SOMMAIRE.
Texte: Bevue politique de la semaine. — Proclamation de Gambetta. — Actes du Gouvernenement de la défense. — Rapport sur l’ensemble des travaux accomplis. — Mort du com
mandant de Dampierre. — Incendie de Saint-Cloud. — Le
combat de Cagneux. — Mort du commandant de Dampierre. — — Les prisonniers prussiens — Courrier de Paris. — Les papiers des Tuileries.
Gravures : Incendie du château de Saint-Cloud. — La batterie de Montmartre. — Une reconnaissance de francs-tireurs, aux Moulineaux. — Atfaire de Cagneux, arrivée du général Trochu
sur le champ de bataille; — Vue générale des hauteurs de Chatillon à Chevigny pendant l’action. — Mort du commandant de Dampierre. — Arrivée dans Paris d un groupe de prison
niers allemands, après l’affaire de Cagneux. — La guerre: études rétrospectives: un pansement; — Le transport des morts ; — Ambulance établie dans l’église de Mouzon, après Sedan. — L ambulance américaine dans l’avenue Ulirich. — Rébus.
prise de Paris par les Prussiens, — et ils ne prendront pas Paris, — ou après la défaite de l’armée prussienne. Mais cette défaite, qui est certaine dans un temps donné, n’a pas eu lieu encoie, et jusque-là, il n’y a plus de conférence possible entre nous et le roi Guillaume que le fusil à la main, sur le champ de bataille.
Cette cruelle nécessité vient d’être mise encore une fois en pleine lumière parles deux circulaires,
l’une do M. de Bismark et l’autre de M. Jules Favre, publiées par le Journal officiel. Le premier
ministre du roi Guillaume n’a pas voulu rester sous le coup de l’admirable rapport publié par notre ministre des affaires étangères, apris l’entrevue de Ferrières. Il a donc envoyé aux repré
sentants de la Prusse à l’étranger une circulaire qui n’a pu atténuer en rien l’effet produit par le patriotique récit de M. Jules Favre. Le langage du chancelier de la Confédération du Nord res
semble au plaidoyer de l’avocat réduit à défendre les circonstances atténuantes.
La réponse de M. Jules Favre, aussi élevée, aussi éloquente que le rapport qui l’a précédée,
fait justice des misérables subterfuges de M. de Bismark. Après avoir demandé le démembrement,
M. de Bismark vise aujourd’hui à l’anéantissement de la France. Et dans ces conditions, M. Jules Favre a mille fois raison de proclamer qu’il pré
fère la situation de la France à la situation de la Prusse.
A Paris maintenant, grâce au sens politique de l’immense majorité de la population, nous n’avons plus à redouter les divisions intestines sur les. quelles a faussement compté M. de Bismark, et nous n’avons plus qu’à donner toute notre attention aux questions qui intéressent la défense.
Ces questions, le gouvernement seul peut les juger en dernier ressort, parce que seul il possède la connaissance complète de tous, les éléments de la défense, soit qn’il s’agisse d’opérations offensives ou d’opérations défensives. Cependant les citoyens, par cela même que, reconnaissant les nécessités de la guerre, ils abandonnent à l’autorité militaire le dernier mot dans la direction, ont le droit et le devoir de venir en aide à l’action de l’autorité
par le conseil et par la critique. A cette heure, la question de la défense de Paris se présente sous deux aspects : 1° celui de la défense proprement dite, c’est-à-dire des mesures ayant pour objet de rendre impossible l’envahissement de Paris par une adtaque de vive force; 2° celui de la défense extérieure à l’enceinte, de la défense ayant pour objet de rompre les lignes d’investissement.
Eli ce qui concerne la défense intérieure, il n’v a qu’une voix pour louer ce qui a été fait par l’autorité militaire depuis un mois. Des travaux considérables ont été êxécutés avec intelligence èt activité, et la population parisienne, qui a pu se rendre compte de visu de ces travaux, en comprend tellement l’heureuse disposition, qu’elle désire presque voir l’ennemi tenter une attaque, dont l’insuccès est certain.
