peuple français, dans laquelle il déclarait, à peu près, qu’étant un parvenu, il pouvait bien, quoique souverain, épouser qui bon lui semblait.
M. Troplong, après avoir lu cette bizarre déclaration, se laissa aller à dire devant plusieurs de ses amis, — ou soi-disant tels :
— La sauce fait passer le poisson !
Quelques semaines après le mariage, à un dîner de gala, M. Troplong se trouvait presque en face de l’empereur.
On servit un magnifique turbot; chacun de se récrier, M. Troplong comme les autres, sur l’ap
parence exquise de ce poisson, et l’empereur de dire à son vis-à-vis avec un sourire fauve :
— La sauce n’aura pas besoin de faire passer le poisson, n’est-ce pas?...
M. Troplong devint pâle comme une sauce aux câpres, et faillit se trouver mal de saisissement et de terreur.
Justice, droit, magistrature, relevez-vous de cet abaissement!
Lundi 3 octobre.
Les subsistances.
Paris assiégé commence à compter les rations de pain et les rations de viande qu’il a sous la main, et l’imagination s ingénie à trouver les moyens d’arriver au miracle de la multiplication des pains.
Au moment de l’investissement, les greniers d abondance renfermaient 400,000 quintaux de farine et 100,000 quintaux de blé; on peut admettre que l’approvisionnemënt privé atteignait le quart de ce chiffre.
_Eh bien ! c’est avec cet approvisionnement que l’Académie des sciences, d’un côté, le comité des subsistances de l’autre, voudraient augmenter ces ressources d’un cinquième et même d’un quart. Comment ? Oh ! les moyens sont nom
breux. Les uns proposent un nouveau système de mouture ; les autres suppriment la mouture et veulent faire manger le blé simplement écrasé, à la manière des anciens.
La discussion est bonne et nécessaire, mais :la pratique est encore meilleure. Concluons en pre
nant une mesure qui fasse durer nos ressources. C’est maintenant surtout que pour faire de la politique il faut prévoir.
Le pain est toujours aussi abondant que par le passé ; mais la viande, sans nous manquer, a dé
jà dû voir son débit réglementé. Tant de bœufs et tant de moutons par jour ! Pour en avoir, les ménagères se lèvent à trois heures du matin pour faire queue à la porte des boucheries. Et bien souvent, hélas ! pour revenir le panier vide !
Tout le monde ne peut donc avoir du bœuf ou du mouton, et ma foi ! suivant le proverbe, faute de grives on mange des merles. Paris, privé de bœuf, s’est tourné courageusement du côté du cheval.
Les chevarx sont pour rien. Mieux vaut les abandonner que les nourrir. Les fourrages sont trop chers. Allez au marché aux chevaux et l’on vous proposera un bel attelage pour cent sous.
Des maquignons ne pouvant vendre leurs bêtes les abandonnent sur le marché.
Aussi l’abattoir des chevaux est-il abondammen t pourvu. Dans les premiers jours du siège on en tuait de 10 à 20 par jour. On en tue aujourd’hui 275. Demain, on en tuera 300. Et tout cela se dé
bite. On voit même des boutiques de viande de cheval en plein vent, sur les places publiques.
— Allons ! messieurs, mesdames ! La viande à bon marché ! A trois sous le beefsteak!
La foule s’y porte si bien, et le prix monte si haut que le gouvernement va taxer la viande de cheval.
Les membres de la commission centrale d’hygiène et de salubrité ont dîné, ces jours derniers, et voici quel était le menu du banquet :
Croûte au pot au consommé de cheval. Cheval bouilli garni de choux. Culotte de cheval à la mode. Côte de cheval braisée. Filet de cheval rôti.
Bœuf et cheval salés froids.
Vous voyez que Paris se fait à tout. Nous ne sommes peut-être pas au bout. Deux gardes na
tionaux montaient la garde. Un rat vient à sortir de l’égout. Une des deux baïonnettes s’abaisse.
L’autre garde national la relève en disant : — Que faites-vous, malheureux? Respect au beefsteak de l’avenir !
Mardi 4 octobre.


Que fait-on à Tours?


Depuis deux jours, c’est la question posée partout,.et les nouvelles les plus contradictoires se croisent de tous côtés.


Les uns parlent de victoires.


