvais si peu soulager. J’en fis asseoir un, en lui donnant son sac pour oreiller; j’en tournai un autre sur le côté : je couvris la tête d’un troisième avec un morceau d’étoffe, pour l’abriter contre les ardeurs du soleil; je mis un morceau de chemise de toile sur la blessure d’un homme; je dé
boutonnai la tunique d’un autre qui étouffait; je
retirai la bottine du pied blessé d’un autre; je donnai à tous un peu de cognac, puis je m’assis au milieu de mes amis et je causai avec eux.
« Qu’ils étaient reconnaissants! qu’ils étaient polis, au milieu de leurs souffrances, surtout un
pauvre soldat français! Et ce qui me touchait encore davantage, avec quelle tendre bienveillance ils s’aidaient mutuellement, Français et Allemands, tous ensemble !
— Mais, monsieur, me demanda un pauvre soldat français, les Prussiens sont-ils des chrétiens ?
— Certainement, lui dis-je.
— Eh bien ! alors, me dit mon pauvre ami en soupirant profondément (il était grièvement blessé