En ce qui concerne la défense extérieure, ce qu’on peut appeler la défense offensive, nous n’a­
vons pas trouvé jusqu’à présent la même unanimité dans l approbation. On a discuté bruyamment la nécessité de faire de nombreuses et fortes sorties, l urgence de fabriquer des canons. Toutes ces dis
cussions s’effacent devant la lettre que le général Trochu vient d’écrire au maire de Paris, au sujet de la mobilisation d’une partie de la garde nationale.
Nous publions aux Actes du gouvernement l’organisation de cette nouvelle troupe, qui ajoute à nos armées un renfort de quarante mille hommes.
Mais pour répondre aux vives discussions qui sc reproduisent tous les jours au sujet de l’offensive à prendre, nous croyons devoir mentionner ici un paragraphe de la lettre du général, qui mérite assurément de fixer notre attention.
« Le Gouvernement de la défense nationale no peut qu’encourager cet élan de la population, mais c’est au commandant en chef qu’il appartient de le diriger, parce que à ce droit se rattachent pour lui des responsabilités infinies.
« A ce titre, il est tenu de ne se laisser conseil
1er que par les règles de l’expérience générale d la guerre et par celles de l expérience spéciale que nous devons aux douloureux événements qui ont accablé l’armée du Rhin. Elles démontrent qu’aucune infanterie, si solide qu’elle soit, ne peut être engagée avec sécurité devant l’armée prus
sienne, que si elle est accompagnée d’une artille
rie proportionnée à celle dont l’ennemi dispose, et c’est à former cette artillerie que j’applique tous mes soins. En second lieu, nos fusils à percussion sont d’excellentes armes derrière un rem
part, alors qu’il ne s’agit pas de tirer vite. Mais une troupe qui s’engagerait avec de telles armes contre une autre munie de fusils à tir rapide, s’exposerait à un désastre que ni la bravoure ni la supériorité morale ne sauraient conjurer.
« Pour l’appel fait au patriotisme des compagnies destinées à un service extérieur, le Gouvernement ne peut s’adresser exclusivement aux ba
taillons pourvus d’armes à tir rapide. De là résulte la nécessité absolue d’un échange d’armes à l’a­
miable, opéré par les soins du maire de chaque arrondissement, de telle sorte que les volontaires destinés à un service de guerre soient armés des meilleurs fusils de leur bataillon. »
La conclusion est facile à tirer. Nous ne prendrons sérieusement l’offensive que le jour où notre artillerie sera de force à lutter avantageusement avec l’artillerie prussienne, et le Gouvernement,
par une déclaration formelle, nous a dernièrement annoncé que nous ne tarderions pas à recevoir des fournitures importantes..
La situation, à Paris, est donc favorable; dans les départements, le nouveau ministre de la guerre, M. Gambetta, peut mettre en ligne des forces considérables. Sur 400,000 mobiles, 120,000 sont à Paris, 80,000 peut-être sont dispersés dans les départements envahis, dans quelques garnisons ; restent encore 200,000 mobiles à concentrer.
Sur le contingent de 1870, présentant 320,000 inscrits, 200,000 sont aptes au service. Le ministre peut les appeler immédiatement aux chefs-lieux de département, pour les diriger sur les dépôts les plus rapprochés.
La loi soumet à l’appel sous le drapeau les célibataires de 25 à 35 ans. M. Gambetta n’hésitera pas sans doute à procéder sans plus de delai à l’exécution de la loi. Les hommes de cette classe fourniront 200,000 gardes nationaux mobilisables.
Enfin, le contingent de 1871, quand on l’appellera, donnera 200,000 jeunes soldats.
Yoilà donc 600,000 hommes, sans avoir recours à la levée en masse, que nous pouvons opposer à l’invasion. L’exemple des mobiles de Paris vient
de prouver qu’en un mois la France peut foi-mer d’excellents soldats.
Le Journal officiel publie une lettre adressée par le ministre de l’instruction publique au maire de Paris. Elle a pour objet de provoquer la fondation immédiate, à Paris, d’une école normale primaire pour les instituteurs et d’une école normale primaire pour les institutrices.
