a été fort contrariée par une brume intense, très gênante pour l’action de notre artillerie.
Le gouverneur a passé la nuit avec les troupes sur le lieu de l’action.
P. O. Le général, chef d’état-major général,
Schmitz.
ATTAQUE DU BOURGET.
Conformément à vos ordres, nous avons attaqué le Bourget ce matin. Le bataillon des marins et le 138°, sous l’énergique direction du capitaine de frégate Lemothe-Tenet, ont enlevé la partie nord du village, en même temps qu’une attaque menée vigoureusement par le général Lavoignet dans la partie sud, se voyait arrêtée, malgré ses efforts,
par de fortes barricades et des murs crénelés qui l’empêchaient de dépasser les premières maisons, dont on s’était emparé.
Pendant près de trois heures, les troupes se sont maintenues dans le nord du Bourget, jusqu’au delà de l’église, luttant pour conquérir les maisons une à une, sous les feux tirés des caves et des fe
nêtres et sous une grêle de projectiles. Elles ont dû se retirer; leur retraite s’est faite avec calme.
Simultanément, une diversion importante était effectuée par les 10, 12, 13 et 14e bataillons des gardes mobiles de la Seine et une partie du 62eba
taillon de la garde nationale mobilisée de Saint- Denis, sous le commandement supérieur du colonel Dautremont.
Enfin, au même moment, le 68e bataillon de la garde nationale mobilisée de Saint-Denis se présentait devant Epinay, tandis que les deux batte
ries flottantes nos 1 et 4 canonnaient le village ainsi qu’Orgemont et le Cygne-d Enghien, qui ripostaient vigoureusement.
Nos pertes sont sérieuses surtout parmi le 134e et le 138e.
Bien que notre but n’ait pas été atteint, je ne saurais assez louer la vaillante énergie dont nos troupes ont fait preuve.
Cent prisonniers prussiens ont été ramenés du Bourget. De La Roncière.
LA VILLE-ÉVRARD.
La nuit dernière, des soldats ennemis, restés dans les caves de Ville-Evrard, ont fait une atta
que sur les postes occupés par les troupes; nos hommes, ayant riposté vigoureusement, ont tué ou fait prisonniers la plus grande partie des as
saillants; malheureusement le général Biaise, qui s’était porté en toute hâte à la tête de ses troupes, a été mortellement atteint. Il est l’objet des plus vifs regrets dans la brigade qu’il commandait de
puis le commencement du siège, et l’armée perd en lui un de ses chefs les plus vigoureux.
Les pertes de l’ennemi ont été des plus sérieuses aux affaires d’hier; elles sont confirmées par les prisonniers qui ont été faits sur les différents points.
Par ordre :


Le général chef d’état-major général,


Schmitz. LA MAISON-BLANCHE.
12 heures 35 m.
Pour occuper la Maison-Blanche le 21, j’avais prescrit de pratiquer plusieurs brèches dans le mur du parc, pour nous y introduire. Depuis lors, l’ennemi a constamment envoyé ses tirail
leurs pour inquiéter nos avant-postes. J’ai donc prescrit d’abattre en entier le restant du mur qui nous fait face. Cette opération, dirigée par le gé
néral d’Hugues, s’est faite ce matin et s’achève en ce moment.
Nos troupes ont chassé du parc un bataillon du 106e régiment, 6e saxon, qui s’y était établi, et nos canons ont protégé le travail contre les troupes ennemies qui semblaient vouloir s’y opposer,
Nous avons peu de pertes. Je vous enverrai un rapport aussitôt que possible. Pour copie conforme :
Le ministre de l’intérieur par intérim,
Jules Favre. LE BOMBARDEMENT.
27 décembre, matin.
L’ennemi a démasqué ce matin des batteries de siège contre les forts de l’Est, de Noisy à Nogent,
et contre la partie nord du plateau d’Avron. Ces batteries se composent de pièces à longue portée.
En ce moment, 11 heures, le feu est très-vif contre les points indiqués, et, comme cette canon
nade pourrait être le prélude d’un bombardement général de nos forts, toutes les dispositions sont prises dans le but de repousser les attaques et de protéger les défenseurs.
Cette nuit, on a entendu du Mont-Valériendeux fortes détonations qui peuvent donner à penser que l’ennemi a fait sauter le pont du chemin de fer de Rouen. Le fait sera vérifié dans la journée.
Dès ce matin l ennemi a fait sauter la Gare-aux- Bœufs de Choisy.
Cet ensemble de faits tendrait à prouver que l’ennemi fatigué d’une résistance de plus de cent jours, se dispose à employer contre nous les moyens d’attaque à grande distance qu’il a depuis longtemps rassemblés.
27 décembre, soir.
L’ennemi a établi trois batteries de gros calibre an-dessus de la route de l’Ermitage, au Raincy;
trois batteries à Gagny, trois batteries à Noisy-le- Grand, trois batteries au pont de Gournay.
Le feu a.été engagé dès le matin, avec la plus grande violence; il était dirigé sur les forts de Noisy, de Rosny, de Nogent et sur les positions d’Avron.
Tout le monde s’est tenu ferme à son poste, sauf quelques hommes qui ont quitté les tranchées dès le début et qui y ont été ramenés, pour y passer la nuit, par ordre du général Vinoy.
Ce combat d’artillerie a duré jusqu’à cinq heures, entretenu plus ou moins activement. Nos pertes s’élèvent à environ huit tués et cinquante blessés, dont quatre officiers de marine,
Au fort de Noisy, il n’y a eu aucun homme atteint; deux hommes au fort de Rosny et trois à celui de Nogent ont été blessés.
En résumé, cette première journée de bombardement partiel contre nos avancées et nos forts, avec des moyens dont la puissance est considérable, n’a pas répondu à l’attente de l’ennemi.
Notre feu très-vif a dû lui faire éprouver des pertes sérieuses sur les points les plus à portée du plateau.
Le gouverneur de Paris.
Par ordre : Le général chef d état-major général,
SCHMITZ.
Voici la liste des officiers tués ou blessés à l’attaque du plateau d’Avron dans la journée du 27 décembre.
OFFICIERS TUÉS.
6e bataillon de mobiles de la Seine : Berthier, capitaine adjudant-major; Dufour, capitaine; Bury, sous-lieutenant; Gros, aumônier.
OFFICIERS BLESSÉS.
Infanterie de marine : Gilot, capitaine; Escande, capitaine; Lemanille, sous-lieutenant.
Enseignes de vaisseau : de Larturière, de Bourmont, Gelly.
Lieutenants de vaisseau : Labarthe, Ardisson.
6e bataillon de mobiles de la Seine : Heintzler, chef de bataillon; Fourcade officier payeur.
7e bataillon de mobiles de la Seine : de Venel, capitaine.
Corps d’artillerie des mitrailleuses : Ravanier, capitaine.
24e régiment de Paris : Leclere, sous-lieutenant. Le général chef d état-major général,
Sch.mitz.
LA BATAILLE DU 21 DÉCEMBRE