Les autres parlent de défaites.
Le gouvernement a déclaré qu’il avait reçu une estafette. Que dit cette estafette ?
C’est le cri de l’opinion, et Paris aujourd’hui peut tout apprendre.
L’attaque et la défense.
Que penser des Prussiens ? Il est assez difficile de se faire une opinion. Interrogé par la reine Victoria, le roi Guillaume aurait répondu, dit-on, qu’il épargnerait la belle ville de Paris.
De son côté, M. de Bismark, consulté par le corps diplomatique resté à Paris pour connaître le jour du bombardement, aurait dit qu’il ne fal
lait pas s’en préoccuper et que, connaissant les ressources alimentaires de Paris, il pouvait attendre jusque-là.
On voudrait donc prendre Paris par la famine. A Paris de répondre. Nos forts et nos soldats
ont déjà reculé la ligne d’investissement. Il faut maintenant la briser.
Mercredi 5 octobre.
Encoie des manifestations.
Nous disons encore, parce qu’en présence d’une invasion qui ressemble au déluge, toute mani
festation représente pour nous une force et une valeur perdues. Dans un ouragan, voyez-vous l’équipage délibérer sur le commandement du navire et sur la manière de combattre les vagues mugissantes ?
Aujourd’hui, c’est M. Gustave Flourens qui vient, à la tête des bataillons de Beileville et de Ménilmontant, demander des chassepots, pour faire des sorties, et chacun sait que le gouvernement n’en a plus.
C’est M. Ledru-Roilin, qui s’obtine à demander l’élection d’une Commune de cent-quatre-vingts membres, pour faire de la Commune de Paris le gouvernement de la France.
Il n’y a, pour faire disparaître ces réclamations assourdissantes, qu’à donner à toutes les personnalités en relief un poste de combat aux premières lignes.
Que MM. Ledru-Rollin, Victor Hugo, Louis Blanc, Edgar Quinet, Blanqui, Félix Pyat, Deles. cluze, Millière et Flourens se partagent les dé
partements pour en faire sortir, comme d’un volcan, des laves dévorantes, et les Prussiens ne tarderont pas à demander grâce.
Le feu de ros forts.
Saint-Denis a détruit les batteries de la butte Pinson.
Le Mont-Valérien a détruit les batteries prussiennes de Saint-Cloud et de Rueil.
Nos canonnières ont détruit les batteries de Meudon.
Que pensent aujourd’hui les Prussiens de notre artillerie et de nos artilleurs ?
Jeudi 6 octobre.
Un vieux journal.
Qu’on ne médise plus des vieux journaux! Une feuille depuis longtemps oubliée de la ville qui l’a publiée, un vieux numéro du Journal de Rouen vient de répandre l’allégresse dans tout Paris.
Ce numéro du journal de Rouen, du 30 septem
bre, publié par le Gaulois, a donné à Paris affamé j de nouvelles une poignée d’informations précieuses. En voici le résumé :
L’armée de la Loire, insuffisante pour prendre l offensive, s’est repliée en laissant les Prussiens entrer à Orléans.
La délégation de Tours a décrété la levée en masse.
Si l’ennemi poursuit sa marche, la délégation se retirera à Bordeaux.
Les communes, les villes, les départements sont animés du même patriotisme que Paris.
Donc les départements ont la même politique, les mêmes vœux, le même élan qu’à Paris, et cette unanimité est un gage de succès.
M. Thiers est arrivé de Saint-Pétersbourg. Quelle réponse apporte-t-il? Nous ne la connais
sons pas. Mais la conduite de la Prusse la fait pressentir. M. de Bismark aurait-il cette arro
gance, s’il n’était pas sûr de l’assentiment de Saint-Pétersbourg? Les nouvelles de la Turquie sont pour nous un éclair dans l’horizon ténébreux de la politique du Nord. Les populations chré
tiennes de la Turquie se soulèvent et la Russie vole à leur secours. Ne serait-ce pas là l’indice d’une entente secrète entre les deux cabinets de Berlin et de Saint-Pétersbourg? Liberté pour vous,
et liberté pour moi, aura dit M. de Bismark. Et pour donner le change à notre gouvernement,
l’empereur Alexandre recevait en favori notre ambassadeur le général Fleury, et l’invitait à ses chasses à l’ours, en le faisant voyager sur un traî
neau à une seule place, sur une seule fesse, ce qui est le comble de la faveur, disait M. de Verdière, le secrétaire intime de notre ambassadeur.
Pauvre gouvernement ! Pauvre France ! Nouvelles particulières :


— Les achats d’armes se continuent sur la plus grande échelle en Angleterre.


— M. de Girardin publie à Limoges un excellent article sur ces deux questions : Où est le péril ? Où serait le salut ?
— Les conseils municipaux et les conseils généraux votent avec empressement les sommes nécessaires à l’organisation de la résistance.
Dernières nouvelles.
Une dépêche de M. Glais-Bizoin de ce jour, affichée par le ministère, confirme les heureuses informations données par le Journal de Rouen. La voici :
« La province se lève et se met en mouvement. « Les départements s’organisent.
« Tous les hommes valides accourent au cri : Ni un pouce de terrain, ni une pierre de nos forteresses ; sus à l ennemi ; guerre à outrance !
Signé : Glais-Bizoin.
Courage et bon espoir ! Quand les patriotes se lèvent, les Hoche et.les Marceau ne tardent pas à surgir !
Henri Gozic.
EN VENTE
au bureau de L’ILLUSTRATION, G0, rue richelieu
Et chez tous les Libraires.
CARTE DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE
M. le ministre de la guerre, dans un but tout patriotique, a décidé que, pendant toute la durée du siège, la carte du département de la Seine, dressée par MM. les officiers d’état-major, dont le prix était de six francs, serait vendue 1 fr. 50 les deux feuilles.
Cette carte se Louve à la librairie militaire de J. Dumaine, rue et passage Dauphine, n 30.
PLAN GENERAL
DES
ENVIRONSDE
PARIS
POUR SUIVRE LES OPÉRATIONS DU SIÈGE


Prix de la Carte, coloriée : 4© centimes.


Aug. Marc, directeur-gérant.
Paris. — lmp. de i Illustration, A. Marc, r. de Verneuii, 22.