L’éducation, en vue de former une nation d’hommes libres, doit être, en effet, radicalement
différente de celle qui se proposait uniquement d’élever un peuple de rhéteurs et de courtisans. Nous reviendrons sur cette question capitale, quand la préoccupation suprême du moment, la présence de l’ennemi sur le sol national, aura disparu.
Après son voyage à Londres et à Saint-Pétersbourg, M. Thiers doit être de retour de Vienne. C’est assurément là que notre représentant peut trouver les dispositions les plus favorables; car en admettant la Prusse victorieuse, on se demande en vain ce que pourrait faire l’Autriche pour dis
puter à sa rivale omnipotente le lambeau de la partie allemande de son empire. Le cabinet de Vienne ne voit-il pas que les souverains de l’Alle
magne du Sud sont invités à se rendre au quartier général, devant Paris, pour discuter de leur réunion avec la Confédération du Nord
Laissez faire la Prusse, et la région allemande’ de l’Autriche sera bien vite entraînée avec les autres États encore libres de l’Allemagne dans cette vaste
Enregistrons tout d’abord, avec une joie sincère, les nouvelles rassurantes publiées par le Journal officiel.
Les deux armées du Rhône et de la Loire, après les deux combats livrés à Toury et à Darthenay, au
raient forcé l’armée prussienne à battre en retraite et à quitter Orléans.
L’armée du général Bazaine, d’après l’aveu des télégrammes prussiens, continuerait à livrer sous Metz des engagements importants à l’ennemi.
La nomination de M. Gambetta comme ministre de la guerre va donner aux opérations de la guerre une impulsion plus rapide et plus vigoureuse.
L’arrivée de Garibaldi, dont le nom est un drapeau et dont le concours sera pour nos volontaires et nos corps francs une espérance et un encouragement.
Enfin, toutes les nouvelles qui nous arrivent prouvent que si l’invasion s’étend dans les départe
ments environnants, elles prouvent également que la résistance se généralise et s’accentue de jour en jour. Partout, à Clierizv, à Dreux, à Nonancourt, à Saint-Quentin, à Reims, dans toutes les Vosges, en un mot partout où se montre l’en
nemi, le tocsin sonne, la garde nationale prend les armes et l’on résiste aux envahisseurs. Ce mouvement n’est-il pas le gage assuré de notre délivrance ?
Quant aux propositions d’armistice annoncées avec tant d’assurance par la Vérité, le Journal offi
ciel lui a opposé le démenti le plus formel, en donnant sur ce point des explications circonstanciées.
« Un général américain, dit-il, dont le nom est entouré d’une légitime illustration, M. Burnside, est, il est vrai, venu à Paris le 3 octobre dernier.
« M. Burnside n’avait aucune qualité officielle, et c’était de son propre mouvement, obéissant à une impulsion généreuse, dont nous lui sommes reconnaissants, qu’il venait, sans aucun mandat, essayer un rapprochement entre les belligérants. C’est dans ces termes que s’est échangée la conversation, et nous prenons la liberté de faire ob
server que de tels entretiens, dénués de caractère officiel, ne pourraient, sans de très-graves inconvénients, appartenir de droit au public.
« M. Burnside n’était porteur d’aucune lettre de M. de Bismark, n’était chargé d’aucune parole. Seulement, il est résulté de la conversation que les vues du chancelier de la Confédération du Nord étaient restées les mêmes qu’à Ferrières ; et que s’il regardait un armistice comme réalisable pour la convocation d’une assemblée, il ne l’accorderait effectif que pendant une durée de qua
rante-huit heures; il refuserait d’y comprendr Metz ; il repousserait tout ravitaillement; il ex
durait de l’élection nos braves et malheureuj compatriotes de l’Alsace et de la Lorraine. »
Ilest clair qn’après l’entrevue de M. Jules Favre et de M. de Bismark, des négociations ne peuvent avoir lieu entre la France et la Prusse qu’après la