AU BOURGET


Le 21 décembre restera comme une date militaire dans l’histoire du siège de Paris. Les portes de la ville étaient fermées depuis lundi 19. Dans
la nuit du mardi au mercredi, tandis que le canon’ des forts tonnait, on battait le rappel dans les rues et les bataillons de marche de la garde na
tionale allaient prendre, au dehors, leurs postes de bataille. Au petit jour, les voitures d’ambu
lance, massées à l’angle de la rue de Flandre et du canal de l’Ourcq, partaient, en suivant la route de Flandre, pour un des lieux du combat. L’action était déjà engagée, du Mont-Valérien à Nogent,
avec Stains, le Bourget, Drancy, Bondv, Neuillysur-Marne et la Ville-Evrard pour points princi
paux. Le général Ducrot commandait à Drancy et Vinoy du côté de la Marne. Le gouverneur dirigeait l’ensemble des opérations.
On a peu parlé, dans les relations de cette journée, de l’attaque de Stains, faite bravement à la baïonnette par les mobiles de la Seine, qu’on lan
çait contre des murailles. Là, comme au Bourget, l’artillerie canonna pendant trop peu de temps: Le Bourget était attaqué, à six heures du matin, sur sa droite, par un bataillon de marins, renfor
cés d’un détachement du 138e de ligne, et, de face,
par le 134e, précédé des francs-tireurs de la presse. Les marins ont bientôt enlevé le cimetière, et, la carabine en bandoulière, la hache à la main, ils se lancent sur les maisons comme à l’abordage.
Tandis que quelques-uns d’entre eux emmènent au fort les prisonniers de la garde royale prus
sienne qu’ils viennent de faire, les autres poursui
vent de rue en rue les Prussiens jusque près de l’église, au centre même du village. Il fallait que l’attaque, dirigée au même moment par la route dite de Lille, et qui va d’Aubervilliers au Bourget, aboutît, pour que ces braves matelots arrivassent à se maintenir dans les maisons conquises. Mal
heureusement, les francs-tireurs de la presse et le 134e, fusillés du haut des maisons et du fond des caves, après avoir traversé le chemin de fer, em
porté les premières maisons et pénétré dans la Grande rue, avaient dû se replier sous une pluie de feu, de balles et de boulets. C’est alors qu’on fit venir l’artillerie de réserve. Placées à gauche de la route, en avant de la fabrique démolie où l’on avait transporté les premiers blessés, et à peu près à la hauteur de la Suiferie, nos batteries ou
vrent sur le Bourget un feu terrible, et ses obus vont tomber derrière la muraille blanche contre laquelle sont venus se heurter nos soldats, et dans le parc où l’ennemi a établi, lui aussi, ses batte
ries. L’objectif de nos artilleurs est en même temps l’église. Nous étions là, dans cette atmosphère chaude et rouge, les yeux sur le Bourget, où chaque coup de canon crevassait une muraille et peut-être tuait un homme. De temps à autre, les Prussiens répondaient, moins pressés dans leur tir, et leurs canons rendaient un son plus sourd que nos pièces au bruit tonnant, franc et sec. Der
rière la Suiferie, les mobiles, massés, étaient prêts à marcher. Les drapeaux des ambulances de la presse flottaient dans la fumée. Les chirurgiens, les aides, les frères de la Doctrine chrétienne allaient ramasser les blessés jusque sous les balles.
C’est à l’endroit même où j’étais que deux de ces humbles et braves frères tombèrent frappés, l’un en pleine poitrine, tué sur le coup, l’autre, grièvement blessé en transportant des combattants sur leur brancard. Ce sont eux, ces bran
cardiers en soutanes, qui font maintenant tout le service des ambulances de la presse, et reconnais
sons que ce service est fait excellemment. Il faut bien dire ce qu’on voit. Il y a du soldat dans cha
cun de ces frères, qui vont au feu, disciplinés, doucement et sans hésiter. Pour toute défense, pour toute arme, ils portent devant eux le drapeau de la convention de Genève, et, s’ils se baissent sous les coups de feu, ce n’est pas pour saluer les balles, mais pour relever les mourants.